Citations de Jennifer Johnston (106)
- Les gens ne me font pas peur, sauf les très, très intelligents qui ont l'air de tout savoir.
Elle aimait la gare. Elle l'avait toujours aimée - cette grande esplanade où les locomotives avançaient, reculaient avec force soupirs, fumées, grognements contrariés pour venir s'accrocher dans leurs moments de gloire aux wagons, moyennant un fracas et des grincements qui évoquaient une colonie de fantômes affolés traînant leur chaines.
Les projets sont parfois mieux que la réalité.
J'étais tellement heureux à la maison, je ne concevais pas de pouvoir être plus heureux ailleurs.
Nous étions si heureux, lui dit-il. Je ne croyais pas un pareil bonheur possible. C'est quelque chose de tout à fait extraordinaire, vous savez. Je n'imaginais pas que cela pouvait arriver. J'avais le plus grand mépris pour les contes de fées et je me suis aperçu que je vivais dans cette bulle de... je ne sais comment l'expliquer sans avoir l'air stupide. Isolés, c'est ce que nous étions - sur une île.
- Je n'ai jamais compris pourquoi il faut absolument que les gens s'entretuent...
- Des rêves ! A quoi ça sert, les rêves ? A embrouiller les esprits, c'est tout !
J'ai la sensation que tout le poids de cette guerre civile est là, attaché à mon cœur comme une pierre. Si je tombais dans la mer, je coulerais à pic avec toute cette pesanteur.
Ce qui donne à l'été indien sa mémorable qualité, ce sont ses teintes chaudes alliées à la surprenante tiédeur de l'air.
Nous rions pour de bien étranges raisons, dans ce pays .
Pourquoi je meurs n'est pas la question. N'importe quel imbécile peut répondre à une question de ce genre.
- A quoi pensez-vous, Helen ? Vous êtes bien loin de nous.
La voix de Roger. Elle se tourna vers lui.
- Pardonnez-moi. J'étais en train de penser que nous étions tous très beaux à la lumière des bougies. Ça gomme les défauts.
Il promena son regard autour de la table.
- Je ne dirai pas que ça les gomme; ça leur donne un certain mystère, peut être. Vous et moi..nos visages...je ne dirais pas vieux, mais usés, marqués, deviennent mystérieusement beaux...alors qu'avec leurs visages lisses, encore indemnes, ces deux jeunes hommes paraissent tout simplement quelconques.
C'est juste que j'ai des jours de......je ne sais pas comment vous appelez ça...de la mélancolie, peut être. Je crois qu'aujourd'hui on appelle ça de la dépression. Je préfère le mot mélancolie. Il a une aura poétique.
C'est drôle, l'impact que peuvent avoir, dans une pièce vide, les paroles d'une personne qui parle toute seule. Elles résonnent, alors qu'une conversation semble se fondre dans les objets environnants. Elle aimait de temps à autre se confronter au son de sa propre voix. Les images sonores peuvent être aussi excitantes, aussi troublantes que les images visuelles. Les paroles se répercutent, vibrent dans votre tête avec leur résonance propre.
Je vais lui dire toute la vérité ce soir, décida-t-il. Que sa mère aille au diable. Je vais m’asseoir dans ce restaurant et, avec Caitlin à mon côté, je lui dirai tout. Sur l’amour, la haine, le désespoir, sur la nuit qui a recouvert ma vie depuis deux ans. Peut-être posera-t-elle la main sur moi, et à l’endroit o se poseront ses doigts l’obscurité se détachera comme une vieille peau usée. Oui, c’est ce que je vais faire. (p. 236)
Je crois que j’écris des inepties dignes d’un roman de gare, mais j’irai jusqu’au bout, de mes notes au moins, pour pouvoir considérer avec une certaine froideur comment je me suis laissé berner et ensuite… ensuite… quel mot devrais-je employer ? Celui me vient à l’esprit est « détruire » mais c’est bien trop fort. « Abîmer » serait plus adapté. Et bien sûr il y a la question de mon avenir, de mon immortalité, que je suis seule à pouvoir assurer aujourd’hui.
A quoi bon de toute façon ?
L’immortalité.
Indispensable vanité.
Quoi qu’il en soit, je veux me soigner – pas seulement les blessures physiques,mais celles de mon coeur et de mon âme. Mon ventre peut toujours porter une cicatrice, je ne vois pas pourquoi je devrais en tolérer d’autres ailleurs, dans mon être. (p. 155)
– Oublier quoi ?
-L’Irlande. Ce bordel dans lequel nous vivons. Ce morceau de haine. Oui, de haine. Peut-être, me disais-je alors, peut-être ne reviendrai-je jamais. Je deviendrai quelqu’un d’autre, dans un autre pays, et quand on me demandera d’où je viens, je dirai un autre nom. Pas de l’Irlande du Nord – l’Ulster – appelez-la comme vous voulez. Je prétendrai n’avoir aucun lien avec ce pays. Je me sentirai neuf. J’avais vraiment envie de me sentir neuf (p. 75)
Comme j’aime la pluie irlandaise. Grâce à elle on a la peau douce et les cheveux brillants, c’est du moins ce qu’on disait : je doute qu’on le dise encore longtemps. Enfant, j’en étais si convaincue que j’avais coutume de courir dans le jardin lorsqu’il pleuvait et de lever le visage vers le ciel, laissant les gouttes éclater sur ma peau et rouler le long e mon cou et de mes épaules. Quelqu’un mettait toujours vite fin à cet innocent plaisir. Je ris quand je pense à ce que font les gosses de quatorze ans aujourd’hui. (p. 45)
Les mots tournoient dans ma tête, comme des poissons dans un étang, quand vous tendez la main pour en attraper un, il est déjà parti, éclair doré ou vert, et plonge dans les profondeurs, vous laissant la main vide, ils effleurent vos doigts, malicieux, rouge et or, argent, bleu et vert, mais vous n'êtes pas assez habile pour en saisir un.
Le chagrin était douloureux, elle le savait; douloureux comme des petits coups de couteau, des petits élancements à des endroits vitaux, le cœur, la tête, l’âme.
Où était située l’âme, de toute façon, sinon dans la tête?
La joie, en revanche, vous soulevait du sol. C’était une sensation de légèreté extraordinaire comme si vous étiez en état de lévitation, sans angoisse ni contrainte.
Éphémère.
Oui.
C’était le problème avec la joie, vous saviez toujours dans un coin de votre tête qu’elle ne durait pas.
Le chagrin, lui, pouvait rester ancré en vous à jamais pour toute votre vie.
Pénible.
Oui.