Citations de Liu Cixin (445)
Quelle est la raison d'être d'une civilisation ? Dévorer, bouffer, bouffer sans arrêt, s'agrandir et s'étendre sans discontinuer. Tout le reste est secondaire.
"Les hommes et le Dévoreur"
La technologie est, dans son essence même, antipoétique.
Elle capitulait. Elle voyait enfin clair: elle était un grain de sable soufflé à sa guise par une brise céleste, une feuille charriée au loin par le fleuve. Elle s'abandonnait complètement, laissant le vent transpercer son corps et les rayons du soleil, embrocher son âme.
.. des débris jaillissaient dans les airs et, avant qu’ils ne retombent, soldats et citoyens se ruaient vers les ouvertures créées par les projectiles telle une colonie de fourmis vaillantes sous une averse de poussière, s’appliquant à colmater les brèches à l’aide de briques et de morceaux de charpente arrachés à d’autres bâtiments de la cité, de sacs en lin bourrés de terre et de précieux tapis arabes… Il était même en mesure de se représenter les grains de poussière imprégnant l’atmosphère du crépuscule et flottant chaotiquement vers le cœur de la ville pour recouvrir peu à peu tout Constantinople sous un linceul d’or…
Il ne restait plus dans le petit univers qu’un message dans une bouteille et une petite sphère écologique. La bouteille se retrouva bientôt engloutie par l’obscurité. La seule parcelle de clarté de cet univers d’un kilomètre cube provenait du soleil miniature de la sphère. Dans ce minuscule monde vivant, des sphères d’eau claire ondoyaient paisiblement en apesanteur. Un petit poisson bondit de l’une d’entre elles jusqu’à une autre sphère et remua gracieusement des nageoires entre des algues vertes. Sur l’un des deux continents, une goutte de rosée se détacha d’un brin d’herbe et s’envola en spirale dans les airs, réfractant dans l’espace un scintillant rayon de soleil.
Elle comprit alors que cinquante-six ans s'étaient écoulés depuis sa dernière brève période d'éveil. Elle passait sa vie à fuir hors du temps et elle se sentait honteuse de voir les autres vieillir autour d'elle. Elle prit la décision que, quoiqu'il advienne désormais, elle aurait vécu sa dernière hibernation.
La faiblesse et l'ignorance ne sont pas des obstacles à la survie, mais l'arrogance, si.
_Nous sommes entrés dans une région particulière de l'espace, une région en quatre dimensions. C'est aussi simple que cela. Nous appelons ces régions de l'Univers "fragments quadridimensionnels".
_ La vie a toujours été le résultat de plusieurs facteurs de chance. Cela a été le cas sur Terre dans le passé et c'est la même règle partout ailleurs dans notre Univers cruel. Mais je ne sais à partir de quand, l'humanité s'est laissée bercer par l'illusion que la vie était un droit inaliénable. C'est la raison fondamentale de votre échec.
Si, en ce temps-là, un individu s'était inquiété des événements qui auraient lieu quatre siècles plus tard, ses contemporains se seraient sûrement moqués de lui: il était aussi ridicule de se préoccuper du sort de ses descendants que de celui de ses ancêtres.
Je déplace le soleil vers l'ouest, et tandis que se réajuste l'angle de ses rayons, des gouttes de rosée cristallines commencent à scintiller sur les jeunes pousses des champs, comme d'innombrables yeux s'ouvrant soudain. Je réduis la luminosité du soleil, j'avance l'heure du crépuscule, puis je contemple mon ombre qui se dessine dans l'horizon distant. Je secoue la main, et cette silhouette découpée dans le couchant me répond. En l'observant, je me sens encore jeune.
Mais dans la grisaille du monde réel, échappant à l’attention des hommes, flotte cette petite chose qui le transcende, comme un petit grain de poussière qui se serait échappé du pays des rêves pour nous laisser entre-voire l’immensité et le mystère de l’univers, pour nous suggérer que dans cet univers existe peut-être un autre monde, entièrement différent de notre réalité…
Imaginez une colonie de fourmis transportant sans repos des fragments de cailloux de la taille d’un grain chacune : donnez-leur des milliards d’années et elles auront réussi à déplacer le mont Tai tout entier. Il suffit d’étirer suffisamment le temps, et la vie se révèle bien plus forte que la roche ou le métal, plus puissante qu’un typhon ou un volcan.
Comme tous ceux qui avaient étudié la navigation spatiale, Yun Tianming était terrifié par l’espace. Plus que quiconque, il connaissait ses dangers, il savait que l’enfer ne se trouvait pas sous terre mais dans le ciel.
Mojovic et Guan Yifan firent une découverte fascinante : ils pouvaient voir les étoiles tout autour d’eux. Ils apercevaient nettement la lueur éclatante de la Voie lactée qui s’étendait dans l’éternelle nuit du cosmos.
Cheng Xin était déconcertée par l’agencement chaotique des tubes, qui n’était pas le résultat d’une négligence mais, au contraire, celui d’un effort et d’une conception inouïs. C’était une sorte de chaos ultime, comme si le moindre soupçon d’ordre était tabou. Il paraissait suggérer une approche esthétique aux antipodes de celle que connaissait l’humanité : ici, le chaos était synonyme de beauté et l’ordre de laideur.
Quant à Goutte de rosée, ce n’est qu’une femme, elle est inoffensive.
Une personne seule ne peut pas détruire un monde. Si ce monde est détruit, c’est la faute de l’ensemble des hommes, ceux qui sont en vie comme ceux qui sont morts. C’est le résultat d’une action collective.
Une fois notre expérience achevée, il n’existera plus aucun mystère à explorer dans le monde matériel. Dans moins d’une heure, nous aurons fait le tour de la physique. Je suis venu accueillir le crépuscule de mon existence ! Ô, physique, impitoyable bien-aimée, comment pourrais-je encore vivre lorsque tu auras terminé ton chemin ?
En Sibérie, ce n'est pas forcément une bonne chose d'être sûr à 100% de quelque chose. Parfois on arrive a bon port, et on se rend compte qu'on aurait mieux fait de s'écraser à mi-chemin. (p.148)