Justin Cronin

Peter s'avança dans la salle. Ceux, quels qu'ils soient, qui avaient construit cet endroit, l'avaient bâti pour durer. Il lui rappelait la bibliothèque, sauf que les livres étaient des caisses et que les caisses ne renfermaient pas des mots mais des armes. Les reliquats de la dernière guerre perdue, mis en boîte et entreposés pour la guerre à venir.

Il faisait nuit et la nuit était un monde merveilleux, auquel il appartenait. elle se déversait en lui, entrait dans sa gorge, emplissait ses poumons, une noyade immense, facile.

C'était comme si la sensation de l'eau fraiche sur le bout de ses doigts était la clé de tous les mystères de la vie.

– Je le savais, je le savais. Je l'ai toujours su. Tu étais celui qui m'aimait.

Arthur dans le noir- il dérive, dérive- et la planète tournoie vers l'aube: il est éveillé dans l'aurore grise de novembre.

- On est en sécurité, ici, Theo, dit-elle. Tant qu'on est ensemble, on sera en sûreté.
- J'espère que tu dis vrai, répondit-il.
- Je sais que c'est vrai, dit Mausami.
Mais alors qu'elle sentait le souffle de Theo se ralentir contre elle et le sommeil l'emporter enfin, elle resta les yeux grands ouverts dans le noir. "C'est vrai, pensa-t-elle, parce qu'il faut que ça le soit."

Elle était l'une des Douze, et aussi l'autre, au-dessus et derrière, le Zéro. Elle était la fille de nul part, Celle qui était venue en marchant et qui avait vécu mille ans ; Amy des Multitudes, la Fille avec les âmes en elle.
Elle était Amy. Elle était Amy. Elle était Amy

Il ferma étroitement les paupières et s’obligea à une parfaite immobilité, attendant le bruit de la trappe arrachée de ses charnières. Son fusil était par terre, à côté de lui. Il pourrait tirer un coup ou deux, pas davantage.
Les secondes s’égrenèrent. D’autres tremblements au-dessus, la respiration âpre, frénétique, des viruls qui avaient flairé l’homme. Senti le sang dans l’air. Mais il y avait quelque chose d’inhabituel ; il percevait leur incertitude. La fille était plaquée sur lui. Le protégeant, lui faisant un bouclier de son corps. Au-dessus, le silence. Les viruls étaient-ils partis ? Une minute passa, puis une autre. Il cessa de s’interroger au sujet des viruls pour se demander ce que la fille allait faire. Enfin, elle descendit de son dos. Il se mit à genoux. Leurs deux visages n’étaient séparés que de quelques centimètres. La douce courbe de sa joue était enfantine, mais pas ses yeux, pas du tout, même.

Quelle merveille, se faire faire la lecture. Se faire emmener, porté par des mots, dans un autre monde loin de celui-ci. Et la voix d'Amy, quand elle racontait l'histoire : c'était ce qu'il y avait de plus beau. Elle coulait à travers lui comme un courant électrique bienfaisant. Il aurait pu l'écouter éternellement, leurs corps tout proches, son esprit à deux endroits en même temps, à la fois dans le monde de l'histoire, avec sa merveilleuse pluie de sensation, et là, avec Amy, dans la maison où ils vivaient et avaient toujours vécu, comme si le sommeil et la veille n'étaient pas des états adjacents aux frontières nettement délimitées mais relevées d'un continuum.

Les pierres et les batons, comme elle disait toujours (comme disait son père), les pierres et les batons me briseront les os, mais les mots ne peuvent me nuire.

Le lien qui l unissait à ses hommes demeurait; c etait une force aussi contraignante que la gravité, et il se serait sacrifié pour n importe lequel d entre eux sans une hesitation, tout comme, il en etait fermement convaincu, ils l auraient fait pour lui. Mais il lui manquait quelque chose, sans qu il puisse vraiment dire quoi.

L'humanité avait bâti un monde qui mettrait un siècle à mourir. Un siècle, et les dernières lumières s'éteindraient.

Super lecture! Ce livre m'a tenu en haleine, l'apocalypse y est terrifiante à souhait. Cronin sait jouer avec plusieurs registres d'écriture tout en gardant le mystère entier..
Il était donc logique que je me rue sur le second volet afin d'avoir le fin mot de cette sombre histoire. Malheureusement j'ai été très déçue par la suite (les Douze).

Plus tard, après le dîner et la prière du soir le bain si c'était le jour du bain, et les dernières négociations qui clôturaient la journée-"S'il vous plaît, ma soeur, encore un petit moment...","S'il vous plaît, encore une histoire? "-, , les enfants s'étaient enfin endormis et que tout était calme, ,Amy les observait.Aucune règle ne l'interdisait; ;les soeurs s'étaient habituée à ses errances nocturnes......

Assis à une longue table de bois de la bibliothèque universitaire, O’Neil n’a pas remarqué qu’une tempête approchait ; il a poussé de côté livres et notes pour poser la tête dans le creux de ses bras croisés, et il dort profondément, et rêve. C’est un rêve simple et heureux – un rêve de printemps et de champ doré dans les montagnes – et O’Neil y est à la fois partout et nulle part. Il est l’âme du rêveur et le rêve même, le soleil et celui qui rêve au soleil, et son plaisir s’augmente d’une impression de déjà vécu ; bien qu’il l’ignore, maintenant et à jamais, c’est un rêve qu’il fait depuis des années.

Elle se déplaçait parmi eux là où ils gisaient dans la neige, la Multitude qui n'était plus, chacun à l'endroit de son choix.
Les anges de neige.
[...]
Le soleil ferait son œuvre. Bientôt, ils seraient morts, et puis des cendres, et puis plus rien. Leurs restes seraient éparpillés aux quatre vents. Ils la quittaient enfin.

Elle était Amy et elle était pour toujours. Elle était l'une des Douze, et aussi l'autre, au-dessus et derrière, le Zéro. Elle était la Fille de nulle part, Celle qui était venue en marchant et qui avait vécu mille ans ; Amy des Multitudes, la Fille avec les âmes en elle.

"Nous sommes Morrison - Chavez - Baffes - Turrell - Winston - Sosa - Echols - Lambright - Martinez - Reinhardt - Carter. Onze des Douze, un frère perdu."
Et le Zéro répondait de même :
"Oh, mes frères, ma douleur est aussi grande que la vôtre. Mais vous serez Douze à nouveau, grâce à l'autre que j'ai fait naître, pour vous garder et veiller sur vous dans votre lieu de repos."
"Qui ?" demandaient-ils chacun comme un seul, puis ensemble. "Qui est l'autre que tu as fait ?"
Et le Zéro répondait, depuis les ténèbres : "Notre sœur."

-Vous savez quel est le gros problème que pose le fait de ne pas vieillir ? demanda Guilder en essuyant son arme maculée de sang avec un mouchoir. J'y ai beaucoup réfléchi.
-Allez vous faire foutre, Horace !
Le Directeur pointa l'arme vers le visage exsangue de Wilkes, visa un point entre ses yeux.
-On oublie qu'on peut mourir.
Et Guilder l'abattit aussi.

Et alors que Wolgast se ruait au milieu d'eux, son pouce griffu positionné au-dessus du détonateur, alors qu'Amy plongeait pareillement sur Peter pour l'éloigner et encaisser le choc destructeur à sa place, alors que les derniers des Douze dans leur fureur se jetaient sur Wolgast - Wolgast le Vrai, Père de tous et de Celle qui aimait -, une immensité s'ouvrit à l'endroit où il s'était tenu, la nuit noire explosa en son jour le plus éclatant, et la foudre déchira les cieux.