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Critiques de Joseph Brodsky (23)
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Acqua alta

Acqua Alta est le plus beau livre que j'ai jamais lu sur Venise, une ville qui m'a toujours fascinée, quelque soit la saison, sous le soleil, sous la pluie, la brume, le vent, vide, affolée…. Brodsky en cent pages nous en fait une esquisse sublime au réalisme magique de son image imprégnée dans son âme à travers dix-sept hivers qu'il y a passé durant divers séjours.

Brodsky et Venise un couple insolite, le premier poète russe, prix Nobel de Littérature 1987 , le deuxième un songe baroque aux palais oubliés par le temps, immergés dans l'eau, l'eau son sang où bat son coeur.

C'est ma cinquième lecture de ce petit bijou littéraire, mais cette fois-ci lu dans sa version italienne publiée en 1989 dans une édition non commerciale , première édition publique dans le monde auquel l'auteur y a fait quelques ajouts , et son titre un peu différent de l'original anglais « Watermark », en français « Acqua Alta », en italien «  Fondamenta degli incurabili », la danse des titres 😊. le titre italien se réfère au nom d'un hôpital à Venise, qui accueillait principalement des gens malades de la syphilis mais aussi des personnes aux maladie incurables. Ce titre choisi par l'auteur renvoie au sens figuré à la mémoire d'une souffrance lointaine ressentie proprement par le poète lui-même, où le destin psychologique et physique sont liés à un mal constant celui de l'exil.

Brodsky est mort à NewYork en janvier 1996, mais il repose désormais à Venise sur l'île de San Michele, un amour à la vie, à la mort. Qu'il repose en paix, Venise est toujours intact, et les promoteurs n'y ont encore pas fait de ravages comme il en avait la peur il y a trente ans.



« …l'amour est une liaison entre une réflexion et son objet ».
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La ballata del piccolo rimorchiatore

Un petit livre pour enfants de 7 à 77 ans, dont le texte est un long poème du prix Nobel de Littérature 1987 Joseph Brodsky, dédié à une humble mission acceptée avec joie et courage, porteuse d’espoir et qui s’avère très actuelle, celle du petit remorqueur qui raconte son travail entre ciel et mer, entre fumées de cheminées et grands navires à escorter dans et hors du port de Saint Pétersbourg. Une histoire lumineuse illustrée par Igor Olejnikov, un artiste de cinéma d’animation , lauréat du prix Hans Christian Andersen 2018.



“En dessous de moi j’ai la mer,

au-dessus de moi le ciel” ,

dit le petit remorqueur qui rêve de mettre un jour le cap sur le vaste océan et de visiter de merveilleux pays.

“Et même si cela me fait mal

de ne pas être marin,

et j’aimerais voir

des mers merveilleuses,

et c’est triste de saluer les navires maintenant amis,

je dois rester

là,

là où ils ont besoin de moi”,

écrit Brodsky avec les dernières lignes en majuscules.



Publié récemment en Italie chez les éditions Adelphi, ceux sont les premiers et uniques vers que Brosdsky a réussi à publier en Union soviétique avant son exil. Non encore traduit en français , un petit bijou qu’on peut s’offrir aussi en italien 😊, vu les trente pages.

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Collines et autres poèmes

Encore un poète que je n’aurais jamais découvert sans le challenge Nobel.

Et c’eût été dommage !

Il faut lui reconnaître ce mérite au jury Nobel, celui de faire découvrir des œuvres parfois confidentielles, en piochant dans le théâtre comme cette année avec Jon Fosse, ou dans la poésie comme en 1987 avec Joseph Brodsky.

Reste qu’il est bien difficile de chroniquer de la poésie.

Certains des poèmes de Brodsky paraissent limpides, parce qu’ils racontent des histoires, des histoires humaines qui vont à l’essentiel.

Dans certains autres, la beauté des mots se suffit à elle-même :

"le sommeil et la neige cousent

l’espace entre son âme et son corps endormi."

(Élégie à John Donne)

Pour d’autres enfin... je l’avoue, je n’ai rien compris.

Car dans beaucoup de ses poèmes, il dialogue avec ses proches, avec d’autres poétesses et poètes, il cite des noms qui m’étaient inconnus (sauf celui de Dizzy Gillespie...!)

On retrouve des invariants : parler de la fuite du temps, parler de la mort qu’il voit dans le passage des saisons. Utiliser les métaphores que lui offre la Nature : forêts, rivières, collines sont omniprésentes, ainsi que le cheval et la liberté du galop. Parler des traces laissées par l’humanité dans l’Histoire et la littérature.

Critique politique et critique de la modernité occupent aussi une place importante dans ce recueil composé en temps de Guerre froide, par un homme qui a passé 5 ans au Goulag.

Hormis le fait d’être poète, et pas au service du régime, un "parasite social" donc, il cumule avec une réflexion métaphysique, une certaine religiosité :

"Dans toute musique

je trouve Bach,

En chacun de nous

je trouve Dieu."

(Vers sur une épigraphe)

En bref, Collines est un recueil que j’ai lu avec beaucoup de plaisir, mais avec également le petit agacement de manquer des références nécessaires pour en comprendre davantage.



Traduction de Jean-Jacques Marie.



Challenge Nobel

Challenge Poévie

LC thématique novembre 2023 : "Videz vos PAL"
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Acqua alta

Acqua Alta est un court essai de Joseph Brodsky, l’un de ses derniers, publié en 1992 et écrit directement en anglais.



Brodsky y fait une déclaration d’amour à cette ville, qu’il évoque d’une manière précise et en même temps fluide, fluide comme l’eau, élément principal de Venise, et visiblement très important pour Brodsky. Même si l’auteur évoque des lieux emblématiques, voire touristiques de la ville (le texte se clôt au café Florian) la Venise de Brodsky n’est pas forcément celle des touristes : il préfère y aller en hiver, lorsque la foule, la chaleur, le soleil, les couleurs éclatantes ne sont plus là. D’une certaine manière, Venise ressemble plus dans ces moments-là à la ville natale de Brodsky, Saint-Pétersbourg.



Brodsky traque la beauté de Venise dans l’espace, en arpentant ses rues, ses places, en prenant le bateau, mais aussi dans le temps, en explorant par exemple les pièces inoccupées d’un palais vénitien. Il y a les livres qui évoquent Venise, comme par exemple, un roman d’Henri de Régnier, et il y a aussi les tableaux, tant l’œil semble primordial dans ce lieu. Tout cela dans une belle écriture, d’une manière discursive, et néanmoins ordonnée.



Un très beau voyage.

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Vertumne et autres poèmes

Il s’agit d’un recueil publié en traduction française par Gallimard en 1993, les poèmes qui y sont rassemblés ont été écrits entre 1965 et 1991, les traduction sont dues à trois traducteurs différents. C’est un panorama assez vaste de la poésie de Brodsky , couvrant vingt-cinq de sa production, en un peu plus de deux cents pages.



Ce sont des poèmes d’un voyageur, qui parcourt l’Europe et l’Amérique. Pas forcément un voyageur volontaire : en 1972 il a été expulsé de l’Union soviétique et s’est installé aux USA, tout en revenant régulièrement en Europe, en particulier en Italie. Habitée de culture, mais aussi de réminiscences et expériences personnelles, c’est à la fois une poésie de la sensation et de la réflexion. Brodsky capte des moments, des ressentis, mais aussi construit une pensée, et une vision du monde. Au centre, l’homme et le langage. Le langage que l’auteur maîtrise admirablement, dont il utilise tous les registres. Sa poésie peut être très lyrique, comme très concrète, ironique, utilisant parfois des termes familiers, comme des mots très complexes voire rares. Les rythmes des vers sont aussi très diversifiés.



Certains poèmes sont plus accessibles que d’autres, certaines pièces nécessitent sans aucun doute un travail de relecture et de recherches de références. Mais c’est vraiment une poésie magnifique, à laquelle il faut s’en doute revenir pour en tirer le maximum de plaisir et de sens.



Une belle découverte.
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Poèmes, 1961-1987

Un recueil magnifique qui regroupe les plus grands poèmes de cet auteur russe de l'exil, de la solitude et du temps. Brodsky a su minutieusement employer des métaphores et des histoires bibliques dans ses poèmes ce qui leur a donnés une portée philosophique et métaphysique. Si l'on veut découvrir ce poète Prix Nobel alors c'est (à mon avis) par ce livre qu'il faut commencer, on entrera dans une atmosphère unique et on vivra une expérience suave.
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Marbre

L'Académie Nobel a su récompenser des auteurs qui se sont illustrés à la fois comme poètes et comme dramaturges. On pense à Maeterlinck, Pirandello, plus récemment Jelinek ou Handke (même s'ils sont tous deux plus romanciers que poètes). Joseph Brodsky n'est pas le plus connu de la liste, mais il mérite vraiment la lecture.



Brodsky est surtout connu comme poète... et comme dissident au régime. Arrêté en 1964 pour "parasitisme social" (même son chef d'inculpation à quelque chose de poétique...) puis expulsé en 1972, il trouve refuge aux Etats-Unis, où il publie notamment la pièce que j'évoque ici.



J'ai souvent été mitigé face au théâtre de l'absurde, notamment à la lecture. J'ai souvent l'impression qu'il mérité plus d'être vu joué que lu (comme souvent le théâtre d'ailleurs, mais on peut passer de très agréables moments de lecture avec Shakespeare par exemple). J'aurais tendance à classer ce Marbre plus dans une sorte de théâtre baroque, l'absurde faisant partie du patchwork mais n'étant pas l'unique composante du mélange.



Baroque, cette pièce l'est déjà par le contexte: transposer un canevas Empire Roman à "l'époque de la cybernétique" comme le précise la quatrième de couverture... on sent déjà qu'il va falloir parfois éteindre notre barbante Raison. Baroque, elle l'est aussi dans son humour, parfois très fin et parfois totalement grossier... mais que l'auteur parvient à agencer sans que cela choque. C'est tout l'art du baroque que d'arriver au beau par des chemins inhabituels.



On pourrait penser que ces élucubrations ne peuvent pas mener à une profondeur de propos... eh bien on se tromperait lourdement (mais on est un con, on le sait bien... enfin quand je dis on...). Parfois en quelques mots qui font mouche, parfois par de longues tirades pleines de désespoir, l'auteur atteint au coeur des thématiques qui traversent notre humanité : la liberté forcément, pour une pièce se déroulant en prison, mais aussi le Temps, la religion, le politique. Le livre nous saisit à des moments inattendus, nous touche, nous fait rire. Une belle expérience théâtrale que le poète n'a pu s'empêcher de parsemer de références (de certains auteurs d'Asie occidentale, comme il le formule joliment) que nous ne saisissons pas toujours mais qui viennent toujours fort à propos.



Cette pièce serait apparemment la plus réussie des trois publiées par l'auteur. le chemin semble donc balisé vers une découverte de la poésie du bonhomme. Si l'esprit baroque de Marbre y est maintenu, l'expérience ne peut qu'être riche.
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Acqua alta

Voilà un livre original, un séjour à Venise hors du commun, une ode, un poème d'amour et de tendresse à une bien aimée, Venise, la cité sortie des eaux. La plume de Joseph Brodsky intelligente et pleine d'humour nous livre un récit magistral qui nous éblouit. On lit ... on relit... c'est l'étonnement puis l'émerveillement. Avec Brodsky on erre, l'hiver, "parce que l'hiver est plus fort"," dans les rues étroites et sinueuses comme des anguilles". On pousse les portes des palazzi, des "chiesa" et à nos côtés il convoque les plus grands noms : la lumière de Giorgione et Bellini, les drapés de Tiepolo et le Titien, la musique de Vivaldi...

"Cette ville est celle de l'oeil : il darde, bat, oscille, plonge, tangue. Sa gélatine à nu s'attardé avec une jubilation atavique sur le reflets des palazzi, des talons aiguilles, des gondoles... Cette ville colle à la peu comme une algue glacée"

Plongez dans Venise et laissez votre oeil vous guider vous ne serez pas déçus !

Un pur bonheur.

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Acqua alta

Publié en 1992, ce long poème en prose forme une peinture amoureuse, parfois érotique, de Venise, sirène sinueuse aux odeurs d’algues glacées, depuis la première arrivée de Joseph Brodsky en gare de Venise lors d’une nuit froide de décembre, juste après son expulsion d’Union Soviétique en 1972, inaugurant une longue série d’incursions dans la ville chaque hiver pendant dix-sept années.



Loin des hordes de touristes qui envahissent Venise à partir du printemps, cette méditation sur la beauté de pierre et d’eau de la ville, sur l’immobilité somptueuse des édifices et des statues face à l’anarchie des flots laisse entrevoir les correspondances avec Saint-Pétersbourg, la ville d’origine du poète.



«La lente avancée du bateau à travers la nuit était comme le passage d’une pensée cohérente à travers le subconscient. Des deux côtés, baignant dans l’eau d’encre, se dressaient les énormes coffres sculptés de sombres palazzi remplis d’insondables trésors – de l’or assurément à en juger par la faible lueur électrique jaune qui sourdait parfois parmi les fentes des volets. L’atmosphère de tout cela était mythologique, cyclopéenne pour être précis : j’étais entré dans cet infini que j’avais contemplé sur les marches de la stazione et voilà que je passais au milieu de ses habitants, devant une troupe de cyclopes endormis reposant dans l’eau noire et qui, de temps en temps, se dressaient et soulevaient une paupière.»



L’œil de Brodsky capte les couleurs changeantes de Venise, depuis les brumes du matin lorsqu’elle prend «des allures de porcelaine», en passant par l’exploration crépusculaire des innombrables pièces en enfilade d’un palazzo, jusqu’aux profondeurs de la nuit où la ville tout entière «est comme un orchestre gigantesque avec les pupitres faiblement éclairés des palazzi, le chœur incessant des vagues et le falsetto d’une étoile dans le ciel d’hiver», dans cette ville qui ne doit pas devenir un musée puisqu’elle est déjà une œuvre d’art.



Porté par la pensée mouvante comme les eaux de Venise et par l’œil qui capte les beautés de la ville, "Acqua alta" est aussi une méditation sur le temps qui passe et la mémoire, les relations entre inanimé et vivant, entre vie et mort.



«L’œil acquiert dans cette ville une autonomie comparable à celle d’une larme. La seule différence est qu’il ne se détache pas du corps, mais le soumet tout entier. Au bout d’un certain temps - le troisième ou le quatrième jour – le corps commence à se considérer lui-même comme le simple support de l’œil, comme une sorte de sous-marin dont le périscope tantôt s’étire, tantôt se rétracte.»
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Acqua alta

Pour Joseph Brodsky, Venise est une femme à l'odeur d'algue glacée. Comme il nous le raconte, il découvrit pour la première fois cette ville en hiver, alors que l'odeur de ces algues planait sur les canaux, durant une ballade en gondole aux côtés d'une femme sur laquelle le jeune Brodsky projetait alors tous ses fantasmes, se condamnant à la perdre rapidement de vue, puisqu'il ne la distinguait qu'à travers des rêves de palais cyclopéens peuplés de dorures. En cherchant à atteindre cette femme, il se perdit en lui-même, en ses propres reflets dans l'eau glaciale, et Venise tout entière devint l'objet de son amour, renouvelé au fil des hivers.



C'est d'ailleurs à l'hiver de sa vie que Brodsky publie cette œuvre, sa dernière, après une vie mouvementée qui l'aura vu changer de langue d'écriture, du russe à l'anglais.



Ici, l'eau de Venise participe de sa langue, relie les différentes périodes de sa vie, et rétablit l'unité en lui d'une façon très paradoxale, car l'eau diffracte et éclate les reflets. Comme la mémoire. Brodsky se retourne sur les innombrables visites à Venise ayant succédé à son périple initial, et retrace la topographie de la ville à grand coups d'ellipses et de métaphores, d'une façon pas très éloignée de celle de Mandelstam évoquant Saint-Pétersbourg dans Le Timbre Égyptien : Brodsky partage son art du rapiéçage, dans la mesure où il brouille le temps et l'espace au sein d'une narration néanmoins fluide, semble-t-il impulsée par les idées qui traversent spontanément son esprit. Livré aux méandres et aux rapides de sa pensée, il prend le risque de ne pas être cohérent. Par exemple, quand il prétend ne pas être un esthète mais un simple observateur, j'ai envie de lui répondre : « mon oeil ! », tant l'amour du beau suinte de chaque page de ce livre. Il tient aussi des réflexions que d'aucun trouveraient frivoles, voire condamnables, comme quand il nous dit que si l'on est intelligent, on est un peu décadent à 28 ans (humpf !)



Mais c'est peut-être le manque de pertinence qui permet d'être impertinent, de sortir des canaux trop souvent empruntés par les gondoles touristiques. Il en vient à se vanter de dériver vers le superficiel, de s'intéresser surtout à la surface de la ville (en particulier la surface aqueuse), plus durable selon lui que les intérieurs éphémères, où, incarné par la poussière, le temps se substitue aux habitants et à leurs objets. Un objet étant « ce qui rend l'infini intime ». Ainsi Brodsky a-t-il l'ambition de prendre l'eau pour objet, de se fondre dans quelque chose « d'aussi grand que le temps ». Car l'eau donne forme au temps, et c'est pourquoi elle engloutira un jour Venise, au rythme où vont les choses. Mais voilà, lui était éphémère, et proche de la mort au moment de déclarer son amour à cette ville et à ses eaux. De plus, il n'était pas si superficiel, comme en témoigne son érudition intimidante, dont il joue : j'oserais dire qu'il en fait un peu parade comme au carnaval. Les contradictions traversent ce livre et poussent finalement Brodsky à passer aux aveux en comparant l'incohérence de son oeuvre à celle des rêves, et les rêves à l'Italie, via Anna Akhmatova : « l'Italie est un rêve qui ne cesse de revenir pour tout le reste de la vie ». Mnémosyne accomplit son rôle en lui désignant cette poétesse tutélaire comme symbole de la femme retrouvée. Brodsky peut s'endormir à jamais, dans le cimetière de Venise où il repose maintenant.
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Poèmes, 1961-1987

Encore un Nobel de littérature presque autodidacte , fort respecté dans différentes cultures mais plus que haï par le triste Limonov ( Dixit Emanuel Carrére )... .Les traîtres méprisent toujours les gens de valeurs , par jalousie sans doute ?

Emanuel Carrére eut peut-être gagné à choisir de pondre une biographie de Brodsky plutôt que celle d'une quasi crapule .
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Acqua alta

Une nuit de décembre, un voyageur coiffé d’un borsalino et vêtu d’un trench coat arrive en train à Venise. Avant même de voir la dentelle verticale des façades, les coupoles recouvertes de zinc et le profil penché des campaniles, l’odeur des algues glacées l’emplit de bonheur.



Au moment de l’écriture de ce long poème en prose, il est venu dix-sept fois, il a observé dix-sept hivers le visage de cette ville. Car l’oeil est le sens roi dans une cité qui lance un défi à la beauté.

L’oeil acquiert dans cette ville une autonomie comparable à celle d’une larme.

Ici, les nuits sont pauvres en cauchemars mais elles peuvent être froides, très froides même dans les appartements de circonstance aux plafonds élevés que le poète déniche pour ses pèlerinages annuels. Tout autour la ville toute entière est comme un orchestre gigantesque.



Voilà un beau texte, très littéraire, où le poète russe cherche à comprendre sa fascination pour la cité des Doges, il mêle souvenirs personnels (visite d’un palazzo et son enfilade de pièces vides, ses tentures, ses miroirs et la poussière) et impressions fugaces, descriptions saisissantes, sans rien cacher des difficultés de la vie pratique, les difficultés à venir et à vivre ici, d’y trouver un logement, et son coeur malade qui fait peser sur sa vie comme une menace. Ce livre, écrit en anglais, fut publié en 1992, quatre ans avant la mort de Joseph Brodsky.


Lien : http://killing-ego.blogspot...
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Vingt sonnets à Marie Stuart

Translator in fabula, dans vingt sonnets d’amour et de malice lumineuse.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/10/08/note-de-lecture-vingt-sonnets-a-marie-stuart-joseph-brodsky/

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Acqua alta

Un poète à Venise



Joseph Brodsky nous parle de Venise comme on éveillerait sa bien-aimée, en chuchotant des mots d'amour dans le creux de son oreille. Son verbe est fin comme de la poudre d'or et salé comme l'eau de la lagune vénète. A Venise, le génie du lieu a ceci de fabuleux qu'il nous dépossède de notre moi étriqué. Voici une ville qui met à terre notre ego mesquin. Elle est un songe éveillé plus grand que les rêves les plus fous, une île qui semble marcher sur l'eau avec des jambes de bois. Nous autres humains, n'y sommes acceptés qu'à titre gracieux.



Comme une Atlantide encore épargnée par la noyade, cette cité lacustre est un labyrinthe enchanteur. Seul un Dédale pouvait imaginer une telle ville. Nul fil d'Ariane ne pourra cependant guider le voyageur : se perdre dans Venise fait partie de la règle du jeu.

Joseph Brodsky convoque sous sa plume des métaphores d'une grande beauté, d'une puissance créatrice rare et surprenante : le ressac de son imaginaire le conduit sans cesse vers des images empruntées à la vie sous-marine.



Acqua Alta se déroule sous les yeux du lecteur comme une Fata Morgana flottant au ras des canaux d'un vert d'absinthe : c'est un mirage tout imprégné d'eau et de soleil. le bestiaire de cet ouvrage se compose essentiellement de poissons et de lions – ces fameux lions qui semblent veiller sur la Sérénissime comme sur une reine de marbre. Par son regard de poète subtil, Brodsky nous invite à lever le voile sur une Venise insoupçonnée, mystérieuse, plus secrète qu'un livre fermé. Comme un ballet sur l'eau, celle-ci tournoie dans l'ivresse : ballerine vêtue de vert, de blanc et de rouge.



Au cours de sa vie fugace, Brodsky s'est rendu environ dix-sept fois dans Venise – presque chaque année et toujours en hiver. Ce fils de la Russie a trouvé là un havre de beauté inépuisable. Son livre a ceci de savoureux qu'il navigue tour à tour entre un lyrisme flamboyant ; des évocations grotesques, irréelles ; des anecdotes comiques ou dramatiques ; des parfums de légende ; de sublimes fulgurances. Acqua Alta est un kaléidoscope unique fabriqué de main de maître par un mage russe, véritable thaumaturge du langage.



Tel un médecin du beau, Brodsky tâte le pouls de Venise et se fait son scribe fidèle et inspiré. La pâle lumière des réverbères et l'ombre des eaux serpentines scintillent devant nos yeux de lecteurs envoûtés : la grâce se mêle souvent à un certain effroi.

Il y a du sable infiltré dedans ces pages ; l'odeur si évocatrice pour l'auteur des algues glacées ; l'errance passionnée d'un poète amoureux ; la froide humidité de l'hiver ; la nebbia, épais brouillard qu'aucun couteau ne peut trancher et qui habille Venise en certaines périodes, etc.



Acqua Alta est la vision d'un homme tout entier habité par la parole créatrice : un poète dont les mots courent sur le papier comme autant de flammes noires qui nous éveillent à la beauté et ressuscitent notre regard endormi.



Thibault Marconnet

16/03/2014
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Vertumne et autres poèmes

La poésie, c'est difficile mais pas insurmontable avec à côté de soi un dictionnaire d'étymologie, un dictionnaire de mythologie, un gradus des procédés littéraires...

Même avec tout ça on peut passer un bon moment.

Dans un premier temps, on prend le temps de connaître l'auteur. Internet est bien commode.

Joseph Brodsky est né à Leningrad en 1940. Sa famille d'origine juive est très pauvre. Mais Joseph est intelligent. D'ailleurs, il a obtenu le prix Nobel de littérature en 1987. Il a obtenu la nationalité américaine en 1977 après avoir été expulsé d'URSS.

Sa versification est savante. Effectivement, Vertumne en est un bon exemple. Ses compositions deviennent au fil du temps de plus en plus libre même s'il abuse de la métaphore.

Il meurt en janvier 1996 à New-York.

Voici quelques exemples d'association de mots que j'ai beaucoup aimé : "neige barbelée", "les bornes du sens", "l'espace est une entrave", "la vue est homicide", "un grumeau du vide", "la scoliose du chêne", "la conque de l'oreille".

De l'humour métaphysique.

Pour finir, sur internet j'ai recherché "Vertumne". J'y ai découvert un tableau de Guiseppe Arcimboldo.
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Acqua alta

Acqua alta (1992) revêt une grande valeur symbolique dans le contexte personnel du poète qui s’est rendu dix-sept ans dans cette ville magique, toujours en hiver et toujours pour écrire des poèmes, pour travailler dans un contexte qui lui convenait, mais aussi pour être, tout simplement.



Acqua alta est un opuscule d’à peine 110 pages qui se lit avec plaisir car l’écriture de ce poète de tendance acméiste (en opposition à symboliste), est accessible et limpide, rendant compte d’une manière charnelle, directe et très sensuelle de la réalité.



Il s’y rendait exclusivement l’hiver parce qu’il aimait la couleur de l’eau en hiver, le calme retrouvé, l’absence de chaleur qu’il supportait mal, la lumière hivernale opaque sur la lagune et parce qu’il ne supportait pas "les hordes de touristes qui osaient étaler leur hideur dénudée face à tant de beauté face aux colonnes, aux pilastres et aux statues. Je dois être de ceux qui préfèrent un choix à un flux, or la pierre est toujours un choix. Pour moi, un corps dans cette ville doit, si bien fait soit-il, être voilé d’un vêtement, ne serait-ce que parce qu’il bouge. Les vêtements sont peut-être notre seule approximation du choix fait par le marbre".



Venise, écrit-il, est le genre d’endroit où l’étranger comme l’autochtone savent d’avance qu’ils seront en représentation. (Ah, oui alors. Car Venise est un décor de théâtre et je lisais il y a quelque temps que Venise pourrait être le plus grand salon ouvert du monde). Ce qu’on voit dans cette ville à chaque pas, chaque coin de rue, chaque échappée, chaque impasse aggrave nos complexes et nos doutes. La beauté alentour est telle qu’on conçoit instantanément le désir absurde, animal, de s’y mesurer, pour ne pas être en reste. Cela n’a rien à voir avec la vanité pas plus qu’avec la surabondance de miroirs inhérente au lieu, le principal étant l’eau elle-même. C’est simplement que la ville procure aux bipèdes une excitation visuelle qu’ils n’ont pas dans leurs tanières habituelles, dans leur environnement naturel.



L’hiver dans cette ville, le dimanche surtout, vous vous réveillez au carillon de cloches innombrables comme si, derrière les rideaux de gaze, un gigantesque service en porcelaine vibrait sur un plateau d’argent dans le ciel gris perle. Vous ouvrez grand la fenêtre et la chambre s’emplit en un instant de cette brume extérieure chargée de sons de cloches, faite d’oxygène moite, de café et de prières.



L’oeil acquiert dans cette ville une autonomie comparable à celle d’une larme. La seule différence est qu’il ne se détache pas du corps, mais le soumet tout entier. Quelles que soient vos intentions en sortant de chez vous, vous êtes condamnés à vous perdre dans ces longues ruelles et ces passages tortueux qui invitent à la découverte, à poursuivre une fin fuyante qui le plus souvent se dérobe dans l’eau, si bien que vous ne pouvez même pas parler de culs-de-sac. Il n’y a pas de nord, de sud, d’est ou d’ouest; sa seule direction est transversale. Elle vous entoure comme une algue glacée, et plus vous mettrez d’élan et d’impatience à chercher vos repères, plus vous vous perdrez.



Sur l’Acqua alta…Les soirs d’hiver, la mer, gonflée par un vent d’est contraire, remplit à ras bords les canaux comme une baignoire, et parfois les fait déborder. La ville se retrouve dans l’eau à la cheville et les bateaux piaffent. « Acqua alta », dit une voix à la radio, et le trafic humain descend au-dessous de l’étiage. Les rues se vident; boutiques, bars, restaurants et trattorias baissent leur rideau. Les églises, pourtant, demeurent ouvertes mais marcher sur les eaux n’étonne personne, ni le clergé ni les fidèles; ni la musique, soeur jumelle de l’eau.



Il m’a rappelé bien des sensations ce petit livre enchanteur. Il ira rejoindre ma petite collection de textes sur Venise. Ah que le bonheur est simple. On lit un texte, on se réjouit, le coeur se dilate et le tour est joué, on a une fulgurance de bonheur.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Acqua alta

Sans doute l’une des plus rusées et des plus belles déclarations d’amour à Venise jamais écrites.



Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/08/16/note-de-lecture-acqua-alta-joseph-brodsky/

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Acqua alta

Voici un petit livre pour les amoureux de Venise, écrit par le prix Nobel 1987 Joseph Brodsky vers la fin de sa vie.



Son but est de nous "peindre" Venise. Il nous décrit sa beauté et son effet sur les visiteurs. Il nous emmène à l'intérieur d'un palais, nous fait participer à l'acqua alta du soir, nous réjouit avec les couleurs et les sons de la saison hivernale.



L'écriture est belle, agréable. Le livre est écrit d'une traite, sans chapitre. Il y a malheureusement pas mal de digressions mais elles sont là je pense pour permettre au promeneur de faire des pauses et de replonger avec un plaisir accru dans le partage sur Venise que nous réserve l'auteur quelques lignes plus loin.
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Acqua alta

Une belle plongée dans la Venise que j'aime, "la plus grande aquarelle du monde".
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Acqua alta

Belle Venise décrite par un auteur russe....
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