AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jonathan Littell (228)


Le soir tombait. Un givre épais recouvrait tout : les branches tordues des arbres, les fils et les poteaux des clôtures, l'herbe drue, la terre des champs presque nus. C'était comme un monde d'horribles formes blanches, angoissantes, féeriques, un univers cristallin d'où la vie semblait bannie. Je regardais les montagnes : le vaste mur bleu barrait l'horizon, gardien d'un autre monde, caché celui-là. Le soleil, du côté de l'Abkhazie sans doute, tombait derrière les crêtes, mais sa lumière venait encore effleurer les sommets, posant sur la neige de somptueuses et délicates lueurs roses, jaunes, orange, fuchsia, qui couraient délicatement d'un pic à l'autre. C'était d'une beauté cruelle, à vous ravir le souffle, presque humaine mais en même temps au-delà de tout souci humain. Petit à petit, là-bas derrière, la mer engloutissait le soleil, et les couleurs s'éteignaient une à une, laissant la neige bleue, puis d'un gris-blanc qui luisait tranquillement dans la nuit. Les arbres incrustés de givre apparaissaient dans les cônes de nos phares comme des créatures en plein mouvement. J'aurais pu me croire passé de l'autre côté, dans ce pays que connaissent bien les enfants, d'où l'on ne revient pas.
Commenter  J’apprécie          211
Il y aurait certainement des erreurs, certainement des victimes innocentes, mais cela, hélas, c'était la guerre ; lorsqu'on bombarde une ville, des civils meurent aussi. Que cela nous serait à l'occasion pénible, que notre sensibilité et notre délicatesse d'hommes et d'Allemands en souffriraient parfois, il le savait ; nous devrions triompher de nous-mêmes ; et il ne pouvait que nous rapporter une parole du Führer, qu'il avait entendue de sa propre bouche : Les chefs doivent à l'Allemagne le sacrifice de leurs doutes. Merci et Heil Hitler.
Commenter  J’apprécie          51
Dans le cas qui nous occupe, celui de Degrelle tel qu'il peut se lire à travers La campagne de Russie, la maintenance du Moi passe par une série rigoureuse, presque mécanique, d'oppositions, dont le second terme représente la menace qui guette le Moi-carapace, et le premier les qualités qui permettront au fasciste de le renforcer et donc d'échapper à la dissolution psychique, péril autrement grave que la défaite militaire. Le texte de Degrelle tout entier se structure - et donc structure pour lui le réel - grâce à ces oppositions. La principale nous le verrons, est celle du sec et de l'humide.
Commenter  J’apprécie          00

Vous vous rappelez toutes les injures que Zemmour a subies pour avoir osé exprimer la même chose dans "Le Suicide Français" ? Littell n'a pas non plus été raté par les Claude Lanzmann et autres "gourous" de la "Shoah" lorsqu'il l'a écrit dans ses "Bienveillante" :

Citation :
[...] ... - "Prenez le cas de la France, où nous avons, si l'on peut dire, pu commencer à travailler l'été dernier, une fois que les autorités françaises eurent, guidées par notre spécialiste et aussi par les conseils et désirs de l'Auswärtiges Amt, euh, si vous voulez, accepté de coopérer et surtout quand la Reichsbahn a consenti à nous fournir le transport nécessaire. Nous avons ainsi pu commencer, et au début, cela a été un succès, car les Français montraient beaucoup de compréhension, et puis grâce à l'assistance de la police française, sans laquelle nous n'aurions rien pu faire, bien sûr, car nous n'avons pas les ressources, et le Militärbefehlhaber n'allait certainement pas les fournir, donc l'aide le la police française était un élément vital car c'est eux qui arrêtaient les Juifs et nous les transféraient, et d'ailleurs même, ils faisaient du zèle, car nous n'avions officiellement demandé que les Juifs de plus de seize ans - pour commencer, bien entendu - mais eux ne voulaient pas garder les enfants sans leurs parents, ce qu'on peut comprendre, et donc ils nous les donnaient tous, même des orphelins - bref, on a vite compris qu'ils ne nous livraient que leurs Juifs étrangers, j'ai même dû annuler un transport de Bordeaux parce qu'on n'en trouvait pas assez pour le remplir, de ces Juifs étrangers, un vrai scandale, car en ce qui concernait leurs propres Juifs, ceux qui étaient donc citoyens français, je veux dire, depuis longue date, eh bien là, vous voyez, c'était non. Ils ne voulaient pas et il n'y avait rien à faire. D'après l'Auswärtiges Amt, c'est le maréchal Pétain lui-même qui faisait obstacle, et on avait beau lui expliquer, ça ne servait à rien. Alors, après novembre, bien sûr, la situation a complètement changé parce que nous n'étions plus liés par tous ces accords, et par les lois françaises, mais même là, c'est ce que je vous ai dit, il y avait le problème de la police française, qui ne voulait plus coopérer, je ne veux pas me plaindre de Herr Bousquet mais lui aussi, il avait ses ordres, et quand même, ce n'était pas possible d'envoyer la police allemande frapper aux portes, donc, de fait, en France, ça n'avance plus. .... [...]
Commenter  J’apprécie          50
Extraits à lire en particulier : pages 262, 263, puis 393/394 et 300 et 401 (sur la politique pro-musulmane des Nazis), 562/563 et, de façon générale, tout l'entretien entre Aue et le commissaire politique bolchevique, 842 et 843 et les pages qui suivent sur l'inhumain, 852/853, 875, 876 et les suivantes sur le "Canada", 954, 955 et les suivantes sur la politique des Alliés, 987, 988 et 989, 132, sans oublier toute la "gigue."

Citation :
[...] ... J'arrivai sur la place en fin de matinée, en compagnie de Thomas. Plus de quatre cents Juifs avaient été rassemblés et forcés à s'asseoir, les mains sur la nuque, près de la haute potence dressée la veille par les chauffeurs du Sonderkommando. Au-delà du cordon de Waffen-SS, affluaient des centaines de badauds, des militaires surtout mais aussi des hommes de l'Organisation Todt et du NSKK, ainsi que de nombreux civils ukrainiens. Ces spectateurs emplissaient la place de tous les côtés, il était difficile de se frayer un chemin ; une trentaine de soldats s'étaient même juchés sur le toit en taule d'une bâtisse avoisinante. Les hommes riaient, blaguaient ; beaucoup photographiaient la scène. Blobel se tenait au pied de la potence, avec Häfner qui revenait de Bielaïa Tserkov. Du côté des rangées de Juifs, von Radetzky haranguait la foule en ukrainien : "Quelqu'un a-t-il un compte à régler avec l'un de ces Juifs ?" demandait-il. Alors un homme sortait de la foule et décochait un coup de pied à l'un des hommes assis, puis s'en retournait ; d'autres leur lançaient des fruits et des tomates pourris. Je regardais les Juifs : ils avaient le visage gris, ils dardaient des yeux angoissés, se demandant ce qui allait suivre. Il y avait parmi eux beaucoup de vieillards, aux barbes blanches fournies et vêtus de caftans crasseux, mais aussi des hommes assez jeunes. Je remarquai que, dans le cordon de garde, se tenaient plusieurs Landser de la Wehrmacht. - "Que font-ils ici ?" demandai-je à Häfner. - "Ce sont des volontaires. Ils ont demandé à aider." Je fis une moue. "On voyait de nombreux officiers, mais je n'en reconnaissais aucun de l'AOK. Je me dirigeai vers le cordon et interpellai l'un des soldats : "Qu'est-ce que tu fais ici ? Qui t'a demandé de monter la garde ? " Il prit un air gêné. "Où est ton supérieur ? - Je ne sais pas, Herr Offizier," répondit-il enfin en se grattant le front, sous le calot. -"Qu'est-ce que tu fais ici ?" répétai-je. " - "Je suis allé au ghetto ce matin, avec mes camarades, Herr Offizier. Et puis voilà, on s'est proposés pour aider, vos collègues ont dit oui. J'avais commandé une paire de bottes en cuir à un Juif et je voulais essayer de le trouver avant ... avant ..." Il n'osait même pas dire le mot. "- "Avant qu'on le fusille, c'est ça ?" dis-je avec aigreur. - "Oui, Herr Offizier. - Et tu l'as trouvé ? - Il est là-bas, mais je n'ai pas pu lui parler." Je retournai auprès de Blobel. - "Herr Standartenführer, il faudrait renvoyer les hommes de la Wehrmacht. Ce n'est pas normal qu'ils participent à l'Aktion [= exécution en masse des Juifs] sans ordre. - Laissez, laissez, Obersturùfuhrer. C'est bien, qu'ils montrent de l'enthousiasme. Ce sont de bons nationaux-socialistes, ils veulent aussi faire leur part." ... [...]
Commenter  J’apprécie          00
On croit encore aux idées, aux concepts, on croit que les mots désignent des idées, mais ce n'est pas forcément vrai, peut-être n'y a-t-il réellement que des mots, et le poids propre aux mots. Et peut-être ainsi nous étions-nous laissé entraîner par un mot et son inévitabilité. En nous, donc, il n'y aurait eu aucune idée, aucune logique, aucune cohérence ? Il n'y aurait eu que des mots dans notre langue si particulière, que ce mot-là, Endlösung, sa beauté ruisselante ? Car en vérité comment résister à la séduction d'un tel mot ? C'eût été aussi inconcevable que de résister au mot obéir, au mot servir, au mot loi.
Commenter  J’apprécie          80
On a beaucoup parlé, après la guerre, pour essayer d'expliquer ce qui s'était passé, de l'inhumain. Mais l'inhumain, excusez-moi, cela n'existe pas. Il n'y a que de l'humain et encore de l'humain : et ce Döll en est un bon exemple. Qu'est-ce que c'est d'autre, Döll, qu'un bon père de famille qui voulait nourrir ses enfants, et qui obéissait à son gouvernement, même si en son for intérieur il n'était pas tout à fait d'accord ? S'il était né en France ou en Amérique, on l'aurait appelé un pilier de sa communauté et un patriote ; mais il est né en Allemagne, c'est donc un criminel. La nécessité, les Grecs le savaient déjà, est une déesse non seulement aveugle, mais cruelle.
Commenter  J’apprécie          100
Les Juifs sont les premiers vrais nationaux-socialistes, depuis près de trois mille cinq cents ans déjà, depuis que Moïse leur a donné une Loi pour les séparer à jamais des autres peuples. Toutes nos grandes idées viennent des Juifs, et nous devons avoir la lucidité de le reconnaître : la Terre comme promesse et comme accomplissement, la notion du peuple choisi entre tous, le concept de la pureté du sang. C'est pour cela que les Grecs, abâtardis, démocrates, voyageurs, cosmopolites, les haïssaient tant, et c'est pour cela qu'ils ont d'abord essayé de les détruire, puis, par le biais de Paul, de corrompre leur religion de l'intérieur, en la détachant du sol et du sang, en la rendant catholique, c'est-à-dire universelle, en supprimant toutes les lois qui servaient de barrière pour maintenir la pureté du sang juif : les interdits alimentaires, la circoncision. Et c'est donc pour cela que les Juifs sont, de tous nos ennemis, les pires de tous, les plus dangereux ; les seuls qui valent vraiment la peine d'être haïs. Ce sont nos seuls vrais concurrents, en fait. Nos seuls rivaux sérieux.
Commenter  J’apprécie          50
Nous croyons tous deux que l'homme ne choisit pas librement son destin, mais qu'il lui est imposé par la nature ou l'histoire [...] Au fond, c'est la même chose ; nous récusons tout deux l'homo economicus des capitalistes, l'homme égoïste, individualiste, piégé dans son illusion de liberté, en faveur d'un homo faber : Not a self-made man but a man made, pourrait-on dire en anglais, un homme à faire plutôt car l'homme communiste reste à construire, à éduquer, tout comme votre parfait national-socialiste. [...]
- Mais si vous croyez que nos deux systèmes sont identiques, pourquoi luttez-vous contre nous ?
- Je n'ai jamais dit qu'ils étaient identiques ! Et vous êtes bien trop intelligent pour avoir compris ça. J'ai cherché à vous montrer que les modes de fonctionnement de nos idéologies se ressemblent. Le contenu, bien entendu, diffère : classe et race. Pour moi, votre national-socialisme est une hérésie du Marxisme.
Commenter  J’apprécie          10
Ainsi, l'anthropologie raciale, incapable de définir quoi que ce soit, s'est simplement rabattue sur les catégories tellement plus démontrables des linguistes. Schlegel, qui était fasciné par les travaux de Humboldt et de Bopp, a déduit de l'existence d'une langue indo-iranienne supposée originale l'idée d'un peuple également original qu'il a baptisé aryen en prenant le terme à Hérodote. De même pour les Juifs : une fois que les linguistes avaient démontré l'existence d'un groupe de langues dites sémitiques, les racialistes ont sauté sur l'idée, qu'on applique de manière complètement illogique puisque l'Allemagne cherche à cultiver les Arabes et que le Fürher reçoit officiellement le Grand Mufti de Jérusalem ! La langue, en tant que véhicule de la culture, peut avoir une influence sur la pensée et le comportement. Humboldt l'avait déjà compris il y a longtemps. Mais la langue peut être transmise et la culture, bien que plus lentement, aussi.
Commenter  J’apprécie          70
Voyez-vous, il y a à mon sens trois attitudes possibles devant cette vie absurde. D'abord l'attitude de la masse, hoï polloï, qui refuse simplement de voir que la vie est une blague. Ceux-là n'en rient pas, mais travaillent, accumulent, mastiquent, défèquent, forniquent, se reproduisent, vieillissent et meurent comme des boeufs attelés à la charrue, idiots comme ils ont vécu. C'est la grande majorité. Ensuite, il y a ceux, comme moi, qui savent que la vie est une blague et qui ont le courage d'en rire, à la manière des taoïstes ou de votre Juif. Enfin, il y a ceux, et c'est si mon diagnostic est exact votre cas, qui savent que la vie est une blague, mais qui en souffrent. C'est comme votre Lermontov, que j'ai enfin lu : I jizn takaïa poustaïa i gloupaïa choutka, écrit-il." Je connaissais maintenant assez de russe pour comprendre et compléter : " Il aurait dû ajouter : i groubaïa, une blague vide, idiote et sale."
Commenter  J’apprécie          100
Si vous êtes né dans un pays ou à une époque où non seulement personne ne vient tuer votre femme, vos enfants, mais où personne ne vous demande de tuer les femmes et les enfants des autres, bénissez Dieu et allez en paix. Mais gardez toujours cette pensée à l’esprit : vous avez peut-être eu plus de chance que moi, mais vous n’êtes pas meilleur.
Commenter  J’apprécie          170
Ce que je souhaitais dire, c'est que si l'homme n'est certainement pas, comme l'ont voulu certains poètes et philosophes, naturellement bon, il n'en est pas plus naturellement mauvais : le bien et le mal sont des catégories qui peuvent servir à qualifier l'effet des actions d'un homme sur un autre.
Commenter  J’apprécie          10
Que l'on songe aux copieuses exterminations belges au Congo, à leur politique de mutilation systématique, ou bien à la politique américaine, précurseur et modèle de la nôtre, de la création d'espace vital par le meurtre et les déplacements forcés.
Commenter  J’apprécie          00
On a beaucoup parlé, après la guerre, pour essayer d'expliquer ce qui s'était passé, de l'inhumain. Mais l'inhumain, excusez-moi, cela n'existe pas. Il n'y a que de l'humain et encore de l'humain; et ce Döll en est un bon exemple. Qu'est-ce que c'est d'autre, Döll, qu'un bon père de famille qui voulait nourrir ses enfants, et qui obéissait à son gouvernement, même si en son for intérieur il n'était pas tout à fait d'accord ? S'il était né en France ou en Amérique, on l'aurait appelé un pilier de sa communauté et un patriote; mais il est né en Allemagne, c'est donc un criminel.
Commenter  J’apprécie          00
Si les terribles massacres de l'Est prouvent une chose, c'est bien, paradoxalement, l'affreuse, l'inaltérable solidarité de l'humanité. Si brutalisés et accoutumés fussent-ils, aucun de nos hommes ne pouvaient tuer une femme juive sans songer à sa femme, sa soeur ou sa mère, ne pouvait tuer un enfant juif sans voir ses propres enfants devant lui dans la fosse. Leurs réactions, leur violence, leur alcoolisme, les dépressions nerveuses, les suicides, ma propre tristesse, tout cela démontrait que l'autre existe, existe en tant qu'autre, en tant qu'humain, et qu'aucune volonté, aucune idéologie, aucune quantité de bêtise et d'alcool ne peut rompre ce lien, ténu mais indestructible. Cela est un fait, et non une opinion.
La hiérarchie commençait à percevoir ce fait et à le faire entrer en ligne de compte. Comme me l'avait expliqué Eichmann, on étudiait de nouvelles méthodes.
Commenter  J’apprécie          90
Depuis bien longtemps déjà la pensée de la mort est plus proche de moi que la veine de mon cou, comme le dit cette si belle phrase du Coran. Si jamais vous arriviez à me faire pleurer, mes larmes vous vitrioleraient le visage.
Commenter  J’apprécie          60
Longtemps on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi.
Commenter  J’apprécie          50
Après tout on n'est pas là pour s'amuser. Pour faire quoi, alors ? Je n'en ai pas idée, pour durer, sans doute, pour tuer le temps avant qu'il ne vous tue.
Commenter  J’apprécie          00
Mes rêves de jeunesse, le cours de ma vie leur avait brisé les os, et mes angoisses s'étaient lentement consumées.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jonathan Littell Voir plus

Quiz Voir plus

Savez-vous la vérité sur l'affaire Harry Quebert ?

Que sont Harry et Marcus ?

père et fils
frères
amis
collègues de travail

24 questions
2491 lecteurs ont répondu
Thème : La Vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël DickerCréer un quiz sur cet auteur

{* *}