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Citations de Lucien Rebatet (86)


Le Haut Commandement français, de plus en plus méthodique, conçut alors une offensive de vingt-cinq kilomètres, avec un groupe d’armées, sous les ordres du général de Castelnau. Le secteur choisi fut celui de Champagne, où l’ennemi avait sans doute édifié ses plus puissantes défenses, mais qui se prêtait à un autre thème classique et irrésistible, l’« enfoncement par le centre ». On combinerait celui-ci avec une reprise de la bataille d’Artois. L’ensemble entraînerait la libération du territoire.
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Monteverdi ne connaissait pas le chromatisme, les fameux artifices d’harmonie de Tristan. Nous entendons cependant le cri d’une passion dans son Orfeo. Mais pour pousser ce cri, Monteverdi avait découvert l’emploi de la septième de dominante. Tous les grands musiciens, tous ceux qui ont eu vraiment quelque chose à dire, pour le dire, ont créé leur langue. – C’est aussi vrai des écrivains, des poètes… – Peut-être. Mais il est plus difficile d’apporter un accord nouveau. L’oreille humaine, ce n’est jamais que l’oreille humaine, moins fine que celle d’un chat. Pourtant, les vrais musiciens doivent périodiquement déconcerter, violenter cette oreille. On a pu écrire des merveilles dans la langue de Voltaire longtemps après sa mort. On ne pouvait pas écrire des œuvres admirables, durant cent ans, dans la langue de Rameau. Ce sont les vrais créateurs, les conquérants qui subsistent. Les épigones musicaux s’effacent rapidement. De tout l’opéra mozartien après Mozart, on ne peut plus réentendre entièrement que Le Barbier de Séville.
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Que de couples, de baisers et d'étreintes ! Sous les arbres des jardins, une odeur étourdissante de belles enfants en volupté se répandait avec les ombres de la nuit. L'amour et la mort allaient de pair.
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Après avoir chèvre-chouté suffisamment pour ne pas tirer un seul coup de canon qui fût utile, manœuvré avec assez de bonheur pour faire encercler intégralement son armée, la 8e, le général Laure se trouva le 22 juin parfaitement coincé à son tour, aux environs de Gérardmer, dans la mairie de La Bresse.

“Une section allemande arrive à toute vitesse, sans perdre de monde, car les défenseurs de La Bresse ont épuisé leurs munitions. Le général Laure s’assied à sa table de travail, ses officiers autour de lui, et tous le revolver à la main, pour qu’il soit dit qu’ils ont combattu jusqu’à la fin“.

Cinq minutes plus tard, un allemand pénétrait dans la salle, et ces messieurs posaient leurs revolvers sur le bureau.

L’histoire ne dit pas toutefois s’ils étaient chargés. Une certaine expérience nous permet d’en douter, les officiers supérieurs connaissant mieux que quiconque les dangers qu’offre la manipulation des armes à feu. D’autre part, la recherche de huit ou dix chargeurs de 6 millimètres 35, vers la fin juin et dans l’armée du général Laure, devait être une entreprise absolument sans espoir.

Le général Laure, pour prix de cette mâle résistance a été augmenté en grade et en décorations, choisi comme chef suprême de la Légion des Combattants, c’est-à-dire du grand Parti de l’État Français.

Je prétends qu’une institution qui compte dans son passé Turenne, Lasalle ou Marceau, et qui ose arguer de telles pantomimes pour prouver à la face du monde qu’elle a sauvé l’honneur, je prétends que cette institution est devenue un fléau public.
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Ce furent les jours où l’on pouvait voir, dans les feuilles gasconnes et périgourdines, devenues les premières gazettes de France, des colonels d’infanterie demandant à la rubrique des objets perdus si quelqu’un n’avait point retrouvé leur C. H. R. *

* Compagnie hors rang
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Puis, satisfait de sa manœuvre, de nos rires, il s'engageait dans un monologue inouï, la mort, la guerre, les armes, les peuples, les continents, les tyrans, les nègres, les Jaunes, les intestins, le vagin, la cervelle, les Cathares, Pline l'Ancien, Jésus-Christ. La tragédie ambiante pressait son génie comme une vendange. Le cru célinien jaillissait de tous côtés. Nous étions à la source de son art. Et pour recueillir le prodige, pas un magnétophone dans cette Allemagne de malheur !
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Là sont à la fois le sabre, le goupillon, le chandelier à sept branches, le tablier en peau de cochon, la faucille, le marteau et le veau d’or, tous les emblèmes d’un monde révolu, jetés pêle-mêle sur le radeau du grand naufrage.
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« On mènera toujours les peuples avec ces deux mots : ordre et liberté ; mais l’ordre vise au despotisme et la liberté à l’anarchie. Fatigués du despotisme, les hommes crient à la liberté ; froissés par l’anarchie, ils crient à l’ordre. »
(Rivarol)
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J'avais eu besoin d'un papier que je respecterais un peu, où ma littérature prendrait un aspect moins provisoire. Je n'avais jamais fait de brouillon jusque-là que pour me mettre en train. Les dimensions prévues de mon roman me commandaient d'établir dès le premier jet un texte qui fût à peu près définitif. Toutes les conditions étaient maintenant réunies pour que je me misse sérieusement à la grande entreprise.
Un beau papier vierge m'a toujours un peu intimidé. J'hésitai quarante-huit heures devant le mien. La sagesse aurait été de retranscrire d'abord au moins les deux chapitres qui étaient presque dans leur forme, et la perfection de cette sagesse de tout reprendre au premier chapitre. Mais j'étais de plus en plus impatient d'aller de l'avant, de m'enfoncer dans mon vrai sujet après les quelques pas que je venais d'y faire.
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Si la « bouffe » restait une préoccupation un peu écœurante, ce n'était plus par nécessité, mais en manière d'exploit, pour composer des menus dont le pantagruélisme aurait paru indécent sur une table bourgeoise avant 1940, pour exhiber quelque denrée réputée introuvable.
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Les barbares hitlériens avaient épargné la mobilisation aux musiciens d'orchestre et aux chanteurs. Nous entendions les cinq grands opéras avec Clemens Krauss au pupitre, des distributions idéales — Don Juan dans un décor noir et blanc à la Manet, Les Noces de Figaro à la Hofburg,aux chandelles, avec la divine Maria Cebotari — le Directeur de théâtre dans une charmante bonbonnière de Schoenbrunn, les symphonies dirigées par furtwängler, les sonates jouées par Elly Ney.
Nous conservons au cours de notre existence une centaine d'images fortuites,qui restent gravées après de longues années avec la même vivacité, alors que nous ne gardons rien de tant d'événements historiques.
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Lucien Rebatet
Dans son journal intime, par une triste journée d’hiver, le 4 mars 1964, Lucien Rebatet a lancé sur le papier, tout à trac, une manière de credo esthétique. Sans ordre, sans logique véritable, il énumère les artistes qui, pour lui, comptèrent, comptent encore et compteront toujours. « Les aïeux : Giotto, Nicolas, Pisano, Masaccio, Donatello, Van Eyck, Piero della Francesca, Uccello, Verrocchio, Botticelli, Hugo, Rogier, Raphaël, Vinci, Michel-Ange, Bramante, Palladio, Memling, Crivelli, Antonello, Mantegna, Carpaccio, Bellini, Massys, Dürer, Cranach, Holbein, Bosch, Brueghel, Giorgione, Titien, Tintoret, Caravage, Véronèse, Villon, Rabelais, Jean de la Croix, Shakespeare, Cervantès, Greco, Zurbarán, Vélasquez, Rubens, Rembrandt, Hals, Vermeer, Monteverdi, Poussin, Le Nain, Georges de la Tour, Racine, Molière, le Pascal des Pensées, Descartes, Mansart, Newton, Leibniz, Kant, Watteau, Gabriel, Bach, Voltaire, Saint-Simon. Tous ces sommets dans le cycle révolu de « l’ancien régime », ayant souvent presque tout préfiguré, les peintres1 notamment, plus libres, plus proches des sources profondes. Le reste : talents, amplifications, répliques. Les précurseurs : Mozart, Laclos, Beethoven, Weber, Hölderlin, Hoffmann, Schubert, Berlioz, Delacroix, Nerval, Goya. L’apogée : Stendhal, Balzac, Schumann, Chopin, Ingres, Daumier, Corot, Courbet, Baudelaire, Verdi, Wagner, Manet, Monet, Renoir, Degas, Lautrec, Cézanne, Van Gogh, Bizet, Dostoïevski, Rimbaud, Nietzsche, Mallarmé (bien que fragmentaire déjà décadent), Debussy (idem). Les successeurs encore féconds : Richard Strauss, Valéry, Ravel, Proust, Gide, Stravinski (ambassadeur d’une barbarie splendide, mais anéantie en 1917 et à laquelle il survit depuis), Thomas Mann (bien qu’il ne soit pas parvenu comme tous les Allemands, à l’âge du pur romanesque), Schönberg, Alban Berg. Chez tous, sauf Proust (que l’on pourrait placer dans l’apogée) et Strauss qui n’est pas neuf mais d’une fécondité superbe, l’originalité créatrice n’a plus la force du XIXe. Ils vivent de reflets, de glose, de préciosités (un des contemporains les plus doués, Montherlant, ne s’élève pas au-dessus du grand artisanat, aussi je ne le cite pas dans la « grande liste »).
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Une providentielle camionnette de boulanger avait porté les garçons jusqu'au village.Ils s'exclamaient à chaque tournant.ils connaissaient surtout les Alpes dauphinoises,farouches et dénudées.La Tarentaise atteignait à la grandeur en restant charmante.Ils étaient encore dans de douces prairies semées de peupliers et de saules,et déjà les glaciers se dressaient devant eux.A l'écart des grands circuits de tourisme,cette vallée, avec ses moulins de bois sur le torrent bleu et sa couronne de calmes sapins,respirait une paix dont on croyait le secret perdu pour l'Occident.Dans cette idylle limpide,chaque clochette de troupeau innocentait Jean Jacques.La plupart des paysannes portaient encore la coiffe,avec le galon doré,en croissant,serrant la tête,la "frontière".
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Ce ne sont pas les philosophes qui me l'ont appris, mais beaucoup plus certains peintres, un Rembrandt, un Vermeer, un Cézanne, par les victoires mentales que chacun de leur chef d'oeuvre suppose. Puisque nous sommes des hommes, aspirons au sublime non point par des sauts dans un vague [...] d'idées, mais dans ce que notre vie a de plus précisément, de plus platement et implacablement humain, pour chaque parcelle de temps qui la compose. C'est notre nature même qui nous conseille pour cette tâche et nous la facilité. Nous pouvons tous dépasser l'étiage de ce qui forme notre vie moyenne, avec ses concessions, ses capitulations, ses paresses, ses gaspillages, des caprices du physique, les contingences, l'argent, le climat, le prestige, la faim, le sexe. Nous avons tous des aspirations à satisfaire. Il faut les connaître d'abord, et pour cela les observer, les toucher, les accepter, même si elles nous effraient, puis tout leur abandonner.
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la dignité virile, grands pas fiers, lueur dans le regard.
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Il était entendu qu'il n'y aurait pour eux d'amours dignes de ce nom que celles où l'embrasement des coeurs s'allieraient aux feux charnels.
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Les cigarettes coûtaient dix-huit sous, les meilleurs auteurs quatre francs le volume. Les cours de droit étaient terminés à onze heures du matin. Parmi tant de loisirs et de richesses, il était certainement aisé de se créer un autre vie, la seule qui comptât : Hoffmann avait bien été magistrat au temps de ses plus romantiques gueuseries.
Le droit, malheureusement, était fort vite apparu au nouveau Lyonnais non moins fastidieux et arbitraire que l'algèbre, qui avait été un de ses cauchemars. "Pour faire le droit, il faut d'abord gagner des guerres, réussir des coups d'Etat. Le droit naît d'un banditisme supérieur. Il est d'ailleurs fort naturel qu'il en soit ainsi. Mais pourquoi n'en parle-t-on jamais? Au contraire : cette déification du droit in se! Encore des curés! J'aimais presque mieux les vrais." Il n'éprouvait aucun désir d'aller plus loin dans ses conception juridiques. Il pressentait qu'elles seraient certainement beaucoup trop courtes pour le conduire jusqu'au Conseil d'Etat. "Le droit est utile dans la vie, et d'abord pour la gagner."
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Voilà, il y a le bien, le mal, la liberté, la finalité, la justice, la souffrance, les philosophies, les dogmes, les monothéistes, les panthéistes, les fidéistes, les positivistes, les pragmatistes, la révélation, le seul Dieu en trois personnes, l'inerrance de l'Ecriture et les deux cent cinquante mille variantes du Nouveau Testament; il y a les nestoriens, les gnostiques, les
montanistes, le Zend-Avesta, le Mithra et l'Indra de Zoroastre, Aristote, Pythagore, Tertullien, Luther, les Védas, le Phédon, la christologie pneumatique, la Critique de la Raison pure, la Volonté de Puissance, toutes les inconnues de l'esprit, de l'univers, de la mort, de l'infini, de Dieu. Mais il faut qu'il y ait d'abord le problème de ma queue. C'est lui qui urge. C'est lui qui passe avant tout autre. Tout le reste en dépend.
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L'autre, l'homme à l'habit vert, le bourgeois riche, avec sa torve gueule de faux Greco, ses décoctions de Paul Bourget macérées dans le foutre rance et l'eau bénite, ces oscillations entre l'eucharistie et le bordel à pédérastes qui forment l'unique drame de sa prose aussi bien que sa conscience, est l'un des plus obscènes coquins qui aient poussé dans les fumiers chrétiens de notre époque. Il est étonnant que l'on n'ait même pas encore su lui intimer le silence. C'était bien le moindre des châtiments pour un pareil salaud.
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Ce sont les états-majors intacts, aux mille képis, les serins du S.R. qui ont tablé sur six mois de résistance serbe, un an de résistance grecque, trois ans de résistance javanaise, et, quand les Allemands et les japonais se seraient rejoints sur l’Oural et l’Himalaya, quand le Mikado siégerait à Washington et Hitler à Londres, s’écrieraient joyeusement : “Ils sont foutus, on ne tient pas des fronts pareils”, et s’élanceraient, rêve tant caressé, pour aller déborder l’aile gauche du nazisme entre Bourges et Nevers, avec deux obus par canon.
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