AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de José Carlos Llop (118)


"Nous inventions la ville, mais pas sans modèle. Nous cherchions en elle, je l'ai dit, d'autres villes possibles pour échapper à la nôtre. Nous ne voulions rien savoir de son histoire : c'était une tare. Soupçonnée ou avérée. Parce que cette tare se respirait : elle était dense comme la fumée et comme la fumée elle teintait l'air que nous respirions. Le monde commençait avec nous, mais pas sans modèle. La ville sous la pluie, et une crémerie était un coin de Paris photographié en noir et blanc par la Nouvelle Vague. Une échoppe de barbier ouverte sur le soleil nous transportait à Naples. L'ombre d'une cave à vin, à Marseille. Un atelier d'orfèvrerie, chez les juifs de Vienne ou de Galicie. Un bar du Barrio Chino, à Istanbul. Une voile bleu foncé et une barque au soleil, sur des planches, à une cale sèche du Caire. Je me rappelle que j'écoutais beaucoup la radio : uniquement des stations d'Afrique du Nord, les chants arabes et les matins bleus, et quand je fumais un caillou de hasch émietté dans du tabac - le parfum de la terre humide sur mes doigts -, la ville était Tanger et j'étais, du moins le croyais-je, qui je voulais être. Je m'étais échappé - et je m'échapperais encore d'avantage -, comme dans ce vers de Pavese qu'emploierait le poète barcelonais Josep Elias pour un livre de vers alors mémorables : traversare une strada per spappare di casa, traverser une rue pour s'échapper de chez soi."
Commenter  J’apprécie          20
L’écriture est une autre forme d’exil, une façon de vivre la destinées du transplanté. (p121)
Commenter  J’apprécie          10
Je suis de ceux qui pensent qu’on ne connait un lieu si on n’a pas visité son marché et son cimetière. Et je pense que fréquenter les tombes familiales est un rite de la mémoire et une façon d’affirmer que la vie sur terre ne doit être la pâture de l’oubli bien qu’elle le soit. (p87)
Commenter  J’apprécie          10
José Carlos Llop
Le monde des contes, de la lecture, des mythes. Un livre délicat, intelligent, poétique et qui nous entraine dans un monde qui peut semblait désuet mais dont j’ai apprécié a lecture. « Oui, c’est pourquoi ce livre est un livre ancien qui revendique son besoin d’être ancien pour être. Il est né dans son paysage, un paysage propre, noble et ascétique, qui de tout temps a fini dans la mer. (p105)
Commenter  J’apprécie          10
A cette époque, me yeux étaient une caméra et mes oreilles un magnétophone en marche. Même si, par la suite, la mémoire subit des atteintes du temps : c’est la mort de ceux qui nous ont aimés qui nous pousse à la reconstruire. (p79)
Commenter  J’apprécie          10
Mes grands-parents disaient que seuls les gens qui avaient quelque chose à cacher habitaient extra-muros.
Commenter  J’apprécie          20
J'avais l'impression d'avoir intériorisé le paysage et que ce paysage et aucun autre serait toujours le paysage du bonheur. Un bonheur dont je n'ai jamais imaginé qu'il pourrait être interrompu, comme je n'ai jamais imaginé le contraire, qu'il serait éternel.
Commenter  J’apprécie          50
Pendant sept étés - ou plus exactement six mois d'août - nous avons vécu à Bétlem, dans la baie d'Alcùdia, près de la Colonia de San Pedro, que nous appelions alors Colonia de San Pedro, bien que nous disions toujours Betlem et jamais Belèn. J'avais cinq ans la première fois et douze ans lorsque nous en sommes partis, toute mon enfance, un autre territoire que l'on associe habituellement au paradis, non comme lieu mais comme état. Mais dans l'enfance le paradis est dépourvu de base théorique : il est là, il n'est pas une essence, il est dans l'espace et non le contraire, il n'est pas en nous. L'imaginaire des adultes ; sauf que ce mythe n'en est pas un - il n'y a pas d'invention -, il s'agit plutôt de la transfiguration d'un espace réel en espace mythique.
Commenter  J’apprécie          10
En fin de compte, quand le paradis disparaît, c'est toujours la littérature qui apparaît.
Commenter  J’apprécie          10
Parfois, à la première heure du matin, je descends jusqu'à la mer : verdâtre, transparente, calme. Je reste un moment à la contempler : c'est un miroir qui renvoie l'image de tous les paradis, un simple reflet. Parce qu'on ne peut faire que trois choses avec le paradis : l'aimer, le perdre et s'en souvenir.
Commenter  J’apprécie          10
Mais à vrai dire, pendant tous ces étés, aucun événement marquant ne distinguait une année d'une autre. Tous ces étés ne forment qu'un et c'est leur perte et l'effet de la cristallisation subite du temps qui les différencie des autres étés de ma vie. L'apparition d'un avant et d'un après a soudain bouleversé cette quiétude estivale uniforme et sa connexion avec le monde antique.
Commenter  J’apprécie          10
À la maison, nous n’avions pas l’habitude de nous rendre dans les cimetières. Les morts étaient morts, disait ma mère.....La messe et la prière étaient le moyen d’accéder aux morts.....Cette attitude n’était pas fondée sur des superstitions ataviques –la crainte des morts, par exemple, à l’origine de toute une mauvaise littérature gothique, ou une prévention contre les cimetières –mais était une façon d’affirmer la force de la vie face à la mort.
Commenter  J’apprécie          230
Après avoir pris son café sur la terrasse, face à la mer ou aux montagnes, dans la première lumière du jour, elle prépare le déjeuner. Tôt, pour être prête au plus vite, dit-elle, comme si elle devait être prête pour quelque chose, et chez elle ce quelque chose c’est exister : sans entraves, sans obligations.
Commenter  J’apprécie          230
"Le temps de Betlem fut le temps de la vérité. Le temps où il n'y avait pas de faux pas et où tout était vérité, où tout était essentiel. Je veux dire que l'envers de la vérité -s'il y en avait un - n'était pas le mensonge mais le silence. Le mensonge viendrait plus tard. Après le début de la jeunesse et de ses faux départs. Dans le temps dont je parle, avant l'entrée dans le royaume inconnu des faux-semblants, il n'y avait pas d'écriture. La lecture oui, il y a toujours eu de la lecture. Mais pas l'écriture. Si le paysage mégalithique des environs était un paysage d'avant la littérature, il se produisait quelque chose de semblable avec mon paysage intérieur. Je n'étais pas encore écriture - et je ne savais pas, je ne soupçonnais pas que je le serais un jour. Comme les hommes des talayots et des dolmens à moitié recouverts par la rude végétation, dont la vie était étrangère à l'écriture, la mienne aussi l'était ; mais, à cause de mon père elle n'était pas étrangère aux Écritures. De la protohistoire à la protolittérature. Mais il y a aussi le pressentiment que c'est là que toute a littérature a pris naissance. Dans toutes ces années et dans leur perte : la perte du lieu, plus que tu temps. Ensuite, je suppose que d'autres pertes ont suffi - et la vie était une succession de pertes - pour que s'articule à travers l'écriture une façon de comprendre la vie et, surtout, de la vivre. Parce que la vie de quelqu'un qui revient tout les étés à l'endroit des étés de son enfance n'est pas la même que celle de celui qui ne revient jamais, ce qui déclenche la perte définitive et spéculaire de deux paradis de la mémoire. Je veux parler de paradis préservés uniquement par la mémoire, comme nous conservons des livres qui nous ont rendus heureux mais que nous refusons de relire, pour en garder cela, justement : les dons qui ont rendu notre vie différente de ce qu'elle aurait pu être. Comme l'ont fait, dans la civilisation, les grand maîtres de la peinture, les maîtres primitifs ; mais la prose marque la distance. Il y a un parallèle entre la vie d'un homme et l'histoire de la civilisation à laquelle elle appartient. Un parallèle et une symbiose. C'est pourquoi ce livre naît aussi du désir de défendre un caractère indéchiffrable de la beauté. Son mystère. Un livre réactionnaire, dans la mesure où il s'inscrit en faux contre la liquidation de l'art promue par le XXe siècle. Le siècle de la mégamort, également insatiable dans son acharnement à détruire la beauté en désarticulant son mystère, en une constante leçon d'anatomie menée par des gens qui ne connaissent même pas l'anatomie. Oui, c'est pourquoi ce livre est un livre ancien qui revendique son besoin d'être ancien pour être. Il est né dans son paysage, un paysage propre, noble et ascétique, qui de tout temps a fini dans la mer."
Commenter  J’apprécie          50
J'ai lu la devise en latin:Respicere aliena ducet secum desgratia. J'ai pris mon dictionnaire dans mon cartable et j'ai traduit, sur mon lit: "Convoiter le bien d'autrui est source de malheur".
Commenter  J’apprécie          10
Laisse les autres écoper la boue.
Commenter  J’apprécie          00
Mon garçon, le monde des adultes est dégoûtant.Pourquoi penses-tu que je vis ici, sans voir personne, parce que mon père est un végétal avec des yeux, une paire de jumelles et les danseuses de Berlin, mais un végétal tout de même? Parce que le monde des adultes est dégoûtant.
Commenter  J’apprécie          10
Je veux des surhommes, messieurs, je ne veux pas des débris humains.L'année prochaine, vous étudierez Nietzsche et vous me comprendrez.
Commenter  J’apprécie          00
Francisco portait un uniforme de chauffeur, un uniforme gris perle avec une casquette et des boutons argentés.Il mangeait des graines de lapin et se mouchait avec les doigts.Je lui demandais toujours pourquoi il se mouchait avec les doigts et il me répondait toujours la même chose:
-Vous les maîtres vous êtes bien plus cochons vous gardez vos saletés dans votre poche.
Commenter  J’apprécie          10
Quand, vous sortirez d'ici, on vous parlera de Hegel, un casse-pieds, ce Hegel, de la camelote fumeuse et de mauvais goût.Rappelez-vous que c'est à partir de Hegel qu'on prétend nier l'existence de Dieu. Eh bien, vous savez ce que j'en fais, moi de toute cette camelote hégélienne? Je fais un tas de ses bouquins, j'allume une allumette et j'y mets le feu...Et alors, il en reste quoi de Hégel? Il en reste rien:rien que des cendres, et les cendres sont incapables de prouver l'existence ou la non-existence de quoi que ce soit.
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de José Carlos Llop (93)Voir plus

Quiz Voir plus

La Conjugaison - Modes et Temps

Nous nous sommes levés tôt

Présent
Passé composé
Subjonctif Présent
Plus que parfait

25 questions
164 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}