Ce n'est pas du Zola mais on pourrait y croire
On aimerait l'écrire le XIXe et l'époque des ouvriers
héroïques
On est au XXIe siècle
J'espère l'embauche
J'attends la débauche
J'attends l'embauche
J'espère
Attendre et espérer
Je me rends compte qu'il s'agit des derniers mots
de Monte-Cristo
Mon bon Dumas
"Mon ami, le compte ne vient-il pas nous dire
que l'humaine sagesse était tout entière dans ces
deux mots : Attendre et espérer ! " (p. 18-19)
Mais
A peine rentré
Ivre de fatigue et des quelques verres du retour du
boulot
Tout s'oublie
Devant l'étendu du quotidien
il n' y a plus que l'ivresse du repos
Et des tâches à faire
Un texte
C'est deux heures
Deux heures volées au repos au repas à la douche
et à la balade du chien
J'ai tant écrit dans ma tête puis oublié
des phrases parfaites qui figuraient
Qui étaient mon travail
J'ai écrit et volé deux heures à mon quotidien et à
mon ménage
Des heures à l'usine
Des textes et des heures
Comme autant de baisers voles
Comme autant de bonheur
Et tout ces textes que je n'ai pas écrits
A travailler de nuit, je perds le goût des jours, c est dur.
"Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter"
Je crois que c'est une des phrases les plus belles qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière
(p. 193)
À l'abattoir
J'y vais comme on irait
À l'abattoir
Nicolas Mathieu à propos de Joseph Ponthus, à l'annonce de sa mort :
« Nous avions exactement le même âge et puisque sa disparition convoque notre génération devant le miroir, il faut bien le dire : Joseph avait une grâce qui fait défaut à presque tous, une gentillesse qui, dans cette cour d’école des brillants sujets, semblait presque incongrue, une douceur, un rire, une facilité à se faire aimer qui rendent sa mort deux fois cruelle. Et puis son livre unique, qui fait justice à quelques vies, dont la sienne, vies d’ouvriers, vies de besogne au petit jour qui blesse les mains et brise le dos, parmi la viande des bêtes et le froid de l’eau courante. Ce livre nous restera. »
Magie de la servitude volontaire
Tristesse du dimanche
Les mauvais jours finiront
Vagabondant dans ses pensées
La vraie et seule liberté est intérieure
Aujourd'hui j'ai dépoté trois cent cinquante kilos de chimères
Tâcher de raconter ce qui ne le mérite pas
Le travail dans sa plus banale nudité
Répétitive
Des gestes simples
Durs
Des mots simples (p. 143)
La fonction de l'analyse est d'être allongé sur un divan a devoir parler
La fonction de l'usine est d'être debout à devoir travailler et se taire
Comme dans toutes les agences d'intérim de France
Ce onze du mois est jour de paie
Le onze est à l'intérimaire
Ce que le cinq est au bénéficiaire du RSA
Le vingt-huit du mois précédent au travailleur normal
Le capitalisme triomphant a bien compris que pour
exploiter au mieux l'ouvrier
Il faut l'accommoder
Juste un peu
À la guerre comme à la guerre
Repose-toi trente minutes
Petit citron
Tu as encore quelque jus que je vais pressurer
Même si je trouve un vrai travail
Si tant est que l’usine en soit un faux
Ce dont je doute
Il y a qu’il n’y aura jamais
De
Point final
A la ligne
Je suis (encore) sur les rives de l'enfance
Pas une mort n'était encore venue obscurcir ma vie
" Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter "
Je crois que c'est une des phrases les plus belles les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière
Ces moments où c'est tellement indicible que l'on a même pas le temps de chanter
Voilà
Retour au monde des vivants
Mais j'ignore encore comment franchir ce Styx du vendredi sans payer mon obole de colère
L'usine m'a apaisé comme un divan
Si j'avais eu à devenir fou
C'eût été dès les premiers jours aux
crevettes aux poissons panés à l'abattoir
C'eût été la nuit du tofu
Quelle poésie trouver dans la machine la cadence et l'abroutissement répétitif
Mes cauchemars sont juste à la hauteur
De ce que mon corps endure