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Critiques de Lionel Terray (21)
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Bataille pour le Jannu

Un grand classique de la littérature de montagne, récit en deux actes (et avec chacun son auteur) de la première ascension entre 1959 et 1962 de ce géant népalais, accompagnant le tournant en cours de l’alpinisme moderne vers une recherche de la difficulté.



Très belle édition à la nrf, papier épais et jolies reproductions de photos et croquis de l’expédition.

Le plaisir est renforcé par les différences de plume des chefs d’expédition successifs, Lionel Terray étant connu pour l’écriture de l’incontournable « Les Conquérants de l’Inutile », profond manifeste des gens de montagne.



Livre accessible à tous, sans avoir besoin de ranger au vestiaire les inévitables critiques de ceux qui n’y voient encore qu’une manifestation de la vanité humaine. Au besoin, se soigner en écoutant quelques émissions sur le sujet par l’immense Etienne Klein…

(Ceci étant dit, et étant passionné de montagne, je conserve un doute quant à ma capacité à juger de l’intérêt pour le béotien d’un tel livre…)
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Les conquérants de l'inutile

Quel livre !

Sans doute le plus beau de la magnifique collection "Texte et images" des Éditions Guérin, cette série d'ouvrages reconnaissables au premier coup d'oeil dans une bibliothèque par leur format carré et leur flamboyante couleur, ces livres "rouges comme les chaussettes et les pulls portés par les montagnards de mon enfance" dit Michel Guérin, le fondateur des éditions du même nom.

Ouvrir les conquérants de l'inutile, c'est l'assurance d'embarquer pour un incroyable voyage. C'est, pour le passionné d'alpinisme, l'occasion de voir ou revoir la vie de ce géant qu'était Lionel Terray ; c'est aussi, pour le lecteur moins averti, la possibilité de comprendre ce qu'est la passion de la montagne.

Les personnes extérieures au milieu montagnard ont souvent beaucoup de mal à comprendre ces hommes (et ces femmes) prêts, semble-t-il, à prendre tous les risques. Lionel Terray nous fait bien ressentir dans son livre que ce qui l'anime, comme d'autres, ce n'est pas un goût morbide du danger, mais une envie d'aventure, d'absolu, de confrontation pure avec la nature, un désir fou de se trouver en allant puiser au plus profond de ses forces physiques et mentales.

Lionel Terray était un puriste, pour qui la qualité d'une ascension, son intérêt technique, les émotions partagées avec ses compagnons de cordée primait sur tout, même sur une victoire prestigieuse. À son retour victorieux du Makalu, il semble paradoxalement presque déçu : l'affaire a été trop simple ! Il écrit à ce sujet "La victoire doit se payer à son prix d'efforts et de souffrances. Les progrès de la technique et la clémence du ciel ne nous ont pas donné celle-ci à sa juste valeur. Comme elle est loin de moi l'ivresse orgueilleuse que j'ai parfois connue, lorsque, après une lutte où j'avais mis toutes mes forces et tout mon coeur, d'un dernier coup de rein je me dressais sur un sommet plus modeste."

Lionel Terray ne cherchait pas la gloire, la performance statistique ou la célébrité ; il cherchait à vivre des expériences humainement et sportivement enrichissantes. Et son livre nous montre à quel point il a réussi à vivre sa vie comme il l'entendait. Quelle richesse, quelle variété ! Il a grimpé un peu partout dans le monde, sur les plus beaux sommets, avec de multiples compagnons d'aventure. À commencer par Louis Lachenal avec qui il forma une cordée exceptionnelle.

Le récit qu'il fait de leur ascension de la face nord de l'Eiger est saisissant. Ce sommet redoutable pour lequel tant d'hommes ont péri, Terray et Lachenal l'ont brillamment gravi. Le chapitre qui est consacré à cette terrible paroi, surnommée "Eigerwand" (le mur de l'Eiger), est particulièrement saisissant. Terray raconte tout l'historique des différentes tentatives, sa propre aventure, ainsi qu'un récit de sauvetage terriblement émouvant auquel il a participé.

Il relate dans un chapitre très touchant un grand nombre d'anecdotes qu'il a vécues dans l'exercice de son métier de guide. Un métier qu'il a exercé avec passion, et dont il parle, comme Gaston Rébuffat, avec ferveur : "Donner à un homme la joie d'escalader une cime que, sans nous, il ne pourrait atteindre, m'a toujours paru être une oeuvre de création, une réalisation tangible, et j'en éprouve le même plaisir qu'un artisan à réaliser un travail qu'il aime, voire un artiste à produire un chef-d'oeuvre."

Naturellement, une grande partie est consacrée à la conquête de l'Annapurna par l'expédition française conduite par Maurice Herzog. Là, Lionel Terray nous emporte dans l'aventure, et nous fait revivre toutes les péripéties de cette extraordinaire épopée. C'est très bien écrit, et bien plus intéressant que le récit très "moi-je, moi-je" qu'Herzog en a fait dans son livre "Annapurna, premier 8000". Terray est loin de se mettre en avant, et pourtant, il a joué un rôle capital, même si ce n'est pas lui qui est allé au sommet. Il s'est dévoué dans diverses tâches pour la réussite de l'équipe (portage de matériel, installation de camps), et surtout, avec Gaston Rébuffat, il a secouru les deux vainqueurs Herzog et Lachenal lors de leur descente. Les deux héros seraient morts sans leurs sauveteurs, mais Terray reste très modeste à ce sujet.

Ces semaines hors du temps, remplies d'émotions fortes, sont restées gravées à jamais dans la mémoire de l'auteur : "Que vaut ma vie entière de platitude et de médiocrité auprès de ces heures d'action totale et de bonheur parfait ?"

Dans ces conditions, le retour à la vie ordinaire est forcément difficile : "Un jour ce fut la première route, le premier camion. Accablé de tristesse, je compris alors que la page était tournée. À nouveau il fallait affronter le monde. La grande aventure était terminée."

L'auteur conclut son livre en disant : "Si vraiment aucune pierre, aucun sérac, aucune crevasse ne m'attend quelque part dans le monde pour arrêter ma course, un jour viendra où, vieux et las, je saurai trouver la paix parmi les animaux et les fleurs. Le cercle sera fermé, enfin je serai le simple pâtre qu'enfant je rêvais de devenir..." Lionel Terray ne connaîtra pas cette vie paisible dont il parle : en 1965, il fait une chute mortelle dans le Vercors.

Pour terminer, j'ai envie de faire une petite réflexion sur le titre, magnifique, de ce livre.

Je ne peux pas m'empêcher d'y voir une réponse à ce que Terray père avait dit lorsque Lionel était jeune : "Il faut être complètement crétin pour s'esquinter à grimper une montagne, au risque de se rompre le cou, alors qu'il n'y a même pas un billet de 100 francs à ramasser au sommet." Grimper une montagne est sûrement inutile si l'on ne voit que l'aspect rentabilité financière, mais comme c'est dommage de ne voir que cela ! Après la lecture de ce livre éblouissant, il faudrait être bien insensible pour ne pas être convaincu du contraire.

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Les conquérants de l'inutile

Autant que ses dons de grimpeur, Lionel Terray sait raconter, sa jeunesse de mauvais garçon, son manque de confiance vaincu par les petites victoires et les hasards de rencontre, la vie de famille pas facile à combiner avec celle de guide de montagne, son émerveillement pour les sommets, sa découverte du Canada, son amour du Népal.



Il sait trop bien partager ses frayeurs, chutes de pierres, avalanches avec un côté que j'ai trouvé indécent, côtoyant volontairement la mort dans des passages qu'il sait sans assistance et sans retour possible.



Lucide, il souligne l'inutilité de ces efforts, du froid, de la faim, du manque de sommeil et cinq années plus tard, dans le Vercors, une chute mettra malheureusement fin à la vie de ce merveilleux conteur.

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Les conquérants de l'inutile

Lionel Terray, ce très grand alpiniste, ce guide d'exception a une chose en plus, c'est un écrivain. Déjà le titre de son livre est une réelle question philosophique. Conquérir l'inutile ! Le mot conquérant fait penser à une sorte d'action militaire, à de la bravoure au combat. Mais vouloir conquérir ce qui a première vue ne sert à rien ni a personne, conquérir ce qui est vain, voilà bien une question, surtout s'il faut mettre sa vie dans la balance. Risquer son existence pour un acte inutile? Ah oui, la gloire, ce mirage! Cela fait penser à Napoléon qui envoyait ses soldats affronter la mitraille, les boulets de canon, les baïonnettes, avec cette promesse: au bout vous aurez la gloire. Qui se souvient des soldats morts à Eylau ou Borodino? Lionel Terray a conquis une forme de gloire, une grande renommée et cela fait penser à cette question posée par Homère dès le début de l'Iliade. Faut il préférer une vie courte et glorieuse ou bien une vie longue et heureuse qui se dissout au final dans l'anonymat. Bien de grands alpinistes, connus de leurs temps, se dissolvent peu à peu dans l'oubli au fil des années qui passent. Ce n'est pas le cas de Lionel Terray. Pourquoi? Parce que c'est aussi un écrivain, un homme qui aime lire. Achille ne survit dans la gloire uniquement grâce aux chants d' Homère. Sans cette œuvre monumentale qu'est l'Iliade et l'Odyssée, qui se souviendrait des héros qui ont conquis Troie par les armes et la ruse? On se souviendra de Lionel Terray par ses mots et le titre de son ouvrage: "les conquérants de l'inutile". Lire son livre est un réel plaisir. Tous ses récits d'ascensions sont très bien écrits. Sa plume est fluide et intense. Un livre que je conseille pour tous les passionnés d'aventures. Peu importe que ce soit en montagne, en mer, dans les déserts ou les glaces des pôles, Terray c'est une réelle philosophie de la vie.
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Les conquérants de l'inutile

J'aurai adoré pouvoir mettre une sixième étoile tant j'ai aimé ce livre duquel transpire tout l'amour que Terray portait aux Montagnes du monde entier, toute l'humilité d'un homme extraordinaire face à chaque cime, l'amitié sincère et la solidarité sans faille.

A lire absolument surtout si on aime les grands espaces et le récit d'une passion qui guide une vie.
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Les conquérants de l'inutile

Je remercie les Babeliotes qui créent des listes de livres et donnent ainsi des envies de lectures. C’est grâce aux listes taggées « montagnes » que je me régale de récits d’aventures sans bouger de chez moi. Ce que j’aime dans les récit de montagnes, c’est le voyage, le dépaysement – et j’aime les histoires qui finissent (relativement) bien, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas en montagne. J’aime aussi découvrir ce nouveau vocabulaire, technique, propre à l’escalade, qui m’ouvre sur un autre monde.



Je me suis donc lancée dans les 576 pages des « Conquérants de l’inutile » de Lionel Terray, alpiniste et guide de montagne français connu, qui a entre autres participé à la célèbre expédition victorieuse de l’Annapurna avec Maurice Herzog en 1950. La lecture a été à la hauteur de mes attentes : un enchaînement de courses en montagne (de 1940 à 1960), racontées avec détails et la découverte d’une belle personnalité, courageuse, loyale en amitié et prête à porter secours aux alpinistes accidentés.



Un livre qui mérite sa réputation d’incontournable de la littérature de montagne.



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Les conquérants de l'inutile

C'est un livre inoubliable que je viens de refermer la larme à l'œil, tellement cette rencontre fut magnifique.



Lionel Terray nous offre un témoignage où transparait la beauté, la joie et l'émotion d'un homme voué à sa passion pour la montagne et l'alpinisme. Après une première partie sur sa jeunesse et son éducation peu banales, le lecteur est invité à le suivre avec son grand ami Lachenal, aussi exceptionnel que lui, dans leurs plus mémorables courses sur des parois mythiques. Chacune est une aventure à couper le souffle où le danger et l’enthousiasme se côtoient à chaque ligne. Dans la dernière partie, Lionel Terray "prend de la hauteur" et raconte plus brièvement d'autres expéditions hors norme avec un recul teinté de sagesse. Tout est juste, humble, animé par une force incontrôlable, cette envie, ce besoin d'y retourner à chaque fois, aussi souvent que possible.



L'écriture de Lionel Terray est superbe, à la fois poétique, précise et limpide. Il ne se gêne pas pour se tourner en dérision mais reste toujours bienveillant, avec lui comme avec les autres... C'est la première fois que je ressens ça de façon aussi évidente, mais j'aurais adoré rencontrer cet homme aussi simple qu’extraordinaire !
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Les conquérants de l'inutile

Terray...j'entendis ce nom pour la première fois sur les ondes alors que je me rendais de Grenoble en Savoie avec ma mère conduisant notre vielle 403.

Je n'avais que 9 ans et l'on racontait qu'un grand alpiniste venait de mourir lors de l'ascension des aiguilles du Gerbier, dans la chaîne du Vercors. Sommet dont je pouvais apercevoir les contours en regardant au travers de la fenêtre de notre cuisine.

La montagne avait eu raison de lui, l'avais pris en traître lors d'une banale ascension comparée à son palmarès de toutes les années qui avaient précédé.

44 ans, est-ce un âge trop avancé pour s'adonner à la passion de toute une vie?

4 ans auparavant, il en parlait dans cet ouvrage magnifique. Pourtant, deux plus tard, en 62, il accomplira l'escalade du Janus, ultime défi d'une difficulté extrême et l'ayant laissé sur sa faim lorsqu'il conclut l'ouvrage.

Alpiniste paysan, issu d'une famille de notables, marié à une institutrice, il renoncera aux études pour l'amour du rocher. Il s'improvisera avec succès, éleveur dans les alpages pour compléter les revenus de son épouse dans une période de grande incertitude. Les évènements de 1940 ne semblent pas l'atteindre dans ses montagnes élevées en citadelle. Les circonstances feront de lui un résistant puis un combattant des troupes alpines, tout naturellement, sans volonté apparente.

Il évoque dans cet ouvrage sa rencontre avec les plus grands précurseurs de l'alpinisme moderne, Herzog, Lachenal, Rebuffat et d'autres mais il nous livre dans le détail les épisodes de la fameuse ascension de l'Annapurna en 1950, la vie des sherpas capables de porter des charges incroyables malgré leur aspect chétif. Indépendamment de la montagne, Il se passionne également pour le Pérou et son peuple,

Lionel TERRAY se révèle être un "intellectuel de la montagne" et surtout un grand écrivain qui n'aura pas eu le temps de nous laisser d'autres témoignages. Dommage ...

Pour compléter ce récit: voir la vidéo très bien faite de Yannick GRAZIANI et Stéphane BENOIST retraçant leur récente ascension de l'Annapurna.

Et surtout, toujours en vidéo, le témoignage émouvant du dernier survivant de la première ascension de l'Annapurna décrite dans ce livre, Francis de Noyelle, mort à 97 ans en 2017.
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Les conquérants de l'inutile

L'autobiographie de Lionel Terray est l'un des plus célèbres livres de littérature de montagne, c'est dire si sa vie et son oeuvre son un maillon de la chaîne de l'histoire de l'alpinisme. Mais au delà de la montagne, l'écriture gentiment désuète nous plonges dans l'état d'esprit et la vision que se faisait les européens cultivés du reste du monde. Notamment la partie sur le Canada et l'éloge qu'il fait du peuple Sherpa.

Terray à une modestie désarmante et n'est jamais dans la polémique avec les autres alpinistes se qui est rare dans ce milieux.

Néanmoins tout les passages ne sont pas passionnants et l'on regrette qu'une trop grande place soit faite à ses activités dans les Alpes, les trois quart du livres, au détriment de ses expéditions à l'étranger (Andes et Himalaya) qui occupe le quart restant.



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Les conquérants de l'inutile

Magnifique ouvrage d'un grand alpiniste français. De splendides ascensions, de terribles vérités. A lire. De toutes façons, dès que l'on a commencé on ne peut plus s'arrêter.
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Les conquérants de l'inutile

« Quelle passion de la grandeur et de l’absolu nous a fait fuir la douceur de vivre pour violet l’orgueilleuse solitude de ce désert vertical ? »

Ce récit, paru pour la première fois chez Gallimard en 1961 et dès lors, constamment réédité avant de tomber dans la prestigieuse collection de chez Guérin, l’éditeur Chamoniard par excellence, est considéré comme LE livre de montagne.

La littérature des cimes se résume en se divisant en deux catégories bien distinctes : le roman de montagne dont « Premier de Cordée », à peine imaginé par Frison-Roche, reste la référence absolue et les nombreuses biographies ou récits d’ascensions des plus grands alpinistes.

- Pourquoi gravissez-vous ces montagnes au risque de votre vie ?

A cette question définitive des béotiens ou journalistes en tout genre, Mummery, un anglais de l’âge d’or de l’alpinisme (seconde moitié du XIXème), que l’on considère comme l’inventeur de l’alpinisme moderne, avait eu cette réponse tout aussi formelle :

- Parce qu’elles sont là.

Il faut reconnaitre que parmi les nombreux ouvrages mettant en scène les hauts faits des plus grands noms de l’alpinisme, la grande majorité ne présente un intérêt que pour les amateurs d’azurs purs, d’aubes glaciales, d’un rocher franc et sain, d’étendues de glace et de neige et d’un dépassement de soi. Car, comme le fait si bien remarque Terray, on ne combat pas la montagne mais ses propres faiblesses. Toujours le même canevas : l’appel des cimes, la volonté comme itinéraire, le combat avec le rocher et les conditions météorologiques, enfin la victoire… ou l’échec. Le tout agrémenté de détails et précisions techniques un peu trop rébarbatives pour de simples amoureux de mots et de phrases.

De fait, s’il doit ne rester qu’un seul ouvrage relatant les aventures de funambule entre ciel et terre, ce sont bien ces « conquérants ».

D’abord le titre. S’il évoque les orients lointains chers à Malraux, il résume parfaitement la situation. Il n’y a rien, en effet, de plus beau et de plus grand que l’acte gratuit. Et cela était déjà une gageüre dans les années d’après guerre. Je souris malgré moi quand Terray déplore le ronronnement de la civilisation lorsqu’il virevolte sur les aiguilles de Chamonix, toutes situées juste au-dessus de la capitale de l’alpinisme. Que dirait-il aujourd’hui ?

Si la lecture des « conquérants » peut être abordée par n’importe qui, c’est, d’une part, parce que l’auteur n’utilise pas (ou peu) des termes trop techniques et que, surtout, sa prose est fluide et élégante. On sent le goût immodéré de la lecture chez cette force de la nature. Car, contrairement à certains de ses contemporains, Terray n’a rien du pur grimpeur se jouant du vide dans de superbes chorégraphies, semblant survoler le granit, danser avec la roche. Non, Terray, c’est du lourd, du costaud. Capable d’enchainer les marches d’approche, les longues liaisons glacières tout en gardant le tonus nécessaire pour passer en force là où un Lachenal, animé des mêmes idéaux et pourtant si différent, utiliserait toute l’élégance et la grâce dont il était capable.

Terray ne s’enferme pas dans ses montagnes Chamoniardes. Avec lui, on traverse la période d’occupation parmi les résistants du Beaufortain, on séjourne une saison au Québec, on participe à l’aventure du Premier Huit Mille et on traverse même l’Atlantique pour aller se frotter aux cimes d’Amérique du Sud. Un récit qui sonne comme un roman, la finesse d’une sacrée plume en plus. Dans ses voyages sur les plus hautes montagnes du monde, on sent bien que Terray se passionne autant pour les gens que pour les sommets.

« Enfin le rêve prenait forme, l’Himalaya était là, déjà nous pouvions toucher les premières vaguelettes de cette tempête que la terre a lancé à l’assaut du ciel ».

Et puis, il est question de cette corde, qui symbolise si bien l’union de deux volontés face à l’adversité. Car Terray ne concevait pas la montagne en solitaire.

Son équipage avec Lachenal (dont j’ai mentionné ici même les excellents « carnets du vertige ») reste légendaire.

Il raconte sa rencontre avec le phénomène, dont la naissance n’est séparée que d’une semaine pile et d’une petite centaine de kilomètres, Terray voyant le jour dans la cuvette Grenobloise tandis que Lachenal ouvrait ses yeux si curieux au bord du lac d’Annecy en ce même mois de Juillet 1921. L’un comme l’autre ne connaitra pas les joies d’une retraite paisible (du reste, l’auraient-ils supporté ?). Lachenal est avalé par une crevasse dans le massif du Mont Blanc en 1955 tandis que Terray lui survécut pile 10 ans de plus avant de dévisser dans le massif du Vercors.

Voici comment Terray parle de leur première rencontre. Ca se passe à Annecy.

« Ne sachant comment occuper mon temps, j’errais dans les rues, lorsqu’un jeune homme pauvrement vêtu, poussant une vieille bécane d’une main et tenant un bidon de lait de l’autre, s’approcha de moi en me dévisageant sans discrétion :

- Est-ce que vous n’êtes pas Lionel Terray ? me questionna ce curieux interlocuteur.

Ce visage pâle et maigre où brillaient deux yeux très vifs ne me rappelaient rien, et l’aspect assez minable de ce garçon me fit, un instant, penser à un chômeur. Après avoir répondu par l’affirmative, je lui demandai son nom. »

Rien que de très banal, n’est-ce pas ?

Pourtant, voici la version de Lachenal (le livre est cosigné par Gérard Herzog, frère de Maurice) :

« Un jour, après avoir fait quelques emplettes, il se promène dans la rue, un pot de lait d’une main, de l’autre un cabas suspendu au guidon d’une bicyclette, lorsqu’un militaire l’interpelle :

- Lachenal !

Louis s’approche, et, reconnait Lionel Terray. «

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Les conquérants de l'inutile

Un grand classique des récits de montagne qui figure dans la liste des 100 plus grands livres d'aventures de tous les temps selon la National Geographic Society.



Lionel Terray est une grande figure de l'histoire chamoniarde pour ses exploits ainsi que pour sa personalité attachante et modeste. Ayant bénéficié d'une "bonne éducation" pour le milieu des guides de haute montagne à cette époque et avec son talent d'écriture assez naturel, Lionel Terray nous livre ici une autobiographie particulièrement attachante, qui nous plonge dans le monde de l'alpinisme, pour le meilleur et pour le pire.
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Les conquérants de l'inutile

A lire absolument… Pour la montagne, pour Terray mais aussi pour l'écriture (même si, parait-il, Lionel Terray a été aidé) …
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Les conquérants de l'inutile

Certainement l'un des 10 livres que je pourrais prendre dans ma valise si je devais me retrouver sur une île déserte jusqu'à la fin de mes jours. Avec "la Statue intérieure" de François Jacob c'est probablement l'un des récits de vie qui m'a le plus marqué. A l'époque où tant de personnes sont noyées dans des "performance insignifiante" (Fabio Merlini), la lecture des conquérants de l'inutile est une formidable leçon de vie.
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Les conquérants de l'inutile

Merci pour ce double voyage

- voyage dans le temps, où l'alpinisme était encore rudimentaire, où tant de sommets restaient à conquérir et ou des hommes comme Lionel Terray engageaient leur vie pour atteindre leurs rêves.

- voyage autour du monde également, où l'auteur nous a transporté, des montagnes de l'Himalaya aux cimes de la Cordillère des Andes, en passant par les Alpes.

Comme il est dit dans la préface, nous sommes ici dans le la "littérature" de montagne, pas du "simple" roman.



Un livre que bien sûr je recommande "chaudement"...
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Bataille pour le Jannu

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Les conquérants de l'inutile

Comme pour chaque livre, la seule question qui subsite une fois la lecture achevée est de savoir s'il m'a suffisamment plu, interpellé, questionné ou émerveillé pour que je souhaite me replonger un jour dedans et parcourir une nouvelle fois ses pages. Je ne pense pas pour celui-ci bien que je sois ravi de l'avoir lu. Le récit de la vie d'alpiniste de l'auteur est passionnant et montre un autre visage derrière les exploits. Il est en revanche dommage qu'il passe si rapidement sur toutes ses expéditions après l'Annapurna, qui étaient pourtant significatives.
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Les conquérants de l'inutile

Tsaaa, pour être honnête, je ne l'ai pas lu. Je me suis borné aux citations du livre, à la lecture lapidaire du wikipédia de monsieur Terray, à la lecture un peu plus fouillée de l'expédition Herzog, vainqueur de l'Annapurna. Il y a matière odorante pour mes naseaux, aveuglante pour mes quinquets. Un récit sur la chasse au bébé phoque me donnerait sans doute bien moins la nausée. Maintenant je conçois qu'une horde, qu'une colonie, qu'une légion de passionnés de conquête de l'inutile, y trouvent leur compte. Qu'ils se repaissent. Pour ma pomme, même pas comme torche-fondement.

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Les conquérants de l'inutile

N'ayant à vrai dire jamais entendu parler de Lionel Terray, c'est un peu par hasard que j'ai pu parcourir une partie de la biographie de ce grand alpiniste publiée en 1961. C'est surtout grâce à un cadeau d'une amie que je me suis plongé dans ce récit captivant. Merci à elle !

J'ai été littéralement absorbé par l'épopée vers les cimes de ce marathonien des hautes altitudes.

Infatigable montagnard, il a arpenté toute sa vie en tant que guide de montagne principalement les Alpes et puis lors de ses "loisirs" de nombreuses courses audacieuses vers les sommets.

Pendant la guerre 40, il a participé à sa façon à la Résistance en faisait des portages à travers la montagne et en a été profondément marqué par la barbarie humaine. Complètement accro à l'effort et à l'aventure, il n' a cessé de repousser plus loin les défis dans les années 40, tirant ses limites physiques au delà du concevable. Bien que peu coutumier des premières, avec son fidèle ami et compagnon de cordée Louis Lachenal, il a collectionné les exploits alpins (face Nord de l'Eiger, Les Grandes Jorasses...) avant d'éprouver une soif d'autres horizons plus extrêmes encore. Pour reprendre ses mots, ce n'est pas tant l'accomplissement d'une ascension qui procure le bonheur mais son désir... C'est ainsi qu'il a fait partie de la première expédition à réussir un sommet de 8000 mètres d'altitude en 1950: l'Annapurna au Népal.

Bien que n'ayant personnellement pas atteint de la haut de la montagne, il a fait partie de l'organisation quasi militaire qui a vaincu ce dixième sommet le plus haut du monde au prix de nombreuses souffrances et sacrifices. Il a aussi parcouru certains sommets des Andes plus modestes en hauteur mais pas moins en difficulté. Peut-être aurais-je apprécié plus encore si j'avais possédé ces nombreuses références géographiques de "la terre qui touche le ciel" et les illustres noms des pionniers de ces odyssées acrobatiques.

Il ne m'aura fallu que quelques jours pour dévorer ce récit de plus de 400 pages bien au chaud, loin de la froideur qui entoure toutes ces péripéties.

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Les conquérants de l'inutile

un livre magnifique, d'une grande poésie. Lionel Terray arrive à nous faire toucher du doigt sa passion, sa vie. le style est simple mais pur, un grand talent littéraire. Dans le même esprit, il y a "jours barbares " de W Finnegan. une bio sur le surf mais bien écrite et qui évite tous les clichés et poncifs que l'on associe classiquement aux surfers.
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