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EAN : 9782874490798
278 pages
Les Impressions nouvelles (15/09/2009)
3.33/5   3 notes
Résumé :

Un écrivain de cinquante ans, auteur d'une thèse sur Sacha Guitry qui ne le menait nulle part, s'est recyclé en spécialiste du scénario. Depuis qu'il a fait ce choix, tout lui réussit : un poste stable à l'Université de Genève, des relations humaines heureuses, des amours passionnées et même la richesse. Il est persuadé que le scénario n'est pas seulement l'écriture d'un film, mais aussi l'art de diriger sa vie.

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Bien plaisant roman, redoutable de désinvolture, où l'université genevoise surprendra...

Paru en 2009, le quatrième roman du Franco-Belge Luc Dellisse se déroule à Genève, et nous propose une bien savoureuse violence des échanges dans un autre milieu tempéré, celui de la haute faculté.

Même si, vu de loin, tout sépare les départements "XIXème siècle" et "Etudes cinématographiques" de la vénérable université calviniste des intrigues de la grande entreprise mondialisée, Luc Dellisse recrée pour nous, comme l'avait fait par exemple en 2000 Claude Pujade-Renaud avec son "Septuor" (où les motivations toutefois, presque exclusivement sexuelles, perdaient en subtilité et en crédibilité ce qu'elles gagnaient parfois en drôlerie), ou à la manière d'un David Lodge (en infiniment moins monomaniaque), un univers feutré, policé à l'extrême et pourtant d'une extrême rudesse.

Le charme du protagoniste, professeur de scénario, narrateur tout en gentillesse et extraordinairement peu fiable (par omission bien plus que par action, à l'instar de certain docteur de King's Abbot), opère à 100 % et nous guide dans un magnifique embrouillamini, où l'irruption du mécénat comme source de financement, les rivalités professionnelles, les contrastes étonnants entre étudiants différents, les camaraderies et amourettes, teintées de sournoiserie ou au contraire très décomplexées, entre professeurs, serviront de ressorts et de munitions, en cette bonne ville de Genève où bouillonnent des passions parfois bien inattendues.

Le machiavélisme benoît du héros, guidé par ses amours, ses talents désenchantés et sa compréhension intime des ressorts dramatiques lui permettant de (presque) tout scénariser chez les autres, nous offre un livre plein d'une étrange drôlerie, d'une profonde érudition, et d'un regard sur le monde au charme trouble et somme toute passionnant.

Une bien plaisante découverte, à la croisée indéfinissable de plusieurs genres de littérature.

" - Il y a encore un autre problème sérieux. C'est le mécénat.
- Ah, le mécénat !
- Tu fais bien partie de la commission du mécénat ?
- Oui, j'en suis même le secrétaire.
- Je n'ai pas vu le rapport des dernières réunions.
- Il n'y a pas eu de dernières réunions.
- Voilà, si je relâche la pression un instant, ça se délite.
Il prononçcait "dilite", comme pour la touche détruire des claviers d'ordin
ateur, mais j'avais compris. On ne travaille pas vingt ans dans les réseaux universitaires sans voir la langue française partir au galop dans les sables. En règle générale Mathieu parlait à la perfection le français de Paul Bourget. Mais la modernité l'égarait comme chacun de nous.
- Tout se dilite, d'ailleurs. À cause de mon drame intime, j'ai été contraint de prendre mes distances par rapport à la Fac. J'ai délégué, j'ai délégué. Résultat : un grand désordre. Ah, Luc, ne délègue jamais.
Je n'avais rien à déléguer, n'exerçant aucune responsabilité sérieuse. J'ai pris le masque de Caton, farouche, incorruptible, prêt à détruire Carthage plutôt que de déléguer."

"Il y a eu un moment de creux de la vague. Les ampoules Saturne donnaient à présent leur pleine puissance. Pour changer de sujet, j'ai posé une question de pure forme sur Toronto. Charlie s'est rengorgé. C'était une surprise toujours renouvelée d'entendre ce grand et gros vieillard négligé parler sur un ton de mondanité délicate : "Oui, mon cher. Je quitte pour neuf mois la cité de Calvin, le temps d'accoucher d'un cours sur Auguste Méliès. Ça s'est décidé en catastrophe." Sa barbe crénelée de puisatier assyrien donnait à ses propos une folie qu'ils n'avaient pas vraiment. "Je laisse d'ailleurs derrière moi un département en ordre de marche." "
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N°404 – Mars 2010
LE PROFESSEUR DE SCÉNARIOLuc Dellisse – Impressions nouvelles .

Ce doit être un roman autobiographique puisque le personnage principal porte le même nom que l'auteur. Comme lui il est professeur de cinéma, mais à Genève, pas à la Sorbonne (peu importe). Tout au long du récit, il nous parle (à la première personne) des problèmes d'un enseignant, de ces demi-couloirs, de l'intendance, de la photocopieuse, des crédits, des réunions, des relations avec ses collègues, des prises de pouvoir à l'intérieur du microcosme professionnel, du charme et de la beauté de ses étudiantes... Pas vraiment passionnant! le milieu universitaire est feutré et clos, comme il se doit et le décor de la ville est tranquille comme le sont généralement les cités de la Confédération Helvétique. Tout cela menace d'être ennuyeux et finit bien par l'être, sauf peut-être quand il instille une énigme policière avec un suicide présenté comme un acte de contrition pour un assassinat et peut-être une malversation perpétrés par un de ses collègues. Quand il aborde ses amours, c'est un peu plus original, pas vraiment intéressant quand même, parfois un peu érotique, mais chacun son parcours, ses conquêtes féminines, ses fantasmes!

Pour le reste c'est une succession de scènes existentielles sans grand intérêt, un itinéraire quotidien dans un univers un peu clos d'une ville suisse où l'auteur se voit nommé à cause d'une thèse sur Guitry. Il porte sur le monde qui l'entoure un regard sans complaisance comme si l'auteur voulait brouiller les pistes, égarer son lecteur au nom de la fiction, sûrement pas pour s'en moquer, mais sans doute pour créer un univers dans lequel j'ai eu beaucoup de mal à entrer. A-t-il voulu régler quelques comptes? A-t-il voulu poser des questions sur la fonction d'écrivain par rapport à celle de scénariste, sur la portée littéraire du scénario? A-t-il souhaité analyser le principe de liberté de création au regard des contraintes existantes et parfois inévitables? Si c'est le cas, cette réflexion, voire cette remise en question ne peut que nourrir efficacement sa démarche créatrice et son activité d'écrivain est sans doute complémentaire de celle d'enseignant de scénarios qui sont aussi des fictions. Voit-il, comme le dit la 4° de couverture, le scénario, non comme la seule écriture d'un film, mais comme l'art de diriger sa vie? C'est sans doute une philosophie de vie qui en vaut bien une autre et il n'a peut-être pas tort de voir ainsi « les choses de la vie », mais pourtant il m'a semblé que les références avec le cinéma sont ici plutôt ténues. Tout au long du roman, il file une sorte de métaphore, en forme de partie d'échecs en plein air, comme à contre-jour. A la fin, il en donne en quelque sorte la clé «  Mon scénario aussi était un jeu d'échecs ». C'était assurément une autobiographie, sans grande complaisance cependant puisqu'il avoue n'avoir pas donné de son héros une image « exagérément positive », fasciné par le sexe et ayant des rapports ambigus avec l'argent ce qui « jette le doute sur son honorabilité ». Il précise que « dissimuler la moindre bribe de vérité pour ne pas ternir son image équivaudrait à renoncer à écrire », ce qui est une marque de sincérité.

C'est vrai que je me suis un peu forcé pour mener ma lecture à terme, par curiosité sans doute, en me demandant si je finirai par être étonné. Il est bien parfois question de copie égarées, de portefeuille volé, mais tout cela se retrouve à la fin. Autant d'énigmes qui n'en sont pas vraiment!

Il semble que ce soit une suite, le troisième volet d'une autobiographie imaginaire ( « l'invention du scénario », « L'atelier du scénariste ») et je suis pourtant volontiers attentif à sa démarche quand il déclare « Je suis absent en chair et en os des moindres circonstances romanesques de ce livre... ainsi ai-je pu l'écrire en toute objectivité ». Je suis en effet toujours aussi curieux des relations privilégiées qui existent entre un auteur et ses personnages.

Même si j'ai eu un peu de mal à entrer dans cet univers romanesque (ce scénario?), le style et peut-être lui seul, a soutenu mon effort. le texte est bien écrit, agréablement poétique par moment, avec un certain humour, une ironie bienvenue, un sens de la formule même et agréable à lire.


© Hervé GAUTIER – Mars 2010.











Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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La littérature permet d'avoir des fantasmes et de les réaliser, en tous cas plus souvent et plus sûrement que dans la vie, pour peu que l'auteur ait des talents de conteur et du style.

Ici, dans ce roman où le narrateur et l'auteur semblent se superposer en grande partie, ce narrateur, professeur de scénario français enseignant à l'Université de Genève, assouvit le fantasme de scénarisation de sa propre vie, transformée ainsi en une succession de prophéties (presque) auto-réalisatrices.

Sur une période de seulement trois jours, le département cinéma de l'Université de Genève va être le théâtre d'un scénario incroyablement riche, qui parfois semble se plier, parfois se rebeller aux injonctions de son démiurge, avec pour ingrédients l'argent, le sexe, un complot, des petits délits et des soupçons d'assassinat, tout cela sur fond de Calvinisme, terreau des divergences culturelles franco-suisses dans le corps professoral, et face à la splendeur froide du lac Léman et des montagnes qui l'entourent.

Un moment de lecture savoureux, avec un livre qui rend hommage au pouvoir de l'imagination et de la littérature.

«Les professeurs pour la plupart sont des gamins déguisés en vieux sages», et les auteurs parfois aussi. Ce roman confirme en tous cas que Luc Dellisse est un auteur éminemment drôle et légèrement machiavélique.

« J'ai frappé à la porte marquée : Directeur du Département.
Une voix claire, métallique, a crié "Oui, Oui" et je suis entré dans le bureau de Mathieu.
Ce spécialiste de Murnau et de Pabst avait le visage ovoïde et blême de Nosferatu. Son habitude de porter des chemises noires augmentait encore l'étrangeté de sa pâleur et de son immobilité. Ses cheveux lisses et noirs, ses sourcils minces et comme épilés et surtout, l'air de jouissance avec lequel il se délectait de formules anormalement cérémonieuses, articulées dans desserrer les dents, lui donnaient un air inquiétant. »

« Aurore, la première fois que je l'ai vue, j'ai compris l'indifférence des criminels à l'égard des peines de prison. Elle était dans la cuisine, juchée sur un tabouret Ikea, elle buvait un bol de Nesquik. Mince, à peine nubile, elle paraissait mineure. Pas de beaucoup mais assez pour être intouchable. Ça ne m'empêchait pas d'avoir envie de la toucher de toutes les façons possibles. L'audace seule me manquait. »
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Je suis absent en chair et en os des moindres circonstances romanesques de ce livre... ainsi ai-je pu l'écrire en toute objectivité
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Vidéo de Luc Dellisse
Le Tombeau d'une amitié. André Gide et Pierre Louÿs - Luc Dellisse .Présentation de Luc Dellisse à propos de son essai littéraire "Le Tombeau d'une amitié. André Gide et Pierre Louÿs", publié aux Impressions Nouvelles en octobre 2013 http://www.lesimpressionsnouvelles.com/catalogue/le-tombeau-dune-amitie-andre-gide-et-pierre-louys/ réalisée le 6 novembre 2013 aux Impressions Nouvelles
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