AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Kate Braverman (87)


A une époque, je pensais que seules les preuves tangibles avaient de l'importance
et que s'adonner à des explications était inutile.
Quelque chose d'incontestable,
des trilobites par exemple,
ou bien l'empreinte d'un foetus gravé pour l'éternité
au centre de roches paléozoïques.

Les fonds marins qu'ils habitaient ont disparu
avant la mémoire collective de l'être humain.
Pourtant il reste encore des mers,
des mers qui projettent leurs ombres en direction de quelque rivage
depuis longtemps érodé.
Il reste des traces.
Des dépôts de sel gisent au fond des océans.

Les mers ont séché, puis reparu, encore et encore.
Le sel demeure.
Ce n'est pas rien.
Commenter  J’apprécie          00
Il y a quelque chose d'affreusement défectueux chez ces pères.
Ils ont des cicatrices et des tubes.
Ils sont difformes, couverts de bandages, brisés.
On leur a enlevé leurs cordes vocales.
Leur squelette s'effondre.
Ils ne peuvent pas marcher, ne peuvent pas respirer,
ne peuvent pas se laver seuls.

Et les mères sont absentes.

(Dire ce qui est)
Commenter  J’apprécie          00
Nous avons cessé de croire aux saints.
Cessé d'adorer les idoles,
de nous agenouiller pour prier devant des cailloux,
d'allumer des cierges.

Ma curiosité est piquée à vif.
Je sais que le monde recèle une incommensurable propension à la trahison,
au mal et à la cruauté.
Je sais que tout ne tient qu'à un fil,
que tout n'est que ténèbres, une forme ou une autre d'obscurité.

Bien sûr, il faut sans relâche véhiculer des illuminations
nimbées de mystère et psalmodier les noms des puissances existantes.

(Dire ce qui est)
Commenter  J’apprécie          00
Mes après-midi d'enfance furent ponctuées par la peur du bruit que faisaient mes souliers sur les marches et celle d'être punie pour la peine.

(Dire ce qui est)
Commenter  J’apprécie          00
C'est là que certaines textures et manières de mutiler le soleil
ou de magnifier le silence
se sont ancrées en moi
et je ne les accepte comme telles et irrémédiables que depuis peu.

Lorsque j'entrerai au lycée, nous déménagerons.
Mais le mal était déjà fait.

C'est dans ce grand ensemble que j'ai appris à traquer et alimenter
ce qui était obscur, autre, douloureux et dangereux.

C'est ici que j'ai développé une propension à tolérer
certaines déformations ou intrusions
qui allaient ensuite me hanter des années durant
et laisser leur empreinte indélébile.

(Dire ce qui est)
Commenter  J’apprécie          00
Les immeubles étaient d'une densité surprenante,
tout en largeur, rangée après rangée.
Ils s'agglutinaient les uns aux autres,
en côte à côte,
comme dans l'anticipation d'un futur où l'on passerait son temps à faire le poireau,
à l'agence pour l'emploi, à la caisse d'allocations familiales,
à la sécurité sociale, à la clinique et à l'hôpital.

Et la peinture de ces bâtiments est prophétique :
l'alliance couleur chair crasseuse avec le vert pâle d'un feuillage indifférent
harassé par la pollution.

(Dire ce qui est)
Commenter  J’apprécie          00
C'est une époque qui préexiste le rock n' roll, le vandalisme, les graffitis
et les dépôts d'ordures sauvages.
Le boulevard est une présence, mais celle-ci n'est pas encore
irréfutablement brutale et menaçante.
On n'a pas encore découvert les coups de fusil tirés au hasard depuis une voiture,
ni les guerres de gangs ou les tueurs en série
spécialisés dans la mutilation des femmes et fillettes.
Les drogues ne font pas encore partie du paysage.
Ils n'ont pas encore dépeuplé les hôpitaux psychiatriques.
On n'entend pas parler de torture.

L'idée que nous sommes un pays civilisé est toujours d'actualité.
La plèbe se satisfait d'un meurtre par balles prévisible de temps à autre.

(Dire ce qui est)
Commenter  J’apprécie          00
A la Palms Elementary School, entre élèves,
on se demandait si on habitait en maison ou en appartement.

Ceux qui avouaient résider en immeuble se voyaient reléguer à la périphérie.

C'était notre cas
et on nous révéla le caractère parcellaire de notre identité,
notre exclusion de la vie ordinaire telle qu'elle se donne à voir.

Même d'apparence, nous étions différents.

Nos mères prenaient le bus de bon matin pour se rendre au travail.
Personne ne nous tressait les cheveux avant de nous envoyer à l'école,
personne ne nous paraît de rubans,
personne ne repassait nos cols.
Personne ne nous préparait le petit déjeuner.
On nous donnait de la monnaie.
Nous passions à la cafétéria acheter des beignets
que nous grignotions sur le pouce.
Nous traversions le boulevard aux heures de pointe,
côtoyions des adultes et avions la notion de l'argent.
Nous portions autour du cou nos clés de maison attachées à un cordon.

Nous n'étions pas comme nos camarades,
ils vivaient dans une maison, eux.
Nous n'avions pas de leçons de musique ou de danse classique
le soir après les cours.

Et nous avions toujours faim.

(Dire ce qui est)
Commenter  J’apprécie          00
Nous sommes une espèce réfugiée
à qui même la symétrie ordinaire fait défaut.
Nous sommes mutilés.
Rien ne renaît de ses cendres.

Cette terre, c'est l'enfer,
et chaque mois que subissent nos incarnations insoutenables
débouche sur un autre, similaire.

(Une touche d'automne)
Commenter  J’apprécie          00
Lauren Sloan se prédit une vie en tout point pareille à ces hectares
de solitude perturbée,
vides et répétitifs, eux aussi, à force d'aspirations inassouvies.

Cette sensation d'être tour à tour noyée puis immolée
lui collera à la peau.
A Los Angeles, à Maui ou à Bodega Bay,
elle gravira les collines ennuitées, sous une lune anormalement blanche,
fixe et froide, et rien ne lui permettra de tenir.

Il n'y aura qu'une solitude si immense et intégrale qu'elle se sentira aquatique,
comme engloutie sous des eaux bleues.
Oui, ça et le manque de cocaïne qui sans cesse la taraude.
Et qu'elle emportera dans sa tombe.

(Une touche d'automne)
Commenter  J’apprécie          00
Elle réalise soudain que cette pelouse est jonchée d'autopsies sous une demi-lune.

Peut-être ces silhouettes de métal torturé nous font-elles comprendre
que nous ne sommes plus de ce monde.
Que nous sommes ruines.

Nous vibrons de la sérénité de ce qui est vaincu sans équivoque,
de ce qui s'incline devant l'équilibre de la géométrie perpétuelle.

Et tout ce qu'il reste,
c'est ce cimetière de la distorsion
et les atrocités qui en découlent.

(Une touche d'automne)
Commenter  J’apprécie          00
L'air semble tissé de menaces froides et jaunes.

Un air qui, peut-être, a connu l'intrigue des métaux,
vu de ses yeux vu les astres fulminer
ou été utilisé lors de rituels ambigus.

(Une touche d'automne)
Commenter  J’apprécie          00
Ils remontent la rivière pour se rendre à une grotte mangée de fougères
que les Hawaïens d'antan tenaient pour sacrée.

Aujourd'hui, elle se loue.
Les Japonais s'y marient.
Et les Hawaïens sourient tout en entonnant la chanson de Presley.
Les Japonais immortalisent leur prestation en photos et vidéos,
pour ça, ils sont équipés.

La scène est d'une obscénité sans bornes,
perversion d'au moins trois cultures à la fois (...)

(Moments décisifs)
Commenter  J’apprécie          00
Ça devrait être un jour à vivre au ralenti,
selon des rituels,
sentir la texture liquide du vent,
la fragrance épicée à l'aube comme à midi,
ses vertes contingences.

Plus tard viendra la manière dont le soleil couchant s'enflamme et fume,
appelle,
se venge obsessionnellement.

(Moments décisifs)
Commenter  J’apprécie          00
Observe l'eau et tu verras tout.

Quelque part un dieu vient au monde
pour rassembler les vagues imprévisibles,
les vents saccagés,
les ossements de chevaux et de dauphins noyés,
les coquelicots, les volcans
et les gorges saturées de prières.

(Moments décisifs)
Commenter  J’apprécie          00
Bien sûr, Pete se fiche de savoir quelles images emplissent son esprit.

Il ne fait que s'enquérir de son état.
Il effectue des sondages.

Comme si elle allait lui répondre,
Figure-toi, chéri, que je passe au crible le squelette de cet après-midi bleu
dans l'optique de me noyer.

(Moments décisifs)
Commenter  J’apprécie          00
Elle prend conscience qu'il est des expériences d'une intensité inexprimable
qu'on efface instantanément de sa mémoire.

S'en souvenir serait trop déroutant et douloureux
comme dans le cas de l'accouchement, bien sûr,
et de l'obsession sexuelle.

La certitude de Dieu dans les moments de désintégration.

(Moments décisifs)
Commenter  J’apprécie          00
Elle se revit enfant.
En train de jouer à un jeu d'enfant par un après-midi d'enfant,
bien avant que le temps et la distance ne rentrent en ligne de compte.

Quand on te dit Interdit de bouger et d'ouvrir les yeux.

Et là en un instant, te voilà paralysée, aveugle.
Figée sur place.
Immobile.
L'impression d'être plantée là depuis des années.

Il ne te vient même pas à l'idée que tu peux remuer.
Il ne te vient même pas à l'idée que tu peux enfreindre les règles.
Le monde est un tissu de sortilèges
et de vérités absolues.

(Tu veux que j'te raconte le Mékong ?)
Commenter  J’apprécie          00
Le suicide comme forme de clarté,
une définition turquoise.

Comme tomber amoureux.

(Blues d'hiver)
Commenter  J’apprécie          00
Plath s'était délestée de la réalité du monde comme on se défait d'une mue.

Elle était entrée dans la chambre inviolée
où sans cesse le mystère se dévoilait à travers l'illusion
du verre froid et bleu.

Et dans les parcs manucurés, seulement des violettes et du lilas et des asters.

Toute la palette des meurtrissures,
de la violence et du désastre.

(Blues d'hiver)
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Kate Braverman (35)Voir plus

Quiz Voir plus

Tahar Ben Jelloun

De quelle nationalité est Tahar Ben Jelloun?

Tunisienne
Marocaine
Algérienne
Egyptienne

10 questions
139 lecteurs ont répondu
Thème : Tahar Ben JellounCréer un quiz sur cet auteur

{* *}