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Citations de Kate Braverman (87)


Los Angeles est un monde blanc,
constitué d'autres cercles blancs toujours plus restreints
qui conduisent à un ultime centre blanc encore plus parfait.

Los Angeles est l'endroit où les anges aux dents blanchies et aux robes de tennis blanches,
se rapprochent progressivement de la quintessence,
l'ambroisie,
la fontaine de jouvence.
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Dans la maison de ma mère,
au milieu des nuances de bronze et brun or,
d'ocre, de crème et salamandre,
je me rends compte que cette femme n'est plus la même
que celle que j'ai connue dans mon enfance.

Francine est une nouvelle création,
à la fois inventrice et invention.
Pour elle, le futur n'est qu'un blanc informe,
un support lisse que l'on sculpte dans une matière solide comme le stuc.
Le passé, lui, n'a jamais existé.
Sauvage et douloureux, aujourd'hui il n'est plus.
Fini, terminé, moins que de la poussière,
moins que la mémoire de la poussière.
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Sans preuves tangibles, le passé devient malléable à merci.
Le passé perd en consistance, s'écrase sur les rivages oubliés,
travail d'effacement, d'engloutissement.

Le passé emporte les pierres du chemin les unes après les autres.
La mémoire même de ce chemin.

Il se pourrait même, cette pensée m'a traversé l'esprit,
que ces preuves tangibles ne soient pas des ancres assez sûres,
assez solides pour résister à un tel flot.
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La peau tombe en lambeaux,
les yeux disparaissent,
les ailes au motifs délicats de petits êtres sautillants et voletants
tombent en poussière.
Seuls les os et les dents demeurent.
Les preuves tangibles.
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Si je peux vous parler de tout cela aujourd'hui,
c'est parce que je ne cède plus à ces injonctions de m'infliger des supplices émotionnels,
parce que je n'érige plus ce genre de barbelés,
de cimetières pour l'âme.

Je n'ai plus peur de nommer ce qui est.

(Dire ce qui est)
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Je suis dans le garage, près de l'allée principale.
Je suis dans la buanderie.
J'apprends à fumer des cigarettes et à boire de la vodka-orange.
Je prends des mauvaises habitudes
et j'adopte des attitudes qu'il me faudra une vie entière pour museler.

(Dire ce qui est)
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La mère peut tenir le coup pendant quelques mois,
voire un an ou un an et demi,
à marcher jusqu'à l'arrêt de bus, aller au boulot,
prendre le bus pour l'hosto un soir sur deux,
faire le ménage, la cuisine et la lessive,
signer des chèques pour payer les factures d'eau, de gaz, d'électricité,
repriser les vêtements.

Un an et demi en moyenne.

Passé ce cap, la mère s'effondre.
Puis on la fait interner.
Puis les pères se mettent à picoler.
Et les filles à disparaître.

(Dire ce qui est)
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Quand je repense aux années passées dans cet endroit,
je suis assaillie par une sensation de non-dits,
un paysage erratique et vicié.

Les appartements étaient sans caractère.
De l'extérieur, la mort ne se devinait pas.

Je suis sûre que pas un géranium en pot esseulé
ne venait encombrer le moindre couloir.
J'avais noué avec chaque trottoir un lien intime très singulier.
Écolière, je suis condamnée à arpenter matin et soir le trottoir,
ce territoire d'asphalte planté d'un régiment de palmiers quelconques
et subdivisé en allées dénuées de sens.

(Dire ce qui est)
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On voulait bien nous autoriser à être des enfants
mais on nous exhortait à en finir au plus vite avec cet épisode,
et en silence.

(Dire ce qui est)
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Nous sommes coupées en deux, songe-t-elle,
nous sommes distendues,
nous sommes magnifiées.

Nous nous asseyons au creux de fontaines
d'où l'eau jaillit par trop d'orifices.
Nous posons la machine à écrire à même le sol,
sous la table de la salle à manger,
et vivons là.
En sécurité avec le bois au-dessus de nos têtes.
Nous restons assises là onze jours et onze nuits de rang,
à nous perforer les veines des bras et des jambes.
Nous écrivons des poèmes à l'encre de sang.

Nous nous croyons justifiées.
Nos bras sont infectés.
Nous savons bien n'être pas tout à fait à l'image de Dieu.
Nous, profusions de trous.
Notre genre est monumental.
N'est-ce pas d'ailleurs ce que notre sculpture nous raconte ?
Nous sommes l'appétit dépourvu de crâne.
Nous sommes amputées.
Nous enfantons sans maris.
Nous donnons naissance à nos bébés dans la solitude absolue,
comme une espèce de renégats.

Nous n'avons ni tribus ni totems.
Aucun rituel de consolation.
Lorsque nous naissons ou mourons,
personne n'allume de cierge.
Plus personne ne se souvient des litanies,
des formules pour invoquer et divertir les dieux.

Nous vivons seules.
Célibataires durant des décennies.
Larguées sur Terre puis désertées.
Peut-être sommes-nous une mélopée ?
Quelqu'un nous a écoutées choir.
Peut-être sommes-nous une forme de pluie avilie ?

(Une touche d'automne)
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Elle marcha jusqu'à une falaise aux pieds meurtris
par les éraflures bleues des vagues opiniâtres et resta là,
debout dans la brise qui se levait,
à pleurer sur la fille qu'elle n'avait pas eue
et n'aurait vraisemblablement jamais.

Puis elle balança ses drogues dans le vent cinglant de l'après-midi.

Elle venait de saisir l'essence, la frêle structure
qui reliait entre eux les instant irréfutables.
Ces accès de lucidité dont on dirait, plus tard,
qu'ils étaient une vie ou bien l'Histoire.
En proie à une sorte de tourmente ou de ravissement,
elle réfléchissait à ce que tout ceci impliquait.

Mais vers minuit, elle avait fait, sur le campus de Berkeley,
son plein de substances en flacons de verre ou sachets,
et elle s'était remise à picoler.

(Une touche d'automne)
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Parfois, ils l’appelaient Forêt ou Ciel. Parfois, ils l’appelaient Fleuve ou Vent. Une fois où elle était restée clouée dans le van sept jours de rang à cause de la tempête, ils l’avaient appelé Gris. Le bébé au nom flottant, qui pleure sans cesse, même lorsqu’elle le porte, qui fait des irruptions cutanées à répétition, qui tousse, qui a toujours l’air de frissonner et de suffoquer. C’est un nourrisson de spasmes, un nourrisson au visage torve qui change de teinte. On n’exhiberait pas sa figure sur un petit pot pour bébé. Vous ne voudriez pas de sa photo dans votre portefeuille même si vous l’aviez, et d’ailleurs, elle ne l’a pas.
(Nuit païenne, p. 185)
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Jamais il ne lui viendrait à l'esprit de demander à quelqu'un à quoi il pense.

C'est une histoire de tourbillons et de passerelles,
chacun a sa propre immensité de terrains bleu-vert,
d'évolutions à part entière,
de dynasties,
d'orbites.

Neruda nourrissait ses passions marines et ses hiérarchies,
ses plages archaïques peuplées de créatures en quête de complétude
sous les courants de possibles avortés.

Dans les ombres nichent les fragiles géométries de l'amour.

(Moments décisifs)
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La seule source de lumière dans toute la maison
est l'allumette qui embrase sa cigarette.

Et elle réalise que la seule source de lumière au monde
est la flamme qui nous consume à petit feu.

(Blues d'hiver)
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C'est une époque où les femmes actives savent qu'elles trimeront à vie, que leurs patrons s'octroieront quelques libertés et que si leur sex-appeal s'émousse, une jeunette les évincera.
Pour l'heure, les voisins disent d'elles qu'elles sont de saintes. Dans un an ou deux, elles s'effondreront.
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Je sais lire, donc je ne me sens jamais seule. C'est toi qui m'as dit ça, tu te souviens ? Un enfant qui sait lire n'est jamais seul.
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Songeant aux chinois d'antan, elle réalisa qu'ils prenaient toujours pour concubines des poétesses. Des poétesses qui partageaient le lit des seigneurs de guerre. Qui ecrivaient à l'encre d'or. Qui fumaient de l'opium et mangeaient des orchidées.
Vénérées dans toutes les nuances, à travers les oiseaux, la soie, les rituels, elles vivaient dans un monde inchangé depuis plus d'un millénaire.
Et l'après-midi avait la teinte jaune de l’absinthe et de l'amende, des oranges brulées et des chrysanthèmes. Et dans le ciel immatériel, un cortège de cerf-volants.
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La maison de Francine est spacieuse et fraîche,
d'une élégance aseptisée.
Sa maison est un spectre de nuances ocre et beige, caramel, marron,
ivoire, nacre, bronze, cuivre et crème.
Il ne reste rien ici de l'ancienne Francine.
Ici, le passé a été complètement éradiqué.
Pas une seule chaise ou une seule table,
pas même une petite lampe ou un vase pouvant rappeler l'enfance.
Les nouveaux sofas havane et les tapis marron clair,
les nouvelles chaises en daim et les coussins couleur chameau
ont tous fait leur apparition en même temps.

Aucune gestation.
La maison a commencé son existence,
complètement formée dès le début,
sans aucun défaut,
pas même un minuscule napperon dépareillé caché dans un coin,
inutilisé.

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J'ai observé ma mère de l'autre côté de la salle à manger.
Francine et moi nous observons toujours par-dessus un gouffre
qu'aucune de nous deux ne désire ou ne comprend.

Il fait sombre.
Des choses remuent, bruissent et picotent.
Le passage sombre.
Il y a des épines.
Un vent épais, maussade et chargé de débris
s'installe en surface,
les limites se brouillent.
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J'ai regardé le ciel en face de moi,
il était d'un bleu parfait, un bleu pur, un bleu absolu.
Je voulais une déchirure étrange,
une trace de rouge inexpliquée,
un présage,
qu'il soit accidentel ou à la merci de ce monstre qu'est l'interprétation.
Je voulais que quelque chose s'ébranle et se libère,
prenne position - peu importe laquelle.

Nulle dérive dans ce ciel,
pas même l'effilochement d'un nuage.
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