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Critiques de Karla Suárez (63)
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La Havane année zéro

"La Havane année zéro" ne nous séduit pas dès le départ. Mais il faut persister. 1993 Année zéro parce que le mur de Berlin vient de tomber et que la Russie laisse tomber Cuba. Année zéro parce que tout doit recommencer, tout doit manquer. Et les prémices sur lesquelles reposent ce récit sont assez intrigantes. Connaissez-vous Antonio Meucci, inventeur italien? ha ben voilà!

Cet inventeur touche à tout serait connu pour sa contribution à l'invention du téléphone...avant Graham Bell. Cet homme a vécu à Cuba avant d'émigrer aux États-Unis et y aurait laisser les preuves de son invention. Invention qu'il n'a pas pu faire breveter faute d'argent...et comme le papillon qui par son battement d'ailes provoque un tsunami de l'autre côté de la terre, nous aurons ici un cercle de 4-5 personnes qui n'auront d'aise de se dire la vérité que lorsqu'ils auront en main les documents de Meucci.

Alliances, mésalliances, tromperies et amitiés se développeront autour de la recherche de ces documents à la façon dont raisonne un mathématicien. D'hypothèses en hypothèses, de théories en théorèmes. Mais en même temps, on nous fait le récit d'une époque très dure pour les Cubains: chômage, rareté des matières premières, difficultés à combler les besoins de base, coupure de courant, d'eau, de transport. Les Cubains manquent de tout c'est l'année zéro.

On a du mal à embarquer dans cette histoire mais en persistant, on sera bien accroché. Humour, moeurs, histoire, amour tout est là pour nous faire un bon récit à la sauce cubaine: un sourire, un rêve, des amours. Une excellente découverte que cette Karla Suarez.
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Le fils du héros

Le fils du héros est un roman qui avait été mis en évidence à ma bibliothèque de quartier. Je n’avais pas prévu l’emprunter mais il semblait m’appeler. Ici, je dois préciser que je possède un autre bouquin de l’auteure Karla Suarez donc le nom ne m’était pas inconnu. Quoiqu’il en soit, la couverture m’a intrigué, le résumé à l’endos m’a convaincu. Ernesto est un jeune cubain de douze ans bien ordinaire, sa principale occupation consiste à s’amuser avec ses amis. Ils se sont rebaptisés comte de Monte-Cristo, Lagardère et capitaine Tempête. À cet âge, avec un pied dans le monde des adultes, ils apprivoisent leur univers, se trouvent des repères, changent un peu. Ou radicalement : le père d’Ernesto est envoyé en Angola et meurt au combat. Le garçon devient donc «le fils du héros». Et il semble s’en montrer digne, accumulant les honneurs académiques.



Toutefois, bien des années plus tard, même alors qu’il a refait sa vie et habite en Europe avec son épouse à moitié allemande, le sort de son père et cette guerre en Angola devient un intérêt, une passion (il créé un blog sur le sujet) puis une obsession. Au point de mettre en péril son mariage qui bat de l’aile. C’est là que mon enthousiasme s’est refroidi. Je n’ai pas perdu mes parents, je ne peux vraiment comprendre comment un pareil drame peut influencer le cours d’une vie, surtout quand cela arrive tôt. Toutefois, j’ai de la difficulté à croire que cette obsession tardive se développe de manière si importante alors que, visiblement, il paraissait y avoir échappé pendant toute son adolescence et sa vie de jeune adulte. Ça devait être une fêlure bien enfouie…



Ainsi, après une centaine de pages, il me semblait que cette histoire commençait à s’enliser. Il faut dire que les chapitres commencent habituellement par un passé par si lointain, où il est clairement indiqué que les problèmes de couple entre Ernesto et Renata mèneront au divorce. De là, on plonge dans l’enfance du fils du héros. Et à chaque chapitre on recommence. Ça faisait redondant. J’avais l’impression que cette partie de l’histoire n’avançait pas. Éventuellement, les deux trames (celles du Ernesto adolescent et celle de l’adulte) finissent par se rejoindre. Et cette obsession pour la guerre de l’Angola, qui l’avait mis en relation avec un certain Berto, fournira la clé à une finale qui se faisait de plus en plus prévisible. Du moins, moi, je la voyais venir.



Malgré cela, j’ai plutôt apprécié la lecture du roman Le fils du héros. Ça m’a plongé dans le Cuba des années 1970, à quoi ressemblait le quotidien des gens ordinaires là-bas. Et j’ai beaucoup appris, je ne savais rien sur l’Angola à part le fait que c’était un pays africain, autrefois une colonie du Portugal. Alors imaginez ma surprise en apprenant que les Cubains et les communistes y avaient combattu. Là et ailleurs.



Aussi, ce jeu qu’Ernesto et ses jeunes amis, se donner les noms de grands personnages de la littérature, ça m’a fait sourire. J’avais fait de même, quand j’étais enfant. Cet élément et d’autres en font un roman d’apprentissage (qui se transforme en roman psychologique) et j’aime ce genre. Ça m’a rappelé un roman, Kamchatka, de Marcelo Figueras. Un autre élément à mentionner, les titres des chapitres portent les noms de bouquins comme La métamorphose (Kafka), Les frères Karamazov (Dostoïevski) et L’étranger (Camus). Une façon de rendre hommages à des lectures qui ont influencée Karla Suarez ? Ou un désir de partager avec ses lecteurs ? Dans tous les cas, j’essayais de tisser des liens entre ces titres et ce qui se passait dans les chapitres. Parfois, souvent, ça concordait. Bref, je recommande Le fils du héros à ceux intéressés par les thèmes qui y sont exploités.
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Le fils du héros

C’est dans un café de Lisbonne qu’Ernesto, ingénieur cubain, rencontre Berto, un vieux monsieur expatrié comme lui. Berto, qui est un ancien combattant d’Angola, ne peut qu’intriguer le quadragénaire, son père, Miguel Angel, est mort dans ce pays d’Afrique. Alors Ernesto se souvient de son enfance à Cuba dans une famille d’intellectuelle épousant les idées de la révolution.



Orphelin à douze ans, il devient aussi un exemple pour tout le quartier, il est le fils du héros et le fils d’un héros doit être exemplaire. Brillant étudiant il partira travailler en Allemagne et au Portugal, au gré de ses amours, mais Ernesto cache une fêlure, il ne s’est jamais remis de la mort de son père et à Cuba un garçon ne pleure jamais, c’est sa grand-mère qui le lui a dit.



Quel beau roman tendre et délicat, Karla Suarez nous prend par la main et nous raconte Cuba, son pays. Au cœur de La havane, en pleine guerre froide, des enfants jouent et étudient, des familles militent, s’aiment et se déchirent.



Saga familiale, politique et humaniste, la romancière interroge la géopolitique de la fin du siècle dernier et comme elle aime aussi la littérature elle convoque Dante, Goethe, Vian, Camus, Hemingway, Yourcenar, Kundera et autres glorieux ainés pour le plus grand plaisir du lecteur.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le fils du héros

Decouverte d'une auteure cubaine grâce à ce livre.

L'histoire d'Ernesto, un enfant de 12 ans qui perd son père parti combattre en Angola et qui devient le fils du héros du jour au lendemain. Toute sa vie à partir de cet instant est formaté par cet événement , ses choix de vie, ses relations aux autres (famille, amis, femme).

Par le biais de la création d'un blog, il effectue des recherches sur Cuba et l'Angola afin de découvrir ce qui est arrivé à son père.

Le roman souffre de quelques longueurs, Ernesto est un peu agaçant dans son parcours de vie et se laisse totalement envahir et guider par ce qu'il pense être un devoir, il subit sa vie plus qu'il ne la vit et il en devient un peu pathétique. La fin du roman m'a surprise et aurait mérité d'arriver plus tôt pour éviter peut être ma lassitude au deux tiers.

Par contre, le roman m'a permis de découvrir l'histoire de Cuba et de ses relations avec le continent africain, en particulier avec l'Angola. La vie quotidienne des cubains, l'école et la façon dont l'armée est omniprésente dans le parcours des enfants, des adolescents et des adultes. Une culture de l'armée au quotidien bien loin de ce que nous connaissons. Cette partie là du roman est passionnante , vraiment instructive. J'ai beaucoup appris.

L'auteure nous transporte à Cuba dans les petits quartiers et retranscrit l'ambiance de cet endroit à travers la vie quotidienne de ses habitants.
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Le fils du héros

J'ai suivi Karla Suárez, par curiosité, dans un roman sur une jeunesse à Cuba. Elle nous conte, entre quotidien et grande Histoire, une histoire de guerre triste comme toutes les guerres avec son cortège de dégâts collatéraux, mort, deuil, silence et incompréhension. Elle veut nous faire partager les cicatrices laissées par la guerre en Angola pour les gens de sa génération, ceux dont les pères ne sont pas toujours rentrés au pays.



C'est L'histoire d'Ernesto, même prénom que le Che, entre Cuba, Berlin, Lisbonne, l'Angola…à la poursuite de lui-même, pour remplir les vides laissés par les non dits.



Cuba, ce n'est pas du tout mon secteur géographique de prédilection , mais quand l'écriture est belle dès les premières lignes, on part n'importe où avec un auteur, et là j'ai découvert ce que c'est de grandir dans ce pays dans les années 70 ou 80, dans un monde moins triste que dans nos représentations centrées sur Fidel et sa paranoïa.



l'Angola, c'était il y a longtemps et pas dans les gros titres de notre presse, je ne connais rien de ce conflit, ni ce qu'y faisaient les Cubains, rapide coup d'oeil sur Wikipedia, une espèce de bourbier où les grandes puissances se sont faits la guerre par alliés interposés.



J'ai adoré les pages sur l'enfance, marquée par des héros de romans d'aventure. Des gosses jouent à la « guerre froide » sous le regard amusé des adultes , une famille aimante et assez bouillonnante, latine dans ses solidarités et disputes. J'aime beaucoup tout ce récit d'enfance, pétillant et joyeux, les petites peines de coeur, des morsures qu'on emporte longtemps avec soi, les bêtises et les transgressions, cette vieille voiture américaine qu'on répare, la maison de vacances.



ce temps de l'innocence finit avec la nouvelle de la mort du père, qui fige tout dans un impossible deuil pour Ernesto, 12 ans, sommé de devenir un homme du jour au lendemain.



J'ai aimé le récit bien mené de cette quête de vérité, loin de l'histoire officielle, et cette volonté d'émancipation qui passe par la recherche et l'écriture d'un blog sur l'Angola, pour solder le passé, la rencontre avec un ancien combattant mystérieux, taiseux, mais chaleureux. La fin du roman nous prend un peu par surprise, apportant une nouvelle nuance de complexité à toute cette affaire.





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La Havane année zéro

Ce ne serait pas Alexander Graham Bell qui aurait inventé le téléphone, non! Il s’agirait d’un émigré italien, Antonio Meucci, pendant qu’il vivait à La Havane, Cuba. Ce dernier s’installa plus tard à New York pour breveter son invention et chercher du financement pour la développer et, pendant ce temps, Bell aurait eu accès aux travaux de Meucci. D’ailleurs, une partie de la communauté scientifique le reconnait depuis quelques années, même si le grand public est encore largement dans l’ignorance.



C’est ce fait qui a intéressé l’autrice Karla Suarez et, en tant que Cubaine – c’est dans ce pays que l’inventeur italien aurait produit l’essentiel de ses travaux sur son telegraffono –, elle s’est sentie interpelée. Une sorte de fierté nationale.



Donc, si l’intrigue était originale et pertinente, quelque chose dans son développement a moins fonctionné. Suarez n’a pas choisi d’écrire une biographie. Plutôt, elle a situé son intrigue à notre époque, au début des années ’90. Une jeune femme apprend, tout comme l’autrice, l’histoire de Meucci et décide d’aller au fond des choses, d’essayer de la prouver. Ça aussi, ça aurait pu fonctionner.



Malheureusement, cette intrigue est entremêlées de plusieurs autres, surtout des intrigues amoureuses et sentimentales et sur le sort des Cubains en général. La narratrice Julia est amoureuse d’Angel, lequel vit mal sa séparation avec une certaine Margarita. Elle est bien amie avec son ancien professeur de lycée qu’elle surnomme Euclide, puis avec le journaliste Leonardo, qui a eu une relation avec la fameuse Margarita. Et ça continue à tourner en rond ainsi, tel un soap opera. Ces intrigues de feuilleton m’ont complètement désintéressé.
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Le fils du héros

L'autrice nous raconte dans ce livre l'histoire d'un garçon cubain qui doit se construire en étant le fils de son père, mort en héros en Angola. Dans ce récit à la première personne, Ernesto (durant les années 70, de nombreux cubains ont été prénommés Ernesto et de nombreuses cubaines Tania, du prénom d'une autre héroïne) nous raconte ses amours ratées, sa vie professionnelle sans intérêt pour lui, sa jeune sœur pas mieux lotie que lui.

Tout cela pour arriver à une fin brutale et inattendue.

Malgré quelques longueurs, j'ai appris beaucoup sur la mentalité de Cuba et la lectrice que je suis a apprécié les dénominations de chapitres sous forme de titres de livres célèbres.
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Le fils du héros

En 2007, 39 écrivains latino-américains ont été sélectionnés parmi les plus prometteurs de moins de 40 ans. Beaucoup ont confirmé leur talent depuis : Adriana Lisboa (Brésil), Jorge Volpi (Mexique), Santiago Roncagliolo (Pérou), Wendy Guerra (Cuba), entre autres. Et aussi Karla Suarez, qui n'a écrit que 4 romans, mais tous remarquables et le dernier en date, Le fils du héros, n'est pas le moindre. La romancière se met dans la peau d'Ernesto, cubain né à la fin des années 60. La mort de son père, soldat en Angola, est le traumatisme de son enfance dont il ne se remettra jamais, devenant littéralement obsédé par les circonstances de sa disparition au point de ne s'intéresser qu'à cela et de compromettre ses relations amoureuses. Karla Suarez possède un fabuleux sens du rythme et une fluidité d'écriture admirable. Plutôt que de recourir à une progression chronologique classique avec flashbacks intégrés, elle enchevêtre les différentes périodes de la vie d'Ernesto, dans chaque chapitre, sans jamais égarer le lecteur. Le fils du héros excelle à superposer récit intime et faits historiques, au gré de l'évolution de la propagande étatique cubaine qui fait illusion avant de créer une génération de déçus, premiers critiques d'une politique désastreuse alors que de plus en plus de citoyens fuient un pays dont ils garderont pourtant toujours la nostalgie. Ernesto, au demeurant, n'est pas un personnage sympathique : égoïste, maladroit, peu doué pour les relations humaines, introverti ... Mais touchant, aussi, de par ses imperfections, avec à ses côtés une mère, une soeur, un ami et une épouse aimants et indulgents (jusqu'à un certain point). Le fils d'un héros est un roman passionnant, incroyablement attachant et dense, fourmillant de détails sur la vie quotidienne à Cuba et sur celle des émigrés à Berlin ou Lisbonne. Plaisir supplémentaire : son dénouement, inattendu et qui rebat complètement les cartes. Magistral ! Magnifique ! Mémorable !
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Le fils du héros

Le fils du héros est un roman bien construit et captivant, dont l'auteure, Karla Suarez, est née à La Havane en 1969, tout comme Ernesto, son personnage principal et narrateur.



Tout est dit dans le premier chapitre. Enfin, presque ! Il faudra quand même avoir lu le livre en entier pour en comprendre les tenants et aboutissants. Pourquoi Ernesto, que sa femme Renata a récemment quitté, prend-il l'avion pour l'Angola ?



Tout avait commencé pour lui, trente ans plus tôt, à l'âge de douze ans, le jour de l'annonce de la mort de son père, tué en Angola, où il avait été mobilisé dans les forces armées cubaines venues soutenir un mouvement indépendantiste « ami ». Dans son quartier, au lycée, puis à l'université, Ernesto était ainsi devenu le fils du héros.



En dépit de l'absence d'un père qui avait compté dans son enfance, Ernesto aura vécu une adolescence pleine et heureuse, entouré d'une famille unie et d'amis fidèles. Révolution castriste oblige, il aura fallu supporter quelques « volontariats organisés » : travaux agricoles, préparation militaire, agitation de petits drapeaux sur le passage de chefs d'états en visite. Mais Cuba, ce n'est pas la Corée du Nord – où en tout cas ce qu'on en imagine. Cuba, ce sont les Caraïbes, le soleil, la mer, la plage, la musique, la fête. Ce sont aussi des universités et des bibliothèques de qualité. Dans les années quatre-vingt, les jeunes ont en tête des modèles occidentaux dont ils n'ignorent rien. Grâce aux amis dont les familles sont bien placées, on récupère en douce de la musique américaine, des vêtements à la mode. C'est l'âge d'or de la révolution castriste, généreusement sponsorisé par l'Union Soviétique.



Tout change dès le début des années quatre-vingt-dix. Effondrement de l'URSS et de sa sphère d'influence. Paix en Angola, où la guérilla entre des factions soutenues par les grandes puissances n'était qu'une déclinaison locale de la guerre froide, désormais reléguée sur les rayons de l'Histoire.



Devenu adulte, Ernesto s'interroge sur la mort de son père. Un noble sacrifice, dit-on officiellement à La Havane. Qu'allait-il faire dans cette galère, a plutôt envie de dire Ernesto. Pourquoi le régime avait-il sacrifié la vie de milliers de compatriotes tombés en Angola ? Oh certes, on avait célébré le culte des héros. Ils avaient eu droit à des funérailles nationales en grande pompe. Les familles avaient été soutenues financièrement… tant que l'Etat en avait eu les moyens. Car à Cuba, isolée politiquement et commercialement, c'est désormais la crise économique et l'austérité.



Le destin de son père va miner la vie d'Ernesto, malgré l'amour de Renata, une étudiante bénéficiant d'une double nationalité péruvienne et allemande, qui a jeté son dévolu sur lui. Une fois mariés, elle l'emmène vivre à Berlin, puis à Lisbonne, où Ernesto rencontre des compatriotes exilés, dont certains ont combattu en Angola. L'un d'eux, Berto, un petit homme au comportement étrange, a l'âge qu'aurait eu son père. La question de la mort du père devient une obsession dans laquelle Ernesto s'enferme. Il monte un blog pour rechercher d'autres anciens combattants et réunir des informations sur la présence des Cubains en Afrique, fouille dans les archives de presse, rassemble des ouvrages sur l'Histoire. Il se replie sur lui-même, au point de gâcher sa vie, sa vie professionnelle et surtout sa vie conjugale, menant son épouse Renata au-delà de ce que peut supporter son empathie et sa patience, incapable qu'il est de partager sa douleur avec elle.



Dans chaque chapitre de son récit, Ernesto entrecroise son quotidien obsessionnel à Lisbonne, avec ses premières enquêtes à Berlin et les souvenirs attendris de sa jeunesse à La Havane. Cela brouille un peu la compréhension du lecteur, qui a par moment l'impression que l'intrigue tourne en rond. Une construction littéraire probablement intentionnelle, qui permet à l'auteure de faire monter la tension progressivement jusqu'au dénouement final très inattendu.



Une narration continue, quasiment sans dialogue. L'écriture de Karla Suarez, précise et fluide, a quelque chose d'enveloppant. L'auteure s'est aussi attachée à illustrer chaque chapitre par le nom d'un ouvrage de la littérature universelle. Une table de vingt-cinq titres qui va de Dante à Kundera, en passant par Goethe et Hemingway. Un geste littéraire élégant, mais plus symbolique que profond.



Le fils du héros est un roman psychologique placé dans un contexte historique et politique réel. Une fiction romanesque attachante et émouvante, aux confins d'un système où Fidel Castro sera parvenu pendant trente ans à faire croire qu'il était plus qu'un simple pion sur l'échiquier mondial. La disparition du système soviétique l'aura ramené à sa juste importance, limitée aux frontières de Cuba, où la politique de « rectification des tendances négatives », annoncée à coup de discours-fleuves et accompagnée de simulacres de procès suivis d'exécutions, aura rencontré scepticisme et ironie dans les foyers havanais, sous une apparence factice d'approbation collective.
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La Havane année zéro

L'histoire de ce roman a lieu dans Cuba de Castro. EIle commence en trombe, par une peinture tranchante du vécue du pays des Castro. "C’était en 1993, année zéro à Cuba. L’année des coupures d’électricité interminables (…) J’ai 30 ans et des problèmes à la pelle", raconte Julia, enseignante et personnage en diable de ce roman. Cuba donc manque de tout, connaît. Pour Julia, son travail est alimentaire, car elle s’ennuie avec ses élèves. Pour se s’évader de son quotidien, elle navigue entre trois hommes. Trois destins éloignés. Euclides, son ancien prof de faculté, divorcé, qui s’est réfugié chez sa mère. Angel qui lui possède un bel appartement. Ce qui est exceptionnel. . Et puis il y a cet écrivain dont Julia s’est entiché, comme pour corser son personnage. Le rapport entre les quatre : la fascination qu’ils éprouvent pour Antonio Meucci.



L’intrigue ? La recherche d’un document qui prouverait que cet illustre oublié qu’est Antonio Meucci, Italien réfugié à la Havane, aurait inventé le téléphone. Eh oui pour Julia, le téléphone dans ce pays où tout manque est né à Cuba, bien avant Graham Bell ; n’en déplaise à toutes les histoires qui racontent le contraire. Pour sans doute donner du piquant à sa vie, Julia s’embarque dans une enquête pour démêler cette affaire. Mais l’enjeu est trop gros, car ces fameuses preuves de la paternité de l’invention du téléphone pourraient valoir de l’or. Il ne faut pas oublier qu'on est à Cuba, en pleine crise.



Mais pas seulement. Elle se rend vite compte que ce n’est pas simple. L’écheveau compliqué. Ici mensonges, alliances et suspicions se mélangent pour former une intrigue hardiment menée. Ici tous les protagonistes mentent par nécessité, une question de survie dans ce pays où tout manque.



Pertinente, l’histoire de La Havane année zéro se présente comme un problème mathématiques, une équation à trois inconnues. Karla Suarez mêle et démêle les informations si tant est que le lecteur est entraîné dans l’enquête pour savoir qui des trois possède réellement les documents prouvant qu’Antonio Meucci est bien l’inventeur du téléphone. Nous arrêtons de décortiquer le roman pour ne pas déflorer l’histoire. Mais au-delà de cette enquêteur la romancière raconte une autre histoire, celle de ce pays épuisé, laminé par les pénuries, les manques de toutes sortes. D'une écriture incisive et sobre, Karla Suarez dévoile un pays ravagé par la crise économique. Et en filigrane, il y a bien sûr tous ces Cubains qui rêvent, luttent au quotidien pour rendre la vie un peu plus supportable qu’elle ne l’est.

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La Havane année zéro

Bizarre ces livres dans lesquels on a du mal à plonger, mais que l’on persiste à lire. C’est ce qui m’est arrivé avec « La Havane année zéro ». Dès le début, je savais que la lecture de ce roman me plairait, mais j’ai eu un mal fou à accrocher au début. C’est venu petit à petit et en tournant la dernière page de ce roman, j’ai compris que j’ai bien fait de persister.



« La Havane année zéro », c’est une histoire un peu tirée par les cheveux, qui use et abuse de mathématiques, de logique et qui est construite un peu comme une intrigue policière. Si ce n’était que ça, je n’aurais absolument pas aimé ce roman où la narratrice tente de démêler le vrai du faux des histoires des trois hommes avec qui elle a (eu) une liaison. Ce qui m’a plu, c’est le Cuba des années 1990 décrit par Karla Suarez, avec un point d’orgue : l’année 1993, où se situe l’histoire, cette fameuse « année zéro » à Cuba. La « période spéciale » a suivi la chute du mur de Berlin et la dissolution de l’URSS et a mis la faim au ventre du peuple cubain qui, très rapidement, s’est vu notamment privé de viande (qu’il ne voyait plus que dans les livres d’histoire, dixit l’auteur). Du riz, des pois cassés et du soja au menu, voilà ce à quoi les Cubains étaient réduits au cours de cette période décidément très spéciale où les bicyclettes ont remplacé les voitures et où la renommé des commerçants qui possédaient des dollars (illégaux) a supplanté celle des ingénieurs. Voilà donc notre narratrice, Julia, bien avancée elle qui, mathématicienne, se dit « foutue ». Mais voilà donc aussi que l’histoire d’un certain Meucci, un grand inventeur italien qui aurait inventé le téléphone à Cuba plusieurs années avant l’Américain Graham Bell, sort dans le journal « Granma ». Et c’est là que commence notre histoire : les cinq personnages principaux de « La Havane année zéro » se disputent le manuscrit du scientifique où figure le croquis de ce qui allait devenir le téléphone, chacun dans un but différent, souvent pour gagner l’argent qui contribuerait à rendre leur quotidien un peu moins miséreux. Tout un programme ! Et le suspense est au rendez-vous jusqu’à la fin de l’ouvrage !



Pour ce dernier roman, Karla Suarez a reçu le prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde en 2012, le jury ayant décidé d’honorer cette année un ouvrage qui « se situe dans la lignée de ces créations tendues vers un désir puissant : celui de redonner une juste place à des pays que l’on oublie souvent dans le concert disharmonieux du monde ». Un prix parfaitement mérité par l’écrivaine cubaine qui vit exilée au Portugal !
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Le fils du héros

Roman essentiel de vérité, criant de douleur, Le fils du héros est le témoignage d’une génération cubaine en quête de sens. Servi par une écriture narrative précise et riche ce roman est ma première expérience littéraire cubaine, et quelle expérience! De nature curieuse j’aime que mes lectures transgressent des barrières jusqu’alors inédite et m’apporte surtout un savoir, un regard différent sur certains évènements, historiques par exemple. Et cet exemple est aujourd’hui assouvi avec ce livre précieux où l’auteur fait le récit d’un Cuba belliqueux embourbé dans une guerre qui n’est finalement pas la sienne, du moins pas celle du peuple.



Sous l’apparence du jeune Ernesto, douze ans lorsqu’il perd son père lors de la guerre en Angola, Karla Suarez nous narre l’histoire de son pays et de cette page de l’histoire à travers de petites anecdotes sous l’œil naïf de l’enfance. Le récit s’ouvre sur ce drame qui détermine la vie d’Ernesto, ses choix comme son rapport à sa famille. Devenu « le fils du héros » toute sa vie durant il devra porter ce lourd fardeau et comprendre que les héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Traumatisé par cette guerre qui débute dans les années 60 pour se terminer à la fin des années 80, il nous raconte par touches ce pays socialiste qui la vue grandir et son rapport au monde qui l’on conduit à vivre de l’Allemagne au Portugal. C’est une fois adulte qu’il a l’idée d’écrire un blog dédié à ce pan de l’histoire comme pour mieux la comprendre et en exorciser ses démons. Seulement l’Histoire est complexe, les informations souvent erronées jusqu’au jour où il fait la rencontre d’un certain Berto Tejera Rodriguez, parti à la même période que son père…



Entre aller et retour dans le temps l’auteure a su attiser ma curiosité en créant une tension dramatique, effet étoffé grâce au personnage énigmatique de Berto mais surtout à travers des débuts de chapitres où l’on comprend que le personnage d’Ernesto est sur le départ pour l’Angola mais dont on ignore le but. J’ai beaucoup aimé les épisodes de sa vie à Cuba qui illustre bien l’innocence avec laquelle il regarde sa patrie pour, petit à petit, observer avec un prisme nouveau cette révolution sociale avec notamment cette guerre qui n’en finit pas.



De son regard d’adulte on devine le cynisme, la rancœur qui le consume pour, peu à peu, le détruire lui et son entourage. La tension monte comme la guerre avec la venue du personnage de Berto pour enfin nous livrer son secret bouillant, suintant, poreux quitte à détruire toutes les certitudes sur son passage. C’est ça que j’ai aimé dans ce roman, les fuites nostalgiques d’apparence banales d’un enfant qui passe de l’adolescence à l’adulte sans édulcorant et le côté sombre et lucide d’un évènement qui fait l’être d’aujourd’hui.



Ignorant totalement cette partie de l’histoire cubaine, j’ai particulièrement apprécié m’y pencher sous la plume de Karla Suarez qui couche avec une précision émotionnelle les souvenirs tissés d’un gouvernement pour son peuple. Elle soulève ainsi la question de l’enrôlement mentale et la vision des habitants sur leur propre société. Comme un règlement de compte, j’ai été emballée par sa passion malgré quelques répétitions et longueurs, emballée par ce personnage voulant en découdre avec son Histoire et surtout par cette fin à laquelle on ne s’attend pas.



Une ode à la liberté, un détachement du poids familial et sociétal, voilà ce que rend ce roman aux Cubains qui ne peuvent plus dire « nous ne savions pas ». Un exercice périlleux, courageux car il n’est pas aisé de ressusciter le passé et encore moins de l’écrire. Merci à lecteurs.com pour cet envoi, vous avez émerveillé ma rentrée en me sélectionnant en tant qu'Exploratrice de la rentrée littéraire!
Lien : http://bookncook.over-blog.c..
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La Havane année zéro

"Incroyable, non? Le téléphone aurait été inventé dans cette ville où il ne fonctionnait presque jamais!"



Mais qui détient le document où Antonio Meucci, présumé inventeur du téléphone -avant Graham Bell - aurait dessiné des schémas de son invention? Une chose est quasi certaine, il se trouve à la Havane, car dans la famille de Margarita depuis des générations. Les personnages de ce curieux roman sont à sa recherche, chacun pensant que l'un des autres l'a en sa possession. Julia, professeur de mathématiques, est le dénominateur commun de tous, et va de surprises en surprises. Angel l'amoureux de Julia est l'ex-mari de Margarita, Leonardo son ex-amant, en tout cas il écrit un roman sur Meucci, Euclides, ex-professeur et ex-amant de Julia, recherche plutôt gloire et argent grâce au document.Une chose est sûre pour le lecteur : tout le monde ment!



C'est Julia qui mène l'enquête, et son sens de la logique est mis à rude épreuve, malgré son recours aux postulats l'aidant à réfléchir.

"Je ne trouvais pas d'explication rationnelle et j'en étais mortifiée, parce que je sais que tout a une logique, même si on l'ignore. Il existe toujours une théorie, même pour expliquer l'imprévisible".



A travers elle et ses amis se dessine un portrait du Cuba d'après la chute du mur, en grosse crise économique, où l'argent est rare, les logements encore plus, le régime végétarien forcé, et les petits trafics florissants.



Une fois le roman refermé, j'ai fait quelques recherches pour en avoir le coeur net et découvert que, comme le futur (et hypothétique?) lecteur du roman de Leonardo, "cet espace de fiction où il était confortablement installé commencerait à bringuebaler", à savoir que Karla Suarez a établi son roman sur des faits, qu'Antonio Meucci a réellement vécu, et que Leonardo avait bien raison, sa vie est un véritable roman.



Verdict : j'ai beaucoup aimé!


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Le fils du héros

« Mon père a été tué un après-midi sous un soleil de plomb… Il était à l’autre bout du monde, dans la forêt obscure d’Angola. Et nous, dans l’île où la vie continuait plus ou moins comme d’habitude, sous notre soleil quotidien. »

A douze ans, Ernesto apprend la mort de son père dans une guerre qui ne les concerne pas, l’Angola est si loin. Le voici devenu le chef de la famille, le fils du Héros pour tout son petit monde. Une carapace dure à porter qui le marque à jamais.

« Maintenant tu es l’homme de la maison, tu n’es plus un enfant. Et les hommes ne pleurent pas, ne l’oublie jamais. ». Et il ne pleure pas, enfouit tout au fond de lui son chagrin, perd l’innocence propre à l’enfance. S’il n’y avait que le décès de son père ! Juste avant dans leur petit bois, il a vu Monsieur de Lagardère caresser la joue de Capitaine Tempête. Excuse, cher lecteur, je suis allée un peu vite en besogne. Capitaine Tempête, c’est l’héroïne de ses rêves et son amie, Lagardère son ami, Ernesto est le Conte de Monte Cristo. Oui, cette journée, tout son univers s’est écroulé. Mais il n’a pas pleuré, non, il n’a plus pleuré et tout gardé.

Ernst cherche sans fin une trace de son père, espère trouver des camarades de guerre, des personnes qui auraient pu le voir dans ses derniers instants. Il fait des recherches de plus en plus poussées sur la guerre en Angola. Il créé un blogue pour partager des informations avec d’autres blogueurs, chercher des traces, remonter le temps, remplir le vide du père par des faits, des dates… Ce faisant, il met des mots, des faits, des dates sur une guerre dont personne ne veut parler. Ernesto voudrait trouver un sens à l’engagement de son père, un sens à cette guerre, un sens à sa vie. Son obsession du père aura raison de son mariage avec Renata. Installés au Portugal, Ernesto fait la connaissance d’un certain Berto « C’est l’étrange petit bonhomme qui se déplace lentement sur l’échiquier. » Discussion autour d’une partie d’échecs où Berto est maître « L’Angola avait été l’échiquier où s’était jouée la dernière partie d’échecs de la guerre froide ». « A la guerre comme aux échecs, on dispose de deux armes secrètes : la tactique et la stratégie. L’une consiste à savoir observer, l’autre à savoir réagir ». Sur cet échiquier mondial, les pauvres soldats sont les pions, ceux qui ne décident de rien et subissent, pour la grandeur d’un pays, d’une idéologie en regard avec la guerre froide.

Je me promène entre hier et aujourd’hui, entre Le fils du héros et l’homme qu’il est devenu, entre Cuba et le Portugal.

Au cours de ma lecture, je vois se modifier le visage de Cuba qui passe de l’euphorie de la Révolution et du Che aux petites magouilles pour survivre, à la longue déliquescence de ce pays abandonné par l’URSS, depuis qu’elle est redevenue la Russie.

La structure du roman est originale. Chaque chapitre porte le nom d’un roman d’un autre auteur (La forêt obscure, Le Bossu, L’Ultime territoire…) très suggestif quant au contenu. Karla Suarez, d’une écriture fluide, avec des pointes d’ironie, fait monter la mayonnaise et offre une fin surprenante.

Un très bon roman qui met en lumière un pays et son histoire.


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Le fils du héros

Le fils du Héros, c’est Ernesto. Son père meurt en Angola lorsqu’il est tout jeune, aprè de brillantes études il va vivre à Berlin puis à Lisbonne. Alternant passé et présent, l’auteur nous montre l’importance de la quête du héros, père absent, dans ce régime qui vénère ses militaires morts pour la patrie sur les lointaines terres d’Afrique.



Mais Ernesto est obsédé par la quête de ce père inconnu. Sa femme finit par le quitter, ne pouvant pas lutter contre cette introspection intime en même temps qu’introspection dans l’histoire récente du Cuba. Pourquoi cette guerre, pourquoi tant d’hommes sont-ils partis pour mourir là-bas, et au nom de quelle liberté ? La plaie est profonde, Ernesto élevé en « fils de » va souffrir de cette absence qui a fait de lui un être à part, un des rares à pouvoir être fier, mais fier de quoi, du vide, de l’absence ?

Je me suis laissée porter par cet enfant sans père, ce mari qui oublie de vivre avec sa femme pour courir après les ombres, ce cubain qui ouvre enfin les yeux sur l’absurdité du régime et des guerres. J’ai adoré la créativité de l’auteur. Reliant l’intime à l’Histoire, Karla Suarez nous entraine dans les méandres historiques de son pays, et nous donne énormément d’émotion à suivre son fils de héros, une jolie découverte.


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La Havane année zéro

1993, année zéro à Cuba. Depuis la chute du mur de Berlin, les soviétiques ont délaissés Cuba. Dès lors, la pénurie et les coupures d’électricité font partie du quotidien de la ville. Le ton est donné et le décor planté.

Julia, jeune femme impétueuse et brillant professeur de mathématiques, part à la recherche d’un mystérieux document qui apporterait la preuve que le téléphone a été inventé à Cuba par un italien du nom d’Antonio Meucci.

Au milieu de tout ça s’entrecroisent 3 hommes et 3 histoires…



Une enquête palpitante construite comme une énigme mathématiques. Des personnages fouillés dont on découvre les failles et les blessures petit à petit.

Une histoire qui mêle habilement fiction et réalité historique tout en nous confrontant à la vie quotidienne de l’époque.



Une recette qui fonctionne pour un roman enrichissant et captivant !

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La Havane année zéro

L'histoire du véritable inventeur du téléphone

Autour d'un roman sur la vie à Cuba

Livre pas si facile que cela a lire car l'histoire avance peu mais c'est bien écrit et offre en parallèle une biographie et la vie à Cuba

Je conseille ce livre
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La Havane année zéro

Avec La Havane année zéro, Karla Suãrez, nous offre un roman en forme d’équation mathématique à 3 inconnues, un polar qu’elle situe en 1993 – année especiale, comme disent les cubains – 4 ans après la chute de mur de Berlin. « Polar », même si, entendons-nous bien : il n’y a pas de victime, si ce n’est le « brevet » d’une découverte usurpée, celle du… téléphone !

Dans ce roman « fractal », Karla S. s’adresse directement au lecteur qu’elle tutoie dès le troisième chapitre en le faisant participer à son enquête le long du Malecón. Elle fait de nous son complice et nous embarque comme témoin pour résoudre l’énigme du livre. On partage son tâtonnement expérimental sous la tutelle de Poincaré qu’elle cite à de nombreuses reprises (« Il y a des questions que l’on pose et d’autres qui se posent toutes seules ») et d’Einstein ( « Si tu cherches des résultats, ne fais pas toujours la même chose ! ») Karla Suarez semble s’amuser en attribuant à son lecteur le rôle de juré qui sera chargé de trancher face à la question : Qui détient le document ? … Car le prétexte à cette « course au trésor » à travers la capitale cubaine – d’Alamar au Vedado, en passant par Cienfuegos – est de retrouver les notes originales d’Antonio Meucci, prouvant qu’il est l’inventeur du téléphone, titre que lui a raflé Graham Bell.

Karla S. nous étourdit dans une valse à trois temps dans laquelle elle nous fait tourbillonner à un rythme de plus en plus enlevé entre ses trois partenaires ! Dans ce ballet tropical, on rencontre Euclides – son ex-prof universitaire –, Angel –son amoureux si séducteur –, et Léo –son pittoresque ami écrivain – qui tour à tour posent un deal avec la jeune femme, une stratégie pour localiser le précieux docu et identifier son détenteur.

La Havane année zéro est alors une toile d’araignée qui nous embrouille dans sa spirale, pour notre plus grand bonheur (« Parfois penser est une façon de continuer à s’énerver » nous confie l’auteure !) Elle joue avec nos nerfs dans la jonglerie de ses démonstrations où les alliances se nouent et se dénouent dans une surenchère de tromperies entre les amants. La question récurrente qui laboure les 21 chapitres du livre est : Qui ment ?

Les protagonistes de K.S. se manipulent mutuellement dans un concours de dissimulations, de non-dits, d’approximations, de chausse-trapes… comme l’auteure- qui fait dire à Julia, son héroïne « Je me sentais comme une marionnette qui avait rêvé d’être marionnettiste », - manipule les réflexions de son lecteur !

Dans ce roman mathématique, véritable enquête « démystificatrice », Suarez alterne le noir et blanc et la couleur.

Le noir & blanc dénonce, au cours de cet enchaînement de journées à multiplier par zéro, la pénurie où se débattent dans cette île des Caraïbes ces végétariens de deuxième génération : « La vache mange de l’herbe et moi je mange de la vache, mais à cette époque on ne trouvait des vaches que là où étaient les dinosaures : dans les livres ». On doit allumer la radio, en ces années 90, pour couvrir les voix et parler en toute sécurité, comme le faisaient les personnages du film La vie des autres en RDA dans les années 80.

Mais la couleur pétille aussi grâce à l’humour auto-dérisoire de l’auteure dont le bouquin est caressé par une très chaude ambiance de … »cucuterie » ! On fait beaucoup l’amour dans ces pages car… faire l’amour est une respiration pour ouvrir une ceinture trop serrée. La sexualité est la soupape de survie dans cette société pressée comme un citron et Julia en vient à classer les hommes, ses amants, en nombres : « Je m’amusais même à les classifier, à les ordonner comme des nombres, par exemple : naturels, entiers, rationnels, complexes ou réels ». Leur dénominateur commun étant d’être tous nus sous leurs vêtements. Elle compare même Angel au Cuirassé Potemkine !

Dans le livre de cette écrivain dotée d’une formation scientifique, tout s’articule autour du nombre où elle revient de manière récurrente au long des chapitres. Son roman est construit comme un puzzle sur lequel elle pose les pièces selon son bon vouloir, se jouant de nous : « Elémentaire, mon cher Watson ! » se moque-t-elle…

Au cours de » cette nuit de comploteurs », on « raisonne comme une romancière ou… comme un mathématicien… deux faces d’une même pièce » car « au commencement de l’histoire humaine, art et science faisait un tout qui s’est progressivement ramifié en différentes spécialités (…) Je me servais des nombres comme lui des mots (…) La seule différence tenait à l’usage de langages et de symboles. » Telle le joueur de flûte d’Hamelin, Karla S. nous emmaillote dans la bobine de son énorme imbroglio : « Avec l’amour dans les yeux, sans signes ni témoins, nos corps se sont aimés jusqu’au matin où nous avons compris l’erreur »… Au cœur de la chaleur humaine des nuits torrides tropicales, où les infusions de citronnelle le disputent au rhum ou son ersatz tord-boyaux coulant à flot, Julia cherche à rendre cohérence au désarroi et au chaos… Dans une sorte de jeu de chaises musicales avec Angel, Barbara, Euclides, Léonardo et Margarita, elle tourne au gré des chapitres dans un parfait cercle fermé en se demandant… pourquoi l’amour est-il aussi irrationnel ?

D’étape intermédiaire en objectif principal, Karla-Julia, nous balade avec bonheur en nous entraînant dans la moiteur caraïbe. Elle démontre que si c’est l’ignorance et non le hasard qui rend certaines situations inexplicables comme le prétendent les déterministes… toutefois d’après la théorie du chaos, l’univers est régi par un mélange d’ordre et de désordre, c'est-à-dire qu’il ne suit pas un modèle prévisible et déterminé (…) le désordre existe et se manifeste quand on s’y attend le moins.

C’est par cet effet-papillon –battement d’ailes dans un endroit pouvant provoquer quelques temps après un ouragan dans un autre que les héros de cette histoire ont été embarqués dans cette aventure insulaire, méli-mélo de hasards et de préméditations, face au chaos où se mêlent sentiments et projets.

Dans ce roman/jeu de piste singulier et déroutant, tout est question de perspective (Quand tu es sur le rivage, le bateau se déplace, mais quand tu es sur le bateau, c’est le rivage qui change … Nouvelle société, nouvelles valeurs.) et il s’agit comme les membres de l’Oulipo d’être des rats qui doivent construire eux-mêmes le labyrinthe d’où ils ont l’intention de sortir.

Si Julia/Karla se compare au cœur de ce roman à un cheval aux échecs qui s’imagine trotter librement dans les champs sans se rendre compte que quelqu’un le déplace, elle conclut son récit dans un éclat de rire, nous clouant « pat » sur l’échi quier face au pion-roi Meucci, entre la tour du Tacón et la diagonale du fou !


Lien : http://chevre-feuille.fr
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La Havane année zéro

"C'était en 1993, année zéro à Cuba. L'année des coupures d'électricité interminables, quand La Havane s'est remplie de vélos et que les garde-mangers étaient vides. Pas de transport. Pas de viande. Pas d'espoir. J'avais trente ans et des problèmes à la pelle, c'est pour ça que je me suis laissé embringuer dans cette histoire". Ainsi parle Julia, professeur de mathématiques, qui n'aime pas son métier et s'ennuie face à ses élèves. Elle qui avait rêvé d'être une grande scientifique invitée à des congrès internationaux... Lorsqu'elle demande à Euclydes, son ex prof de faculté, ex amant de surcroît, s'il a déjà entendu parler d'un certain Meucci, celui-ci fait l'étonné. Mais il finit par lui expliquer qu' Antonio Meucci, Italien du 19ème siècle est venu à La Havane en 1835 comme responsable du grand Théâtre de Cuba. Il a mis au point un "télégraphe parlant", puis est parti à New York et c'est Graham Bell qui est passé pour le grand inventeur. Euclides est même en possession d'un dossier où figure un article "Le téléphone a été inventé à Cuba", mais il lui manque un élément essentiel : une preuve écrite de la main même de Meucci, disparue on ne sait trop comment. Ironie du sort, c'est dans ce pays où il ne fonctionne presque jamais que le téléphone aurait été inventé ?

Julia va tout tenter pour retrouver cet écrit, il a son importance car tout est monnayable dans "un pays déchiré entre dollar et monnaie nationnale" !

Elle manipule ses amis, se conduit comme une marionnettiste au centre d'un petit monde dont elle tire les ficelles. Tous ne semblent pas se connaître, mais tous sont plus ou moins liés.

Angel, beau, blond, bronzé, qui donne l'impression de marcher sur des oeufs, l'ange sauveur au don de charmeur de serpent, dont Julia va peu à peu tomber amoureuse, il semble connaître pas mal de choses et il a un bel appartement dans un quartier intéressant ... Léonardo, qui arrive sans prévenir chez Angel, s'excuse et se précipite sur le rhum. Julia comprend qu'il est écrivain, qu'il a déjà publié et qu'il a beaucoup de projets. Il voudrait parler avec Léonardo mais celui-ci remet l'affaire à plus tard. Que cachent-ils ? Barbara une journaliste italienne, recherche elle aussi la preuve concernant l'invention de son compatriote. Chacun raconte l'histoire à sa façon, ils se mentent, utilisent des stratagèmes, intellectuels, mathématiciens, se réunissent pour parler, lire leurs écrits que personne ne publie, faute de moyens, de papier ; il n'y a pas grand chose à faire en ces temps de pénurie, ils cherchent quelque chose à quoi s'accrocher. C'est toute la vie de Cuba, ses odeurs "authentiques", sa chaleur humaine, la capacité à survivre de ses habitants, leur faculté d'adaptation, leur imagination.

Ce roman est difficle, je l'ai cependant aimé, non pour son énigme qualifiée de "mathématique, mais j'ai apppris quelque chose, je ne connaissais pas l'existence d'Antonio Meucci. J'ai vérifié, tout est vrai. Mais il n'est pas simple de démêler cette histoire, il ne faut pas perdre le fil. L'auteur a du talent. Elle nous mène là où elle veut. Son écriture est évocatrice, ses réflexions pertinentes sur les différences existant entre nos sociétés (ce qui leur manque c'est ce que nous avons en trop, ou, ce qui chez nous est un luxe diététique, le soja par ex., est chez eux le minimum vital). Un roman qui apporte quelque chose, et nous rend le peuple cubain un peu plus proche. Je le conseillerais volontiers, les lecteurs de Léonardo Padura pourront sans doute l'apprécier.
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Ecume et autres histoires

Karla Suarez ..une auteure déjà croisée … « La Havane, année zéro » … rencontre ratée … « tropique des silences » … rencontre avec la nostalgie, appréciée … « Cuba, les chemins de hasard » … un carnet de voyage qui m’a permis de revivre une partie de mon périple sur cette île … alors « écume et autres histoires » … masse critique … une bonne façon de revenir dans l’univers de cette dame.

Surprise de découvrir que ce texte a été publié en 1999 à Cuba et qu’il n’a trouvé son éditeur français qu’en 2021 !



Il y a donc écume …

Où il faut attendre, attendre le retour de Nonon, celui qui a voulu se transformer en écume … alors que l’on sait que l’écume est éphémère … éphémère ou éternelle comme l’amour.



Et puis il y a ces autres histoires …

Ce sont parfois des rituels que l’on s’impose, plutôt qui s’imposent à vous, de ceux que l’on subit sans se poser les bonnes questions …

Ce sont les moments où l’on se demande si l’homme qui se trouve dans notre lit … est-il vraiment l’homme de notre vie …

Et … Les choses que l’on fait jour après jour, indispensables à notre équilibre mais pas parce qu’elles nous font faire, mais plutôt parce qu’elles nous obligent à nous rencontrer …

Les drames de la vie et la difficulté d’en parler et de s’en échapper …

Ne pas oser faire ce qu’on doit faire et subir ce que les autres font et s’adapter …

Être convier par un étranger à voir son propre pays de l’intérieur mais comme un étranger le voit, c’est délicieux …

Se rappeler que la terre est ronde… que tout départ peut devenir une arrivée … et constater que la terre est peut être carré…

Se chercher, se chercher encore et toujours même quand on se cache derrière des jeux de miroirs …

Un jour … un mardi à 5 heures… après savoir s’il s’agit du matin … de l’après midi … de la soirée … de la nuit… on s’en fout …

Il y a de la folie dans l’air, quand les fantômes prennent la place des vivants et quand les vivants deviennent fantômes …

Deux femmes au même nom, qui se retrouve à vivre côte côte sans pour autant vivre ensemble, deux femmes qui n’ont pas la même histoire … qui est derrière le miroir?



Des nouvelles parfois simplement belles, d’autres mystérieuses ou époustouflantes … dans tous les cas, des nouvelles à découvrir, comme un bouquet odorant venant de Cuba, parfois puant ou charmant mais toujours si vivant !

Il aurait été agréable, qu’une relecture soigneuse du texte avant édition, permette une lecture plus fluide et que l’on ne soit parfois arrêté par des coquilles dommageables à la compréhension du texte.

Merci pour cet envoi qui me permet de découvrir une autre facette de l’univers de Karla Suarez. Une exploration que je continuerai avec plaisir.

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