A Mardi Gras, Vianne Rocher et sa fille Anouk, deux personnes itinérantes qui ont passé leur vie à vaquer d’un endroit à un autre, arrivent à Lansquenet-sous-Tannes, un petit village du sud-ouest de la France. Appréciant toutes deux le festival, elles décident d’y demeurer. C’est la raison pour laquelle Vianne décide d’y faire son commerce en ouvrant une chocolaterie, La Céleste Praline. Cependant cette décision n’est pas sans déplaire au curé du village, le père Reynaud, qui y voit une menace et une insulte à la religion, cette chocolaterie s’installant face à l’église. Comprenez-bien : ouvrir une chocolaterie en pleine période de jeûne, qui plus est face à l’église ne se fait pas… Le prêtre est sévère. Il compte bien réserver un accueil particulièrement inhospitalier à ces deux demoiselles venues d’on ne sait-où. On ne sait jamais quelles mauvaises influences elles pourraient avoir, se dit-il. Est-ce une vision subjective de Vianne qui voit en lui l’incarnation vivante du « Médecin de la Peste » ou est-ce la dure personnalité de cet homme qui s’exprime réellement ?
Dans tous les cas, force est de constater que ce curé semble bien raide dans ses principes. Le père Reynaud en effet n’approuve pas la venue des deux étrangères. Vianne ne va pas à l’église, ce qui renforce sa colère. Il réussit à convaincre alors certains paroissiens de rester éloignés de la chocolaterie, qu’il considère comme le suppôt de Satan. Malgré cette mise en garde, certains paroissiens sont attirés par les chocolats présentés et deviennent rapidement de véritables assidus, changeant subrepticement d’attitude. Non seulement Vianne a le chic pour découvrir les pêchés mignons de ses clients mais elle se révèle également être une très bonne confidente qui sait mettre à l’aise les gens. Vianne a des talents cachés. Elle est persuadée que certains endroits ont « besoin d’un peu de magie. Les vieux réflexes ont la vie dure, et quand votre activité a un jour consisté à exaucer les vœux des autres, la manie ne vous en quitte jamais vraiment. »
Ainsi, elle reconnait toujours les chocolats préférés des gens. « C’est un don, un secret professionnel, comme une diseuse de bonne aventure lisant les lignes de la main. (…) je vends des rêves, de menues consolations, d’exquises tentations inoffensives pour qu’une multitude de saint dégringolent de leur piédestal et viennent se fracasser au milieu des noisettes et des nougatines ».
Dans ce roman le curé est présenté sous un jour diabolique contrairement à Vianne qui l’est comme la sainte mère de Dieu… Les apparences seraient donc trompeuses à en croire l’auteur ou alors la religion n’est plus selon elle ce qu’elle était. Les personnages secondaires ne sont pas en reste pour décrire les caricatures présentes dans la société : femme battue, bohémien rejeté par le monde…
Je ne sais si les catholiques apprécieront ce livre ou s’ils seront tout simplement rebutés par la description qui est faite de leur religion. Il faut avouer que la foi catholique est décrite de manière plutôt négative. Par ailleurs, le contraste entre Vianne et le Père Reynaud peut être perçu comme une guerre entre le catholicisme et la laïcité. Cependant je pense que cela dénaturerait complètement la finalité du livre que de penser ainsi. Bien que la description de la religion apparaisse ici stéréotypée voire même, limitée, il me semble que le but du livre est tout autre. Il s’agit notamment de montrer le caractère faillible de l’être humain.
Ecrit à la première personne, donnant ainsi la parole tantôt à Vianne, tantôt au père Reynaud, nous entrons plus intimement dans leurs vies respectives, opposant constamment leur mode de vie et leurs idées. Bien que le roman ne précise pas qui parle, j’ai la sensation que l’auteur voulait à dessein nous faire perdre pied, mêlant les deux personnages à loisir dans notre esprit au départ, voulant les confondre, jusqu’à nous faire remarquer que le bien et le mal ne sont au final que les facettes que d’une seule et même pièce.
Bien que je n’aie pas été passionnée par cette histoire que j’ai trouvée parfois mollassonne par les longs descriptifs concernant le père Reynaud et par le manque d’actions, j’ai pourtant grandement apprécié les nombreux non-dits de ce livre ainsi que l’ambiance mystique qui jalonne ce roman, totalement en adéquation avec l’évolution que subit chaque habitant. Voici un monde assez atypique que j’ai hâte de retrouver au travers de sa suite, Des Pêches de Monsieur le Curé.
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