Citations de James M. Cain (145)
— Je vois. J’ai dit à M. Nirdlinger que je passerais, mais… tant pis. J’essaierai peut-être de m’arrêter à un autre moment.
C’était vrai, d’une certaine façon. Pour ces histoires d’automobiles, on s’engage toujours à prévenir les clients avant un renouvellement, sauf que ça faisait un an que je ne l’avais pas vu. Je me suis donné l’air d’un vieil ami, et un vieil ami pas très content de l’accueil qu’on lui réservait. Ça a marché. Le visage de la domestique affichait une réelle inquiétude.
— Bon… entrez, s’il vous plaît.
Dans ce métier, pour faire affaire, il faut entrer. Une fois que vous êtes entré, ils sont obligés de vous écouter, et on peut assez bien juger de la qualité d’un agent à la vitesse à laquelle il se retrouve assis sur le canapé du salon, avec d’un côté son chapeau et de l’autre ses petites fiches.
— Je suis désolée, monsieur, mais je n’ai pas le droit de laisser entrer les gens tant qu’ils n’ont pas dit ce qu’ils veulent.
Voilà le genre de difficulté qu’on rencontre parfois. Si je répétais à nouveau qu’il s’agissait d’une “affaire personnelle”, je donnais l’impression d’avoir quelque chose à cacher, ce qui produit un mauvais effet. Si j’avouais ce qui m’amenait vraiment, je m’exposais à ce que redoutent tous les agents d’assurances, à savoir que cette femme revienne m’annoncer : “Monsieur n’est pas là.” Si je proposais d’attendre, je me mettais en position d’infériorité, et ça n’a encore jamais facilité la signature d’un contrat.
Une domestique a passé la tête dans l’entrebâillement.
— Est-ce que M. Nirdlinger est là ?
— Je ne sais pas, monsieur. Qui le demande ?
— Monsieur Huff.
— Et c’est à quel sujet ?
— Affaire personnelle.
La première fois que je l’ai vue, elle n’avait pas l’air d’une Maison de la Mort. C’était une construction de style espagnol, comme toutes celles qu’on voit en Californie, avec des murs blancs, un toit de tuiles rouges et un patio sur un des côtés. Elle avait été construite de guingois. Le garage se trouvait sous la maison, au-dessus il y avait le rez-de-chaussée et le reste était étalé sur le flanc de la colline, là où on avait pu le caser. Un escalier en pierre menait à la porte d’entrée, j’ai garé la voiture et gravi les marches.
C’EST en me rendant à Glendale pour ajouter trois nouveaux chauffeurs de camion sur le contrat d’un brasseur de bière, que je me suis souvenu de cette police à renouveler vers Hollywoodland. J’ai décidé d’aller y faire un tour. Voilà comment j’ai atterri dans cette Maison de la Mort, celle dont vous avez entendu parler dans les journaux.
- Cinquante mille dollars ?
- Joli, n’est-ce pas ?
- Oh !...
- Voilà, c’est au poil, c’est moi qui vous le dis. Ce n’est pas pour rien que j’ai passé tant d’années dans ce métier, non ? Il faut qu’il soit au courant de cette police, et pourtant qu’il n’en sache rien. Il faut qu’il remplisse une formule pour la demander, et pourtant qu’il ne la demande pas. Il faut qu’il me paie lui-même cette police avec un chèque, et pourtant qu’il ne me la paie pas. UN accident lui arrivera, et pourtant il ne lui arrivera aucun accident. Il prendra le train et pourtant il ne le prendra pas…
- Je ne comprends plus rien…
- Vous verrez. D’abord il faut arranger le coup de la police. Je vais la lui vendre tout en ne la lui vendant pas. Enfin pas tout à fait. Je lui ferai l’article comme à n’importe quel client. Et il me faut des témoins. J’ai absolument besoin que quelqu’un entende mon boniment. Je lui montrerai qu’il est couvert pour tout ce qui concerne la voiture, mais que rien ne le garantit contre ce qui peut lui arriver, à lui. Je lui poserai la question : est-ce qu’un homme n’a pas plus de valeur qu’une automobile ? Je…
- Supposez qu’il souscrive ?
- Qu’il souscrive ? Il n’acceptera pas. Je peux l’amener à deux doigts de le faire, et le tenir là… Je connais mon métier, non ? Mais… il faut que j’aie des témoins. Au moins un.
- Cinquante mille dollars ?
- Joli, n’est-ce pas ?
- Oh !...
- Voilà, c’est au poil, c’est moi qui vous le dis. Ce n’est pas pour rien que j’ai passé tant d’années dans ce métier, non ? Il faut qu’il soit au courant de cette police, et pourtant qu’il n’en sache rien. Il faut qu’il remplisse une formule pour la demander, et pourtant qu’il ne la demande pas. Il faut qu’il me paie lui-même cette police avec un chèque, et pourtant qu’il ne me la paie pas. UN accident lui arrivera, et pourtant il ne lui arrivera aucun accident. Il prendra le train et pourtant il ne le prendra pas…
Pourquoi, après avoir commis ces actes qui appellent, à tout le moins, des excuses, n’est-il pas venu me les présenter ? Il y avait forcément une raison. Dans la mesure où il avait essayé de me convaincre de sortir avec lui le lendemain soir, cela signifiait nécessairement quelque chose. Ce n’était pas un hasard, un oubli, quelque chose qu’on ne lui avait pas appris à faire ou qu’il comptait faire mais l’occasion ne s’était pas présentée…
Ses gestes étaient précis, et nette sa personne. Pourtant, il y avait quelque chose d'étriqué dans tous ses mouvements. En le voyant dans cette chambre minuscule, avec sa figure de gosse, les petites piles nettes de linge plutôt élégant, on avait du mal à admettre qu'il pesait au moins quatre-vingt-quinze kilos.
Pas de grâce.
Les voilà. Le père O'Connell dit ses prières pour m'aider. Si vous êtes parvenu jusque-là, priez pour moi et pour Cora et faites que nous soyons ensemble où que ce soit.
Ses yeux étaient sombres et ses seins n’étaient pas durcis, les pointes dressées vers moi, mais tout doux, et leurs bouts étaient étalés en deux larges taches roses. Elle semblait être l’ancêtre de toutes les putains du monde. Le diable en eut pour son argent, cette nuit là.
Et quand j’ai parlé, là sur l’écran, ils ont vu exactement ce que j’étais … et moi aussi : une pauvre gosse de Des Moines, qui n’avait pas plus de chance qu’un singe de réussir au cinéma !
Il y a plein de situations dans mon métier où c’est le seul truc qui explique le comportement des gens. C’est déprimant, mais ça permet d’y voir plus clair.
Quand un homme souscrit une police d’assurance, une police d’assurance qui vaut cinquante mille dollars s’il meurt dans un accident ferroviaire, et qu’ensuite trois mois plus tard il meurt dans un accident ferroviaire, ce n’est pas réglo. Ça ne peut pas l’être. Si le train est complètement détruit, éventuellement, mais quand même ce serait une coïncidence rudement suspecte. Une coïncidence rudement suspecte. Non, ce n’est pas réglo. Mais ce n’est pas un suicide.
Nous sommes tous pareils, j’imagine, personne n’y prête trop attention jusqu’à ce qu’un malheur arrive.
Ce n'était pas à elle qu'on pouvait raconter qu'on n'arrivait pas à s'en sortir, même avec cette Crise, quand on avait un peu de cran.
Burbie va être pendu, à ce qui paraît. Eh ben, il l'aura bien cherché, lui qui s'croyait si malin !
Burbie, quand il a quitté not' patelin, il avait tout juste seize ans. Il a filé avec un de ces théâtres ambulants, celui d'East Lynne, j'crois bien, et il est resté parti à peu près dix ans. Et quand il est revenu, ben, il coryaait dure comme fer qu'il savait tout sur tout. Il a de ces yeux, bleu pâle, Burbie, qu'on dirait qu'ils lui sortent de la t^te. Et sa façon à lui de passer le temps, c'était de s'installer dans la salle de billard, ou chez le coiffeur d'en face, ou dans un des aut'coins où il était toujours fourré, et d'écouter les gars causer. Puis tout à coup, le v'là qui vous lançait un clin d'œil au beau milieu de la conversation, comme pour dire que tous les autres étaient des andouilles et que lui, il était le seul à savoir.
Sauf que, ce que Burbie avait vraiment dans la caboche, ma foi, c'était pas grand-chose.
De là où j’étais, je ne pouvais pas voir où nous nous trouvions. J’avais même peur de respirer, par crainte qu’il ne m’entende. Elle était censée conduire de façon à ne pas freiner brutalement, ou se retrouver bloquée dans la circulation, ou faire quoi que ce soit qui le pousserait à tourner la tête pour regarder ce qu’il y avait derrière nous. Il ne s’est pas retourné. Il avait un cigare dans la bouche et, bien calé sur la banquette, il le fumait tranquillement. Au bout d’un moment, elle a donné deux brefs coups de klaxon. C’était le signal que nous venions d’arriver dans la rue sombre que nous avions choisie, à environ huit cents mètres de la gare. Je me suis redressé, j’ai plaqué ma main sur sa bouche…
Le cheval est un symbole. C'est pour notre époque la pincée d'encens sur l'autel de César...et n'oubliez pas que rien ne vous obligeait à aimer César, ni à croire en ses dieux, ni à aimer ses amis. L'encens suffisait. C'est pareil pour la haute société. Le savoir-vivre, la culture, l'éducation...ça ne veut rien dire. C'est le cheval qui compte. C'est curieux quand même de voir les gens dépenser des millions pour en être...pour avoir des yachts, des organisations philanthropiques, de la musique et du champagne...alors qu'un seul cheval de chasse à 50 dollars ferait l'affaire.