Jean-Clément Martin

Ainsi, il n'est pas exagéré de dire que les événements qui se produisent en France entre 1789 et 1799 ont changé la face du monde.

Si notre pays entame une " nouvelle vie" sur des bases inédites, le choc se répercute immédiatement dans toute l'Europe, modifie l'Amérique du Sud, puis, résonnant un siècle entier, inspire réformateurs et révolutionnaires, et sert de repère, voire de référence, au siècle suivant.

Nous n’avons pas voulu accabler Robespierre comme seul responsable de la violence révolutionnaire, parce que rien parmi les archives et les mémoires ne permet de l’affirmer ; pas plus que nous n’avons voulu magnifier sa doctrine politique et sa vision historique, n’ayant pu établir un corps de pensée structuré sur les principes originaux et cohérents.

Décollation :

Par privilège, les membres de la noblesse condamnés à mort avaient la tête tranchée, au lieu d'être pendus, comme les roturiers.

De ce point de vue, la guillotine rétablit l'égalité.

Les troupes républicaines sont commandées d'abord par des officiers qui ont été formés dans l'armée royale.
Certains y ont exercé de hauts commandements, comme le marquis de Canclaux, le duc de Biron ; d'autres, roturiers, ont eu une carrière limitée pendant dix ou vingt ans, avant de pouvoir accéder à de plus hauts grades, grâce à la Révolution.

La singularité de la Révolution tient à la contradiction flagrante entre la violence déployée et l'idéal révolutionnaire proclamé :

Installer le bonheur sur la terre.

On avait fait de la Liberté révolutionnaire une déesse ; On fit de la guillotine une sainte.

Dans les journaux patriotes, dans les brochures, à la tribune, aux jacobins, on ne l'appelait pas autrement que sainte Guillotine.

Charles Nodier

l'entreprise historienne, telle que je la conçois, est moins vouée à donner le sens de l'Histoire et encore moins chargée de définir la marche de l'Humanité qu'à proposer une méthode pour déchiffrer l'histoire que nous vivons et dont nous avons hérité

La tyrannie et le fanatisme marchent toujours de concert ; ils travaillèrent d'intelligence à l'abrutissement de l'espèce humaine.

La religion est une folie, maladie de l'esprit ou du coeur qu'il est important de détruire.


Ingrand , le 09 décembre 1793

Dans une république naissante, quand la marche de la révolution force le législateur de mettre la terreur à l'ordre du jour, c'est pour venger la nation de ses ennemis :

Et l'échafaud qui, naguère, était le partage du misérable et du faible, est enfin devenu ce qu'il devait être :

le tombeau des traîtres, des intrigants, des ambitieux et des rois.

Billaud Varenne, le 18 novembre 1793

Alors que les contemporains n'ont jamais qualifié les paniques et les émotions de "Grande Peur", le mot apparaît dans les polémiques historiques et politiques de la fin du XIXe siècle, avant d'être consacré par Georges Lefebvre pour désigner cette seconde quinzaine de juillet 1789.

Au cours de l'automne 1789, les députés des Etats généraux prennent l'habitude de se regrouper par affinités politiques : les "patriotes" s'installent de préférence à la gauche du président de l'Assemblée, les "aristocrates" ou "noirs" à droite.
Cette répartition se prolonge par la suite, au point de constituer la structure élémentaire de notre paysage politique jusqu'à aujourd'hui.

... l'histoire pratique constamment la lecture du passé en fonction des interrogations du présent.

Après Thermidor, des légendes ont été créées de toutes pièces pour rendre responsables de ces tueries les Robespierristes vaincus et innocenter des terroristes repentis - ceci sera repris ensuite par les contre-révolutionnaires des XIXe et XXe siècles heureux de disposer d'une telle littérature.
La Convention n'a jamais été suffisamment unie pour élaborer une politique de dévastation systématique ; sa faiblesse a laissé le champ libre à toutes les interprétations et à toutes les manœuvres exécrables sur un fond de discours politique radical partagé autant par les révolutionnaires que les contre-révolutionnaires pour mettre en exécution des habitudes de répression militaire. La prise du pouvoir par Robespierre, en mars-avril (1794), marque la fin de la terreur en Province et la fin des colonnes infernales.

Alors que les rebelles de la Vendée et les fédéralistes de Lyon sont soumis à une répression de plus en plus violente, Robespierre manifeste sa désapprobation envers les hommes qui en sont responsables, Ronsin, Collot d'Herbois et Fouché à Lyon, Carrier à Nantes...

Une interprétation aussi fausse que dangereuse, parce qu'elle nourrit la confusion des esprits, court à propos de l'expression "sang impur" dans la Marseillaise pour faire de ce sang impur celui des "révolutionnaires", du "peuple" sacrifié pour la bonne cause. Les textes de l'époque démentent catégoriquement cette vision sacrificielle et a-historique. Il faut assumer son passé et éviter de le déformer, pour empêcher des dérives dramatiques. Voici quelques citations tirées des Archives parlementaires, dont le site est consultable à cette adresse http://frda.stanford.edu/fr/ap . Diffusez largement et surtout refusez cette lecture qui court sur Internet. ("Qu'un sang impur abreuve nos sillons" à propos d'une mauvaise querelle, Médiapart, 10 janvier 2016)

Il faut rappeler que le mot "terroriste" naît fin 1794, après le 9 thermidor. Il apparait sous la plume du député Boisset, le 23 novembre 1794.

Redisons-le, juillet 1789 n'innove pas en comparaison avec les grandes vagues de révoltes qui ont marqué la France de 1624 à 1709; sauf sur un point essentiel : la lecture qui en est faite depuis la convocation des Etats généraux, surtout après le 14 juillet.

Car aucune autre période en France, n'a gardé autant d'importance et d'influence

En 2021, la période révolutionnaire demeure présente dans les mémoires comme dans les débats. Elle sert de référence pour apprécier ce que nous vivons et représente encore un enjeu.
Si l'étude de la décennie révolutionnaire n'a plus l'urgence qu'elle avait à la fin du XIXe siècle, quand la nature du régime politique était incertaine, hésitant entre république ou monarchie, elle garde une actualité mémorielle, ou plutôt, pour employer un mot à la mode, une actualité sociétale, puisque ce sont les idées reçues, les clichés et les fantasmes qui s'imposent et structurent les échanges.

... la Révolution n'a pas tué la famille, mais a promu le modèle d'une famille politique... Le rêve d'une nation unie...