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Citations de Joachim Du Bellay (185)


Tout ce qu’Égypte en pointe façonna,
Tout ce que Grèce à la corinthienne,
À l’ionique, attique ou dorienne,
Pour l’ornement des temples maçonna :

Tout ce que l’art de Lysippe donna,
La main d’Apelle ou la main phidienne,
Soulait orner cette ville ancienne,
Dont la grandeur le ciel même étonna :

Tout ce qu’Athène eut onques de sagesse,
Tout ce qu’Asie eut onques de richesse,
Tout ce qu’Afrique eut onques de nouveau,

S’est vu ici. Ô merveille profonde !
Rome vivant fut l’ornement du monde,
Et morte elle est du monde le tombeau.

-SONNET 29-
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« Ni la fureur de la flamme enragée,
Ni le tranchant du fer victorieux,
Ni le dégât du soldat furieux,
Qui tant de fois, Rome, t’a saccagée,

Ni coup sur coup ta fortune changée,
Ni le ronger des siècles envieux,
Ni le dépit des hommes et des dieux,
Ni contre toi ta puissance rangée,

Ni l’ébranler des vents impétueux,
Ni le débord de ce dieu tortueux
Qui tant de fois t’a couvert de son onde,

Ont tellement ton orgueil abaissé,
Que la grandeur du rien qu’ils t’ont laissé
Ne fasse encore émerveiller le monde.

-SONNET 13-
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LES REGRETS (XIII)

Maintenant je pardonne à la douce fureur
Qui m'a fait consumer le meilleur de mon âge,
Sans tirer autre fruit de mon ingrat ouvrage
Que le vain passe-temps d'une si longue erreur,

Maintenant je pardonne à ce plaisant labeur,
Puisque seul il endort le souci qui m'outrage,
Et puisque seul il fait qu'au milieu de l'orage,
Aussi qu'auparavant, je ne tremble de peur,

Si les vers ont été l'abus de ma jeunesse,
Les vers seront aussi l'appui de ma vieillesse,
S'ils furent ma folie, ils seront ma raison,

S'ils furent ma blessure, ils seront mon Achille,
S'ils furent mon venin, le scorpion utile
Qui sera de mon mal la seule guérison.
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Ô qu'heureux est celui qui peut passer son âge
Entre pareils à soi ! et qui sans fiction,
Sans crainte, sans envie et sans ambition,
Règne paisiblement en son pauvre ménage !

Le misérable soin d'acquérir davantage
Ne tyrannise point sa libre affection,
Et son plus grand désir, désir sans passion,
Ne s'étend plus avant que son propre héritage.

Il ne s'empêche point des affaires d'autrui,
Son principal espoir ne dépend que de lui,
Il est sa cour, son roi, sa faveur et son maître.

Il ne mange son bien en pays étranger,
Il ne met pour autrui sa personne en danger,
Et plus riche qu'il est ne voudrait jamais être.

les regrets sonnet XXXVIII
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Joachim Du Bellay
Las!où est maintenant ce mépris de fortune?Où est ce coeur vainqueur de toute adversité?[Les Regrets]
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(Les Regrets) - LII -

Si les larmes servoient de remede au malheur,
Et pleurer pouvoit la tristesse arrester,
On devroit (Seigneur mien*) les larmes acheter,
Et ne se trouveroit rien si cher que le pleur.

Mais les pleurs en effect sont de nulle valeur:
Car soit qu'on ne se veuille en pleurant tormenter,
Ou soit que nuict et jour on veuille lamenter,
On ne peult divertir le cours de la douleur.

Le coeur fait au cerveau ceste humeur exhaler,
Et le cerveau la fait par les yeux devaller,
Mais le mal par les yeux ne s'allambique pas.

Dequoy donques nous sert ce fascheux larmoyer?
De jetter, comme on dit, l'huile sur le foyer,
Et perdre sans profit le repos et repas.


*Seigneur mien = Le Cardinal Du Bellay
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Et si notre langue n'est pas aussi abondante et riche que la grecque ou latine, cela ne doit pas être imputé comme un défaut congénital, comme si d'elle-même elle ne pouvait jamais être que pauvre et stérile ; c'est dû à l'ignorance de nos ancêtres, qui ayant (comme le dit [Saluste], parlant des anciens Romains) en plus grand recommandation le bien faire que le bien dire, et aimant mieux laisser à leur postérité les exemples de vertu que les préceptes, se sont privés de la gloire de leurs belles actions, nous privant par là du fruit de l'imitation [de la narration] de celles-ci. Mais qui oserait dire que les langues grecque et romaine ont toujours été dans l'état d'excellence où on les a vues du temps d'Homère et de Démosthène, de Virgile et de Cicéron ? Et si ces auteurs avaient jugé que jamais, quelque effort qu'on eût fait pour les soigner et pour les cultiver, elles n'auraient su produire meilleurs fruits, se seraient-ils tant efforcés de les amener au point où nous les voyons maintenant ? Aussi en dirai-je de même de notre langue qui commence seulement à fleurir sans encore fructifier ; ou plutôt elle ressemble à une plante qui, n'ayant pas encore fleuri, n'en est pas moins susceptible d'apporter tout le fruit qu'elle est promise à produire.
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Chaque langue possède un je-ne-sais-quoi qui lui est propre : si vous vous efforcez d'en exprimer le génie naturel dans une autre langue en suivant la loi de la traduction, qui est de ne point s'écarter des termes employés par l'auteur, votre style restera contraint, froid et disgracieux. Ainsi, demandez qu'on vous lise un Démosthène ou un Homère en latin, un Cicéron ou un Virgile en français, afin de voir s'ils susciteront en vous les mêmes impressions que dans l'original : vous vous sentirez comme un Protée se métamorphosant de différentes façons, car vous n'éprouverez point la même chose qu'en lisant ces auteurs dans leur langue. Il vous semblera passer de l'ardente montagne de l'Etna à un froid sommet du Caucase.
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Je ne te prie pas de lire mes écrits,
Mais je te prie bien qu’ayant fait bonne chère,
Et joué toute nuit aux dés, à la première,
Et au jeu que Vénus t’a sur tous mieux appris,

Tu ne viennes ici défâcher tes esprits,
Pour te moquer des vers que je mets en lumière,
Et que de mes écrits la leçon coutumière,
Par faute d’entretien, ne te serve de ris.

Je te prierai encor, quiconque tu puisse être,
Qui, brave de la langue et faible de la dextre,
De blesser mon renom te montres toujours prêt,

Ne médire de moi : ou prendre patience,
Si ce que ta bonté me prête en conscience,
Tu te le vois par moi rendre à double intérêt.

155 – [Le Livre de poche n° 2229, p. 169]
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AU LECTEUR.

Amy Lecteur, tu, trouverras étrange (peut estre) de ce
que j'ay si brevement traité un si fertil & copieux argument,
comme est l'illustration de nostre poésie Francoyse, capable
certes de plus grand ornement que beaucoup n'estiment.
Toutes/ois tu doibz penser que les Arz & Sciences n'ont
receu leur perfection tout à un coup & d'une mesme main :
aincoys par succession de longues années, chacun y conferant
quelque portion de son industrie, sont parvenues au
point de leur excellence. Recoy donques ce petit ouvraige,
comme un desseing & protraict de quelque grand & laborieux
édifice, que j'entreprendray (possible) de conduyre, croissant
mon loysir & mon scavoir, & si je congnoy' que la nation
Francoyse ait agréable ce mien bon vouloir, vouloir (dy-je)
qui aux plus grandes choses a tousjours mérité quelque
louange. Quant à l'orthographe, j'ay plus suyvy le commun
& antiq' usaige que la raison : d'autant que cete nouvelle
(mais légitime, à mon jugement) façon d'ecrire est si mal
receue en beaucoup de lieux, que la nouveauté d'icelle eust
peu rendre l'œuvre non gueres de soy recommendable, mal
plaisant, voyre contemptible aux lecteurs. Quand aux
fautes qui se pouroint trouver en l'impression, comme de
lettres transposées, omises ou superflues, la première édition
les excusera, & la discrétion du lecteur scavant, qui
ne s'arrestera à si petites choses.

A Dieu, Amy Lecteur.
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Joachim Du Bellay
Quand ton col de couleur rose
Se donne à mon embrassement
Et ton oeil languit doucement
D’une paupière à demi close,

Mon âme se fond du désir
Dont elle est ardemment pleine
Et ne peut souffrir à grand’peine
La force d’un si grand plaisir.

Puis, quand s’approche de la tienne
Ma lèvre, et que si près je suis
Que la fleur recueillir je puis
De ton haleine ambroisienne,

Quand le soupir de ces odeurs
Où nos deux langues qui se jouent
Moitement folâtrent et nouent,
Eventent mes douces ardeurs,

Il me semble être assis à table
Avec les dieux, tant je suis heureux,
Et boire à longs traits savoureux
Leur doux breuvage délectable.

Si le bien qui au plus grand bien
Est plus prochain, prendre ou me laisse,
Pourquoi me permets-tu, maîtresse,
Qu’encore le plus grand soit mien?

As-tu peur que la jouissance
D’un si grand heur me fasse dieu?
Et que sans toi je vole au lieu
D’éternelle réjouissance?

Belle, n’aie peur de cela,
Partout où sera ta demeure,
Mon ciel, jusqu’à tant que je meure,
Et mon paradis sera là.
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La satire, Dilliers, est un public exemple,
Où, comme en un miroir, l'homme sage contemple
Tout ce qui est en lui ou de laid ou de beau.

Nul ne me lise donc, ou qui me voudra lire
Ne se fâche s'il voit, par manière de rire,
Quelque chose du sien portrait en ce tableau.

[2 dernières strophes du sonnet 62 des Regrets]
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Pourquoi me grondes-tu, vieux mâtin affamé,
Comme si Du Bellay n’avait point de défense ?
Pourquoi m’offenses-tu, qui ne t’ai fait offense,
Sinon de t’avoir trop quelquefois estimé ?

Qui t’a, chien envieux, sur moi tant animé,
Sur moi, qui suis absent ? crois-tu que ma vengeance
Ne puisse bien d’ici darder jusques en France
Un trait, plus que le tien, de rage envenimé ?

Je pardonne à ton nom, pour ne souiller mon livre
D’un nom qui par mes vers n’a mérité de vivre :
Tu n’auras, malheureux, tant de faveur de moi.

Mais si plus longuement ta fureur persévère,
Je t’enverrai d’ici un fouet, une Mégère,
Un serpent, un cordeau, pour me venger de toi.
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L'habitude s'est perdue de lire intégralement des recueils de poésie : l'école et la paresse nous ont habitués à lire un peu au hasard, ou à nous contenter de morceaux choisis. Or Les Regrets, comme Les Fleurs du Mal et certains autres recueils particuliers de notre littérature (mais non tous) est un ensemble de poèmes construit selon une progression, un développement thématique, et dans le cas des Regrets, des itinéraires géographiques de voyage (dans Rome, de Rome à la France, etc). Si chaque sonnet est comme un "arrêt sur image", il appelle sa suite et commente celui qui l'a précédé. Donc une lecture progressive s'impose, même lente, et peut-être l'accompagnement d'un commentaire comme celui que proposent les éditions Folio, où l'on trouvera différentes manières de traverser les Regrets, selon les thèmes, et de lire le livre comme l'auteur voulait qu'on le lise.
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Marcher d’un grave pas et d’un grave sourcil,
Et d’un grave sourire à chacun faire fête,
Balancer tous ses mots, répondre de la tête,
Avec un Messer non, ou bien un Messer si :

Entremêler souvent un petit E cosi,
Et d’un son Servitor contrefaire l’honnête,
Et, comme si l’on eût sa part en la conquête,
Discourir sur Florence, et sur Naples aussi :

Seigneuriser chacun d’un baisement de main,
Et, suivant la façon du courtisan romain,
Cacher sa pauvreté d’une brave apparence :

Voilà de cette cour la plus grande vertu,
Dont souvent mal monté, mal sain, et mal vêtu,
Sans barbe et sans argent on s’en retourne en France.
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Bien te veux-je avertir de chercher la solitude et le silence ami des Muses, qui aussi (afin que ne laisses passer cette fureur divine qui quelquefois agite et échauffe les esprits poétiques, et sans laquelle ne faut point que nul espère faire chose qui dure) n’ouvrent jamais la porte de leur sacré cabinet, sinon à ceux qui heurtent rudement. […]
Encore te veux-je avertir de hanter quelquefois, non seulement les savants, mais aussi toutes sortes d’ouvriers et gens mécaniques comme mariniers, fondeurs, peintres, engraveurs et autres, savoir leurs inventions, les noms des matières, des outils, et les termes usités en leurs arts et métiers, pour tirer de là ces belles comparaisons et vives descriptions de toutes choses.
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Sacrés coteaux, et vous saintes ruines,
Qui le seul nom de Rome retenez,
Vieux monuments, qui encor soutenez
L’honneur poudreux de tant d’âmes divines :

Arcs triomphaux, pointes du ciel voisines,
Qui de vous voir le ciel même étonnez,
Las, peu à peu cendre vous devenez,
Fable du peuple et publiques rapines!

Et bien qu’au temps pour un temps fassent guerre
Les bâtiments, si est-ce que le temps
Œuvres et noms finablement atterre.

Tristes désirs, vivez doncques contents :
Car si le temps finit chose si dure,
Il finira la peine que j’endure.

-SONNET 7-
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Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n’aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme.

Vois quel orgueil, quelle ruine : et comme
Celle qui mit le monde sous ses lois,
Pour dompter tout, se dompta quelquefois,
Et devint proie au temps, qui tout consomme.

Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tibre seul, qui vers la mer s’enfuit,

Reste de Rome. Ô mondaine inconstance !
Ce qui est ferme, est par le temps détruit,
Et ce qui fuit, au temps fait résistance.

-SONNET 3-
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41

N'étant de mes ennuis la fortune assouvie,
Afin que je devinsse à moi-même odieux,
M'ôta de mes amis celui que j'aimais mieux,
Et sans qui je n'avais de vivre nulle envie.

Donc l'éternelle nuit a ta clarté ravie,
Et je ne t'ai suivi parmi ces obscurs lieux !
Toi, qui m'as plus aimé que ta vie et tes yeux,
Toi, que j'ai plus aimé que mes yeux et ma vie.

Hélas, cher compagnon, que ne puis-je être encor
Le frère de Pollux, toi celui de Castor,
Puisque notre amitié fut plus que fraternelle ?

Reçois donques ces pleurs, pour gage de ma foi,
Et ces vers qui rendront, si je ne me deçoi,
De si rare amitié la mémoire éternelle.
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Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui aiment l'honneur, chanteront de la gloire,
Ceux qui sont près du Roi, publieront sa victoire,
Ceux qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront,
Ceux qui aiment les arts, les sciences diront,
Ceux qui sont vertueux, pour tels se feront croire,
Ceux qui aiment le vin, deviseront de boire,
Ceux qui sont de loisir, de fables écriront,
Ceux qui sont médisants, se plairont à médire,
Ceux qui sont moins fâcheux, diront des mots pour rire,
Ceux qui sont plus vaillants, vanteront leur valeur,
Ceux qui se plaisent trop, chanteront leur louange,
Ceux qui veulent flatter, feront d'un diable un ange :
Moi, qui suis malheureux, je plaindrai mon malheur.
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