Citations de Jacques Godbout (44)
Ce qu'il y a de plus profond en Californie, ce sont piscines, croyez-moi.
J'étais venu en Californie pour réfléchir au soleil. On m'a mis à l ombre.
Stie, j'ai de la fièvre. Je vais aller me coucher. Je me sens tout en guenille, comme du linge sur la corde à sécher. Ce doit être d'écrire, c'est comme de trop lire, c'est mauvais pour les yeux, quand on n'a pas fini de digérer.
J'envisage un projet d'envergure nationale, non mais c'est vrai ! nous devons, nous, Canadiens français, reconquérir notre pays par l'économie ; c'est René Lévesque qui l'a dit. Alors, pourquoi pas par le commerce des hot dogs ? Business is business. Il n'y a pas de sot métier, il n'y a que de sots clients. Je ne suis pas séparatiste, mais si je pouvais leur rentrer dans le corps aux Anglais, avec mes saucisses, ça me soulagerait d'autant.
C'est toujours bon de vérifier si l'instruction que l'on a reçue peut être utilisable. Pour ma part, celle que j'ai subie ne valait même pas le déplacement à bicyclette. Je l'ai vérifié en cherchant du travail, en regardant autour de moi, en tentant d'être heureux.
Un homme doit faire ce qu'il pense ; s'il croit qu'il a raison, il ne peut pas passer sa vie à écouter son oncle, sa femme, ses amis, le journal ou même la télévision. Moi, quand on insiste pour me donner un conseil, j'écoute et puis après j'en donne un moi-même. ça fait que je suis quitte : pas de dettes, pas de listen-now-pray-later, c'est trop facile s'appuyer sur les autres, un jour on se retrouve devant un champ de béquilles.
Je sais bien que de deux choses l'une : ou tu vis, ou tu écris. Moi je veux vécrire. L'avantage, quand tu vécris, c'est que c'est toi le patron, tu te mets en chômage quand ça te plaît, tu te réembauches, tu élimines les pensées tristes ou tu t'y complais, tu te laisses mourir de faim ou tu te payes de mots, mais c'est voulu. Les mots, de toute manière, valent plus que toutes les monnaies.
Ça fait riche, un saule pleureur, ça fait grande propriété; il me manque un garde-chasse, une forêt, un pavillon, un intendant, deux bonnes, un cuisinier, un jardinier aussi; si je lui coupais les branches il cesserait de pleurer, j'en ferais un saule étêté entêté, un saule à tête dure, un saule de Galarneau.
(...) j'en connais seulement deux Français de France, qui ont acheté des maisons ici, dans l'île, et quand ils viennent chercher au stand un « cornet » de frites, je leur vends un casseau de patates comme à tout le monde. (...) Ils sont difficiles, c'est vrai, mais ils parlent bien, ils ont un accent qui shine comme des salières de nickel. Ça se mettrait sur la table à Noël, un accent comme ça, entre deux chandeliers.
Une femme enceinte ça s'épouse, je connaissais mon devoir, mais une femme engrossée qui n'avait pas plus de bébé au ventre que moi de Rolls Royce au garage, ça m'a coupé les liens du mariage à ras de la sainte table.
Il m'apporte chaque fois qu'il vient un livre à lire, je n'ai même pas pu terminer le dernier : le Journal d'André Gide, un drôle de zèbre qui écrit des phrases à pentures, pour analyser ses sentiments, comme une vieille fille peureuse, des qui, des que, ça s'enchaîne comme des canards dans un stand de tir.
Ça doit être notre côté coureur des bois, ce besoin continuel de partir, et notre côté vieille France celui de revenir et de décaper des meubles de pin jaune dans de grands bacs d'acide, l'été, derrière la cuisine, dans le jardin.
Je ne fais pas de juliennes, c'est trop mince, ça se carbonise de façon ridicule, ça devient vite sec comme des cure-dents. Et puis, dans le casseau, ça s'agglutine comme des Enfants de Marie autour d'un vicaire.
(...) le vent venait depuis les Laurentides, par-dessus Québec, par-dessus le Cap; il nous sautait dessus comme un Saint-Bernard affectueux.
(...) je sortis mon bloc de papier par avion (pelure d'oignon, du papier à faire pleurer, du papier à lettres d'adieu) ...
La vie lui était une grande partie de bowling, avec dix quilles à terre, les yeux fermés. Moi, c'était plutôt le dalot, les yeux ouverts.
Si j'ai abandonné les études, c'est qu'elles ne me disaient plus rien. Elles ne me parlaient plus, elles étaient comme des statues dans une chapelle : le regard fixe, de la poussière sur les épaules, indifférentes à l'écho de mes toussotements discrets.
En 1955, avant le premier mai de cette année-là, et les douleurs de l'accouchement, personne au monde ne nous attendait. Surtout pas l'obstétricien, un brave garçon un peu myope derriere une moustache mal taillée.
Il était deux heures du matin. nous aurions pu choisir un autre moment, mais quand on décide de naître on a rarement l'occasion de jeter auparavant un coup d'oeil à l'horloge grand-père .
...chaque être humain devrait être obligé de remplir des cahiers : au bout de l'instruction obligatoire, il devrait y avoir l'écriture obligatoire, il y aurait moins de méchancetés , vu qu'on aurait tous le nez dans les cahiers.
C'est papa qui disait ça en se levant le matin. Il disait: notre père à tous c'est le soleil, il s'appelle Galarneau lui aussi, comme nous. Il nous regarde de là-haut, mais il est de la famille.