Citations de Jo Baker (75)
Elle regarda tour à tour son brillant mari et le vieux visage ridé qu'elle connaissait depuis qu'elle était née, avant de répondre :
- Mais c'est une jolie chose, n'est-ce pas, d'être mariée à seulement seize ans ?
On aurait dit que la faim elle-même devait être savourée parce que sa satisfaction était garantie.
« Personne ici ne semblait avoir une idée de ce qu'était le monde. Leur innocence était aussi dangereuse qu'une carrière à ciel ouvert. Mais lui, il savait. Il savait que les hommes étaient capables du pire. Au point en avait-il conclu, que, vraiment, certains ne méritaient pas ce noms même s'ils marchaient, parlaient, priaient, mangeaient, dormaient et s'habillaient comme des êtres humains. Il suffisait de leur donner le temps et l'opportunité nécessaires pour que s'affirme leur véritable nature de créatures cruelles qui ne se souciaient pas du mal qu'ils causaient pour satisfaire leurs appétits égoïstes. »
« La vie, avait conclu depuis longtemps Mrs Hill, était une épreuve d'endurance face à laquelle tout le monde finissait pas échouer. »
Je t'écrirais une lettre James, si j'avais du papier, si j'avais de l'encre, si j'avais un timbre.
Mrs Hill était l’esclave de ses maîtres qu’elle considérait comme de petites dieux. Sarah n’avait pas du tout l’intention de devenir comme elle. Pas question. Elle ne se contenterait pas de si eu. Ou plutôt de ce rien.
Mrs Bennet n'était pas du genre à marcher sur la pointe des pieds au bord d'un désastre, un oeil rivé sur l'abîme et un autre sur son propre comportement; elle plongea la tête la première et s'évertua à détailler les dégâts et dommages de sa chute.
Elle se demanda ce que cela faisait de savoir que vous alliez vous marier, que vous auriez un foyer, une rente , que vous étiez casée pour la vie. De parvenir à cet accomplissement par le simple fait de supporter un homme jusqu'à sa mort.
Si on enlevait tout cela, les atours, les mousselines, tout ce joli emballage, que se passerait-il , Un gentleman porterait-il un regard sur elles si elles avaient des engelures, les lèvres gercées, des socques de bois ?
"Elle était plus coriace qu'elle ne le pensait. Elle ne voulait rien de lui. Elle le chassait comme une mouche. Il trouvait cela délicieux."
Sarah se demanda ce que cela faisait de mener ainsi sa vie comme une dans de village où tout est charmant, gracieux, ordonné, chaque tour parfaitement réglé, sans un pas de travers. Cela n'avait rien à voir avec les allées et venues de Sarah tantôt par la boue, tantôt par le vent comme aux premiers bourgeons et rayons du soleil.
La vie, avait conclu depuis longtemps Mrs Hill, était une épreuve d'endurance face à laquelle tout le monde finissait par échouer.
Mr Wickham se fit de plus en plus présent à Longbourn. Il avait un penchant, semblait-il, pour les entre-deux, les halls, les vestibules, les seuils d'où il pouvait observer à la fois les bavardages, la compagnie et l'agitation de la domesticité, d'où il pouvait distribuer ses compliments à chaque femme qui passait, peu importait son âge, son statut marital ou sa classe sociale.
Une fois, Sarah tomba sur lui alors qu'il était appuyé contre le chambranle d'une porte. Elle s'avança, chargée d'un lourd plateau. Wickham maintenait la porte entr'ouverte du pied. Il ne bougea pas. Elle se méfia de son comportement, de ce regard qui s'attardait sur elle. Maintenant qu'elle était un peu plus dégourdie, elle flairait le danger.
- Cela semble lourd, dit-il.
- Vous permettez, monsieur ?
Il parut ne rien entendre.
-Trop lourd pour une fille aussi menue.
Elle serra le plateau.
- Puis-je vous aider, Monsieur ? Vous avez besoin de quelque chose ?
- Oh non, ne vous souciez pas de moi, je suis le fils d'un régisseur, vous savez...
Et alors ? se dit-elle. Il ne lui proposait pas pour autant de porter son plateau qui pesait des tonnes, n'est-ce pas ?
- Dans ce cas, si vous n'avez besoin de rien, monsieur...
Il secoua la tête.
- Non, merci, je suis admirablement servi.
Elle fit une révérence prudente pour ne pas renverser la cruche et avança. Il s'écarta à peine, si bien qu'elle dut le frôler pour passer. Elle sentit qu'il la suivait des yeux mais elle ne comptait pas lui donner satisfaction en se retournant.
Quand elle était petite, en pleine croissance et affamée, chaque fois qu'il y avait un gâteau - une génoise, saupoudrée de sucre par exemple - que Mrs Hill avait fait surgir de ses mains avec des oeufs, de la farine et du beurre crémeux, Sarah ne s'autorisait jamais à le regarder parce qu'elle savait que ce n'était pas pour elle. Elle le portait à l'étage où il était réduit en miettes, les miettes ramassées par le doigt d'un Bennet, puis elle repartait, le plateau vide. Elle baissait les yeux ou fixait un tableau sur le mur, les rideaux du salon, s'évertuant à éviter de respirer le parfum de vanille, de citron ou d'amande. Même un simple coup d'oeil sur le gâteau aurait été une torture.
Pendant des mois, se dit-elle soudain, James l'avait à peine regardée.
Sa démarche inégale supposait qu'elle portait quelque chose , sans doute la valise en bois que toutes les femmes et filles comme elle possédaient, leur seul espace privé en dehors de leur corps, dans une vie de chambres partagées et de surveillance constante. Si Sarah emportait ses affaires, c'est qu'elle ne souffrait pas d'une simple insomnie. Elle avait décidé de partir.
La pendule sonna la demi-heure. Les jeunes dames dansaient-elles déjà ou venaient-elles juste d'arriver à Netherfield, leurs mousselines aussi légères que des blancs en neige, leurs rosettes aux pieds, leurs chevelures torsadées en nattes disciplinées et autres ornements ? Elles étaient comme des confiseries coquettement décorées et enveloppées à la perfection.
...
Si on enlevait tout cela, les atours, les mousselines, tout ce joli emballage, que se passerait-il ? Un gentleman porterait-il un regard sur elles si elles avaient des engelures, les lèvres gercées, des socques de bois ? Et aurait-il les mêmes attentions que celles qu'on accorde à une dame ? Manifesterait-il une admiration respectueuse, ou bien, tel ce petit maître gras dans Pamela* lorsqu'il reluquait sa servante, les considèrerait-il comme quelque chose qu'il pourrait posséder en arrachant l'emballage ?
* Pamela ou la Vertu récompensée, roman épistolaire publié en 1740 par Samuel Richardson, auteur admiré par Jane Austen.
La vie, avait conclu depuis longtemps Mrs Hill, était une épreuve d'endurance face à laquelle tout le monde finissait par échouer.
- Pour que quelqu'un se montre digne, il faut qu'on l'ait traité avec respect. Nous sommes le fruit de notre environnement, nous nous construisons comme les mouches d'eau à la rivière, à partir des éléments dispersés qui nous entourent.
Et puis, un jour de grand froid, alors que Sarah s'apprêtait à soulever le seau, elle s'aperçut qu'il était vide, et qu'une rangée de couches flottait sur la corde à linge dans l'enclos, comme un drapeau de capitulation. James était en train de suspendre la dernière. Il parut un peu gêné quand elle s'approcha pour le remercier.
- C'est gentil, dit-elle.
- Tes mains sont si abîmées.
Sarah ne put empêcher ses yeux de se voiler. Elle sentit à cet instant trop bref une légèreté et une aisance qui étaient simplement, comprit-elle plus tard, une illustration du bonheur.
Peu lui importait la pluie et le froid. Son esprit et son âme ne se préoccupaient que du travail à faire. Quant à elle, eh bien, les intempéries ne l'ennuyaient pas tant que ça. Si on se faisait mouiller, on finissait par sécher. A quoi bon se plaindre ?