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Citations de Joë Bousquet (169)


L'Évêché, Villalier.
16 août 1937.


Extrait 1

[…]
  La vie qui nous est faite a commencé dans notre
cœur. Que ce soit le courage de l'abandonner
avec l'ardeur à l'approfondir, tous les gestes qui
témoignent de sa force peuvent être " aussi "
interprétés comme témoignant d'une disposition
immense au bonheur. Car ce qu'on nomme le
bonheur est, au fond, autre chose. Il est la pro-
fondeur d'une aptitude à vivre qui porte sa récom-
pense avec elle ; une disposition innée, une ten-
dance dont nous ne saisissons jamais qu'un aspect
accessoire dans les limites de ce qui vient nous
griser : beauté de l'être qui est un sourire de la
vie — transparence de la pensée et du désir à la
rumeur du monde….

p.36
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                                   Carcassonne.
                        Décembre 1938, samedi.


Ma chérie,
Extrait 5

  Si l’amour est oubli de soi, l’idée de l’amour doit effacer plus encore ce qui concerne l’homme, ce qui concerne la femme et inaugurer le règne de la vie intérieure où les buts disparaissent devant le progrès de la conscience.
  Revenons sur nos pas : je voudrais, aussi simplement qu’un artisan exposant sa technique, te montrer un des effets de mon amour et l’incidence sur mes pensées du bonheur qu’il devait m’apporter. Écoute, c’est là ce qui me tient éveillé dans mes nuits d’étude. [...]
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                                   Carcassonne.
                        Décembre 1938, samedi.


Ma chérie,
Extrait 3

  Je voudrais t’expliquer cela : il me semble qu’en partageant avec toi mes impressions les plus secrètes, en les mettant en toi, je peux arriver à emplir ton être avec mes propres pensées et que c’est une façon, non de résoudre certains problèmes, mais de t’éveiller dans un monde où ces questions ne se posent plus. Le moment est sans doute bien choisi, car je te sens vibrante, émue par quelque chose que tu ne m’as pas dit. À travers tes lettres on te sent lourde d’un secret qui te pèse. Mon amour te sent soudain comme chargée de larmes intérieures, balancée avec un fardeau dans tes pensées que tu crains d'abandonner bien qu'il te pèse... Je ne te demande pas de confidences ; mais je tiens à avoir, à chaque instant, une tendresse prête pour une de tes peines. C’est facile, ma vie semble le berceau de la tienne ; et rien que de te parler de moi, il semble que j’agrandis ton cœur.
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PETIT-JOUR


Pour fermer les yeux du rêve en allé
Dont elle est la sœur aux paupières closes
Une rose est nées au nid d'une rose
Il n'est plus de nuit pour l'ombre qu'elle est

Un voix se brise et chantant quand même
Tant qu'elle a de pleurs pour toucher le jour
Apprend aux mortels que le temps est court
Pour suffire au vœu d'aimer ce qu'on aime

Quand il a quitté les bords des miroirs
Pour donner les fleurs aux mains qui les cueillent
L'arc-en-ciel saisit dans la nuit des feuilles
Le chanteur tombé d'un vol d'oiseaux noirs

p.56
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POÈME DU SOIR


Sur une couche pâmée
L’éclair qu’efface un instant
Met sa robe de fumée
Pour suivre au large le vent

Sur des terres sans mémoire
Chaque pied a son soulier
L’aile est blanche l’aile est noire
Le jour n’est lui qu’à moitié

Sur un manège de cendres
0ù l’homme n’est que ses pas
Le cœur a battu pour surprendre
Ce qu’un regard ne voit pas

C’est l’espoir qu’un monde à naître
De notre ombre ait fait le noir
Et nous riant aux fenêtres
N’ait que nos yeux pour se voir

Sous des quatrains qu’elle inspire
Aux jours qui doutent de toi
La vie a ses dents pour sourire
De ce qui fut une fois

p.78
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Frileuses



Où les couleurs sont-elles
dès que la nuit y voit
Le rouge étend ses ailes
sur le blanc mort de froid

                    et nul ne dit le nombre
                    des hivers écoulés

Sur des lèvres où sombre
un papillon gelé
c’est entre une ombre et l’ombre
tout un âge en allé

                    Le jour qu’un pas efface
                    sous un ciel fait d’un nom
                    n’est plus l’homme qui passe
                    craint l’ombre et s’y confond
                    mais l’aube sans visage
                    que son regard sera
                    dans la blancheur des pages
                    où la neige est l’image
                    d’amours qu’on ne voit pas

Sois moins triste on t’écoute
plaider tes maux d’enfant
à l’absente qui doute
du coquelicot blanc

                    Ton nom ce n’est personne
                    mais son propre secret
                    tout le noir qui pardonne
                    les bois dans un bouquet

Cueille une fleur de glace
de loin le froid se voit
ce qui brille où tu passes

                    Si ce n’était pas toi

p.102
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Mystique est donc un livre contemplatif où le poète blessé cherche la racine de la connaissance sensible - la racine de notre vision du monde - afin de modifier le monde dans la mesure où le changement voudra bien accompagner un changement de celui qui voit, qui connaît.

Ce livre est pensé comme une mystique et vu comme une féerie
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[...] j'ai besoin pour être sûr que tu m'aimes de t'entendre me l'affirmer vingt fois dans un mois.
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Et moi, je ne suis que le côté obscur d’une vie où la lumière est conscience de mon amour.
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Tout ce qui fit la vie du jour se retire ; mais quelque chose du temps reste en moi, chargeant du même poids le cœur et les yeux ; et c’est une sensation si profonde que je ne peux pas m’empêcher de la réunir au bruit du vent que j’entends pleurer. J’ai pris ma tête dans les mains et j’ai pensé que le froid parlait. Un immense étonnement s’est élevé en moi tandis que je me répétais : « Tout est vivant, les choses parlent et c’est la première fois que j’en ai l’idée. » Mais, chose singulière, cette pensée ne m’ouvrait pas d’horizon. Au lieu de me combler d’un nouvel espoir elle me refoulait sur moi-même, exactement comme si j’avais été déjà mort et qu’elle me donnât le regret d’avoir mal connu un monde que j’eusse quitté. Ou bien la vérité des choses se révélait soudain avec une telle grandeur que mon être, eu égard à elle, n’était plus que vanité et désespoir de rien connaître ou comprendre. La vérité des choses m’effaçait en se déclarant et je ne parvenais à l’entendre un peu qu’en continuant en moi ce geste qui me niait. Cependant mon cœur était lourd, distinct de moi comme une larme faite pour quitter les yeux. Puis le calme est venu, je ne saurais dire comment. C’était encore l’envie de pleurer, mais en signe de délivrance, cette fois, et comme pour laisser mes larmes derrière moi. Un besoin d’épanchement qui trouvait au fond de tous ses élans une ardeur égale à la sienne pour l’accueillir. Il n’y a pas de paroles pour décrire un état si heureux ; car ce n’est plus par l’intermédiaire d’un sentiment que la joie se communique, mais directement et tout entière comme si le cœur vivait de la manifester.
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Ma pensée est le bateau de mes pensées et non pas l’homme que je suis. Il n’y a pas en moi une seule idée qualifiée pour faire le procès de mes autres idées… Au début, mes impressions me guidaient, puis elles ont guidé mes impressions ; enfin, j’ai compris que dans les limites de mon existence je pouvais faire que rien ne s’achetât… Se faire et faire autour de soi une vie telle que nul ne pût la comprendre sans ouvrir assez ses yeux pour changer le ciel.
Alors on parlera sans avoir à rencontrer ces mots qui font saigner le temps.

Mon amour était sur moi comme une pluie de cendres. Même la pierre bleue que je vois unir mes yeux clos pesait à ma pensée comme si elle était morte. Il m’est venu une idée si cruelle que j’ai dû la traduire en paroles et tout bas l’exprimer comme pour n’être pas seul à la porter. Je me suis dit : « Je respecte trop l’amour pour ne pas me mépriser d’aimer… » Mes yeux me pesaient, comme si par cette sensation inusitée se manifestait la déception de ne pas voir dans l’air surgir quelqu’un pour me porter secours, quelque triste visage où j’aurais vu l’effet de ma confidence, quelque chose, voire même la pitié, qui pût toucher à moi sans être ma peine.
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Cet enfant et moi, nous marchions de plus en plus vite dans le crépuscule couleur de pêche. Je savais que la nuit tomberait tout d’un coup. Et déjà l’air tendre avait ce goût d’eau vivante qui conduit à travers la forêt les animaux qui vont boire.
Je me suis arrêté. Quand le soleil disparaît, un rayon bleu de lin frôle la cime des arbres. On ne sait pas si c’est un ange qui tombe ou un regard qui s’envole.
La nuit cachait les sentiers, mais j’avais fermé mes paupières et les buissons se séparaient devant moi. Mes pensées chantaient comme des grillons. Je me taisais, mais ma vie naissait de mes lèvres.
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Les livres s’écrivent tout seuls. Ils sont l’expression naturelle d’une existence qui sait tirer parti de tous ses éléments, mais peu habituelle en ce temps où l’on sait si mal vivre.
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Une femme est venue : elle n’a pas eu besoin de se donner à moi pour me changer. Elle m’a changé. Je l’ai aimée, je l’aime ; mais cet amour est comme le songe d’une pensée que je sens régner sur mes jours aussitôt que je la regarde. Cet amour n’explique rien. Il n’est pas la cause mais la conséquence de ce qui est venu par son intermédiaire me rendre toute la fraîcheur intacte de la vie. Aussi, je trouve indignes d’elle les aveux qui seraient inspirés seulement de lui. Je veux, non pas lui montrer mon amour, mais la rendre témoin de ce qui s’est passé dans mon cœur.
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Contre-écrire… C’est une opération que je me promets de pratiquer. Elle consiste à dégager toujours, sous la loi me d’une vérité très simple, ce qui va consacrer l’inutilité du plus grand nombre de paroles. On appelle cela arriver à l’expression définitive. Ou bien : couper court. Tomber en trombe dans la forêt des développements, briser tous les miroirs. Plonger au sein des paroles pour en retirer l’idée devant laquelle elles reculent toutes, comme un brouillard.
C’est l’extension à la littérature d’une méthode d’hygiène morale ; ou plutôt de la réaction naturelle qui se produit dans une pensée acharnée à rester elle-même devant la douleur.
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Écoute, l’heure qui passe à l’heure qui vient a dit que tu étais toujours là ; et c’est aussi triste que si l’on t’avait enfermé pour toujours. C’est un mal inguérissable que de savoir de ses peines qu’elles sont capables de prendre fin… Je souffre de ne pouvoir assez souffrir et de connaître enfin ma vie comme l’écueil de ma pensée et de mon amour.

Ma parole est issue de mes pensées et je pleure le temps où elle naissait de mon souffle. Il n’y a plus en moi, comme un élan plus fort que le temps, cette ressource suprême, qui retournait soudain contre elle-même la certitude que j’avais sombré, ce principe de tous les éblouissements, quand mon amour buvait à ma propre fin…

J’aurai souffert du besoin de me donner. Il n’y avait pas une vie assez grande pour absorber la mienne ; et je dois en toute hâte m’arracher à ce qui n’est capable de me lier qu’à moitié. Le désespoir serait tout l’horizon de mon amour. La solitude comme une impatience de l’absolu… Mourir, enfin, à ce que j’aime.
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Tu es là ! Tu es toujours là. Personne ne t’a ôté ce qui fut le bien le plus précieux de ton adolescence ; et la mort même passera sur toi sans le voir, car comment s’ajouterait-elle ce que tu t’es interdit de tuer ? Sois attentif à ton bonheur. Le poids des ans n’y fait rien. Et tu sais maintenant que c’est hors de toi que ton cœur trouve la place de battre. La beauté perdue, vis-la dans l’instant qui vient où elle est ton amour plus qu’elle n’est toi-même ; et donc, la nécessité pour toi de te chercher et de te trouver dans ton cœur.
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Tous mes instants en un seul !… Je crains, désormais, que ma peine ne dure autant que moi. Mon être véritable me chasse devant lui. Ah ! il faudrait avoir pour toute existence réelle l’être abstrait de cette unité. Il ne faudrait pas que cette unité de tous mes instants trouvât à se figurer dans l’univers matériel par ce corps absurde auquel je suis lié. Cette unité porte un fruit, hélas !

Mon moi n’est lui-même que dans un monde où je ne peux pas demeurer.
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l’acte d’écrire est pour moi une joie, le seul rapprochement possible avec celle que l’on ne rencontre jamais en ce monde. J’écris sans m’arrêter, j’empêche le temps de me révéler qu’il n’est pas la pulsation, dans mon cœur, de mon amour.
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L’amour, avec ses ailes de colère…

Douceur d’inventer une vie à ceux qui nous font la grâce d’oublier leur être pour nous… Elle fut pour moi l’oubli du réel, ne saurai-je pas prolonger en sa faveur l’enchantement qu’elle m’a procuré ? Ainsi parle l’homme, dans le silence, dans la solitude ; et sa parole consacre son impuissance et l’inanité de son aspiration vers le beau. Sous les apparences d’un songe à réaliser il n’a jamais entrevu que sa faiblesse et l’espoir de l’amener à se connaître avec des larmes. Il n’est rien, que le désir d’approfondir ce rien, d’en sonder le néant dans la contemplation de toutes les choses.
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