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Citations de Liliana Lazar (29)


Placée en exergue de la première page, une citation piquait la curiosité : « L’étranger ne voit que ce qu’il connaît déjà. » Dans l’introduction, Jeanne expliquait sa méthode, son « approche guidée par le pragmatisme et l’humilité. Partir à la découverte de l’Autre, dépasser les apparences, se faire discrète, dans l’espoir de percer les mystères d’un monde qui, pour une part, restera toujours inconnu ». Combien de fois ne s’était-elle comparée à ces passionnés qui peuvent passer des jours entiers à assembler un puzzle sans connaître le modèle à réaliser ? Car, pour comprendre les sociétés humaines, « on ne fait que rassembler des parcelles du réel ».
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L'expérience de la sainteté effraie parfois plus qu'elle n'attire.
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Pour les villageois, Slobozia symbolisait le monde civilisé, c'est-à-dire l'espace ordonné et christianisé. La forêt, en revanche, était le lieu du sauvage, de l'animalité et des forces païennes. Le cimetière marquait la transition entre ces deux dimensions : le raisonnable et l'instinctif, le sacré et le magique, la vie et la mort.
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Mère de tous et de chacun, une Bogoridza est en quelque sorte une mère originelle. Aujourd’hui, c'est Otilia qui incarne ce rôle, bien qu’elle préfère le titre éminemment symbolique de Mama. Cheffe clanique et prêtresse, la qualifier de matriarche ne me paraît pas excessif, tant son autorité est forte. D'ailleurs, ici, la plupart des fonctions sacrées semblent dévolues aux femmes, si je me réfère aux cérémonies auxquelles j’ai assisté au sobor, au rituel de séparation des «colombes» et des «boucs» et à celui de la fertilité.
S’agit-il pour autant d'une culture patriarcale inversée? p. 238
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Au bout d'une année de labeur sur l'oeuvre, Ilie reprit l'ouvrage et en transmis un autre à Victor, qui avait enfin trouvé un sens à son existence. Il entretenait le noble sentiment de servir l'Eglise, tel un anachorète au désert. De son côté, Ilie arpentait les campagnes, diffusant discrètement les copies que lui transmettaient les deux femmes. Le prêtre pensait que la rédemption de Victor pouvait venir certes de cette ascèse d'écriture, mais surtout de la méditation assidue des textes. Si en écrivant il prenait conscience de la gravité de son crime, alors peut-être, avec l'aide de Dieu, Victor sauverait-il son âme.
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Eugenia se mit à courir vers l'auréole dorée qui scintillait dans les ténèbres. L'éclat éblouissant du halo l'engloba complètement. L'attraction dégagée par cette puissante radiation plongea son âme dans un profond bien-être. Eugenia entendit à peine les cloches du monastère qui sonnaient la troisième heure. Elle n'hésitait plus. Elle choisit de passer de l'autre côté. Enfin, elle allait rencontrer son Époux, pour l'éternité.
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Il existe des âmes écrevisses
reculant continuellement vers les ténèbres,
rétrogradant dans la vie plutôt qu'elles n'y avancent,
employant l'expérience à augmenter leur difformité,
empirant sans cesse,
et s'empreignant de plus en plus
d'une noiceur croissante.

Victor Hugo,
Les Misérables
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L'obscurité était devenue son alliée, celle qui lui permettait d'exister au monde. Les nuits d'été, il lui arrivait parfois de s'allonger dans la cour pour observer les étoiles. Enfin, il pouvait respirer, lui, tellement habitué à la vie au grand air. Pourtant jamais il ne s'éloignait de la maison. Ana lui avait formellement interdit de franchir la clôture. Pour parer à tout risque, Victor avait aménagé une cachette sous le toit. Une trappe dans le plafond permettait d'y accéder rapidement, dans le cas où un visiteur impromptu se serait présenté.
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Une bonne demi-heure de marche dans les bois est nécessaire pour arriver jusqu’au lac. Il faut d’abord longer les collines qui surplombent Slobozia, et s’enfoncer plus profondément dans les taillis de hêtres et de chênes. A son approche, le sentier se fait sinueux, la chênaie devient plus dense. Puis quand le marcheur, convaincu de s’être égaré, songe à rebrousser chemin, soudain, au détour d’un bosquet, il l’aperçoit enfin : le lac.
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(Les premières pages du livre)
Prologue
Dans cette force étrange de la montagne à créer un sentiment de malaise, le vent n’est pas pour rien. S’il n’a pas la puissance du ponant ni la chaleur de l’harmattan, s’il n’est pas chargé de sable comme le sirocco ou ne réchauffe pas comme un foehn en automne, s’il ne rend pas fou comme le mistral en Provence, il peut se révéler plus redoutable encore. Parfois nordet piquant en rafales à faire ployer sous ses bourrasques les plus grosses branches, il ressemble à la tramontane dont le souffle glacial vous refroidit aussitôt. Un de ces vents qui se lèvent quand on ne l’attend pas, forcissant au gré du jour puis s’apaisant, mollissant jusqu’à ce qu’on finisse par l’oublier. Ses accalmies ne sont que subterfuges. C’est quand on le croit mort qu’il se réveille de plus belle. De simple murmure il devient chant, musique envoûtante et hallucinante à la fois. De bruissement presque inaudible il se mue en plainte, se met à gémir, à bramer, à mugir tant et si bien qu’on le sait parti en chasse. Tel un monstre, il vous suit et son haleine a un goût âcre à vous remplir la bouche de sa puanteur. Si tous les vents ont un nom, le sien est bien trouvé : Mouma.
Extrait du journal de Jeanne Ballard

Un vent chargé de cris soufflait sur les bois. La traque durait depuis des heures. L’homme n’arrivait plus à courir. Il marchait désormais, vacillant à chaque pas et ses pieds nus, meurtris par les ronces, lui causaient de telles souffrances qu’il dut s’arrêter un instant pour s’appuyer contre le tronc d’un arbre. Il aurait aimé rester ainsi plus longtemps mais les appels derrière lui avaient déjà repris. Bientôt ses poursuivants seraient là : l’écho de leurs voix résonnait partout dans la forêt. Sans parler du grognement de la bête qui les accompagnait. À présent qu’il les sentait si proches, sa peur s’intensifiait. S’il n’avançait pas, il serait rattrapé avant la nuit. Dans un effort surhumain, il se redressa et reprit sa course à travers un dédale de fougères.
Il suffit qu’une branche hérissée d’épines lui fouettât le visage pour qu’il fermât les yeux, trébuchât, perdît l’équilibre. Projeté dans une roulade en avant que rien ne pouvait plus arrêter, son corps finit par percuter une souche. Tel un pantin désarticulé, il bascula en arrière et s’étala de tout son long sur le dos. Dans sa chute, sa tête heurta le sol. Tout se figea sur l’instant. Immobile, les yeux rivés au ciel – un ciel de pleine lune, bien que la nuit ne fût pas encore tombée –, il essaya de deviner la direction du vent. Un groupe d’oiseaux sauvages le survola. Puis, plus rien. Ses chasseurs avaient-ils cessé leur traque ? Ou était-ce leur dernier subterfuge pour l’attraper vivant ? Suffoquant, l’homme tremblait de tous ses membres car, d’avoir tourné sur lui-même, son ancienne plaie venait de se rouvrir. De grosses gouttes perlaient à travers sa tunique, là où le liquide formait déjà un long tablier vermeil autour de sa taille. Avec tout le sang qu’il avait perdu, il s’étonnait d’en avoir encore dans les veines. Jusqu’au bout il s’était agrippé à cette vie, comme l’on saisit le vêtement de quelqu’un qu’on ne veut pas voir partir. Il n’avait aucune idée de ce qui pouvait l’attendre, une fois passé de l’autre côté ; c’était pour cela qu’il avait tant de mal à lâcher prise. Jamais il n’avait imaginé qu’il soit si difficile de mourir. Il avait cru qu’il suffisait de le décider pour s’offrir à la mort comme l’on sombre dans un profond sommeil. Et là, à des kilomètres de tout lieu habité, où personne ne viendrait le secourir, avec comme unique témoin de sa lente agonie des bois à perte de vue, il réalisait à quel point il était pénible d’accepter son propre anéantissement. Quand bien même il aurait voulu hurler, aucun son ne serait sorti de sa bouche. Pas de mot pour dire sa détresse. À quoi bon ? Il ne se rappelait aucune prière. Sa conscience évoluait au gré des spasmes qui secouaient sa poitrine. Il pensa à sa mère qui ne saurait jamais ce qui lui était arrivé. À cet enfant qu’il aurait tant aimé avoir. Des larmes coulaient sur ses joues. Tout allait s’arrêter. Lentement, les minutes s’égrenaient, le rapprochant de l’inévitable départ. Blotti au milieu d’un enchevêtrement de souches, il en était réduit à regarder les aiguilles virevolter dans l’air avant de fondre sur lui comme un jeu de fléchettes. Bientôt elles seraient son linceul. Les branches des mélèzes se courbèrent un peu plus au-dessus de sa tête comme pour mieux l’ensevelir. Il ferma les yeux, prêt à s’abandonner au repos sans fin. C’était cela, l’éternité. Une longue nuit glaciale, comme une hibernation perpétuelle. Maintenant, il n’avait plus peur. Il était prêt, attendant la mort comme on attend une libération. Surtout ne plus souffrir.
Un bruit sourd retentit au loin. Le ronronnement d’un moteur. Le blessé parvint à tourner la tête, à écarter les paupières. Ce n’était pas un rêve. Dans la semi-obscurité, un halo doré filtrait entre les arbres, à la manière d’un feu éblouissant au cœur des ténèbres. La route était là, si proche. Le moteur ralentit. Le point de lumière se fixa sur un tronc, signe que la voiture s’était arrêtée. Le moribond fit un dernier effort pour se relever sur les coudes quand un craquement sec l’arrêta. Le vent amena à ses narines une odeur qu’il connaissait. La puanteur du fauve qui l’avait suivi à la trace. Ses doigts se crispèrent, ses ongles s’incrustèrent dans la paume de ses mains, collantes de résine. Terrorisé, il comprit que les autres ne lui avaient concédé aucune chance. « Mutter, ich bin dumm1 ! »
1. En allemand : « Mère, je suis stupide ! »

La portière du conducteur s’ouvrit sur l’asphalte pour laisser descendre un jeune homme.
— Ne t’éloigne pas trop, lança en français une voix de femme.
Le type fit quelques pas afin de se dégourdir les jambes, alluma une cigarette en inspirant profondément la fumée, puis s’avança jusqu’à la lisière des bois où des détritus en tout genre jonchaient le sol : un bidon d’essence, des bouteilles en plastique, une vieille batterie. Autant d’objets que les routiers de passage jetaient là. Rares étaient ceux osant s’aventurer plus loin. La plupart étaient des gars de la ville, pour qui la forêt marquait une limite à ne pas franchir, une frontière invisible au-delà de laquelle commençait le temps du monde sauvage. L’homme éteignit sa cigarette avant de humer les miasmes soulevés par la bise.

Journal de Jeanne Ballard
Contrairement au vent du sud qui se charge de parfums aux fragrances chaudes de cèdres et d’aromates, à celui des mers qui transporte des embruns au goût salé, et à la brise des plaines qui exhale des senteurs d’herbe fraîche, de terres noires et de blé mûr, le vent d’ici est lourd d’une odeur entêtante. Tel un puissant baume d’apothicaire, il laisse dans son sillage des relents de térébenthine, de bois mort et d’animaux sauvages.

D’abord simple murmure, le blizzard se muait en plainte. Les arbres grincèrent sous l’effet de son souffle froid qui agitait leurs branches. Vint ensuite un bruit de pas cadencés, comme si la forêt était traversée par un régiment. Le Français écarquilla les yeux à la vue des feux follets se déplaçant entre les arbres. Il pensa au scintillement de lampes électriques, mais il aurait tout aussi bien pu s’agir de torches en feu. Les lumières se rapprochèrent, étincelantes, oscillant dans la nuit avant de s’éteindre une à une, soufflées par le vent. Avaient-elles jamais existé ? Soudain, il y eut des bris de branchages. Un tronc roula sur quelques mètres. L’homme sur l’asphalte jeta sa cigarette et plissa les yeux afin de tenter de distinguer quelque chose. Il eut beau scruter l’obscurité des sous-bois, il ne perçut rien. Il entendit un râle, un appel au secours, le halètement d’une lutte dans les bois. Des branches s’agitèrent de nouveau, et un grognement lui donna la chair de poule. Le sol se mit à trembler sous les pas d’un animal qui s’apprêtait à charger.
— Boris ! s’écria la femme restée dans la voiture, en passant la tête par la portière.
Revenu en courant se mettre à l’abri, celui-ci redémarra et s’éloigna, tout en vérifiant dans le rétroviseur que rien ne sortait de la forêt pour les poursuivre.
Loin derrière eux, gisant sur son grabat d’herbe et de ronces, le fugitif ne bougeait plus. Légère comme une plume, son âme s’était élevée jusqu’à la cime des arbres, d’où elle pouvait à présent observer l’ours en train de mettre son corps en lambeaux. La souffrance avait pris fin et la vue de cette chair déchiquetée ne lui provoquait plus aucune émotion. Tel un fil fragile qui s’allonge et s’étire, l’âme plana un temps au-dessus des bois, à la recherche d’un autre corps à habiter. Elle trouva le plumage d’un grand-duc, immobile sur une branche. À peine l’eut-elle touché que l’oiseau, électrisé par cette force nouvelle, déploya ses ailes et s’envola le long de la route, sur laquelle la Peugeot 504 immatriculée en France venait de disparaître.

PREMIÈRE PARTIE
LE PAS DE L’OURS
La nuit était si claire que l’on aurait pu suivre la DN62 sans l’aide du moindre éclairage, ce qui n’empêchait pas la Peugeot grise de remonter la route, tous phares allumés. Cela faisait des heures que le couple de Français roulait, ne s’accordant que de brèves haltes.
— Qu’est-ce que ça pouvait bien être, tout à l’heure ? demanda la jeune femme, assise côté passager.
— Quoi donc ?
— Ce bruit dans les bois.
— Qu’est-ce que j’en sais ? Un animal… Ça doit grouiller de gibier, par ici.
— Il devait être sacrément gros. Si t’avais vu ta tête, quand t’es revenu à la voiture…
— Tu ferais mieux de repérer cette foutue intersection ! Si le type de la station-service a dit vrai, on devrait bientôt arriver à une auberge.
— Pourquoi aurait-il menti ?
— Il avait l’air bizarre…
— Arrête de juger les gens à leur allure.
— Ton guide n’en parle pas non plus.
La femme dirigea la lampe de poche, qu’elle gardait à portée de main, vers le livre déployé sur ses genoux. C’ét
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Après la Révolution, la vie à Slobozia changea peu. La pauvreté lancinante de cette campagne moldave faisait peser une chape de plomb que plusieurs décennies ne suffiraient pas à faire disparaitre. Chacun continua à vivre de l'agriculture, de l'élevage et de la coupe du bois. Avec le passage à l'économie de marché, la seule entreprise du village à se créer après la Révolution fut d'ailleurs une scierie qui réemploya les cinquante bûcherons de l'ancien kolkhoze forestier. Au milieu de la grande forêt des Carpates, le village semblait comme perdu.
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Comme le fiancé étreint sa bien-aimée, Victor serrait de plus en plus fort la jeune fille dont les cartilages craquaient comme ceux d'une volaille que l'on désosse. Son corps s'affaissa d'un coup quand Victor lâcha enfin prise. Anita Vulpescu venait de mourir, étranglée entre les mains d'un garçon qu'elle connaissait depuis son enfance et qu'elle n'avait pourtant jamais regardé.
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La Fosse aux Lions parut s’assombrir. Un souffle puissant parcourut les arbres en agitant leur feuillage. L’eau avait perdu sa clarté cristalline. En un instant, elle était devenue sombre, comme si une marée noire s’était déversée dans son flot. Les roseaux sauvages s’agitèrent dans un ballet inquiétant. Tels des monstres aquatiques, les carpes se mirent à danser à la surface dans des clapotis étourdissants. Une troupe de geais s’envola quand la clameur résonna au-dessus de la forêt.
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Jeanne comprit ce qui l’attirait dans ce pays. Dans des endroits colle celui-ci, si mystérieux et si impénétrables, elle se voyait propulsée des décennies en arrière, vers un temps immatériel où l’on se contentait de vivre simplement de ce que la terre et la nature proposaient.
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Il aurait voulu crier pour que la femme du rêve le retienne encore un peu, mais il n’en eut pas la force et le visage aux traits féminins ne tarda pas à disparaître. L’enfant ne comprenait pas l’émotion qui l’avait submergé, car ce visage n’était pas celui d’Elena mais d’une autre femme. Une figure qui le renvoyait quelques années en arrière, quand une femme rousse se penchait vers lui pour l’embrasser tendrement. Le genre de sourire que seule une mère adresse à son enfant. Sa mère.
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Le mois d'août n'était pas fini qu'un autocar avait déjà pris la direction du village. On voyait à l'état d'excitation qui agitait les passagers que ceux-ci n'étaient jamais montés dans pareil véhicule. C'étaient des enfants qu'on déplaçait ainsi vers le nouvel orphelinat. Les accompagnateurs n'étaient pas beaucoup plus âgés qu'eux et peinaient à maintenir les gamins assis, même en brandissant la menace des pires punitions. La vue des premières maisons de Prigor les fit se lever une fois de plus et il fallut arrêter le car pour rétablir l'ordre dans les rangs. Le véhicule traversa lentement la rue principale sous les regards des villageois. Au début, ils crurent qu'on envoyait des militaires pour les aider aux travaux des champs, puis ils comprirent.
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Tous rachetaient leur conscience avec quelques poignées de billets. Quelle était la sincérité d'un tel élan ? Difficile à dire. Une boutade en vogue racontait qu'avant la Révolution, tout le monde faisait semblant d'être athée, alors que désormais tout le monde faisait semblant d'être croyant. Ce qui était certain, c'est que l'Eglise et l'Etat tombaient peu à peu dans une relation incestueuse, qui ne semblait gêner ni l'un, ni l'autre. Le pays entamait sa longue catharsis, dont Victor Luca n'était qu'un maillon. Le pays se cherchait un héros que le fugitif de Slobozia s'apprêtait à incarner.
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Ismaïl était la conscience secrète de Slobozia. Peut-être plus encore que le prêtre qui confesse ses paroissiens, il connaissait les mystères que chacun voulait cacher. Il savait tout et voyait tout, comme il avait vu le père Ilie quitter subrepticement la maison des Luca. Mais Ismaïl était dans la forêt comme un moine dans son cloître. Jamais il ne livrait ses secrets. Dans cet univers où tout semblait le condamner, une place à part lui était réservée. Et c'était là tout le paradoxe de cette Roumanie officiellemnt sans Dieu, mais dans laquelle la culture chrétienne toujours présente restait traversée de profondes réminiscences païennes.
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"Voici l'heure du Jugement", se dit Victor. Il s'accouda sur le bord du canot en se cramponnant de ses larges mains. Comme une vis sans fin qui, inlassablement, se noue et se dénoue, un remous d'écume se déployait en vrille sous ses yeux. Irrésistiblement, La Fosse l'attirait à elle. Dans ce gouffre insondable, Victor comprit l'immensité que pouvait prendre sa petite vie. Les vapeurs toxiques de soufre exhalaient leur parfum aliénant, l'attirant comme les effluves d'un puissant opiacé. Ce n'était plus de l'eau qui s'ouvrait à lui, mais un abîme d'éternité. L'agitation des flots qui secouaient la barque dans un inquiétant va-et-vient, semblait lui chuchoter à l'oreille : "Tu es à moi, tu m'appartiens..." Il resta ainsi immobile quelques secondes à regarder ces ténèbres lumineuses dans une parfaite quiétude. Victor se dit qu'il ne pouvait plus faire machine arrière. Pas cette fois-ci. Son passé et son avenir étaient là, au-dessous de lui, dans ce trou sans fond qui engloutissait les hommes et libéraient leurs âmes.
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Tel un reflet des ténèbres, La Fosse aux Lions se déploie au milieu de la grande forêt moldave. A lui seul, ce nom sonne déjà comme un mystère. Les légendes les plus folles courent sur ce lac.
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