Même s'il m'arrive de ne pas lire de romans-historiques pendant de longues périodes, j'y reviens toujours avec plaisir, surtout si c'est Kate Mosse qui le propose.
Après 6 ans d'absence, l'auteure revient sur le devant de la scène avec ses thèmes de prédilection. Je n'ai pas lu son avant-dernier, « Citadelles », pourtant, je garde un souvenir très vivace de « Labyrinthe » et « Sépulcre », sortis, respectivement en 2007 et 2008. J'étais donc impatiente de la redécouvrir avec ce nouvel opus, qui malgré une différence dans la construction narrative par rapport aux premiers, est un bon thriller-historique pour les férus du genre.
Le début est assez loin de ce que l'on s'imagine, le roman débute en 1862, en Afrique avec une femme, une tombe, elle n'est pas seule dans ce désert, pourtant, elle ne le sait pas encore, certaines réflexions… Ce prologue marque la fin d'une histoire qui a commencé trois siècles plus tôt… En France… On se retrouve parachuté trois siècles plus tôt, en 1562, à la veille de la première guerre de religion entre catholiques et protestants.
Dans une grande partie du Royaume de France, les tensions entre catholiques et protestants sont de plus en plus vives, et ce, malgré l'Edit de tolérancede Saint-Germain (du nom du château où a lieu la signature) signé par Charles IX en janvier de la même année, qui confère aux protestants français le droit de célébrer le culte à l'extérieur des villes fortifiées ainsi que de tenir des assemblées dans les maisons privées à l'intérieur de ces mêmes villes. Paradoxalement, cette mesure attise la haine entre les catholiques et les protestants. le Parlement de Paris refuse de ratifier l'Édit de Janvier. Protestants et catholiques sont sur le qui-vive, il ne faut pas grand chose pour mettre le feu aux poudres. Quelques semaines plus tard, le 1er mars 1562, le duc François de Guise et sa troupe d'archers surprennent dans le village de Vassy, 200 protestants en train d'écouter un prêche dans une grange, à l'intérieur de la ville close, donc dans des conditions illégales. le duc s'irrite de cette violation de l'Édit et ordonne à sa troupe le massacre des protestants. On compte une trentaine de morts et une centaine de blessés. C'est le début des guerres de religion. Elles dureront plus de trente ans.
C'est en cette période que vont se rencontrer Minou Joubert, fille d'un libraire catholique progressiste et nièce de l'un des principaux persécuteurs de huguenots à Toulouse et Piet Reydon, huguenot converti dont la vie est en danger depuis qu'il a été mêlé au vol d'une relique sacrée.
Malgré l'absence d'alternance temporelle, à laquelle l'auteure nous a habitué, j'ai réussi à m'immerger totalement dans le récit, grâce à la qualité narrative dont elle fait preuve, couplée aux reconstitutions historiques de très grande qualité. le moyen-âge est une période que j'affectionne particulièrement et l'auteure arrive à retranscrire, non seulement les faites historiques, mais également cette atmosphère typique de l'époque.
Comme d'habitude, la construction des personnages est de qualité, elle les brosse de telle manière qu'ils deviennent autant sympathiques, qu'antipathiques ! J'ai trouvé, également, qu'elle faisait la part belle aux personnages féminins, avec la place de la femme dans cette société patriarcale et cléricale… Deux époques semblent s'opposer entre Minou, jeune femme de 19 ans, qui bénéficie d'une grande liberté, et d'autres femmes, épouses effacées. Deux idées s'opposent également avec le puritanisme catholique et le modernisme des protestants.
On sent que l'époque est sur le point de basculer, que cela soit avec les personnages ou avec l'Histoire. L'auteure rend le tout palpable, pour notre plus grand plaisir.
Massacres, tortures au nom de la religion, complots, vol d'une relique sainte, secret de famille, trahison, une pincée de romance… Tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce roman un page-turner qu'on lit avec avidité.
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La cité de feu est un pavé riche en aventures sur fond de diaspora des huguenots, deux continents et une résonance sur trois siècles.
Lire la critique sur le site : LePoint
Elle se rappela soudain l'histoire, que lui avait racontée sa mère, de Raimond-Roger Trencavel et du siège de Carcassonne à l'époque cathare. Le soleil de plomb, les puits taris, la nourriture insuffisante pour tous ceux qui s'entassaient dans les rues étroites. Et en contrebas des remparts, sur les rives de l'Aube, Simon de Montfort et ses soldats catholiques qui se baignaient dans l'eau fraîche du fleuve, mangeaient et buvaient tout leur content pendant que la Cité était inexorablement poussée à la reddition par la faim.
Comment se faisait-il qu'en plus de trois cent cinquante ans, si peu ait changé ? Tant de souffrances, de vies gâchées, de cruauté. Et tout cela pour quoi ?
"Les choses étaient différentes en Angleterre. J'ai été apprenti auprès d'un maître charpentier, mais c'était sous le règne de Marie Ier et les bûchers flambaient jour et nuit. J'ai fui à Genève, dans l'idée d'étudier auprès de Calvin. Mais dès que j'ai mis le pied dans la ville, je me suis rendu compte que je n'avais ni l'intelligence ni l'ardeur nécessaires pour devenir prédicateur." Il sourit avec regret. "Et, pour parler tout à fait clairement, j'ai compris qu'en réalité, tout ce que je voulais, c'était avoir de quoi manger, de la compagnie, un toit au-dessus de ma tête et le droit de passer le jour du Seigneur en paix. Je n'avais aucun désir de convertir autrui ou de lui imposer ma façon de penser.
- C'est cela, acquiesça Piet. Être traités équitablement, et avoir chacun le droit de vivre comme nous l'entendons dans le respect des lois. Ne pas voir chaque minute de notre vie déterminée par notre foi."
Parmi ses tout premiers souvenirs figurait celui des histoires que lui contait sa mère, sur la naissance des deux Carcassonne: la colonie romaine de Carcasso sur la colline, l'attaque des Wisigoths au Vème siècle, et sept cent cinquante ans plus tard, la conquête sarrasine et la légende de dame Carcas. Ensuite étaient venus l'ascension et la chute tragique de la dynastie des Trencavel, et le massacre des cathares que le jeune vicomte avait tenté en vain de protéger.
J’ai été élevée dans la foi catholique, mais aussi dans l’ouverture aux idées et convictions d’autrui. Je crois vous avoir dit que mon père tient une librairie à Carcassonne ? Il offre un assortiment de textes propre à satisfaire tous les goûts.
– Les catholiques de Toulouse ne sont pas disposés à être aussi tolérants.
– Mon père dirait que la foi d’un homme ne regarde que lui, à condition qu’il respecte les lois du pays. Celle d’une femme aussi, car mon sexe est tout aussi capable de pensée rationnelle et de dévotion que le vôtre. Et ce dont j’ai été témoin rue Nazareth n’a fait que confirmer ce que je soupçonnais depuis longtemps, à savoir que le conflit actuel est en grande partie motivé par un désir de pouvoir plutôt qu’une véritable piété. C’est cela qui a causé les émeutes d’hier, non un quelconque amour de Dieu.
Ce que je veux moi, c'est sa mort. C'est Dieu qui m'a dit de le faire, et je l'écoute. C'est Lui qui guide ma main.
Ce doit être la mort par le feu. La chambre ardente, la purification de l'âme. Si la sienne est pure, alors elle montera au Ciel.
Sinon, le Diable l'emportera.
N'est-il pas écrit qu'il y a un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter et un temps pour danser ?
C'est ici que cela se termine. Dans le feu des flammes.
La romancière britannique Kate Mosse salue la Galerne et présente son nouveau roman, "La Cité de larmes" (Sonatine éditions) qui plonge le lecteur au coeur des tourments de l'Histoire de France pendant les Guerres de Religion.