Cercle Polar : de Cape Cod au Tennessee via le désert de l'Utah, la crème du roman noir américain .
Quels sont les bons polars américains du moment ? En voici trois, très différents, trois romans d'écrivains véritables, princes des atmosphères à la limite de l'étrange, capables de faire vibrer les paysages autant que de faire vivre leurs personnages. Même si nous avons des réserves sur l'un d'entre eux, ils méritent tous votre attention. N'hésitez pas, après lecture, à partager vos impressions. "Petite soeur la mort" de William Gay (Seuil, coll. "Cadre noir") "Un moindre mal" de Joe Flanagan (Gallmeister, coll. "Noire") "Desert Home" de James Anderson (Belfond)
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- Si je peux me permettre, Ben, je pense que tu passes trop de temps tout seul.
- Tu peux te permettre, ai-je répondu. Tu penses que passer plus de temps avec des gens y changerait quelque chose?
J'approvisionnais des ranchs isolés au bétail famélique et parfois même des ermites enfermés dans leurs caravanes en aluminium semblables à des mirages et dont la tôle se reflétait sur l'horizon brun. Qu'ils aient été éleveurs ou misanthropes brûlés par le soleil, tous avaient choisi de se terrer dans ce désert de sable poussiéreux, et vivaient au bout de longues routes anonymes et cabossées.
Ces gens-là étaient de drôles de types. Je les connaissais tous personnellement, même si, au total, la somme des mots que nous échangions ne dépassait sûrement pas les quelques phrases que l'on griffonne sur une carte postale. Des vies entières étaient évoquées en trois ou quatre mots, les sourcils froncés, le tout ponctué par un crachat. Entre "Bonjour" et "Au revoir" se glissait une épaisse tranche de silence qui racontait une histoire impossible à oublier quand bien même vous en auriez eu envie. Les conversations, en ces lieux désertiques, étaient aussi rationnées que l'eau ; chacune de leurs gouttes était chérie pour la vie qu'elle représentait.
La curiosité n'était pas mon pire défaut. Elle était tel un molosse assoupi dans un jardin. En général, je préférais ne pas sauter par-dessus la grille. Quelques vieilles cicatrices sur mon dos me rappelaient les rares fois où je n'avais pas respecté cette règle. Et ce n'était pas parce que le molosse était invisible qu'il ne rôdait pas dans le coin. Bien sûr, je jetais parfois un coup d’œil à travers le grillage. Mais ce que je voyais et ce que je pensais, je le gardais pour moi.
Ce lundi matin de la fin mai, je m'étais dangereusement approché du grillage. Walt Butterfield, le propriétaire du restaurant, était un antitrinitaire des terrains vagues : il formait une congrégation à lui seul et assurait le rôle du chien de garde. Son terrain, c'était le Well-Known Desert Diner, et il n'aboyait ou ne grognait qu'après vous avoir sauté à la gorge. Je les aimais bien, lui et son terrain vague.
… le Prêcheur m’avait dit que la plupart des gens associent le désert avec ce qui y manque : l’eau et les gens. « Ils ne pensent jamais à la seule chose dont le désert regorge : la lumière. Il y a tant de lumière ici. »
Les gens riches savent toujours qui appeler afin de résoudre un problème, chose que le citoyen lambda ne peut pas faire. Et peu importait que cela soit pour une bonne ou une mauvaise cause. Le seul truc que pouvait faire un pauvre était de s'en remettre à Jésus-Christ. Et si ce dernier ne répondait pas, il y avait toujours ces bons vieux Smith & Wesson.
Je me suis souvenu d'une définition de la chevalerie, lue quelque part: un homme protégeant une femme de tous les hommes, sauf de lui.
Les affrontements les plus violents auxquels j'ai assisté ont été déclenchés par des types qui juraient être pacifistes avant d'écraser une bouteille sur le crâne de quelqu'un. C'est au plus profond de chacun de nous, hommes et femmes.
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- Allez-y ! Je n'ai rien à cacher.
Ce qui est probablement la phrase que prononcent tous ceux qui ont justement des chose à cacher.
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Je me sentais plus à l’abri dans la nature, aussi traîtresse et impardonnable, aussi dénuée de promesses et d’illusions soit-elle que chez moi…
La croyance populaire qui veut que tout ce qui ne nous tue pas nous rende plus fort est bien belle, mais elle n'est pas exacte, surtout sur la 117.
Dans le désert, ce qui ne vous tue pas la première fois vous tuera surement le coup d'après.
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