Les narines de Valentine palpitèrent, son ventre gargouilla. Elle pouvait suivre le fumet d'une soupe au lard à la trace, de la porte basse encadrée de jambons jusqu'à l'âtre d'une cheminée où pendait un chaudron léché par de paresseuses flammes.
La construction se dressait à une centaine de pas de la cabane. au milieu des genévriers, elle avait une solennité mégalithique. Des druides ou des Ligures auraient pu l'élever. Joseph en était fier. Tout son savoir-faire, son art étaient contenus dans ces pierres sèches étroitement imbriquées autour de la cheminée de briques. L'ensemble mesurait trois mètres sur quatre et s'élevait à deux mètres cinquante. Il lui avait fallu une semaine pour le monter, il lui suffisait d'une demi-heure pour tout détruire. On reconnaissait le four du Bonifay à la forme trapézoïdale de l'ouverture d'écoulement de l'huile.
- Nous ne pourrons jamais quitter ce trou ! dit Carole d'une voix amère. Jamais !
- Il faudrait un miracle, soupira Laure.
- Pauvre de nous, tu crois qu'ils se soucient de notre avenir, en haut, avec leurs ailes dorées ? On n'est pas assez malheureuses. Et puis La Cadière n'est pas Lourdes. Je te le dis, ma vieille, on n'est pas nées au bon endroit ; toi, t'aurais dû voir le jour à Paris, et moi à New York. En ce moment, j’irais écouter Elvis Presley en concert et tu jouerais à mademoiselle Prout à Saint-Germain-des-Près.
- Ne te moque pas. Proust est un grand auteur !
Laure n'aimait pas que Carole dise "Prout" ou "ton Marcel". L'homme qui avait écrit "Du côté de chez Swann" et "Le Temps retrouvé" n'était pas un camionneur. Dans la bouche de Carole, il en prenait toutes les apparences.
J'ai peur d'être une de ces femmes qui vieillissent mal entre le chaudron et la quenouille. J'ai peur qu'on me préfère un jour une jeunette. J'ai peur dans mon corps de femme. Pourtant, aujourd'hui, je suis heureuse car je porte la vie, quoi que fassent les hommes, ils auront toujours besoin de nous, voilà ce que je me dis. Ce fruit dans mon ventre, c'est ma force. C'est mon bonheur. C'est notre bonheur.
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Il y avait du bonheur dans l'air ; des fillettes poussaient des cerceaux, des garçonnets se poursuivaient en riant, les femmes faisaient tourner leur ombrelle, les hommes lançaient des œillades à la ronde. Thérèse en oublia les nuits blanches, les années passées à étudier le grec, le latin, les textes démotiques, les secrets hiératiques et les colonnes de hiéroglyphes que les archéologues avaient consignées par milliers dans leurs carnets depuis l'expédition d'Égypte.
Elle était enfin prête à assister monsieur Horace Tabès-Blumberger, conservateur des antiquités au Louvre, et, si tout se déroulait comme prévu, elle rejoindrait son père dans un an au Caire.
Quel bonheur ! se dit-elle en pensant à lui qui fouillait le site de Dachour dans le but de percer les mystères entourant la pyramide du roi Snéfrou. Elle adorait son père. Luc Maurin poursuivait l’œuvre de Champollion ; il lui avait communiqué la passion des vieilles pierres, le goût des énigmes, l'amour des livres et l'envie de voyager. À ses côtés, elle avait connu l'Italie et la Grèce mais n'était jamais allée au-delà d'Istanbul, rêvant de découvrir le tombeau d'Alexandre le Grand ou l'arche de Noé. Elle planta son regard un instant dans l’œil du soleil qui la brûlerait un jour dans les déserts. Il imprima une tache sur sa rétine ; la tête lui tourna. Insouciante, elle ignora la puissance de Rê et se mit à siffler «Moutons et dindons», la chanson en vogue du moment.
"Quoi de plus salvateur en ce monde que la reconnaissance de son talent ?"
"Car l'amour est fort comme la mort...
Ses flèches sont des flèches de feu
Une flamme de l'Eternel."
"La maladie, Arnaud la connaît bien. C'est la plus fidèle compagne de sa vie de guérisseur."
"[...] si tu réduis le monde pour en être le centre, il ne te reste rien. La raison limite l'expression."
"Le silence est un danger trop grand quand il se prolonge."
"[...] le malheur n'existe que dans la tête."
"Parfois cela peut faire du bien de dire ce qu'on a sur le coeur."
"[...] on ne gagne pas le coeur de celui qu'on aime en propageant le mal."
Donc ce n'était pas Mathilde jeune. Une inconnue qui comptait assez pour trôner sur la table de chevet de son père. " La jeune soeur de Mathilde" pensa-t-il.
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- [...] Mais revenons à nos pionniers. Ils quittèrent la Palestine en 70 de notre ère, après le pillage de Jérusalem par les légions de Titus. Rome leur avait tout pris, même les objets sacrés du Temple : les trompettes d'argent, l'Arche d'alliance, la Table d'or du pain et le Menorah, notre chandelier à sept branches. Des tonnes d'or et de pierres précieuses s'entassèrent sésormais dans les temples de la Ville éternelle et y furent conservés pendant quatre siècles. Pendant cette période les Juifs de l'exil, installés à Toulouse, à Carcassonne et à Narbonne, acquirent la confiance des magistrats et des consuls qui se succédèrent à la t^te de ces villes. Puis ils s'allièrent avec les nouveaux envahisseurs venus du nord, les Wisigoths. L'un d'eux, rabbi Halevy, devint même l'un des conseillers de leur roi Alaric. Il participa avec ce dernier au pillage de Rome en 410 et retrouva le trésor d'Israël. Ce trésor fut d'abord emmené à Carcassonne, mais, devant les menaces de nouvelles invasions venues du nord, Halevy persuada Alaric d'en cacher la majeure partie. Ce qui fut fait. Dans le jeune royaume wisigoth, il existait une région privilégiée, connue pour ses innombrables grottes qui étaient autant de caches possibles, caches qui avaient servi autrefois aux Celtes et servirent plus tard aux cathares et aux templiers. Cette région, la vôtre, le Razès, avait pour centre stratégique une colline surplombant le carrefour de deux larges voies romaines, c'est là qu'en 412 Halevy et les lieutenants d'Alaric bâtirent Rhedae et dissimulèrent le trésor. Halevy avait des ordres : tous ceux qui connaissaient le secret furent exécutés. Et bientôt il fut le seul avec Alaric à détenir les clefs d'une immense fortune. Le lieu avait été protégé, d'innombrables pièges naturels et magiques - on dit qu'Halevy confia la garde de l'Arche, des tables et de la Menorah au terrible Asmodée, le démon boîteux asservi au roi Salomon - en interdisaient l'accès. Pour y parvenir, il fallait faire preuve de courage et posséder certains talismans. Mais ni Halevy ni Alaric n'y retournèrent, la mort survint au moment où ils s'y attendaient le moins; cependant ils purent transmettre le secret de Rhedae. Et ainsi fut fait pendant des générations. [...] Rhedaeavait vécu, un misérable village naquit et prit le nom de Rennes-le-Château. Comment avait pu se transmettre le secret ? Je l'ignore, mais, en 1781, la Dame d'Hautpoul de Blanchefort en était la détentrice.
- La tombe ! s'écrie Bérenger qui jusqu'à cet instant avait bu les paroles d'Elie, fasciné par les horizons que son ami lui ouvrait.
- Oui, la tombe protégée ... Le reste de l'histoire, vous la connaissez ... Votre nomination à REnnes-le-Château, la découverte des documents, Sion ... Tous veulent la puissance. Avec ce trésor, les frères pourraient dominer le monde.
Constate-le, j'ai la logorrhée facile et je disserte, je palabre, je pérore, je philosophe assez bien pour ne rien dire.(p.175)
"Le monde invisible tant redouté s’était matérialisé près de la fontaine aux Gargouilles. Bien qu’il n’entende pas prononcer le mot « sorcières », André savait que tous l’avaient sur le bout de la langue. Suivant le curé avec les autres porteurs, il se retrouva près de la fontaine. De tous les lieux de la régions connus par les ésotéristes, les exorcistes et les occultistes, ce monument classé maléfique par le Vatican était le plus célèbre."