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Citations de Jean-Pierre Richard (28)


40e d'écriture [sur Philippe Djian ]

Mais comment bien écrire ? Par une attitude qui consulte à exalter à tout prix cette vitalité du vivant, à trouver les mots qui soulèvent, quasi musculairement, le monde au-dessus de lui-même. (p. 141)
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C’est ce même moment, cette même fulgurante naissance de la pensée à elle-même que décrit aussi la fameuse lettre du Voyant : « JE est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute… » Un autre, on ne sait comment issu du JE, mais qui « bondit » d’un seul coup de la profondeur intérieure sur le « devant de la scène » et l’emplit de sa frénésie. L’ancienne, la morose unité du moi éclate soudain et se métamorphose en une multiplicité véhémente. Et dans le même mouvement les choses se libèrent aussi ; elles échappent à l’empire de l’habitude ou de la raison ; elles jaillissent et s’éparpillent aux quatre coins d’un ciel tout neuf.

("Rimbaud ou la poésie du devenir")
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Reste [chez Baudelaire] le choix du virtuel : arrêter l'intensité en elle-même, faire que la puissance soit toujours en puissance, et ne succombe jamais à la tentation de l'acte. L'intense s'y replie sur soi ; il s'assoupit dans la conscience d'une vigueur intacte et à chaque instant mobilisable ; il s'entretient et se préserve dans l'imagination jamais réalisée d'une intensité future. C'est l'amour des navires à l'ancre, pleins de promesses de voyage, des femmes endormies, riches de réveils érotiques, de chats surtout, "puissants et doux", aux griffes enfoncées, aux "reins féconds, pleins d'étincelles magiques", et en qui sommeille une terrible détente :

Retiens les griffes de ta patte...
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton dos électrique...

La virtualité s'incarne exactement dans la félinité : rien ne s'y accomplit mais tout, souplesse de la chair, énigme du regard, électricité de la pelure, annonce que quelque chose pourrait, va se produire. La paresse semble y mûrir le bond. L'intense y est doté d'une beauté conditionnelle ; il enrichit le réel de toute l'élasticité du possible ; c'est demain que la vraie vie commence : aujourd'hui appartient au seul loisir.
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Que dire de la séduction immédiate, presque brutale, provoquée chez moi par un texte de Michon ? C'est l'effet, il me semble, d'une énergie de la langue, d'une très singulière vitalité d'énonciation : avec la prise, ou surprise, d'une voix tout à la fois lyrique et railleuse, d'un rythme, présent, perdu, toujours à l'oeuvre dans le courant de la narration, d'une scansion, en somme, capable d'informer la matière des mots et le tissu d'un monde.
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p.9: "Le monde crée en moi le lieu de son accueil"
Jean Wahl
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Autour des objets les plus opaques, les plus neutres, l'exaltation lyrique va étendre une limpidité merveilleuse qui éclairera comme par contagion leur transparence intérieure, et qui les rendra perméables à tout un jeu d'associations et de significations nouvelles. Point ici d'objet privilégié ; c'est l'insignifiant qui se creuse, qui incarne soudain « toute la profondeur de la vie » et qui en devient le « symbole ». « A travers le milieu magique de la rêverie », dans «les épaisseurs transparentes » de l'opium ou du langage, s'opère alors cette ouverture réciproque des divers objets du monde qui fait de tout grand poème baudelairien une véritable annonciation sensible. Mots, rythme, images, sentiments, tout y devient poreux, résonnant, translucide. Tout s'y charge d'échos, s'y échappe et s'y rejoint en tout ; et tout s'y déroule dans ce climat de solennité qui distingue pour Baudelaire la grande poésie. C'est la noblesse d'une opération sacramentelle, d'un déroulement magique, d'une harmonie en train de naître, d'une unité sensible en voie de construction mais qui ne peut sans doute se réaliser pleinement qu'une fois le poème achevé et dans le parfait silence où il s'anéantit. Le poème est alors comme un brouillard qui se dissipe, comme une opacité qui se finit en transparence. Mais cette fin est aussi un dépassement : la grande poésie a, nous dit magnifiquement Baudelaire, la démarche lente des grands fleuves « qui s'approchent de la mer, leur mort et leur infini ».

(« Profondeur de Baudelaire »)
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Une seule rêverie consolante, celle de l'orage – "Eau, quand donc pleuvras-tu ? Quand tonneras-tu, foudre ?" – réussit à réunir en elle le double désir d'une irrigation par l'eau et d'un réveil par le feu. Et ces deux rêves apparemment contradictoires ne traduisent au fond qu'une seule nostalgie, celle d'une fécondité intacte, ou, pour user du vocabulaire baudelairien, d'un luxe intérieur retrouvé.
Ce luxe existentiel, nul doute que la "vaporisation du moi" ne le compromette dans la mesure même où elle le manifeste. Toute expression est aussi une diminution.

(« Profondeur de Baudelaire »)
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Le pessimisme fantastique de Poe débouche donc sur un optimisme de la raison qui le situe, dans l'échelle des déchiffreurs d'énigmes et des explorateurs de mondes, tout près de ces deux autres pionniers de l'invisible que furent Jules Verne et Conan Doyle. Poe les dépasse seulement par le caractère métaphysique de son ambition : toute son œuvre, écrit Baudelaire, est emportée « dans une incessante ascension vers l'Infini », « une entraînante aspiration vers l'Unité », un mouvement passionnément rationnel qui voudrait toujours dépasser la diversité des probables, et découvrir, au fond du gouffre des possibles, le point fixe où gît l'unique vérité.
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L'écrivain du tout petit assume quant à lui l'hiatus premier qui fonde ses héros, et qui lui permet, au deuxième degré, d'en devenir le biographe. Situé entre être et rien (tous deux animateurs de figures multiples), pétri, mot aimé de Michon, d'être et de rien, son roman célèbre l'existence de ceux qui ne sont ni tout à fait personne, ni tout à fait quelqu'un, ou les deux peut-être à la fois. Heureux donc les minuscules, puisque le royaume des Lettres est à eux - et, à travers eux, à nous.
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Ces huit mini-biographies (un garçon de ferme parti aux colonies; deux grands-parents; un paysan devenu peut-être bagnard; un camarade de lycée; un voisin d'hôpital; un curé de campagne; une maîtresse secourable; une jeune sœur morte) finissent par n'en constituer qu'une seule, une sorte d'autobiographie oblique et éclatée. Ou plus peut-être qu'à la constituer elles contribuent à en interroger les fondements possibles, elles permettent au narrateur de questionner le rapport difficile qui l'unit à ses propres mots: pourquoi, comment devient-on un écrivain?
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L'imagination pénètre ici jusqu'au plus intime de l'objet, mais c'est pour faire éclater cette intimité et la relier en profondeur à la totalité du monde. La loi d'universelle analogie peut donc s'interpréter comme une sorte de perpétuelle invitation au voyage : elle propose à l'imagination de suivre, à travers le réseau sensible des correspondances, le trajet d'une signification unique qui circulerait et s'approfondirait d'objet en objet pour revenir enfin, toute gonflée d'une richesse accumulée, se perdre en sa source première.

(« Profondeur de Baudelaire »)
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Cette présence, se secret, cette dimension énigmatique sans cesse retrouvée au sein du monde sensible, et qui tout à la fois en réclame et en recule indéfiniment le déchiffrement, c'est en eux que s'incarne cette réalité que Baudelaire nomme spirituelle, et dans laquelle va se dérouler l'essentiel de son aventure.
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La blessure, la splendeur [ sur Pierre Bergougnioux ]

Les pères positifs encouragent au contraire une action moderne, ils soutiennent un rapport favorable au langage, à la connaissance, à la technique, voire à la philosophie. Mais eux-aussi, et c'est l'une des leçons de ces romans, il faut d'une certaine manière les combattre: pour hériter d'eux, les annuler, pour occuper leur place. La lutte contre l'étrange familiarité du père, voilà, me semble-t-il, du moins dans ses derniers livres, l'un des grands ressorts de l'invention romanesque chez Pierre Bergounioux. (p. 109)
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La blessure, la splendeur [ sur Pierre Bergougnioux ]

N'oublions pas pourtant que le plus étrange est souvent aussi le plus proche, le plus familier, voire le plus familial. Ce dehors si intime ne peut que nourrir alors l'affrontement. De ce point de vue c'est bien la figure paternelle qui domine de sa puissance, directe ou indirecte, personnelle ou symbolique, le monde de Bergougnioux. C'est elle qui y détient fusils, cannes à pêche, canons, ou, plus pacifiquement automobiles, livres savoirs, la plupart des instruments de domination des choses, instruments dont la forme déjà, et le fonctionnement, annonçaient souvent la qualité virile. Curieusement d'ailleurs cette figure s'incarne, plutôt qu'en des pères immédiats, en des pères seconds ou indirects : oncles, grands-pères, grands-oncles. (p. 109)
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40e d'écriture [Sur Philippe Djian ]

Ecrire c'est alors répondre, par avance, aux assauts de "la folie et de la fureur", en édifiant contre eux une sorte de texte-abri: "Chaque nuit j'empilais mes pages comme des briques, j'essayais de construire un truc pour les protéger. J'étais en quelque sorte en train de clouer les volets tandis qu'un ouragan se mettait en place et piaffait à l'horizon. " Mais à d'autres moments c'est à cet ouragan lui-même que s'apparente, et cette fois activement, l'écriture. (...) L'écrivain au travail se sent en effet aussi comme une "pile survoltée". (p. 141)
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Avant-propos

L'état des choses : ce n'est pas, bien sûr, celui dans lequel se trouve la littérature d'aujourd'hui. Je ne commente ici que huit oeuvres particulières, celles de Réda, Quignard, Macé, Michon, Bergougnioux, Djian, Trassard, Chaillou, parmi bien d'autres qui auraient pu aussi bien me retenir. Comment justifier ce choix ? Par le seul caprice d'un goût, j'en ai peur, les hasards d'une rencontre, la montée d'une curiosité ou d'une émotion au cours d'un épisode de lecture. (...)
Pourquoi, dès lors, L'Etat des choses ? Parce que j'avais décidé de lire ces huit oeuvres, comme d'autres avant elles, plus classiques, à partir de préférences charnelles, de l'ordre
sensoriel qu'elles me paraissaient manifester. (p. 9)
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Refus de la clôture et de l'investissement, dégoût de la graisse érotique et de la sensation trop lourde, répugnance de la poussière et de l'usé, à travers ces divers réflexes humoraux se traduit en somme chez Perse une méfiance essentielle : celle de la durée quand, au lieu d'adhérer à un être ou de fonder un ordre, elle se voue à accumuler, à conserver indéfiniment un avoir.
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Défaut, manque, opacité, voilà désormais les maîtres mots (on retrouvera bientôt la danse), opératoires aussi bien en littérature qu'en peinture. Si je dis une fleur, je fais se lever l'absente de tout bouquet; si j'écris, même, que la vraie vie est absente, c'est l'éloigner encore un peu plus de moi. Le tableau s'enferme, quant à lui, sur le souci, ou sur la jouissance de sa propre matérialité.
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Du jeune Goya, Michon écrit qu'il est "courtaud", "balourd", qu'il s'incline trop bas, que tout le pousse vers la terre : son corps est en somme une négation spontanée de la verticalité montante, des extases complaisamment ascensionnelles qu'aimaient à multiplier, à travers plafonds, cieux ou nuages, les divers peintres à la mode.
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On dit que ses grands pas alors le portèrent dans des patelins formidables et mornes comme des coups de canon, des mouchoirs enfoncés dans la bouche, Warcq, Voncq, Warnécourt, Pussemange, Le Theux; qu'il avait faim de ces lieux, de ces mouchoirs, de ces coups de canon, et que les vers qu'il semait en chemin le disaient...
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