Citations de Louis-Ferdinand Céline (2887)
Pendant le dîner, elle pleurait bien gentiment en même temps que ma mère. Ça lui coupait pas l'appétit. Les nouilles ne la gênaient pas. La façon qu'elle en redemandait m'a toujours épouvanté. Elle faisait ça encore ailleurs, le truc des souvenirs, avec bien d'autres commerçants, qu'étaient plus ou moins éplorés, par-ci, par-là, dans les boutiques. Elle avait plus ou moins connu les défunts des quatre quartiers, Mail et Gaillon. Ça finissait pas la nourrir (...) Toujours est-il qu'elle avait faim... Dès qu'on était hors du cimetière, elle voulait qu'on casse la croûte.
Mais dans la contemplation des sommets spirituels qui s'élèvent de l'autre côté de la vie, incertains aux regards trop précis des hommes, n'avons-nous pas perdu la route de tous les jours ?
Ecoutez dans l'âme toute surprise, toute joyeuse d'être libérée d'un peu d'ombre, le charme de ces quatre notes assemblées... Quatre notes lumineuses, c'est le don de courage, des forces d'espérance que le talent donne à ceux qui ne savent pas... qui ne sont pas assez joyeux, assez croyants, assez sincères, assez forts... pour être heureux.
Les enfants plus encore que nous ont une vie superficielle et une vie profonde. Leur vie superficielle est bien simple, elle se résout à quelques disciplines, mais la vie profonde du premier enfant est la difficile harmonie d'un monde qui se crée. Il doit entrer dans ce monde, jour après jour, toutes les tristesses et toutes les beautés de la terre. C'est le travail immense de la vie intérieure.
L'humanité s'ennuyait, elle brûla quelques Dieux, changea de costume et paya l'Histoire de quelques gloires nouvelles.
Un peu meilleur l'endroit dans les débuts, forcément, parce qu'il faut toujours un peu de temps pour que les gens arrivent à vous connaître, et pour qu'ils se mettent en train et trouvent le truc pour vous nuire [...]. En somme, c'est le petit délai où on est inconnu dans chaque endroit nouveau qui est le plus agréable. Après c'est la même vacherie qui recommence. C'est leur nature.
Dernières paroles…
Si ça ne va pas, eh bien qu’on me laisse crever tranquille ! je ne demande rien à personne !
(Lettre à Pierre Monnier)
Proust (Marcel)
Proust explique beaucoup trop mon goût – 300 pages pour nous faire comprendre que Tutur encule Tatave c’est trop –
(Lettre à Milton Hundus)
Littérature
Mais le livre est agonique – il a fait son temps –ce ne sont plus des livres les romans actuels ce sont des scénarios- Le Cinéma bouffe tout – il restera ces « livraisons »pour débiles mentaux qui traînent par millions dans les gares, les trains, les chiots, les ateliers… Ça ne se lit pas, ça se regarde – c’est d’ailleurs pleins de photos – autrefois quand des soldats ne pouvaient pas fumer ils chiquaient maintenant quand le trèpe peut pas aller au Cinéma il se branle sur Confidence –
(Lettre à Albert Paraz)
Céline par lui-même
J’ai accumulé du chagrin pour mille ans. Je voudrais revivre trois vies rien que de rigolade.
(Lettre à Marie Canavaggia)
Céline par lui-même
Vous savez je suis d’une toute petite famille d’avant 14 – où on se serait pendu plutôt que de faire tort d’un sou à personne. J’ai gardé cette mentalité – aime tout donner – J’ai horreur de recevoir mais « devoir » ? Oh là ! vous « devoir » un centime ! j’aimerais mieux vous assassiner !
(Lettre à Albert Naud)
Argot
L’argot est fait pour permettre à l’ouvrier de dire à son patron qu’il déteste : tu vis bien et moi mal, tu m’exploite et roules dans une grosse voiture, je vais te crever… Mais l’argot d’aujourd’hui n’est plus sincère, il ne résiste pas dans un cabinet de juge d’instruction. J’attends toujours le truand qui fera fuir le juge avec son argot. Dans les prisons d’aujourd’hui on file doux : oui Monsieur, bien Monsieur. On y est bien sage et on n’y parle pas l’argot, j’en ai fait l’expérience. Le temps est loin où Mandrin risquait chaque jour la Grève.
Il n’y a plus aujourd’hui que l’argot des bars à l’usage des demi-sels pour épater la midinette, et l’argot prononcé avec l’accent anglais à l’usage du seizième.
(Arts)
Les Anglais
Les Anglais, c’est drôle quand même comme dégaine, c’est mi-curé, mi-garçonnet… Ils sortent jamais de l’équivoque… Ils s’enculent plutôt…
(Mort à crédit)
" l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches"
L’Égoïsme des êtres qui furent mêlés a notre vie, quand on pense à eux , vieilli, se démontre indéniable , tel qu'il fut c'est a dire , en acier, en platine, et bien plus durable encore que le temps lui même .
Faire oublier toutes mes fautes et mes dispositions infectes !... C'était pour eux tous les chagrins ! c'était pour eux toutes les complaintes ! C'est eux qui comprenaient la vie ! c'est eux, qu'avaient toute l'âme sensible ! Et qui souffrait horriblement ? dans les plus atroces circonstances ? les abominations du sort?... C'étaient eux ! C'était eux toujours absolument, entièrement seuls ! Ils voulaient pas moi que je m'en mêle, que je fasse même mine de les aider... que j'en tâte un peu... C'était leur réserve absolue ! Je trouvais ça extrêmement injuste. On pouvait plus du tout s'entendre.
Ah ! s'amuser avec sa mort tout pendant qu'il la fabrique, ça c'est tout l'Homme, Ferdinand !
Encore me fallut-il passer dans le vestibule devant d'autres rangs, d'autres ravissantes énigmes aux jambes si tentantes, aux figures délicates et sévères. Des déesses en somme, des déesses racoleuses. On aurait pu essayer de se comprendre. Mais j'avais peur de me faire arrêter. Complications. Presque tous les désirs des pauvres sont punis de prison.
Il y en a bien des façons d'être condamné à mort. Ah! combien n'aurai-je pas donné à ce moment-là pour être en prison au lieu d'être ici, moi crétin! Pour avoir, par exemple, quand c'était si facile, prévoyant, volé quelque chose, quelque part, quand il en était temps encore. On ne pense à rien! De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c'est des mots.
Moi, d'abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j'ai jamais pu la sentir, je l'ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n'en finissent pas, ses maisons où les gens n'y sont jamais et ses chemins qui ne vont nulle part. Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c'est à ne pas y tenir.