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Citations de José Carlos Llop (118)


La tromperie est-elle essentielle dans l’adultère ? N’est-ce pas la vérité – celle de l’amour –, ce qui s’impose avec une force démesurée ? Et cette force introduit le désordre dans la vie quotidienne et celle-ci se défend en l’accusant de mensonge et de tromperie. Ceux qui accusent l’amour d’être fallacieux et irréel, une invention des troubadours, un délire des romantiques, un malheur qui s’est abattu sur la maison et la famille, ceux-là ne sont qu’à moitié dans le vrai. Ils agissent selon les commandements de l’ordre nécessaire pour survivre. Vivre, c’est autre chose, et cela devrait être très différent de survivre : il faut savoir partir.
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Mon père se fichait royalement de la Guinée et il n’a jamais aimé, que je sache, les femmes à la peau noire. Comme il se fichait totalement de ce que l’Espagne avait fait ou n’avait pas fait dans la Guinée de mes grands-parents ou à partir du xviie siècle.
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Nommer, désigner, c’est aussi tuer : ça l’est toujours, même de façon fragmentaire. En temps de paix, c’est une question de pouvoir – aussi petit soit-il – qui structure cette pulsion. Et là, peu importe le mensonge – on le croit dès qu’il est formulé – ou la dissimulation, même avec les intimes. Tout ce qui compte, ce sont les intérêts de chacun et la satisfaction de sa propre misère, et ce qui ne cadre pas ou fait de l’ombre, on le passe sous silence, on l’écarte, on le déforme ou on le traves­tit. Et ensuite on nomme et on désigne. La générosité n’a pas sa place.
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Le journalisme est une métaphore publique du goût du genre humain pour le commérage, dans la vie sociale aussi bien que dans la culture, qui est sa sublimation dans le monde. Proust peut se résumer au commérage. Comme Saint-Simon, son prédécesseur. Ou Ca­­tulle et Martial, pour remonter plus loin. Sans parler de Suétone, qui devrait être leur saint patron.
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Je n’ai jamais été autant moi-même. Je n’ai jamais trouvé de femme meilleure qu’elle ; mais même comme ça, tout prend fin dans l’amour, y compris l’amour. C’est le prix de sa merveilleuse existence, tu t’en apercevras un jour.
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L’essence de mon père oscillait entre la clandestinité et le désordre. S’il avait été un leader politique, il se serait fait arrêter au bout de deux jours. Comme sa politique était l’art de la séduction, ce à quoi il s’exposait de pire, c’était les coups de poing d’un mari jaloux.
Derrière son penchant pour le désordre amoureux, il y avait une recherche. Il croyait que les femmes gardaient en elles le secret du pardon des fautes. De toutes les fautes – propres ou héritées – qui empêchent un homme de devenir ce qu’il aurait pu être.
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Dans ce salon, j’écris mon journal – rien ne reste si on n’écrit pas, et si on écrit rien n’est sûr – face à un balcon vitré qui donne sur la rue. Il y a des gravures avec des scènes de la cour du roi Darius et un grand miroir suspendu au-­dessus d’un canapé flanqué de deux fauteuils, de style isabé­lin, tapissés de velours vert mousse.
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Un intrus à l’esprit, au cœur et au sexe ensorcelés par une autre femme et un autre paysage, différent du nôtre. Je me demande si le décret d’Auguste exilant Ovide était aussi précis. Ovide et L’Art d’aimer, un livre qui pourrait être le livre de la famille. De ma famille.
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L’amour est autiste – un autisme partagé à deux –, ou alors il mue. Et aucun homme marié, aucune femme mariée – pour utiliser la vieille formule, qui ne s’emploie plus aujourd’hui que sur le ton de la plaisanterie – ne tombe amoureux si son conjoint ne lui a pas laissé un espace libre où un autre amour peut s’inventer et trouver sa place. Aucun homme marié, aucune femme mariée, non, sauf tous et chacun des membres de ma famille, une famille dont je suis le dernier maillon ou fin de race, sans armoiries ni parchemin qui me rattache à aucune terre ou aucun manoir. Une fin de race sans racines, un homme déplacé.
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« – Mon garçon, le monde des adultes et dégoûtant. Pourquoi penses-tu que je vis ici, sans voir personne sauf mon père, qui n’est personne, parce que mon père est un végétal avec des yeux, une paire de jumelles , mais un végétal tout de même ? Parce que le monde des adultes est dégoûtant. Pourquoi penses-tu que tes parents voyagent de ville en ville sans jamais s’arrêter plus de trois mois dans chaque ville ? Parce que le monde des adultes est dégoûtant. »
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« Le Dr Klein avait étudié la médecine à La Salpêtrière. Lorsque la guerre avait éclaté, il avait passé la frontière et avait rejoint le service de santé de l’état-major des armées à Burgos. Là, il avait breveté un topique alcalin, obtenu par la distillation d’un opiacé, que les pharmacies militaires se chargèrent de distribuer sur le front et dans la zone nationaliste. Il faisait des miracles dans le traitement des douleurs buccales. Lorsque la guerre s’acheva, ce brevet lui valut une certaine fortune, qui augmenta lorsque le spécifique fut exporté en Allemagne et en Italie, parvenant jusqu’au front russe. »
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Il est un moment où la ville natale s'ouvre comme les figures d'un kaléidoscope et où, sans cesser d'être elle-même, elle est aussi d'autres villes. Palma eut un parfum d'Alexandrie et un caractère frontalier semblable à celui de Trieste, et des étés cairotes et des hivers de la mer Noire, avec des uniformes et du brouillard.

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Et l'oubli devint un anxiolytique. La cohérence fut une entrave, la félonie une habitude. La vie commençait chaque jour comme si le jour précédent n'existait pas. Sans passé, on vivait mieux. Un présent perpétuel. Il ne fallait jamais regarder en arrière.
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.....aux lèvres un enthousiasme à la Pound : « surveiller les Vénitiens », un vers perdu de quelque Canto, au rythme des premiers accords du Concerto pour violon de Tchaïkovski, que ma mère écoutait à la maison et que je comparais à Hey Joe, de Hendrix. Je les comparais en lui disant que Hendrix faisait avec la guitare ce que son Russe avait fait avec le violon et elle me répondait « Laisse donc, où penses-tu aller, avec ton vacarme ».
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De Barcelone arrivaient* en renfort des putains qu’on appelait les mouettes, parce qu’elles suivaient le sillage des bateaux.

* à Palma.
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Il y avait deux mers dans la baie. La première était placide et silencieuse, bleu pâle, presque blanche, veinée de différents tons de vert quand on s'en approchait. Les barques, peu nombreuses, flottaient de telle façon qu'elles avaient l'air de montgolfières et le fond sous-marin, d'une masse d'air emprisonnée par un merveilleux scénographe dans un grand récipient de cristal liquide. L'autre mer était tempétueuse et rugissante, bleu foncé, à la surface éclaboussée de bave blanche et avec de grandes vagues rageuses qui vomissaient des giclées d'écume blanche en arrivant à la côte, comme sur une estampe d'Hokusai.
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Le soleil brille avec une puissance écrasante ; les papillons tricotent l'air en tâches de couleur jusqu'au milieu du mois d'août et alors les libellules les remplacent ; les oiseaux recherchent l'ombre et chantent avec force (sauf à l'heure de la sieste, où ils se taisent, anesthésiés par la chaleur) ; les chrysalides sont vides, abandonnées comme des costumes d'une autre saison ; les insectes usurpent n’importe quel territoire, faisant démonstration de la puissance de leur infanterie, de leur cavalerie et de leur aviation, pour que les choses soient claires ; la chair, fraîche et rouge, des pastèques dispute à la figue le titre de meilleur symbole de sensualité de cette saison ; le melon est un parfum raffiné qui fond dans la bouche pour apaiser notre soif ; le raisin en grappes est à partager, mais quand on est enfant on ne le sait pas ; la mer est un palais baroque – sous-marin, naturellement -, dont le toit en verrière atteint à la dimension de grande fresque picturale où les lumières varient au fil de la journée. Ses habitants sont parés de leurs plus beaux habits et de leurs cuirasses et se promènent sous l'eau comme des dames babyloniennes, des scribes assyriens et des prêtres égyptiens. Les requins bleus et les requins-taupes sont les barbares qui guettent la civilisation. Ou les détachements avancés aux frontières, qui les protègent. La mer est la splendeur et le retour à la maison, mais aussi l'immensité de la tragédie : personnelle (quand elle atrophie) et collective (quand elle est une saignée). Bref, la tragédie méditerranéenne, à laquelle, pourtant, elle survit toujours.
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Tous les étés étaient le même été. Toutes les mers étaient la même mer. Notre vie était identique chaque mois d’août. Et c'était justement cela qu'on recherchait dans ma famille (et dans tant d'autres familles à l'époque). Ou du moins ce que recherchait mon père. Grâce à lui, j'ai découvert l'unité de temps, ou plutôt j'ai ébauché ma première conception de cette unité : en été il n'y avait pas de passé, ni de futur ; seulement le présent, et ce présent se projetait sur le reste de la vie comme un royaume ancien se projette sur les civilisations qui lui succèdent. Un présent solaire, méditerranéen, classique.
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Je crois que la prière est un moyen d'être en contact avec les morts, en effet, mais aussi que les rêves - une autre forme de littérature - sont un territoire des morts et que parfois, dans les rêves, on instaure ou on reprend une conversation interrompue par la mort. Je suis de ceux qui pensent qu’on ne connait pas un lieu si on n’a pas visité son marché et son cimetière. Et je pense que fréquenter les tombes familiales est un rite de la mémoire et une façon d’affirmer que la vie sur la terre ne doit pas être la pâture de l’oubli, bien qu’elle le soit.
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Les nuits de lune nous entendions les rats aller et venir nerveusement sur les branches de pin, et les jours de soleil - c'est à dire tous les jours - les abeilles se gorgeaient de nectar sédatif de la passiflore, dans la chaleur du mois d'août. La tonnelle avait un petit air japonais - Art déco japonais, même si à la maison personne ne m'avait parlé de l'Art déco - et quelque chose de la peinture moderniste, de Fortuny, par exemple, ce qui contrastait avec son côté mystique. Les pistils lilas de la fleur formaient la couronne du Christ et les étamines safranées, les cinq plaies. La fleur, outre le blanc, avait des tonalités de carême et le nombre de pétales et de sépales avait également un rapport avec la Passion.
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