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Citations de Lucien Rebatet (86)


La jeunesse dévalait en escadrons les escaliers des galeries pour charger la réaction du parterre. On voyait les cercleux les plus distingués, le monocle voltigeant, le plastron béant sur des poitrines velues, brandir le poing, s’apostropher : « Monsieur, vous êtes un con ! – Monsieur, vous êtes un merdeux ! » Thouzin avait enlevé d’assaut une loge ennemie, renversant le diadème d’une douairière, culbutant deux petits crevés en habit. Ses amis respiraient avec félicité tous les fumets du carnage : les pugilats des premiers temps de Pelléas étaient surpassés. Quelle vie habitait la divine musique, puisque l’on s’éborgnait pour elle avec cette fureur ! Et cette fois, Stravinski avait bien apporté tous les gages à leur appétit de grandeur.
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Alors, quand venez-vous, cher Thouzin ? – Quand il aura abjuré sa ferblanterie wagnérienne, proféra Stravinski sans sourire. – Alors, jamais ! bégaya fièrement Thouzin. De ses yeux fanatiques et vacillants il bravait à la ronde la foule, comme un héros tombé sans armes au sein d’une horde d’ennemis.
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Le garçon s’étonnait de l’indigence, chez la plupart des contemporains, de l’invention rythmique, plus ou moins dissimulée sous les pâtes molles des adagios, mais flagrante dès que les mouvements s’accéléraient. Quoi ! pas moyen, parmi tant d’« artistes », d’échapper aux maigrelettes gymnastiques en trois temps, ou aux minables formules binaires qui muaient toute manifestation de légèreté et d’allégresse en un pouf-pouf, pouf-pouf de tortillard ! On eût dit que la musique, après avoir, pendant un siècle, fait danser splendidement la mer et les flammes, tous les lutins des légendes, toute l’Espagne, tous les peuples de la steppe, n’en pouvait plus.
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Lucien Rebatet
Pourquoi devait-on considérer le quatuor des cordes comme récitant, quand son mordant le disposait si bien à des rôles rythmiques ? Mais il aurait fallu connaître toute la règle pour s’en affranchir. Pierre était bien incapable de savoir si tel empirique assemblage de cuivres et de bois approcherait de la superbe couleur qu’il rêvait, ou ne formerait pas plutôt une espèce d’emplâtre épais et gris. Et tout changeait soudain, comme un ciel de printemps orageux, dans ce domaine instable des timbres, selon qu’une tenue était à deux ou trois parties, selon les nuances, selon la rapidité des rythmes. C’était une chimie infinie. Et lui, il ne connaissait même pas l’étendue du basson. Dans de telles conditions, il ne se ridiculiserait pas par des barbouillages enfantins. Il déchirait avec rage son cahier d’esquisses.
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Lucien Rebatet
Souvent, il avait oublié les enchaînements exacts du chef-d’œuvre. Il brodait lui-même, et c’est ainsi qu’il s’était remis à composer. La musique des autres, ce fragile trésor de mémoire, s’épuisait peu à peu. La sienne s’y substituait. Une grave et sombre mélodie se gonflait dans son cœur, s’épanouissait naturellement, s’infléchissait d’une tonalité à l’autre. (« Je suis en si mineur. Que c’est beau ! ») Cela se passait le plus souvent après dix heures de la nuit, sous la vague veilleuse bleuâtre du dortoir, dans le lit étroit et moite, où il s’était refusé à la tentation dardante et doucereuse. Il n’entendait plus les ronflements assourdis des autres ; la geinte du voisin, qui s’en tapait une, s’était tue. Il se redressait, empli et soulevé par son chant, émerveillé de sa puissance. Les basses étaient là, fermes et nourries. Ce serait un chœur, dont toutes les parties se construisaient et progressaient ensemble. Il se répétait avec volupté les quinze premières mesures. Mais à la trentième, le magnifique souffle s’écourtait, Pierre glissait instinctivement à une de ces marches d’harmonie dont M. Souchon vitupérait la rondouillardise. Passer à un autre motif ? Oui, mais comment éviter le pot-pourri ? Il tâtonnait au bord de modulations instables, séduisantes, dans lesquelles il devinait son langage, la forme où s’inscrirait, se solidifierait cette étrange nébuleuse de l’inexprimé qui bouillait en lui. Mais elles étaient terriblement périlleuses, elles le laissaient tout à coup dans le vide d’un brutal et piteux silence. Le subtil accord était tombé comme une vanne sur le flot qu’il coupait net.
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Ce n’est pas un badigeon qu’on applique sur la musique, une fanfreluche qu’on lui ajuste. Il y a des idées harmoniques indissolublement liées aux timbres qui leur donneront toute leur vie.
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