Celui là quand on l'ouvre on ne le lâche plus. Last but not least, Replay est un chef d’œuvre génial et méconnu, constamment réimprimé depuis 20 ans et porté par un bouche-à-oreille qui devrait servir de modèle à n'importe quel étudiant en marketing.
Jeff, journaliste de seconde zone d'une chaîne de télé locale aux USA, meurt dans les premières pages du roman. Il meurt à la première personne, il se voit mourir littéralement : il tombe sur son bureau, entend la voix de sa femme au bout du téléphone qu'il tenait et comprend alors que sa dernière heure est venue.
On est au milieu des années 80.
Et puis, sans solution de continuité, Jeff se retrouve dans sa chambre d'étudiant, dans son corps d'étudiant, 20 ans plus tôt. Est-il en train de devenir fou ? Voit-il sa vie au ralenti juste avant de mourir ? Il lui semble plutôt qu’il soit en train de revivre sa vie, tout en ayant conservé le souvenir de sa vie précédente. Comme une deuxième chance... Le moment de stupéfaction passé, il recommence en changeant ce qu'il estime avoir raté dans sa première vie. Et puis, lorsque 20 ans plus tard arrive la date fatidique, il meurt à nouveau au même moment, de la même manière. Et cela recommence encore, mais il retourne toujours dans sa première vie et va se rendre compte que sa deuxième vie n’est pas capitalisée, qu’il n’en garde rien, hormis les souvenirs qui disparaissent dans le néant... Il va ainsi tout tester, tout essayer, jusqu'à, de guerre lasse, mener une vie (la combientième ? lui même ne le sait plus) d'ermite. Et là, un jour qu'il se rend en ville chercher de l'essence, il se rend compte qu'au cinéma passe un film qui n'existe pas, du moins qui n'a jamais existé, comme si quelque chose se passait, enfin... Comme une rupture dans le réel...
Replay est une lecture choc, le livre de tous les fantasmes : le livre des et si je pouvais recommencer ma vie, que ferais-je ? Or la puissance de l'écriture arrive à nous faire comprendre que ce fantasme s'apparente en fait à une damnation et que c'est la mort qui donne toute valeur à nos vies. Ken Grimwood réussit ainsi le tour de force de rendre la mort désirable, comme la condition absolument nécessaire à la vie. Grimwood transforme ainsi une figure de style, un topos littéraire en une réalité sensible qui renvoie le lecteur à sa conception de la vie, consciente ou inconsciente, il renvoie chacun de nous à la valeur de sa propre existence.
Mais Replay ce sont aussi des pages proprement bouleversantes sur la paternité. En effet, Jeff, n’avait pas eu d’enfant lorsqu’il décéda dans sa première vie. Il voit ainsi disparaître dans les limbes sa fille Gretchen lorsqu’il décède une nouvelle fois. Engloutie, comme si elle n’avait jamais existé. Et puis Replay, c’est aussi une fabuleuse histoire d’amour, par delà la mort, le temps et l’oubli, encore plus émouvante et romantique que celle de la Nuit des temps de Barjavel.
C'est beau, c'est fascinant, ça se dévore, et on se sent un tout petit plus fort face à l'engloutissement qui nous attend tous un jour.
Rien que pour ça, merci monsieur Grimwood.
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