Une belle histoire, passionnante et bien racontée, c'est ce que recherche un lecteur quand il ouvre un livre... raconte-moi une histoire, que je m'évade, mais aussi que j'apprenne des choses à propos des êtres humains, de la Nature, du passé...
Pour qui ouvre "Les femmes de la Principal", c'est tout ça avec en plus le regard malicieux de l'auteur ; une pointe d'humour qui, même dans les situations dramatiques, permet de prendre un peu de recul et de se moquer gentiment.
La Principal est une magnifique propriété vinicole située en Catalogne, non loin de Barcelone ; le récit débute fin du XIXème siècle, quand le phylloxera atteint l'hacienda. Andreu Roderich qui a cinq enfants quatre garçons et une fille, et s'est retrouvé veuf à la naissance de la dernière, Maria, qui a maintenant vingt ans, décide à l'arrivée du fléau qui ruisque de ruiner la famille, de partir à Barcelone avec les garçons étudiants et de laisser Maria à la maison pour la gérer, pour maintenir vivant le symbole familial.
Dépitée sur le moment, mais aidée par le destin, un courage et des capacités hors norme, la première des trois Maria de La Principal va retourner la situation et prendre le commandement de la propriété.
Il y aura trois Maria, les "Senyoras" successives - mère, fille, petite fille - , trois femmes exceptionnelles, amoureuses passionnées, libres et autoritaires, responsables et puissantes, qui règneront sur le domaine et les alentours.
Personnage très présent également Ursula - dont le nom a toute une histoire - la nourrice de la première Maria et "servante de compagnie" des générations successives. Une femme qui a consacré sa vie à ses maîtresses, intelligente, dévouée et amusante, décidant à l'avance du jour et de l'heure de sa mort...
Mélangeant les époques, il y a 1940 surtout, et aussi 1893, 1910, 1936, 2001... mais construit avec rigueur, le récit est à la fois une saga familiale, une galerie de portraits de personnages incroyables, l'évocation de quelques moments forts de l'Histoire de l'Espagne et du rôle et de la place des femmes à cette époque.
Un fil court tout le long du livre, une énigme policière, l'affaire Ricard Nebot : sur un des bancs de pierre, à l'entrée de la propriété, un gros sac contenant un ancien contremaître mort poignardé, a été trouvé en juillet 1936 ; ce n'est qu'après la guerre qu'un policier particulièrement zélé, l'inspecteur Recader, revient enquêter à La Principal.
À la fin du récit, dans un dialogue émouvant et affectueux entre la dernière Maria et son père, le lecteur saura le fin mot de l'histoire...
C'est vivant, rythmé, instructif ; un très bon moment de lecture !
Extraits (p 15) : Maria gérait parfaitement les confortables bénéfices et les différents conflits de la Principal avec un sens de l'autorité auquel il n'aspirait pas. Mieux encore, il était fasciné de voir avec quelle détermination son épouse se faisait respecter à une époque où personne n'était très enclin à laisser une femme commander quoi ni qui que ce fût.
(p 54) : "... la Principal n'était pas comme les autres celliers de l'Abadia. Au milieu du XIX ème siècle, Andreu Roderich, qui était alors un jeune héritier d'une plus que centenaire lignée de grossistes en vin, eut l'idée de mettre en bouteilles le produit de son cellier en se distinguant des autres propriétaires de la région."
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