les matins - Départementales 2015 : les nouvelles cartes du FN .
Hervé le Bras Démographe, Directeur d'études à l'INED, enseignant à l?EHESS Spécialiste en histoire sociale et démographie « La question de l?immigration, c?est terminé. le FN est porté par les inégalités sociales » entretien avec par Eric Fottorino et Laurent Greilsamer va paraître dans le nouveau numéro du journal « le un » Nonna Mayer Politologue Directrice de recherche au CNRS, professeur à Sciences-Po Son article « Quand les femmes s?y mettent » va paraître dans le nouveau numéro du journal « le un ».
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Pour être un bon journaliste il ne faut pas ennuyer son lecteur, il faut l'intéresser, l'émouvoir, lui apprendre quelque chose, le distraire, autrement dit être féminin.
Dans la nuit il écrit à sa femme :
« Être innocent, avoir une vie sans tâche et se voir condamné pour le crime le plus monstrueux qu’un soldat puisse commettre, quoi de plus épouvantable !
C’est pour toi seule que j’ai résisté jusqu’au jourd’hui ; c’est pour toi seule que j’ai supporté le long martyre. Mes forces me permettront-elles d’aller jusqu’au bout ? Il n’y a que toi qui puisse me donner du courage.
Leur bibliothèque (à Lucie et lui), en expansion permanente, contient les grands classiques de la littérature. Son inclination le porte vers Shakespeare, les romanciers russes, Balzac. Curieusement, il ne supporte pas Baudelaire. La philosophie est aussi très présente, de Platon à Schopenhauer. L’histoire règne cependant en majesté avec de nombreux volumes sur l’histoire militaire, les guerres napoléoniennes, les histoires de France de Michelet, Fustel de Coulanges, Henri Martin.
2105 - [p. 33]
Il n’a plus la force d’écrire. Il ne reçoit plus de courrier Tout autour de sa case, un couloir d’une largeur d’un mètre cinquante a été dessiné : il observe de sa lucarne un groupe de bagnards affairé à dresser avec de fûts de bois d’une hauteur de deux mètres cinquante une enceinte autour de sa cellule. Plus de lumière, plus de vue. Le nombre de surveillants affectés à sa garde passe de sept à onze, sans compter les six chiens de garde. Il est privé de liberté, privé de lumière, privé de mouvement, et affamé.
4 septembre 1897 – Moi, je ne vis que de ma fièvre, depuis si longtemps, au jour le jour, fier quand j'ai gagné une longue journée de vingt-quatre heures. Je subis le sort sot et inutile du Masque de Fer, parce qu'on a toujours la même arrière-pensée, je te l'ai dit franchement dans une de mes dernières lettres.
2157 – [p. 118/119]
Depuis le début, il profite des périodes où on l'autorise à recevoir des livres pour se constituer une bibliothèque. Elle devient son asile. Shakespeare lui permet de se confronter au réel ; Montaigne, son autre dieu, lui montre la voie de la sagesse.
En trois ans, depuis ses premiers tâtonnements à la prison de la Santé, il est parvenu à savoir suffisamment d'anglais pour lire Shakespeare dans le texte. Il exerce sa mémoire en apprenant par cœur de longues tirades d'Hamlet, du Roi Lear. Sa lecture quotidienne des Essais de Montaigne est l'occasion d'une réflexion permanente : il rédige, lui aussi maximes et axiomes, parfois en latin, qu'il inscrit dans ses cahiers d'étude.
2147 – [p. 113]
Cela fait plus de eux semaines que le secret tient. Un secret de plomb. Un secret asphyxiant auquel seul Dreyfus et sa famille sont tenus.
Dans l'enceinte de la prison du Cherche-Midi, le détenu 164 resté placé au secret absolu, aveugle et sourd, ligoté, condamné à subir. Son ordre d'arrestation avait été signé avant même qu'il ne s’explique. L’enquête préliminaire a été bouclée sans qu'aucun témoin, à charge ou à décharge, n'ait été entendu par le commandant du Paty de Clam.
2113 - [p. 53]
Vous m’avez indiqué mon devoir, cher Maître, et je ne puis m’y soustraire, quelles que soient les tortures qui m’attendent. Vous m’avez inculqué l’espoir, vous m’avez pénétré de ce sentiment qu’un innocent ne peut rester éternellement un condamné, vous m’avez donné la foi.
Merci encore, cher Maître, de tout ce que vous avez fait pour un innocent. […].
Partout où j’irai, votre souvenir me suivra, ce sera l’étoile d’où j’attendrai mon bonheur, c’est-à-dire ma réhabilitation pleine et entière.
... avant de terminer les cours de l'Ecole de guerre, il apprend que le général de Bonnefond, membre du jury, l'a saqué au motif que les Juifs n'auraient rien à faire à l'état-major. Cette information le scandalise et le rend littéralement malade. La publication des résultats, en novembre 1892, confirme ses craintes. Ses notes devaient lui valoir de sortir 3e de sa promotion ; il est rétrogradé à la 9e place sur 81.
2095 - [p. 29]
Après deux ans de bagne, d’assignation sur cet îlot du Diable, il est toujours debout. Debout, mais affaibli, miné par la dysenterie, le manque de vitamines, la sous-alimentation, la chaleur moite et les pluies glacées, les morsures des araignées-crabes. Il en arrive à ne plus pouvoir s’alimenter normalement depuis quelques semaines. Il consomme de moins en moins de viande, d’aliments solides. Il ressent de telles brûlures dans l’abdomen qu’il privilégie les bouillons.
Le dos voûté, les yeux fatigués, il est devenu son propre fantôme.