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Critiques de Joseph O`Connor (304)
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Les Âmes égarées

Il faut vraiment se sentir en pleine forme psychique et mentale pour lire certaines de ces nouvelles (je pense à Mort d’un serviteur de l’état). Aucune des trois premières nouvelles n’est joyeuse, et pourtant il semble qu’on en sorte de plus en plus persuadé qu’il faut profiter de la vie tant que c’est possible. Enfin, moi, j’y ai ressenti un certain goût pour la vie sous des dehors sombres. Familles décomposées, relations amicales, de couple ou familiales compliquées, mensonges, deuils et chagrins rythment les pages et pourtant une infime parcelle d’espoir reste toujours, quelques moments sont à sauver au milieu d’une débâcle générale.



Ces nouvelles pour la plupart ancrées dans le monde contemporain, évoquent souvent l’histoire de l’Irlande, dans la mesure où elle atteint l’intime, où elle touche l’individu. Un seul texte est vraiment historique, le très émouvant Orchard street, dont j’imagine qu’il a été écrit à la suite d’une visite du « Tenement museum », ou à destination de ce musée de New York. La nouvelle est autour de la mort d’un enfant dans un de ces appartements sombres et tristes où s’entassaient les immigrés de toutes origines, entre autres les irlandais. C’est la seule nouvelle aussi à s’éloigner de la région de Dublin, ou, juste au sud de Dublin, de la petite ville de Dun Laoghaire, lieux de prédilections de Joseph O’Connor. Le dernier texte est le plus long, une novella de 90 pages que je craignais de trouver un peu longuette par rapport aux autres et qui m’a touchée en plein cœur, à la toute fin…



Construites comme je les aime, ces nouvelles ne se dévoilent pas tout de suite, laissent l’histoire s’installer sur plusieurs pages, les personnages dialoguer et se découvrir, pour se finir doucement quand tout a été dit. Comme dans le précédent recueil de l’auteur, Les bons chrétiens, les personnages masculins prennent souvent la première place, et semblent avoir plus d’épaisseur que leurs compagnes, quoique cela soit un peu moins marqué cette fois-ci, il y a de beaux portraits de femmes aussi. En tout cas, j’ai trouvé cette sélection de nouvelles encore meilleure, à lire et à relire !
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Desperados

Desperados nous plonge au coeur du Nicaragua, Franck Little taxi à Dublin et son ex-épouse se retrouve à Managua pour reconnaitre le corps de leur fils parti en tournée avec son groupe les Desperados". Mais le corps présenté à la morgue n'est pas celui de Johnny. Avec les amis de celui-ci, ils partent à sa recherche dans un pays accablé de chaleur et de morts violentes !!!.

Ce douloureux voyage au milieu des années 80, nous montre les illusions perdues d'une bande de jeunes musiciens insouciant et immature et aussi le portrait d'un couple qui va se redécouvrir dans la douleur. La relation du couple est formidablement décrite,

Joseph O'Connor nous fait souvent sourire malgré la gravité du sujet mais sous cet humour, les larmes ne sont jamais loin. Un long voyage aride mais très touchant.
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Dans la maison de mon père

e lis systématiquement tous les romans et nouvelles de Joseph O'Connor. Je ne l'ai jamais regretté. Dans la maison de mon Père s'apparente au thriller mais sur fond de Seconde Guerre Mondiale, dans la Rome de fin 1943 occupée par le Reich. Hugh O'Flaherty, prêtre irlandais, a vraiment existé et créé un réseau d'évasion de prisonniers alliés et de Juifs. Nous sommes malgré tout dans un roman, insiste l'auteur dans sa postface. Avec quelques complices, entre autres une comtesse italienne et un diplomate britannique, il monte une chorale qui sous couvert de répétitions, prépare des actions pour la cause de la liberté. Très risqué dans Rome devenue un nid d'espions, et accessoirement crevant de faim sous le joug de la terreur que fait régner le chef de la Gestapo Hauptmann. 



Le Vatican ne sort pas indemne de cette histoire, notamment une scène assez violente entre O'Flaherty et Pie XII. Le plus réussi dans ce roman passionnant est peut-être la galerie de portraits des acolytes du prêtre, tous engagés à fond, sans autre point commun que leur envie de liberté. On sait assez peu les réglements de comptes dans les mois qui suivirent la chute de Mussolini et la dureté des répressions. Mais Joseph O'Connor est un écrivain qui parvient à instiller une bonne dose d'humour dans tous ses romans. Et les rapports entre les conjurés ne manquent pas de piquant.



Dans la maison de mon Père se déguste avec plaisir. Je dois dire cependant que ce n'est pas le roman  que je préfère chez O'Connor. Mais je crois que personne ne sera déçu. L'histoire est réellement fascinante même à la sauceIrish- Rome-anesque.
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Maintenant ou jamais

Quel jeune ado n'a jamais rêvé de la gloire, des paillettes et du strass, de son nom en tête d'affiche et des nuits de folie après concert ? Après des années de galère, c'est ce que va vivre Robert Goulding et les membres de son groupe, The Ships in the Night : le très controversé, très excentrique, mais très talentueux Fran Mulvey, et les jumeaux Trez et Seán. Des premiers accords dans les couloirs de l'université, des squats londoniens ou new yorkais, des concerts de rues jusqu'au public en délire, Rob nous livre ses souvenirs vérité et non censurés.

Mais s'approcher trop près de la lumière éblouissante du soleil, ou du succès, comporte des risques. Parlez-en à Icare, il en connaît un rayon. Les dangers de brûlures ou de chutes sont importants. L'ascension est pleine de promesses, et puis après, vous savez ce que c'est : les embrouilles pour des bêtises, des divergences d'opinions, des querelles d'avocats, des projets de vie différents. .. Le tout englobé dans un brouillard d'alcool, un kaléidoscope de substances (blanche, comprimés colorés, feuilles vertes - non, pas les trèfles irlandais...) et de musique à fond les ballons.

La musique quand même, la musique heureusement, qui colle encore ensemble les plumes de ces quatre oiseaux de nuit.

Après toute une vie passée, après tant de vies vécues, que reste-t-il des beaux rêves de Rob ? Quel chemin chaotique l'énigmatique Fran aura-t-il pris ? La belle Trez fera-t-elle les bons choix et son frère Seán, l'éternel "batteur en attendant de trouver mieux" trouvera-t-il sa place ?

La vie ne tient qu'à peu de choses en fait :une setlist réussie, une guitare accordée et un public attentif.



Vous l'aurez compris, il est quasiment impossible de lire "Maintenant ou jamais" dans un silence monacal : si vous n'allumez pas votre chaîne hifi/MP3/platine vintage au bout de quelques pages, votre cerveau lancera de lui-même sa propre playlist, et les images et les sons des Ships viendront alors s'entrecroiser avec les vôtres.

Pour moi, ce fut le souvenir de rendez vous sur le pont O'Connell, à regarder couler la Liffey en attendant les copains, des cassettes de David Bowie aux oreilles, et puis Grafton Street et St Stephen's Green sur les best of des Dubliners.

La musique est une bonne gymnaste : les grands écarts ne lui font pas peur.



Si elle tient le pemier rôle, la musique n'est pas le seul ingrédient de ce magnifique roman de Joseph O' Connor. Avec beaucoup de railleries et d'humour, à l'irlandaise quoi, l'auteur évoque les amitiés d'adolescents et les rapports familiaux, ceux qui forgent une vie. Le cocon d'amour et de confiance qu'il décrit m'a émue aux larmes, tant il est poignant de vérité. Comment ne pas être touché par les engueulades de Rob et de son père qui, derrière les insultes, les noms d'oiseaux exotiques et les vannes, sont une intense déclaration d'amour ?

L'auteur a préféré récemment parler de "littérature en langue anglaise" plutôt que de littérature irlandaise au sujet de sa production. La lectrice que je suis n'adhère pas du tout a cette affirmation. "Maintenant ou jamais" est un roman irlandais, plein de rébellion et d'espoir, d'humour sarcastique et d'ironie, qui se moque avec justesse et respect des stéréotypes et des caricatures : l'Irlandais lève facilement le coude, ses batailles sont autant de forces acquises, il est têtu et s'emballe souvent avant de réfléchir, il est adepte des causes perdues. Mais quand il donne, c'est à 400%.

"Maintenant ou jamais", c'est écouter "The Town I Loved So Well" en parcourant Glendalough ou sur la baie de Howth : de ces moments profonds, d'un rare sérieux, proche de la transe mystique. Perdu dans le grandiose, on se dit que l'on est à deux doigts de mettre la main sur les grandes vérités philosophiques de la vie, de l'amour et de l'amitié. .. Et puis comme un signe du destin, il se met a pleuvoir, ou une mouette vous chie dessus...

Joseph O'Connor sait peindre des personnages hauts en couleurs, émouvants dans leurs faiblesses et détestables dans leurs trahisons. Des ados que l'on envie pour leur chance, leur confiance, leur insouciance et des adultes dont on aimerait avoir une portion de la prestance, l'absence de regrets, l'audace de prendre encore des risques. Des personnages auxquels on souhaiterait un peu ressembler, juste un peu, car il doit être bon ďe cesser d'être rancunier ou haineux et que cela doit être agréable de plaquer trois accords sans flinguer les tympans de tout le voisinage.



Un immense merci aux éditions Phébus et à Babelio de m'avoir permis de rencontrer Joseph O'Connor, ce grand monsieur captivant et drôle.

Les mots me manquent... alors laissez-moi vous jouer un petit air de thin whistle à la place. Ne bougez pas, je suis sûre de l'avoir rangé pas loin...
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Dans la maison de mon père

Hiver 1943: l’Italie change de camp, Rome se retrouve sous bottes allemandes, et en dépit de sa neutralité, l’état pontifical est en état de siège, cerné par les nazis.

Par ce thriller historique et romanesque de la période fasciste, Joseph O’Connor redonne vie à Hugh O’Flaherty, Monsignore irlandais, leader d’une organisation de sauvetage de soldats alliés et de juifs dans la capitale italienne.



Avec une structure narrative alternant l’action d’une opération à haut risque à la veille de Noël, et les témoignages postérieurs des participants, cette lecture devient très addictive et oppressante, reflet bien documenté d’une époque ténébreuse.



On y découvre des moments de grâce dans les descriptions de Rome et de ses habitants (une aria sous couvre-feu, un coiffeur à la bougie, les petites ruelles, les arrière-cours… )



L’atmosphère de stress et de peur est remarquablement traitée, les personnages, réels ou fictifs, fouillés dans leur construction et leur psychologie, dans une ville dessinée tel un plan géographique suintant de dangers. L’écriture se fait urgente, comme essoufflée, incarnant des valeurs de courage et de don de soi.



Vraiment bien !

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Le bal des ombres

C’est assez rare mais impossible pour moi d’arriver au bout de ce roman de Joseph O’connor. Le style n’y est sans doute pas étranger : tantôt épistolaire, tantôt narré à la première personne, puis sous la forme de dialogue théâtral puis de l’interview… Je n’ai jamais pu entrer dans l’histoire qui pourtant, a priori, avait tous les ingrédients pour me plaire.

Le roman a comme cadre principal le théâtre Lyceum, à Londres. On est à la fin du XIXème siècle et Bram Stocker – à la grande consternation de sa fiancée Florence – plaque son emploi de fonctionnaire pour devenir le régisseur de ce lieu à l’abandon dont le célèbre acteur Henry Irving vient de se porter acquéreur.

Bram voue depuis toujours une grande passion à cet acteur fantasque et hésite quelques secondes seulement lorsque ce dernier lui propose de venir travailler avec lui. Il s’engage alors dans une grande aventure – lui dont le souhait profond est de se consacrer à l’écriture, de devenir un écrivain reconnu et pas de gérer des acteurs capricieux, des costumes, des décors et l’ensemble des coulisses de ce haut-lieu !

J’ai abandonné au bout de 200 pages, un peu désolée de ne pas accrocher alors même que l’auteur déploie un talent certain. Trop foisonnant pour moi et sans doute pas le bon moment pour débuter cette lecture…

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Maintenant ou jamais

Ayant découvert Joseph O'Connor en lisant Inishowen, j'avais beaucoup aimé les nombreuses références aux groupes des années soixante/soixante-dix et les allusions au Blues qui donnaient au roman une atmosphère musicale si particulière.



En lisant le résumé de Maintenant ou jamais, je ne pouvais donc qu'avoir envie de le lire...

Sachez simplement que pour le découvrir, il faudra aimer entendre parler "musique" car vous aurez, à la fin du livre, "entendu" tant de mélodies que vous aurez envie d'enrichir votre coin-disques !



Joseph O'Connor nous conte, dans sa langue si vivante, la naissance, la création, la montée en puissance, l'apothéose et la dissolution d'un groupe de rock au cours des années quatre-vingt.

Donnant la parole tour à tour aux quatre membres du groupe, il nous décrit ainsi l'état d'esprit et les aspirations de chacun face aux rêves et désillusions qui jalonnent l'existence du quatuor.



C'est un texte dense, remuant, sautillant, qui conduit le lecteur au fil des pages, un texte plein d'images, de Blues, la référence en musique s'il en est.



A lire ou à "écouter" d'urgence !



And now, Ladies and Gentlemen : "The-ships-in-the-night !!!!!!
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Inishowen

Quel beau roman que celui-ci, quelle belle écriture et quel beau portrait que celui d’Ellen dont le destin croise celui de Martin pour les emmener vers Inishowen… terre irlandaise. Les mots de Joseph O’Connor sont justes et précis et nous touchent directement au cœur. Cette rencontre entre deux êtres que la vie a blessés est tragiquement magnifique. On en peut qu’être touchés au plus profond par le destin d’Elle, qui sait sa fin proche mais qui continue à vivre et à aimer comme si demain ne comptait pas. C’est un roman que tous ceux qui ont connu la maladie et la mort de près ne pourront oublier parce qu’il pose sans cesse la question essentielle et existentielle du sens de la vie et de la mort. On retiendra surtout de ce roman les scènes d’amour et de tendresse entre Ellen et Martin, bouleversantes, une femme en sursis et un homme profondément blessé par la mort de son fils, mais qui tous deux aiment la vie et nous la font aimer. C’est un hymne à la vie sans complaisance aucune.

Dans un style fluide qui passe de la légèreté à la gravité, Joseph O’Connor est une virtuose. Il jongle entre des scènes légères et des dialogues pleins d’humour et des scènes remplies de poésie mais aussi quelquefois tellement graves qu’elles nous font presque venir les larmes.

La fin est bouleversante, comme si la vie reprenait le dessus pour Ellen, maintenant qu’elle a retrouvé sa mère, ses racines, l’origine de sa vie. Elle nous laisse une impression de paix infinie. On quitte ce roman et ses personnages à regret.

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L'étoile des mers

En 1847 alors que la Grande Famine sévit impitoyablement sur les terres d'Irlande,"L'Etoile des mers" quitte le port de Dublin pour un long périple vers l'Amérique. Malgré d'horribles conditions de vie dans l'entrepont du navire, pour nombre de miséreux c'est la traversée du dernier espoir. Parmi ces derniers, rôde un sombre individu surnommé "le fantôme".Il a été chargé d'assassiner Lord Kindscourt, un passager des 1ères classes, auquel sont reprochés les crimes de ses ancêtres.

Magnifique roman ! Tout est mis en oeuvre pour que l'on s'y croit vraiment ! Illustrations d'époque, extraits de correspondance, style (absolument admirable), l'immersion est totale et il n'est pas rare que le ventre se noue à l'évocation de cette misère intolérable, de cette famine dévastatrice qu'a eu à subir le peuple irlandais.Merveilleux conteur, O'Connor fait revivre cette période sombre de l'histoire d'Irlande attisée par la haine et le racisme, avec autant de violence que d'émotion.

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L'étoile des mers

1847, l’ « Etoile des mers » traverse l’Atlantique avec, à son bord, quelque 400 passagers irlandais fuyant la Grande Famine et une quinzaine de privilégiés de première classe, anglais pour la plupart. Le roman est le récit de leur voyage, mais aussi et surtout de leur vie avant le grand départ.

Sa construction très originale et sa présentation m’ont quelque peu déstabilisée dans les premières pages. La construction : plusieurs personnages se relayent pour la narration - le capitaine à travers son journal de bord dans lequel il relate, au jour le jour, le temps, les incidents et accidents, les conditions de vie dans l’entrepont, les maladies et les morts - un journaliste à travers ses articles pour le New York Times - des lettres d’émigrants irlandais qui, depuis les Etats-Unis, écrivent aux leurs. La présentation : papier et caractères rappelant les éditions du 19e siècle, illustré de reproductions en noir et blanc de dessins et caricatures d’époque. Une étrange impression m’a envahie : quel est cet OVNI ? Dans quoi me suis-je embarquée ? Et puis, je me suis laissé happer par cette histoire digne des grands romans populaires du 19e : misère, lâchetés, abandons, trahisons… car, bien sûr, certains passagers se connaissaient depuis longtemps !

Mais le propos de Joseph O.Connor ne se résume à cette intrigue foisonnante : c’est l’occasion pour lui de dresser l’état des lieux terrifiant de l’Irlande en ces années sombres, de nous en dévoiler les causes et de nous amener à nous questionner sur le présent. Ainsi, par les caricatures reproduites et la retranscription d’articles de journaux anglais décrivant l’Irlandais comme un sous-homme qui, par sa bêtise et sa paresse, aurait été responsable de sa misère, il « a écrit un roman qui se sert de l’Histoire pour secouer le présent ».

Ces thèmes (racisme, description de sous-hommes à l’origine de leurs malheurs, caricatures) sont malheureusement universels… et intemporels : l’actualité nous en donne la preuve tous les jours …

A ce titre, "l'étoile des mers" est un grand livre.



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Muse

Roman de Joseph O'Connor.



Londres, 1952. Dans une chambre sordide, on découvre une vieille femme rongée d'alcool et de souvenirs. Une voix s'adresse à elle et la replonge dans le passé. Pendant toute une journée, nous suivons les errances d'une actrice oubliée, d'une amante méprisée et d'une femme ruinée. Molly Allgood, dite Maire O'Neill, a connu le succès sur les planches au tournant du siècle. Son talent servait les pièces que son amant, le dramaturge irlandais John Millington Synge, écrivait pour elle. Molly était belle, libre, irlandaise et exigeante. Et tellement plus jeune que Synge. « Parce que c'est vrai, les commères, les curieuses, les fouineuses en ont toujours fait toute une histoire de votre différence d'âge. » (p. 14) Qu'importait les cancans, elle était son « Enchanteresse », il était son « Vagabond ».



Mais la belle histoire d'amour prend l'eau de toute part. Les fiançailles resteront inabouties. D'abord sourde aux mises en garde, Molly ouvre les yeux et voit son rêve s'étioler. Elle sera la muse de Synge, son amante passionnée, « une maîtresse perpétuelle, une doublure » (p. 189), mais son épouse jamais. Synge s'emploie à dégrossir la jeune Irlandaise pour en faire une femme du monde, avec des manières et de la tenue. Mais on n'enchaîne pas un poulain sauvage. Et la relation amoureuse se teinte d'amertume : « Il est l'exemple type que bien des femmes ont connu : l'amant qui se meurt d'amour, mais qui en secret rêve d'être éconduit. » (p. 113) Le couple se déchire et exprime dans son art une passion délétère. « Elle le trouve bizarre. Il est nerveux, l'informe-t-il. Comme tous les écrivains. C'est le prix de l'art. Or elle sait le prix de l'art, elle le paie depuis un moment. Certains des poèmes d'amour qu'elle lui a inspirés sont des hurlements de douleur. » (p. 106)



Molly avait tout pour déplaire à la bourgeoisie bien-pensante et presbytérienne d'Irlande : elle était femme et des plus libres, elle était catholique, elle était une actrice. Les différences d'âge, de religion, de milieu social et d'éducation signaient l'arrêt de mort du couple. À la mort de Synge, elle n'a droit à rien. Elle vit un moment sur la vague de leurs deux succès, elle se grise de la reconnaissance d'un public qui célèbre l'auteur et l'actrice. Mais l'oubli s'approche d'autant plus vite que Molly plonge dans le réconfort mensonger de l'alcool. Les décennies ont filé et Molly n'a pas oublié l'amour de sa vie. Mais il y a si peu à en dire désormais. « Mais que dire ? Il a vécu. Il est mort. Nous nous désirions l'un l'autre. Il avait peur. Quelle mauvaise pièce cela ferait sans héros ni héroïne, les meilleures répliques restant en coulisses. » (p. 31) Entre passé et présent, les remous d'hier font les souvenirs d'aujourd'hui.



Joseph O'Connor distille subtilement des références au fil des pages. On croise Daphné du Maurier et Manderley, Horace Mc Coy et un certain linceul, Oscar Wilde et Dorian Gray, etc. Entrecoupant le récit comme une voix à part entière, les ballades irlandaises donnent au roman une profondeur nostalgique aussi insondable que la solitude dans laquelle se replie la vieille Molly. La voix qui s'adresse à l'actrice déchue quelle est-elle ? Est-ce Molly qui s'admoneste une dernière fois ? Est-ce Synge, d'outre-tombe, qui parle encore à son bel amour ? Est-ce Sara, la sœur également actrice, qui contemple la triste fin d'une artiste qui n'a pas su s'envoler vers l'Amérique ? Peu importe, cette voix devient celle du lecteur et nous accompagnons Molly tout au long de sa journée, comme on accompagne un pèlerin sur le chemin de ses souvenirs.



L'auteur fait revivre avec brio et finesse un couple d'amants maudits. Il place avec justesse Molly sur le devant d'une scène qu'elle n'aurait pas du quitter. Et Synge reprend ses droits d'auteur et d'homme sur le cœur de la jeune fille. Pygmalion d'un nouveau genre, Joseph O'Connor rend à Molly Allgood sa place sur un piédestal éternel. Ce roman, habilement construit et superbement écrit, soulève le rideau d'un théâtre immuable, celui des passions humaines.
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Dans la maison de mon père

Inspiré de l’histoire vraie et de l’héroïsme de Monseigneur O’Flaherty à Rome où il oeuvrait pendant la seconde guerre mondiale, ce roman est un savant mélange entre suspense, histoire et fiction ( la spécialité de O’Connor).



Monseigneur a été à la tête d'une filière d'évasion implantée au Vatican, État considéré comme neutre par Hitler, et donc zone de sécurité idéale pour y exfiltrer des Juifs romains, des prisonniers alliés évadés ou d'autres résistants.

Tout cela fut possible grâce au chœur : Huit choristes au total organisant leurs missions sous couvert d'une répétition musicale au Vatican : un casting improbable comptant une comtesse, un marchand de journaux, un ambassadeur, une journaliste entre autres, originaires d'Italie, Pays-Bas, Irlande ou Royaume-Uni.



Ce roman alterne entre ce qu’il s’est passé la nuit du rendimento le soir de noël en 1943 et les témoignages fictifs du « Chœur » en 1963. Ce roman choral apporte en vrai souffle au roman car l’écriture de O’Connor confère une véritable personnalité à chaque choriste.



C’est une histoire de frontière et de limites, des lignes blanches dessinées par les nazis autour du Vatican pour les enfermer. Les décors et les rues sont tellement bien décrites qu’on a l’impression d’être O’Flaherty lors de ses sorties nocturnes et de les vivre à 100%.



L’auteur lui-même dit qu’en ces temps troublés et dans une époque où l’on s’axe sur les différences, il est bon d’avoir des récits où l’on s’engage pour la défense de l’autre.
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Le bal des ombres

Immersion totale et envoûtante dans le Londres de la fin du XIXe.



Février 1908, à la demande de son amie, la célébrissime actrice Ellen Terry, l’auteur Bram Stoker lui envoie tous les souvenirs écrits qu’il lui reste de leur ami décédé depuis peu, l’acteur Henry Irving.

Tous les trois ont, pendant de nombreuses années, redonné vie au théâtre du Lyceum à Londres, célèbre notamment pour ses représentations de pièces de Shakespeare.



« Le Lyceum est couvert de chaînes, le verre des tableaux d’affichage brisé, les marches de l’entrée recouvertes de feuilles mortes et de bouteilles cassées. Le porche sert de latrines aux gens de la rue ; les cadenas des portes principales sont noirs de rouille. Plus loin dans la rue, la splendeur de marbre de l’opéra Royal toise le Lyceum d’un air condescendant mêlé de pitié. Pauvre trou misérable. »



Toute ressemblance avec la forme épistolaire du roman Dracula n’est bien sûre pas fortuite. S’enchaînent ainsi des pages de journal, quelques retranscriptions d’enregistrement audio ou encore des liasses de notes, parfois très énigmatiques. Création dans la création, l’auteur se plait à imaginer qu’elles auraient pu être les sources d’inspiration de Bram Stoker dans l’écriture de son chef d’œuvre. Et les références sont nombreuses, tantôt évidentes quand il s’agit du nom de certains personnages, tantôt plus discrètes. Je pense d’ailleurs que certaines m’ont échappé, ma lecture de Dracula n’étant pas récente.



Ce qui aurait pu juste être une belle idée de départ est magnifié par une écriture qui donne à chaque lieu, chaque personnage, authenticité et profondeur. L’effervescence d’une représentation au Lyceum, l’atmosphère angoissante des rues de Londres alors que Jack l’éventreur y rode, ou encore le mystère qui règne dans l’antre de Mina, tout est minutieusement décrit et prend vie sous nos yeux.



« Ciel pourpre taché de sang, marbré de traces de doigts noires et d’une poignée d’étincelles d’or. Puis une aube laiteuse se lève au-dessus des marais, des bleus pâles, des gris, des verts boueux, pareils à l’aurore sur une aquarelle de jeune vierge. Hêtres vacillants ici et là, sorbiers, grands érables, puis une rangée royale d’ormes battus par les vents, et le V d’une volée d’oies sauvages s’élançant à travers le vaste ciel, telle une flèche pointée vers quelque immensité. »



Les acteurs de ce spectacle victorien ne sont pas en reste. Exubérants ou mélancoliques, sublimes ou terrifiants, parfois au bord de la folie, ils sont tous superbement incarnés. Henry Irving a-t-il réellement inspiré Bram Stoker pour son Dracula, le mystère reste entier, mais la fascination qu’il a dû exercer fait elle peu de doute.



Un univers chatoyant, parfois sombre et étrange, qui oscille en permanence entre le réel, l’imaginaire et le surnaturel pour nous replonger avec délectation dans les récits gothiques du XIXe.



(Un grand merci à ODP31 dont la critique m’a permis cette belle lecture).
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Le bal des ombres

Le comte Dracula, figure mythique du vampirisme, a été créé, bien avant son incarnation au cinéma, par Bram (Abraham) Stoker en 1897, un auteur irlandais qui, comme bien d’autres avant lui, a connu une renommée posthume.

Joseph O’Connor le fait revivre dans ce roman historique, aux côtés des acteurs londoniens célèbres de l’époque victorienne, Henry Irving (1838-1905) et Alice Ellen Terry (1847-1928). Pendant de nombreuses années fructueuses, le triumvirat a dirigé le théâtre Lyceum situé dans le quartier Covent Garden près de la Tamise. Époque bénie pour les représentations théâtrales, celles de Shakespeare bien entendu, mais aussi celles des nouveaux auteurs, dont Oscar Wilde et George Bernard Shaw. Stoker, qui en était l’administrateur officiel, aurait bien voulu écrire pour le théâtre mais l’attrait du roman le tenaillait : « Je regrette amèrement d’avoir jamais posé les yeux sur un livre, et plus encore d’avoir permis à cet affreux succube, l’ambition, d’avoir affûté ma plume. »

O’Connor nous fait voir le côté sombre de l’écriture de Stoker, ce qui se cache derrière son roman le plus célèbre. À l’origine, une enfance rongée par la maladie, un imaginaire nourri de contes celtiques, des songes tourmentés, et l’ombre de Jack l’Éventreur hantant les rues de Whitechapel. « J’ai l’impression de m’être ouvert les veines pour découvrir qu’il n’y coule que la lie des égouts. ».

Le bal des ombres, un roman réussi qui donne une vision enrichissante des affres de la création et qui fait la part belle aux rêveries, qu’elles soient douces ou troublantes.

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Muse

Dépaysant mais un peu lourd : tel est l'effet d'un discours indirect libre utilisé de façon en quasi permanente, et assaisonné de multiples digressions ou métaphores, par ailleurs souvent percutantes. Raconter une histoire en transcrivant ce qu'on croit être les pensées de son personnage, mais qui ne sont le plus souvent que les analyses de l'écrivain, est toujours à haut risque et a souvent pour conséquence de dépersonnaliser le dit personnage. Et c'est un peu ce qui se passe ici où l'auteur semble hésiter sans cesse entre la fiction et la biographie. La tentative de narrer de manière synchronique les diverses périodes de la vie de l'actrice Molly Allgood et de ses liens avec son amant le dramaturge John Millington Synge permet de naviguer facilement entre plusieurs époques et de relier aisément le passé au présent, chose qui se passe fréquemment quand on vit dans ses souvenirs, mais finit par lasser, et si dans l'ensemble j'ai admiré le style, j'avoue avoir poussé un soupir de soulagement en refermant le livre ; à la fin du reste je comptais les pages restantes. Mon conseil : ne pas lire d'une traite , mais par petites étapes pour savourer vraiment ce livre.
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Le bal des ombres

Pour ce mois de la Saint Patrick, j’avais jeté mon dévolu sur Le bal des Ombres. Cette lecture m’avait attirée parce que j’avais beaucoup apprécié lire le grand classique de Bram Stoker, Dracula. Cela me faisait plaisir de découvrir, en quelque sorte, l’envers du décor, le contexte dans lequel Bram Stoker avait écrit son chef d’œuvre. Je n’ai pas du tout été déçue. J’ai beaucoup aimé être plongée dans cette Londres de la fin 19ème, période durant laquelle Bram Stoker fut l’administrateur du théâtre qui vit se produire Henry Irving et Ellen Terry. L’ombre de Jack l’Eventreur plane dans les rues, pendant que d’autres fantômes hantent l’esprit de Stoker et que le trouble Oscar Wilde fait également quelques apparitions. Le récit oscille entre les basses réalités de la vie de théâtre, et les divagations d’un auteur non reconnu. Une belle lecture dépaysante et instructive à la fois.
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Le bal des ombres

Je m’étais noté ce livre dans ma PAL depuis un moment et je me suis enfin lancée cet été. Pourtant, dès le début j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire. L’atmosphère, la narration, rien n’a réussi à m’accrocher. Après quelques pages, j’ai fini par abandonner.
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Le bal des ombres

[ Tous en scène]



Voilà une fiction historique intelligente qui m’a offert un très beau moment de lecture.



Jospeh O'Connor met en vedette un célèbre trio de personnages réels de l'époque victorienne: Abraham Stoker, l’auteur de Dracula, Henry Irving, brillant acteur shakespearien et Ellen Terry, l'actrice la mieux payée et la plus adorée de son époque.

Il examine, avec beaucoup de fantaisie, la relation entre ces trois personnalités. Ils prennent corps sous l’œil du lecteur dans le Londres de Jack L’éventreur.



Légèrement déboussolée dans un premier temps en raison de la construction qui est un collage d'enregistrements phonographiques, d'extraits de journaux intimes, de lettres et d'affiches de théâtre, j’ai fini par plonger en apnée dans cette histoire à trois, dans cette vue panoramique de la vie londonienne, dans cette description intime de la vie d’un théâtre et du processus créatif.

Cette construction fait bien sûr écho au Dracula de Stocker, roman épistolaire dans lequel des documents imaginés forment le développement de la narration.



Un roman rythmé, pénétrant, totalement réussi qui m’incite à me pencher sur les ouvrages précédents de l’auteur.



Traduit par Carine Chichereau
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Sweet Liberty: Travels in Irish America

Ce livre avait tout pour me plaire: un écrivain irlandais décide de faire le tour des Etats-Unis en traversant toutes les villes portant le nom de Dublin: il en trouve 9.

C'est ainsi qu'il met le pied dans une petite ville ennuyeuse dans le New Hampshire, après s'être éclaté à Boston, la plus irlandaise des américaines.

Désappointé, après avoir fait le tour de Dublin, il reprend la route.



Ca aurait pu donner un beau récit de voyage, introspectif, cathartique ou bien descriptif mais en réalité on s'ennuie très vite tout comme l'auteur qui n'y met pas vraiment du sien et se montre de plus relativement arrogant. Au pire, il aurait pu se la jouer Bill Bryson et raconter ses déceptions avec humour, mais rien de tout ça.

C'est d'ailleurs peut-être pour ces raisons qu'il n'a jamais été traduit...
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Inishowen

Parfois la magie des mots dépasse bien des monts…

Ce livre n’est pas un livre. C’est autre chose. C’est un pic. Une barrière de pluies, de verdures, de larmes retenues, de tristesses dans le sourire, de joies diffusent. C’est des petits bonheurs à l’emporte pièces, des rencontres, une rencontre. C’est une chaine, c’est l’Irlande, c’est les lands…

C’est de l’amour contenu, des sentiments continents. C’est autre chose.

L’histoire ? d’amour ? La vie.

Ce livre est la vie. Une page vient, une autre arrive déjà. La vie quoi…

Et tant de délicatesse devant ce qui vient. Tant de délicatesse dans le geste qui dit ce que la parole tait si bien…

O’Connor a la plume au bord du cœur. Il écrit l’encre dans les veines. Il dit les mouvements indistincts, les imperfections, les détournements des maux. Et cela sans trop en faire, en utilisant la subtilité, la retenue. Son écriture se retient pour mieux nous faire ressentir. Etrangement, on suit ces silences qui parlent tant. On est là durant une semaine, notre semaine Irlandaise. On suit le chemin des âmes vers le bout du bout du Nord de cette île ; Inishowen.

Mais ce livre n’est pas un livre. C’est autre chose.

Merci O’Connor d’avoir ému l’œil, le cœur, la peau. D’avoir su nous faire partager cette histoire. J’étais avec toi. J’étais à tes côtés, on buvait une Guinness et tu me racontais cet amour entendu au coin d’un comptoir, cette histoire que tu as faite tienne et que tu me racontes à ton tour, à ta manière toute particulière. Merci O’Connor.

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