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Critiques de Joël Casséus (27)
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Crépuscules

Fixation personnelle ou bien réelle parenté littéraire, ce livre, après quelques pages, m'évoque Antoine Volodine. Lorsque le mot « pemmican » est employé, je suis même pris d'un doute, et dois faire quelques recherches sur Joël Casséus pour clarifier mon esprit. J'apprend par la même que le pemmican est une manière de conserver la viande amérindienne; rendue quasi-imputrescible par cette transformation, sa présence est toute trouvée dans un récit post-apocalyptique; c'est la nourriture du kolkhoze dans « Terminus Radieux » (encore une victoire symbolique de l'Ouest sur l'Est…? Humour d'historien…).

Enfin bref, j'avance dans le livre en y voyant une claire parenté post-exotique. C'est presque dommage qu'il n'y ait de la part de l'auteur ni de l'éditeur mention à ce « courant », toujours en attente théorique d'être développé, embrassé par d'autres écrivains que les doppelgängers de son créateur (peut-être parce qu'il en manque les dix premières leçons…(sic) ).

Voici pour l'à-propos, mais le livre ?

Cette forme très dépouillée, sans aucun nom propre, basculant d'un personnage à l'autre, toujours racontée à la première personne, est assez réussie. La langue, heurtée, hachée, aux rares dialogues, aux quelques images répétitives, colle bien avec cet univers dévasté, mais n'offre que peu de plaisir de lecture. le difficile pari de la désincarnation des personnages est ici en voie d'être perdu.

L'histoire, en creux, a du mal à se développer. La dernière partie s'anime, pour mieux s'abimer dans ce crépuscule aux contours incertains.

La mise en page du Tripode, ultra-aérée, impose paradoxalement un rythme lent, appréciable.

Certains mots ont le charme de la langue québécoise, le « dépensier » en tête (épicerie du "hameau").

Ce livre refermé, je reste sur ma faim, ayant aperçu des qualités à mon sens pas suffisamment développées. le minimalisme est un art difficile.
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Zippo

Les chroniques oubliées de Ge pour Collectif Polar

Je replonge dans ce premier roman qui est pour moi une vraie découverte.



Dans un futur apocalyptique où la civilisation humaine a abdiqué, l'amour et l'espoir n'ont plus de place. Les altermondialistes ont perdu la guerre et le feu sacré. Fin du monde assurée.

J'ai aimé ce polar à la croisé des genres.

J'ai particulièrement apprécié la langue et la belle écriture que nous propose ici nos deux primo romanciers.

J'ai aimé le regard qu'ils portent sur notre avenir commun



Oui Zippo est un roman qui fait réfléchir sur le monde que l'on aimerait demain
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Demi-ciel

Rares sont les auteur.es qui allient si intimement le fond et la forme. Joël Casséus fait partie de ce cercle d'ambitieux. Une ambition délicate, dangereuse même dans ce cas précis, lorsque le sujet abordé est si dur.

Joël Casséus, avec ce nouveau roman, continue l'exploration de ces zones de non-droit, ces zones hors de notre monde si confortable, ces zones que nous rangeons sous le tapis pour maintenir notre équilibre éthique (non, ce n'est pas une dystopie, malheureusement, c'est bien réel), où l'Homme lutte désespérément pour ne pas devenir une bête, en s'usant dans des tâches avilissantes, dans un quotidien où la violence et l'absence d'horizon règnent.

On ne sait réellement quelle guerre, quel massacre, quelle époque, quel lieu nous sont imposé.es, mais qu'importe. Le schéma serait de toute façon le même.



Dans Demi-Ciel, qui s'inscrit dans le "cycle" initié par Crépuscules, l'écriture est plus directe, même si elle reste à dompter. L'écriture de Joël Casséus me fait penser à un morceau de jazz. Chaque personnage y a son rôle à jouer, sa propre voix, sa partition. Mais le lecteur doit s'user sur les mots, phrases et motifs que déploie l'auteur. Récurrences, répétitions, confrontation de points de vues, tout cela contribue à la cohésion de l'histoire, qui n'est aucunement simple à raconter. Comment dire la lutte, la survie, l'angoisse et la peur permanentes? Comment dire le mur, les fosses, la terre, le demi-ciel? Comment dire l'abandon, comment dire l'Autre? Comment continuer quand l'attente d'un massacre vous ronge chaque jour un peu plus ?

Ce qui frappe c'est la radicalité de l'écriture, elle aussi extrêmement âpre, peu généreuse, et pourtant extrêmement organique, sensorielle. C'est un mélange totalement déroutant, et c'est pourquoi la lecture est plus lente, comme une dissection, comme si l'acte de lecture consistait à retirer la rouille d'un bel ouvrage. On sait que le chemin pour y arriver n'est pas glamour, mais qu'il en vaut la peine. Il faut user son regard sur le texte de Joël Casséus pour en saisir la véritable richesse, la beauté qui s'y cache.



On trouve dans cette oeuvre naissante une touche McCarthyenne, on pense à La Route, bien que La Route semble presque bien douce face à l'âpreté de ces zones abandonnées, rouillées, anxiogènes, où les menaces sont multiples et omniprésentes.



Joël Casséus réussi à maintenir le cap, à continuer son exploration sans perdre le souffle fort présent dans Crépuscules, tout en gagnant même en efficacité. Un auteur a découvrir pour les lecteurs téméraires.
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Zippo

Le terme « fluide » est utilisé constamment dans la blogosphère pour décrire une plume qui coule et qui se lit facilement. Il est rare que nous entendions le mot « haché » ou bien « saccadé » pour imager les phrases d’un auteur.



J’y remédierai ici avec « Zippo » des écrivains Mathieu Blais et Joël Casséus, deux Québécois. Le livre a tout d’abord paru chez « Leméac Éditeur » en 2010 et réédité chez « Kyklos éditions » en 2012. Il contient 163 pages et arbore le code ISBN : 978-2918406-24-2.



En effet, l’écriture est loin d’être fluide. J’irai même à la qualifier d’abrupte. C’est ce qui étonnera le lecteur à première vue. Des phrases sans verbes et souvent longues de deux ou trois mots qui donnent une cadence à la lecture, un rythme. Malheureusement, c’est ce qui a nui à mon appréciation, car à certains instants, c’en était trop. Le sentiment de se faire imposer un tempo quand ce n’est pas le bon moment devient lassant, épuisant.



Nous suivons plusieurs personnages qui s’entremêlent au gré des chapitres. Le héros principal, Kahid, est journaliste et il couvre un sommet, le « ZIPPO » qui doit se réunir pour discuter de solutions possibles pour éliminer une comète qui va percuter la terre. Nous sommes dans une dystopie. La société futuriste, mais pas tant que ça, est structurée comme les ghettos du nazisme. Séparés par classe, les habitants ne se mêlent que très peu.



C’est noir comme oeuvre. Il n’y a pas de place ici pour le sourire ou la joie de vivre. La fin du monde approche et nous le sentons. L’histoire aurait pu être grandiose et superbement ficelée, mais le style littéraire et les nombreux personnages que nous suivons nous perdent un peu. C’est le récit qui en souffre ainsi que sa compréhension.



J’aime pourtant ces écrits contestataires qui décrivent les habitants forts et assoiffés de vérité. Nous sommes témoins de grèves, de marches contre la violence, dans ces lignes. Les gens protestent contre le sommet. Par contre, les auteurs ne dévoilent aucune alternative pour régler le problème du météorite. Contre la violence et les sommets, soit, mais pourquoi et surtout, que faisons-nous du danger ultime? C’est bien de contester, mais il faut apporter des solutions.



Finalement,



Non, décidément, cette oeuvre n’était pas pour moi. Outre la volonté de protester qui est noble, je n’y ai pas trouvé mon compte. Je note donc d’un 2 sur 10 ce roman.



On aime : les idées protestataires



On n’aime pas : la plume, les intrigues et personnages qui s’embrouillent, la contestation sans solution.
Lien : http://www.sergeleonard.net/..
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Demi-ciel

Terrible et magnifique poésie matérielle de l’écrasement, créant du mythe brutal au pied du mur séparant de nous ceux qui endurent le pire ou presque pour notre confort et nos profits.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/04/23/note-de-lecture-demi-ciel-joel-casseus/



Le très bref prologue ci-dessus, presque en guise d’exergue, pose un décor cru, simple et brutal : sur une terre rugueuse que l’on jurerait africaine, des villageois travaillent sans relâche dans des fosses au pied d’un mur énorme, y extrayant quelque chose que d’autres hommes, venus de loin, convoitent avec force et sont prêts à payer, voler ou arracher lorsque nécessaire ou efficace. Pour extraire la moelle sauvage de cette puissante métaphore d’un néo-colonialisme contemporain particulièrement impavide, le Québécois Joël Casséus a conçu dans ce « Demi-ciel », publié au Tripode en février 2022, une polyphonie subtile dans laquelle les positions particulières des villageoises et des villageois, esclaves équivalents, contremaîtres de facto, intégrés ou hors champ, volontaires ou traînant les pieds, se relaient et se mêlent dans l’inquiétante étrangeté d’une langue ad hoc créée pour l’occasion, jouant d’une simplicité très matérielle pour mieux faire saisir, par contraste, les excavations béantes issues des avidités déchaînées.



On songera certainement, presque naturellement, aux exploitations esclavagistes des seigneurs ouest-africains de la guerre civile, mises en scène avec tant de brio (malgré l’improbable accent rhodésien endossé par Leonardo DiCaprio) dans le « Blood Diamond » (2006) d’Edward Zwick, mais aussi à la bulle climatique construite comme hors de l’espace et du temps pour arracher le coltan à la terre dans le « Vostok » de Jean-Hugues Oppel, voire de lire ici comme une contraposée particulièrement silencieuse aux gouailles déjantées de l’extractivisme néo-colonial du « Tram 83 » de Fiston Mwanza Mujila, ou à la noirceur subtilement historicisée du « Léopard » de Jo Nesbø.



Comme il l’avait pratiqué avec tant de brio dans son « Crépuscules » de 2018, Joël Casséus n’utilise pas les maux contemporains qu’il observe pour en proposer des compte-rendus réalistes habilement romancés, mais bien pour en extraire de nouvelles mythologies du temps présent, d’emblée conçues comme immémoriales et bien puissamment ancrées dans la vie matérielle, au ras du sol et de la susbsistance physique. Aux camps de réfugiés européens imaginés comme autant de jardins de la ferraille, de la boue et des restes de drones, voici que succède cet univers de fosses, où la boue secrète maintenant une richesse chiche et exclusive, avant que les multiplicateurs de la mondialisation ne s’en emparent et en extraient le véritable bénéfice, ne laissant aux villageois que leur plainte rentrée, leur peur omniprésente, le sentiment perpétuel de leur échec et de leurs sujétions, la trahison de leur terre et de leurs racines : au pied du mur, on ne voit en effet qu’un demi-ciel, bas et lourd, couvercle des illusions et des élans. Comme le dit en beauté, dans un entretien, l’auteur de cette terrible et magnifique poésie de l’écrasement, « notre moitié du ciel ne peut exister sans la brutalité infligée à l’autre moitié du ciel » – et pourtant, on y vit « tout comme nous, animé d’espoir. »
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Demi-ciel

Il est des lectures qui marquent l’esprit et la mémoire du lecteur tant les sensations qu’elles procurent sont rares et suffisamment singulières pour laisser une trace indélébile en soi.



J’ai ouvert Demi-ciel sans trop savoir vers quoi j’allais.

Très vite l’odeur de chair et de sang a infusé en moi, j’ai vu l’incessante colonne de fumée, le mur interminable et le désormais demi-ciel pesant et oppressant.



J’ai avancé troublée dans une atmosphère étouffante, dans l’attente qu’il se passe quelque chose de terrible, j’ai épié, je me suis sentie traquée, j’ai été à l’affut sans cesse telle une bête sauvage, comme le sont depuis longtemps les êtres de ce monde hostile. J’ai creusé et encore creusé une terre infertile et usée comme les êtres qui la peuplent. J’ai vécu dans un wagon la vie sauvage dans un décor de fin du monde et j’ai ressenti la haine capable de supplanter la peur quand on ne trouve plus la force de refuser et de résister.



J’ai été la mère, l’homme sans main, le père et l’enfant à la fois. Des personnages sans identité dans un monde qui ne dit pas son nom ni son époque pour mieux tendre à l’universel et l’intemporel.



Et toujours cette odeur, toujours cette fumée, toujours cette oppression, toujours ces fosses à creuse comme pour enfouir son désespoir et sa résignation. Mais aussi des cœurs qui continuent à battre, à l’extérieur soumis à la haine pourtant cherchant à l’intérieur à fuir le monde nuisible.



Comme les personnages j’ai vécu ma lecture sans jamais trouver le repos, faisant face à un texte éprouvant, oppressant à vivre sans cesse le cœur serré et la peur au ventre, vivant au cœur d’un monde sans âge dans une nature exsangue, dominée par la survie et l’idée d’un danger qui menace sans cesse et insidieusement.



On parle parfois facilement d’expérience de lecture mais celle-ci, sincèrement, en fut une vraie faisant vibrer en moi des émotions et des sensations qu’on vit rarement en tant que lecteur. Joël Casséus signe ici un texte aux contours volontairement vagues pour mieux y inscrire un message profond sur les dangers qui peuvent nous guetter et nous condamner à jamais à vivre sous un morne demi-ciel…

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Crépuscules

C’est à chaud que je fais cette chronique, car Crépuscules fait partie de ces petits ovnis littéraires dont on parle malheureusement peu. 120 pages d’une puissance folle pour une fable post-apocalyptique à la narration singulière.



Joël Casseus nous entraîne dans un monde dystopique, aux confins d’un pays jamais nommé, à une époque inconnue où la guerre est menée par des enfants pilotant des drones. Ils sont huit personnages. Huit êtres marqués différemment par le chaos ambiant. Ils vivent dans une zone frontalière, un bidonville constitué d’anciens wagons faisant office de maisons. Il y a  « l’homme » et « la femme », deux réfugiés nouvellement arrivés. Que sont-ils venus chercher ici ? Elle, est enceinte ,et semble de ce pays « Toute la lourdeur de mon ventre est exposée dans la pénombre rassurante qui a été enfantée par les crépuscules. ». Lui est d’un ailleurs. Il en porte les stigmates: des cicatrices sur le visage jusque dans les iris et des « tatous » sur les mains. Dans le wagon d’à côté, un couple avec leurs jumeaux. Ils sont nés ici. Des enfants qui n’en sont plus vraiment. Des enfants qui prennent le relais d’un père ayant perdu tout espoir en l’avenir. Mais quelle place pour l’enfance dans un monde comme le leur ? Puis dans le wagon suivant, il y a le « dépensier » , « dernier fragment de ce qui peut les rattacher à l’humanité ». Il est tenu par le marchand et sa femme. Vous pourrez y consommer de la chicoclorophyle, de l’assommoir ou du pemmican, et rêver d’un avenir meilleur.



Peu de personnages, peu de dialogues. Tout est dans la gestuelle et les regards. Un huis clos oppressant qui n’a de minimaliste que le nombre de pages. Je conçois qu’il ne plaira pas à tous, il est déroutant, mais c’est typiquement le genre de récit qui fonctionne sur moi!



Il valide par ailleurs la case « Livre choisi pour son physique » du bingo @vleel_
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Crépuscules

…L’homme qui savait la langue du métal et de la rouille…

Contondant, acéré, dangereux et cependant inerte, le décor de « Crépuscules » figure un territoire sans nom dans lequel évoluent, à l’ombre des montagnes de carcasses métalliques, les réfugiés d’une guerre sans fin.

Mis au ban d’une société qui les ignore autant qu’elle les rejette, les personnages (sur)vivent du trafic des morceaux de ferraille qu’ils découpent dans le ventre béant de la décharge.

Nouvelle « jungle » d’infortune, camp corrodé de wagons destitués de leur fonction première dans une immobilité sans espérance, le bidonville n’est accessible que par une route, unique artère dont l’armée régule le pouls et qu’elle maintient sous perfusion au rythme de ses incursions régulières pour s’y nourrir.

Dans l’atmosphère nécrosée du campement léthargique balayée par les passages réguliers de drones, sortes de « Big Brother » en charge de la surveillance du bon déroulement d’un dessein qu’on devine aussi malveillant qu’inéluctable, surgit un couple, transfusé du monde légal vers ce no man’s land amorphe, en quête d’un destin pour l’enfant attendu par la femme.

De cette incursion, naît un huis-clos aux contours bouleversés, plongeant les habitants du campement dans une introspection inconfortable autant que nécessaire. S’y mêlent désir d’être, à l’image de l’enfant s’épanouissant dans le corps de la femme enceinte, et conscience des limites imposées par la violence de ce monde, où l’humanité permet à certains de vivre sur les déchets d’une civilisation qu’ils ont transformée, bafouée et finalement abandonnée.

Sans nom, comme la terre qui leur a été allouée, ils se heurtent à leur propre vulnérabilité à travers celle de la femme encombrée par la vie qu’elle porte en son sein. Exilés involontaires sur une terre qui ne tient que les promesses de ceux qui l’ont engendrée à leurs propres fins, les personnages voient lentement mais précisément leur avenir se dissoudre dans la poussière collante, inexorable, laissée chaque soir sur leur survie par le jour qui s’achève.

Et chaque crépuscule cristallise un peu plus leur agonie lente et irrémédiable, assombri chaque jour davantage par le silence assourdissant de leur anonymat.

Exacerbés, diffractés, défigurés, leurs espoirs s’écorchent aux débris de métal, s’épuisent contre les membranes opaques du mutisme et de la résignation, deviennent limaille, boue, breuvage frelaté ou verbe acerbe, concentrés d’une violence en gestation.

Dans le ventre du camp, s’épanouissent déjà des jumeaux à l’avenir condamné : esclaves ou despotes, réfugiés ou militaires.

Aux plaies déjà ouvertes, à celles cicatrisées, l’accouchement prochain de la nouvelle venue ravive la douleur de l’inachevé, de la perte, de l’impossible salut.

Matrice d’une génération sans perspective, elle attise la souffrance de ceux qui ont cessé de croire, elle ravive les désirs avortés et les rêves abandonnés, étrangère de mauvaise augure dont la colère sourde prend forme(s) dans l’aura de sa grossesse. Cette genèse manifeste déforme son corps et trouble ses rapports au père de l’enfant.

Ce dernier semble atteint par la résignation des habitants du camp, contraint comme eux à subir une vie apathique, rythmée par la vacuité des jours se succédant selon des rites ineptes et répétitifs visant uniquement à les maintenir en vie, dans les limites des frontières de l’exil.

Et le lecteur de « Crépuscules » entre en résilience…en attendant (en espérant ?) une possible délivrance.

Ce roman, aussi court que dense, oppressant, lourd comme du plomb, déstabilise.

D’abord, par cette écriture, si singulière. Le verbe de Joël Casséus n’est pas sans rappeler, parfois, celui de Jean-François Beauchemin dans « Le jour des corneilles », tant dans son langage, presque innocent, que dans l’approche de cette collision entre les humanités, la « civilisation » et les exclus.

Plus acide, Joël Casséus ne gomme aucune aspérité.

Ni de ses personnages, bruts, désincarnés puisqu’anonymes, sans nom, sans repère autre que leur fonction ou leur genre.

Ni de cette terre désolée, isolée, à laquelle on pourra identifier toutes les « jungles » et tous les camps du monde. Inutile de nommer l’indicible, juste le regarder bien en face et s’y griffer pour en prendre conscience.

Ensuite, au-delà du style, « Crépuscules » nous entraîne vers une « finis terrae » sans horizon, ou si peu.

Et au bord du vide, l’équilibre se mesure à la propension à choisir le camp auquel les personnages veulent appartenir, entre innocence et violence, corruption ou abnégation. L’auteur ne prend pas parti, il ne préfère pas. A la fois conte et roman d’anticipation, il est bien au-delà du trop facile « roman dystopique », mais en adopte certains codes, pour nous accorder quelques repères un peu rassurants, pour nous laisser un peu d’air dans l’univers suffocant dans lequel il nous immerge.

Pas de cases, sinon celles dans lesquelles il semble placer ses personnages (« La femme », « le père de l’enfant », « l’homme »). Mais les barrières sont mouvantes dans l’immobilité apparente du camp, comme les parois du ventre maternel contre lesquels les poings de l’enfant à naître, boxe. Et les certitudes sont de fait bousculées, malmenées.

Ce livre, où la violence affleure, exsude, laisse des marques ou corrompt sans bruit les âmes les plus vulnérables, est l’uppercut nécessaire et douloureux pour nommer la souffrance. Pas d’esquive possible, juste une parade qui aurait pour nom empathie ou bienveillance, et qui nous permettrait de sortir du ring la tête haute et le cœur libéré d’un combat stérile à l’issue fatalement corrompue. Une sorte de délivrance…



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Zippo

Ambiance de fin du monde garantie dans ce roman : comme toujours, ce sont les plus défavorisés qui trinquent en premier : clochards, prostituées, étrangers, etc… Les boucs-émissaires ne manquent pas ! Le climat est à l’insécurité, renforcée par les patrouilles de macoutes (policiers) qui les traquent sans relâche pour les parquer dans la décharge publique ou bien pire encore. Dans ce chaos ambiant, nous allons à la rencontre de différents personnages, certains restent anonymes : ils n’ont droit qu’à un pronom personnel, il ou elle, et nous passons de l’un à l’autre au gré des chapitres. Cette construction ne permet pas vraiment de s’identifier à eux, de s’attacher, de compatir et entraine une certaine confusion : qui sont-ils ? Parle-t-on toujours de la même personne ou est-on passé à quelqu’un d’autre ? Difficile de s’y retrouver, j’ai eu du mal à m’y faire et suis restée en dehors. Certains personnages seront tout de même plus présents comme Kahid, O’Donnell ou même A*** à travers les souvenirs flous de Kahid mais ils restent très mystérieux au lecteur, leur portrait à peine esquissé. Même le style m’a paru chaotique : il manque souvent le sujet en début de phrase qui n’est pas repris ou même des phrases sans verbe. Là encore difficile d’accrocher… Néanmoins, il est indéniable que ces ellipses donnent du rythme, une dynamique au roman, de même que les chapitres qui sont très courts : la lecture est donc rapide.

Je déplore tout de même le fait qu’il n’y ait pas vraiment d’histoire. Il s’agit surtout de suivre cette fin du monde annoncée, voir comment chacun réagit avant la chute du météore et notamment cette chasse aux sorcières envers les laissés pour compte de la société, l'égoïsme, la lâcheté des autres qui ne réagissent pas, font comme s'ils n'avaient rien vu, rien entendu, laissent faire et continuent leur chemin. Si le message est bien passé, je ne suis ni convaincue par la forme ni par le fond…
Lien : http://lecturesdalexielle.ov..
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Demi-ciel

« C’est étrange comme les gens cherchent un sens à la vie, mais jamais à la mort »



En somme écrire des chroniques littéraires parait plutôt présomptueux mais lorsque l’on tombe sur un roman confidentiel tel que Demi ciel, on comprend que les choses ne sont pas vaines. Découvrir un texte qui demeure aussi singuliers n’a pas de prix. Vous serez désorientés par ce roman, vous serez à la fois surpris, circonspects mais continuer de le lire s’apparenterait à une résistance au monde. Voilà ce qui m’émeut en littérature : être totalement déboussolé et désarçonné par des phrases qui s’agitent avec talent. Joël Casséus est une sorte de magicien des temps modernes sans la cape ni l’esbroufe. Tenez-lui la main et vous serez dans un monde à la lisière du sombre et du lumineux. Enseignant la sociologie à Montréal, il est venu me cueillir avec ce second roman publié en France après Crépuscules qui aurait pu en être la suite officielle. Avec la notion de groupe social, vivant en communauté cloisonnée, vous perdrez vos repères spatio-temporels. En nommant ses personnages par leurs caractéristiques, le schéma narratif se transforme comme un cri. Un cri pour cette population invisible sous ce demi ciel terré dans l’ombre d’une société. L’impuissance et l’exil comme points d’ancrage pour le « menuisier aveugle » qu’est Joël Casséus.



Si l’univers du romancier est plutôt noir comme l’ambiance générale d’un monde où l’Homme cherche le profit personnel, Il demeure beaucoup de lumière et d’espoir. Les répétitions, récurrences, angles différents que prend le roman, ouvre la boucle intemporelle de nos horizons. Peu importe l’époque ou le danger qui guette, l’universalisme du propos est tout entier. Chaque nation ou communauté a déjà connu dans son Histoire la guerre, le massacre, l’enfermement ou la ségrégation. Il y a cette attente philosophique où l’es éléments naturels grandissent avec les Hommes. Les fosses, la terre, le mur et le demi ciel forment un tout indissociable.



La lecture est exigeante, les hommes creusent le terreau familial, les survivants font face à l’oppression qui gangrène leurs cœurs et tout devient invisibilisé. Aucune leçon moralisatrice ne viendra perturber votre lecture dans ce monde souterrain si mystérieux. Le demi ciel sépare les uns et les autres. Les chapitres sont courts et incisifs où le décent, l’idiot, l’homme sans main qui a osé franchir le mur, la mère, le père, le fils viendront hanter votre cheminement intellectuel avec un langage brut. Les rôdeurs attendent le moment venu, il faudra être prudent et creuser pour trouver la richesse que l’on pense nécessaire.



J’y ai vu l’amalgame du sanctuaire de Laurine Roux, l’univers de Bérengère Cournut, l’élégance de Pierre Abeille, le parlement du démon de la colline aux loups, le mur de Game of thrones et l’attaque des titans. Oui tout cela.
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Demi-ciel

Difficile d’identifier le lieu et le temps de ce roman, car il est universel. Cela pourrait se passer dans n’importe quel pays, à n’importe quelle époque. Grâce à Vleel, j’ai pu avoir quelques éclaircissements de l’auteur. Joël Casséus est professeur en sociologie à Montréal. Il s’est inspiré du Congo, dont sa mère est originaire. A partir de là on peut effectivement raccrocher certains éléments liés au contexte de guerre, aux hommes armés de machettes, à l’extraction de minerais (le coltan). Ainsi il peut s’agir de toutes les guerres ou génocides du monde.

J’ai eu besoin de concentration au début pour identifier les personnages, savoir qui parle. Tel un roman choral, les chapitres alternent les points de vue et les narrateurs. Les dialogues sont bruts, dans un langage simple, et alternent avec des passages poétiques.

Le roman est davantage centré sur un couple avec un enfant, dont la femme est enceinte et sur le point d’accoucher. Il y a aussi le sergent, le grand-père, la mère guérisseuse, l’idiot, l’homme sans mains. Ces personnes vivent dans une sorte de communauté, dans des wagons abandonnés. Les femmes et le grand-père préparent à manger, s’occupent du feu, pendant que les hommes partent creuser des fosses près d’un mur. Un mur immense qui leur cache le ciel, ou le demi-ciel comme ils le nomment. Ils survivent en exil, avec un sentiment de peur permanent.

Joël Casséus s’empare dans ce roman de beaucoup de thèmes notamment celui des réfugiés, du travail des enfants, de la masculinité toxique, de la résilience, du rapport de l’homme à la nature. Il donne la parole à chacun de ses personnages pour susciter l’empathie. Il dit écrire pour comprendre quelque chose, « vivre émotivement ». Il bouscule son lecteur car selon lui il est plus attentif dans l’inconfort. Il a beaucoup fait référence à Karl Marx, à l’aliénation. Son roman est fait d’allégories et d’images brutes, de répétitions qui accentuent le sentiment d’oppression, d’atmosphère pesante. Il nous a dit avoir été influencé par l’écoute du jazz pendant son écriture, mais aussi du cinéma, avec le film « Les bêtes du sud sauvage » de Benh Zeitlin.

C’est un roman certes exigeant mais très intéressant pour son message et son écriture. Si vous n’avez pas peur d’être un peu perdu ou déboussolé, en tout cas au début, lisez-le. Faites l’expérience. Et n’hésitez pas à le relire une deuxième fois. J’ai désormais très envie de lire son premier roman qui vient de paraître en poche, « Crépuscule », chez Le Tripode qui propose toujours des textes originaux et engagés. Vous l’aurez compris, c’est un éditeur chouchou.

Un auteur passionnant et passionné que je vous invite à écouter dans le replay à venir sur la chaîne Youtube Vleel, ou en podcast.
Lien : https://joellebooks.fr/2022/..
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Demi-ciel

L'autre côté, celui aveugle, celui de l'oppression, celui qui survit, en creusant des fosses, derrière un mur. Notre monde, en pire ? Une post-apocalypse ayant déjà eu lieu derrière le mur du capitalisme, du colonialisme ? L'expérience de l'âpreté de la langue quand elle touche à l'aveuglement, approche le silence de la survie, l'inquiétude d'une menace réelle, mais aussi fantasmée comme signe et sens, prophétie et épreuve. Dans la circulation de la parole, dans la succession du point de vue de chacun des personnages, Joël Casséus retrace les ultimes espoirs d'une communauté, fragile, humaine.
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Demi-ciel

Sous le demi-ciel, l'horizon bloqué par un mur (érigé par qui ? pour quelle raison ?) des hommes creusent le ventre de la terre à la recherche de richesses : pour un minerai inconnu ? pour occuper leur journée ? pour devenir fou de douleur dans sa chair et que le vide se fasse dans l'esprit ? pour qu'il y ait une habitude qui fasse sens ?

Au campement, dans les wagons et autour du feu patientent les femmes, l'ancêtre, la vieille guérisseuse aveugle, le fou : un clan, presque une société primitive bien ordonnée, une tribu assemblée de bric et de broc, de hasards croisés sur le sentier.



Bien sûr, il y a la catastrophe, le feu qui menace, les rôdeurs qui ouvrent le ventre des femmes, le mur qui appelle de ses sirènes, et la faim : la violence est sur le point d'éclater à chaque page, dans ce que les survivants redoutent, attendent, espèrent.



"Nous sommes bien peu de choses".



Après le monde, tous et toutes expient une faute qui ne dit pas son nom. Tous les membres de la tribu n'ont pas pêché mais tous se retrouvent là et il leur appartient néanmoins de purger cette peine. La personne qui lit semble quant à elle en reconnaître les contours, comme un savoir larvé au creux du ventre, qui vibre et s'éveille à la lecture.

Car on glisse ses yeux et son imaginaire dans le décor post-apocalyptique comme dans un soulier bien inconfortable. L'organisation d'une société de survivants (qui ont survécu à quoi ? Une guerre ? une catastrophe nucléaire ? qui survivent en tous cas à chaque journée passée à creuser ou battre les champs) : on sait tout ça sans l'avoir vécu, pour l'avoir déjà vu, de loin protégé par le média ou par la distance.

Car on glisse dans cette littérature du monde d'après comme dans quelque chose de familier : par le cinéma, la littérature ou encore les chaînes d'info en continu on le connaît, le monde post-apocalyptique. Ils sont bien familiers, ces hommes qui n'ont plus grand chose d'hommes mais qui ne sont pas encore des bêtes (puisqu'ils creusent, font et perdent des petits, voudraient espérer mieux, ailleurs pour leurs petits).

Celles et ceux qui payent sont ceux du monde d'après, sont les femmes et les hommes d'après, et peut-être qu'ils payent aussi un peu nos fautes à nous.



On glisse donc à reculons dans cette peinture de monde fini, d'hommes finis, et c'est inconfortable car cela dit quelque chose de nous aujourd'hui, et cela laisse un sale goût de fer dans la bouche et c'est à ça (peut-être), la manifestation physique, le malaise, que l'on reconnait une grande lecture.
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Crépuscules

Je dois avouer que j'ai eu du mal à (r)entrer dans ce livre. D'abord parce qu'il est difficile d'identifier les personnages, à commencer parce qu'il n'ont pas de nom. Ensuite parce que l'auteur ne donne aucune indication de temps ni de lieu. Les seuls certitudes sont que le monde semble dévasté et que la lutte est celle de la survie. Enfin, il faut comprendre que le rythme est lent. La narration est faite essentiellement des différents états d'esprit des protagonistes. Certains passages sont donc assez ennuyeux, tandis que d'autres se révèlent très beaux. Le titre est bien trouvé, ce roman est crépusculaire. Le style est également très particulier, parfois très direct. Tout cela est assez surprenant, et pour ma part, trop déroutant pour que j’adhère complétement. J'ai peut-être manqué de concentration pour pleinement apprécier ce livre exigeant
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Crépuscules

Aux marges réfugiées, un sublime cantique de la ferraille, de la boue et de l’humanité.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/03/07/note-de-lecture-crepuscules-joel-casseus/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Crépuscules

Comment vous dire la beauté de ce texte étrange et terrible, qui à la fois vous enveloppe et vous heurte, vous enserre entre son harmonieuse musicalité et son atmosphère sourdement pesante... Comment vous convaincre que son sombre et macabre propos n'altère pas sa poésie ?



Y évoluent des êtres sans nom, dans des lieux eux aussi anonymes, à une époque indéfinie... leurs voix se succèdent, alternances de "je" que l'on identifie peu à peu, dont les interventions composent, par bribes, un tableau du sordide environnement dans lequel ils nous immergent.



Un couple de réfugiés arrive dans un "village" de wagons. Elle est enceinte, lui est un sans-papiers aux iris lacérés, portant des tatouages l'apparentant à une communauté honnie. La confrontation avec les quelques habitants du lieu est pesante de silences inconfortables et hostiles, alimentée des peurs, de la détresse, de l'impératif quotidien qui hantent chacun, celui d'une survie mécanique et pessimiste, parfois proche de l'animalité.



L'endroit est comme une impasse, où l'humanité aurait aboli tout espoir et toute joie. Ceux qui y coexistent semblent s'être arrêtés là pour accumuler la poussière et disparaître lentement, en silence. Il y règne une ambiance post-apocalyptique : le sol est empoisonné par les déchets métalliques qui le jonchent ; des charniers, offrant le spectacle devenu banal de monceaux de cadavres, le parsèment. Le panorama, vide d'une nature disparue, bordé par la fumée de cheminées d'usines, est plombé par un ciel toujours grisâtre. Les drones qui sillonnent le ciel en permanence rappellent la guerre que mènent, derrière des écrans, des enfants soldats.



Les crépuscules hantent les esprits en permanence, comme si leur régularité les dotait d'une dimension intentionnellement maléfique.



Plongé dans les pensées de chaque acteur de ce huis-clos oppressant de violence insidieuse et d'angoisse effroyable mais latente, le lecteur appréhende les éléments de cet univers sombrement énigmatique en tissant des connexions entre leurs propos elliptiques, faits de phrases tronquées, d'émotions livrées sur le vif, d'auto-questionnements anxieux. S'y expriment à la fois la peur de l'autre et la peur de cette peur, l'effroi de constater qu'on ne sait plus voir que ce qui nous sépare, et non plus ce qui nous rapproche... s'y manifeste la difficulté à conserver sa dignité et sa capacité à l'empathie au milieu du chaos instauré par la violence du monde. Mais il en émane aussi quelques lueurs d'espoir, nichées dans la perspective de l'enfant à venir, perspective effrayante face à l'avenir probable qui l'attend, mais pourtant riche de la promesse irréductiblement liée à l'acte du don de la vie...



Et c'est surtout, malgré son propos, un texte magnifique, à l'écriture à la fois minimaliste et envoûtante, comme si Joël Casséus avait trouvé le parfait équilibre entre beauté et efficacité.



"Parce que nous ne sommes pas endeuillés de ce crépuscule particulier, mais de l'ensemble. De tous ceux qui sont passés et de ceux à venir ; puisque nous sommes incapables de les différencier, puisque notre détresse n'a pas de limites".


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Crépuscules

Douze narrateurs parlent d’un univers ruiné et violent, d’un futur sans espoir. « Crépuscules », troublante expérience de lecture signée du romancier québécois.
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
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Crépuscules

Un très grand texte ! Voilà ce que je me suis dit en refermant « Crépuscules » de Joël Casseus.



« Crépuscules », au pluriel. 8 voix pour dire la survie, l’exil, le désespoir, dans une géographie et une époque incertaines.



Au dessus passent des drones. À leurs pieds la terre a été rendu stérile. Et tout autour la menace sourde, une guerre dont nous ne saurons rien, qui pourrait être, qui est, toutes celles de notre époque. Celles qui chassent les populations sur les routes de la solitude et de l’exode, de la fuite. Celles qui décomposent notre humanité comme la rouille, omniprésente dans le texte, décompose le monde de métal et de déchets où survivent les 8 narrateurs.



Les voix alternent sans s’entendre, sans même s’écouter entre elles, solitaires dans cet assemblement de wagons, morceaux de train à jamais à l’arrêt, qui échouent à recréer même un semblant de communauté.



« Crépuscules » est il une dystopie, un conte étouffant ? En tout cas un très grand texte.



En 160 pages, Joël Casseus, d’une langue fertile et poétique, nous captive et nous fait entendre les voix fragiles des exilés de partout.



Un récit qui m’a terriblement remué, tant par sa maîtrise que par son empathie. Un texte foncièrement politique, terriblement actuel sur les réfugiés, les laissés pour compte, les extrémismes.



Et pourtant il se pourrait qu’un homme prépare un potager.



Qu’une femme refuse que tout s’oublie.



Un immense, immense coup de cœur !!



« Alors je joue. Comme je l’ai fait pendant tout mon trajet. Je reproduis les sons de ce que j’ai vu et de ce que j’ai ressenti et je leur donne. Je leur donne sans même utiliser des mots parce que je veux qu’ils comprennent. Je ne veux pas qu’ils puissent faire semblant de ne pas savoir. Que leurs enfants tuent les nôtres. Je leur dis partout. Je leur dis à ceux qui veulent encore écouter. Je leur dis avec les sons, sans les mots, parce qu’il n’y a plus de mots pour dire. »
Lien : https://bonnesfeuillesetmauv..
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Demi-ciel

Une humanité aux abois, dans un paysage dévasté : “Demi-ciel” de Joël Casséus fait tristement penser à la guerre en Ukraine en nous plongeant dans l’horreur intemporelle de vies dévastées.
Lien : https://www.lesinrocks.com/l..
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Zippo

Deux auteurs québécois font leur entrée en force avec ce roman, aux odeurs de soufre et de brûlot. Son titre, ZIPPO, rappelle aussi le briquet tempête bien connu. Effectivement, ça brûle !



Dans un futur proche, dans la ville de Villanueva, aux Etats-Unis. Cette petite ville est à l’image du monde, alimentée par un canal et traversée par le boulevard Mac Carthy. La ville est en ébullition car elle accueille le sommet du ZIPPO, qui regroupe les neuf plus grandes puissances économiques mondiales. Le peuple, en révolte, attend des décisions. Dans le même temps, un météore menace de tomber sur la Terre, et de s’écraser sue Villanueva.



La ville est partagée entre les frasques, largement médiatisées et le quartier des Pornoputes où l’on a entassé les pauvres et les indésirables. Depuis peu, les prostituées disparaissent, et personne ne s’en soucie. La résistance essaie de faire parler d’elle, mais elle est violemment maitrisée par les forces de l’ordre, les Macoutes.



Kahid est un journaliste, et son patron va lui confier la mission de couvrir le sommet du ZIPPO, alors que cela ne le motive pas plus que cela. Il a perdu la belle A***, et il se perd dans l’alcool à longueur de journée, confondant les désordres de la rue avec les ruines de sa vie. De nombreux personnages vont se croiser, s’entrecroiser dans ce paysage chaotique.



Roman social, roman apocalyptique, roman de fin du monde. La vision désespérante mais pas désespérée d’un monde qui s’éteint donne une impression hallucinante et hallucinée de ce vers quoi pourrait basculer nos sociétés industrielles. Entre mauvais rêve, cauchemar et réalité, le tableau est poisseux, noir, sale, et empli de fureur, de celle que l’on éteint quand on lance la charge des forces de sécurité.



Il y a un tel écart dans le roman entre les belles présentations du ZIPPO et la réalité du terrain, entre ceux qui y croient et ceux qui meurent de faim. Que peut-on attendre d’un monde qui nourrit le peuple avec des cigarettes que l’on appelle des crache poumons, ou de l’alcool appelé jus de cervelle ? Que dire des camions poubelles chargés de ramasser les corps des morts qui jonchent les rues ?



Le style est à l’image de ce monde, anarchique, oubliant les phrases pour lancer des rafales de mots, noyant les dialogues dans la narration. Effet de style sans concession, sans pitié qui parfois m’a laissé pantois, parfois m’a laissé sur le bord de la route. Certains passages m’ont paru difficilement compréhensibles, comme si les auteurs voulaient asséner leurs coups de mots dans la tête du lecteur qui a déjà la tête sous l’eau ou dans le sang.



C’est un roman d’anticipation, heureusement, et n’y cherchez pas l’auteur des meurtres des pornoputes car l’intrigue a peu d’importance. Lisez le tableau, buvez les images, retenez le style, c’est un livre fait pour secouer et pour faire réfléchir. Mission réussie.
Lien : https://blacknovel1.wordpres..
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