Laure Rollier

Malgré l’indicible peur qui tétanisait tout son être, la jeune femme comprit que le moment était venu. Si elle voulait avoir une chance de survivre, d’échapper à ce psychopathe, il fallait la saisir à cet instant précis. Patiemment, elle l’observa desserrer les attaches autour de ses poignets.
Fais lui croire que tu ne bougeras pas…
Au moment où il leva les yeux vers elle, Mathilda rassembla ses toutes dernières forces et, dans un instinct de survie, lui assena un vif coup de tête dans le nez avant de s’enfuir en courant dans les hautes herbes.

— Arrête un peu, voyons ! fit l’homme en la portant pour la sortir de la malle. Et ne te débats pas comme ça, tu risquerais de te faire mal.
Les larmes de Mathilda ravageaient son visage. Il dénoua la corde qui tenait ses deux jambes liées l’une à l’autre.
— Est-ce que je peux te faire confiance ? demanda-t-il en désignant du menton les liens qui maintenaient ses mains jointes.
Mathilda hocha la tête.
— Bien.

Paniquée et aveuglée par la lumière de la torche, Mathilda tenta de crier malgré l’immonde morceau de Scotch collé sur sa bouche.

L’homme coinça la lampe sous son bras gauche et ouvrit le coffre.
— Terminus, tout le monde descend, dit-il, un léger sourire aux lèvres.

Il sortit du véhicule en laissant les clés sur le contact. Tranquillement, il avança vers le bord de la falaise, alluma une lampe de poche et se pencha avec prudence pour regarder les vagues se fracasser sur les rochers. Il fit ensuite demi-tour pour revenir vers la voiture immobilisée à une dizaine de mètres de là.

L’homme éteignit le moteur et jeta un bref coup d’œil dans le rétroviseur afin de s’assurer de ne pas avoir été suivi. Sur ces hauteurs, il n’y avait pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde et aucun promeneur ne s’aventurerait ici à une heure si tardive.

Le véhicule s’immobilisa après avoir parcouru plusieurs kilomètres sur un sentier désert et sinueux. À l’extérieur, le vent avait cessé de balayer la côte tandis que le jour ne tarderait pas à se lever. Pour l’instant, seule la lumière du phare éclairait l’horizon

« Être deux, les frères Verdier, c’était notre force. »

J'aurais peut-être mieux fait de supplier ma colocataire de m'attendre, quitte à enfiler mes chaussures dans la voiture. Tandis que les minutes défilent, je me bats avec le tube de dentifrice, puis c'est au tour de mes cheveux de rester coincés dans la brosse. Plus on essaie de faire les choses rapidement, plus la vie nous balance des bâtons dans les roues, non ?

Chacune d'elles [les mères] pensait secrètement que la fille de l'autre avait mauvaise influence sur la sienne. Et elles n’étaient pas au bout de leurs peines.

-- Madame, ils font des travaux?
Valentine me désigne la façade de la Sagrada Familia et ses échafaudages.

On a accroché dès le départ, Louise et moi, pourtant on n'a strictement rien en commun, comme quoi. Elle est aussi sans-gêne que je suis réservée, elle ne sait absolument pas où se trouve la bibliothèque du bahut, tandis que j'y passe mes journées, elle considère que les profs sont des branleurs, mais elle a pitié de moi lorsqu'elle me voit rentrer le soir avec mon millier de copies à corriger sous le bras, elle a été mariée durant huit ans, alors que, moi, je n'ai jamais passé plus de douze mois avec le même mec. Elle est maman. Je n'ai même jamais eu de poisson rouge.

J’ai pu revoir d’anciennes amies, toutes mariées, mamans, épanouies, en cloque, divorcées, au chômage… Dans l’ordre ou le désordre. Parfois avec tous les numéros gagnants.

Pour la côtoyer depuis quelques semaines, je me rends compte qu’elle devait avoir un caractère de chien galeux! Elle était vachement belle, Mamie, la Monica Bellucci des années cinquante…

« Je viens du ciel et les étoiles entre elles ne parlent que de toi… »

À l'autre bout du fil, je l'entends éclater en sanglots.
Des larmes coulent aussi sur mes joues. Je les essuie de ma main libre et tente d'être plus précis.
— Ne pleure pas, je t'en prie. J'ai cherché quelque chose que j'avais déjà, une famille. Je sais d'où je viens, même si je n'ai pas tous les détails. L'histoire de ma naissance se résume à un sauvetage. Papa et toi, vous m'avez sauvé. Il y a tellement d'enfants qui n'ont pas cette chance, qui n'ont pas eu la vie que vous m'avez offerte. J'ai fait la connaissance d'une femme meurtrie à Seattle, et je me suis rendu compte qu'elle paierait cher pour avoir ce que j'ai. À présent, je sais qui je suis et je te remercie de m'avoir dit la vérité. Ça m'a permis de comprendre ce qui était défaillant, ce que je n'arrivais pas à nommer, ce qui me perturbait depuis tou-jours. En venant réparer mon passé, j'ai consolidé mon avenir.

Les gens qui ne lisent pas ne savent pas ce qu'ils perdent.

Celui qui n'a pas traversé ne doit pas se moquer de celui qui s'est noyé.

C'est parfois plus facile d'écrire ce que l'on pense que de le dire. Comme il est souvent plus doux de lire que d'écouter.

Et un jour, ils sont partis. Et moi, je suis resté là.