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Citations de Lucien Rebatet (86)


L’Action Française traînait derrière elle, comme un pilier de tripot, un faix de dettes toujours grossissant, elle se faisait escroquer avec une naïveté de vieille rentière bigote. Son extravagant budget alimentait à longueur d’année la verve furibonde et superbement soldatesque de deux ou trois lucides et truculents vétérans de ce bobinard, selon leur mot favori, tous du reste d’une fidélité que rien ne pouvait ébranler. L’un d’eux disait de Pujo : "Il dort vingt heures sur vingt-quatre, et il lui faut quatre heures pour se réveiller".
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— Oui, Plotin le dit à merveille : « Les âmes particulières sont nées de l’Âme première. »

— Et c’est parce que l’homme est de Dieu, que c’est à Dieu qu’il aspire. Il recherche d’abord la connaissance de Dieu. C’est ton état présent, qui est plein de noblesse, qui exige tant de concentration, de courage et de persévérance. Tu vis le désir de Dieu, comme dit Ruysbroeck. On peut avoir, par des mécanismes mentaux ou sentimentaux, l’illusion de connaître Dieu. Mais aucune de nos facultés mortelles ne suffit à cette connaissance : on ne peut y parvenir réellement que par l’amour. C’est sur l’amour que nous serons jugés au jour de notre mort. Il n’y a pas de plus haut but aux puissances de l’âme humaine que l’amour de Dieu. C’est par lui et par lui seul que l’âme enfin rencontre Dieu, qu’elle franchit les espaces vertigineux qui la séparent du Créateur. En Dieu, l’âme possède la vision simultanée de Dieu et de toutes choses de l’univers dans leur unité avec Lui. C’est là, là enfin, que l’âme trouve cet équilibre après quoi elle court. C’est le dernier cercle de l’ordre chrétien. Et crois-moi, pour qui l’a seulement aperçu, tout le reste n’est plus qu’anarchie et incohérence.

— C’est admirable… Mais n’est-ce pas une rêverie surhumaine ?

— Oui, dans la vie mortelle, nous ne pouvons que tendre à cette fusion et cette contemplation divines. Mais y tendre sans cesse, tout est là ; et peut-on avoir d’autre idéal ? L’appel de Dieu infini est semblable à l’appel de l’abîme. Mais celui qui sait y répondre sans frayeur, il atteindra à la mort absolue de son moi en Dieu. C’est bien là l’épanouissement suprême de notre substance éternelle, son extraction parfaite de notre gangue humaine. Nous entrons dans l’incommunicable. Seuls ceux qui ont obéi à cet appel peuvent le décrire et probablement ne peuvent-ils être compris que de ceux qui y ont obéi aussi. Nous sommes aux frontières de l’au-delà, et dans l’au-delà seul peut se réaliser sans doute la mort entière en Dieu. Mais aux plus purs, aux plus saints, qui font de cette mort leur but constant, qui sait si Dieu ne réserve pas d’y atteindre avant même leur mort physique, s’il ne leur dispense pas dès ce monde la conscience infinie de l’être qui a dépouillé sa nature passagère pour renaître dans l’essence de Dieu, dont il a été formé, qui est sa propre essence ?
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Pas encore reçu les livres de votre dernier envoi. Ma dernière lecture : La Peste de Camus, que je suis en train d'achever. Je ne saurais vous exprimer à quel point je trouve ça pauvre, blafard, manqué, plat, artificiel. Ceci dit en me référant à ce que l'auteur a voulu. Avais lu plusieurs papiers très louangeurs sur le bouquin, entre autres de Th. Maulnier. Encore une fois suis en désaccord complet avec ces polichinelles de la critique. La Peste est tout vulgairement une médiocre allégorie, dont la volontaire « objectivité » aboutit au néo-pompiérisme le plus froid. On écrivait des choses de ce goût aux environs de 1795, entre Robespierre et Napoléon ! Je n'ai rien lu, cette année, d'aussi emmerdant et agaçant (par l'effort qu'on y sent continuellement). Inutile de vous dire que mon jugement n'est ni politique ni moral, mais artistique. Depuis Le Mythe de Sisyphe, ce pauvre Camus n'a vraiment pas fait de progrès dans l'expression de ses idées ! Et c'est la 35e édition ! Merde ! Je me sens un génie quand je lis des trucs comme ça. (8 octobre 1947)
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Je crois vous avoir déjà dit quelques mots de mes dernières lectures des Temps Modernes. Je suis de plus en plus convaincu qu'il y a quelque chose de très valable dans l'existentialisme, que Sartre est un bon psychologue. En un mot, je crois que la philosophie de la seconde partie de ce siècle sera fortement colorée d'existentialisme. Les positions rationalistes ou bergsoniennes devant le christianisme étaient de plus en plus faibles, sapées par « l'ennemi ». L'existentialisme rajeunit l'athéisme en le réaffirmant à la fois contre les chrétiens, les rationalistes et les bergsoniens. Il s'agirait, pour moi, d'accorder un certain existentialisme non plus avec l'athéisme total, mais avec l'agnosticisme. Ceci dit, rien ne m'irrite plus que les coq-à-l'âne grossiers sur lesquels on tombe tout à coup chez Sartre et sa bande, sous couvert de dialectique, en particulier dès qu'ils prétendent insérer dans leur système leur morale de liberté. Je ne vais pas plus loin. Je n'ai pas le temps de disputer de tout ça par écrit. (20 mai 1947)
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En passant, une petite réflexion sur les surromans, les romans « investis d'une signification qui transcende l'intrigue » de l'école Sartre. Fort bien. Seulement, ces gens-là ont un peu trop beau jeu. Techniciens de la philosophie, ils nous envoient d'abord dans les gencives un énorme bouquin de phénoménologie, ontologie, etc. Puis ils pondent un roman où nous sommes invités à découvrir une signification existentialiste dans chaque pet ou branlette des héros. Je veux bien, ça se justifie (le talent justifie tout et Sartre en a beaucoup). Mais qu'on ne nous dise pas que c'est une solution au roman à thèse. Les existentialistes font simplement des romans à thèse en deux temps : 1° la thèse, et combien copieuse ; 2° l'illustration de la thèse. Ça ne remplace ni Stendhal ni Dostoïevsky, ni une quantité de bien plus petits seigneurs. (8 avril 1946)
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Céline, notre grand Céline, vient d’écrire un livre qui apparaîtra deux ans après d’un sublime bon sens, L’École des Cadavres, sa plus magnifique prophétie, plus vaste encore que ses fameuses Bagatelles. Tout ? est dit et prédit. Ferdinand envoie au bain Maurras, « lycéen enragé », « Maurras, vous êtes avec les Juifs, en dépit de vos apparences ». Il vitupère l’Union Nationale, « astuce admirable, apothéose fossoyante », la féroce Angleterre : « L’ennemi est au Nord ! Ce n’est pas Berlin ! C’est Londres ! La Cité ! Les Casemates tout en or ! La Banque d’Angleterre avec ses laquais framboise, voilà l’ennemi héréditaire. »

« Moi, s’écrie-t-il, je veux qu’on fasse une alliance avec l’Allemagne et tout de suite, et pas une petite alliance, précaire, pour rire, fragile, palliative ! quelque pis-aller !… Une vraie alliance, solide, colossale, à chaux et à sable… Je trouve que sans cette alliance, on est rétamés, on est morts, que c’est la seule solution. On est tous les deux des peuples pauvres, mal dotés en matières premières, riches qu’en courage batailleur. Séparés, hostiles, on ne fait que s’assassiner. Séparés, hostiles, côte à côte, on sera toujours misérables, toujours les esclaves des bourriques, des provocateurs maçons, les soldats des Juifs, les bestiaux des Juifs. Ensemble, on commandera l’Europe. Ça vaut bien la peine qu’on essaie. »

Nous admirons fort la magnifique épigraphe : « Dieu est en réparation. » Mais devant tout le reste, les céliniens fervents de Je Suis Partout se voilent la face ou haussent les épaules. Ferdinand exagère. Il devient le monomane de l’injure. C’est décidément un anarcho.
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Il doit donc être avec rigueur anti-oligarchique, anti-juif, anti-parlementaire, anti-maçonnique, anti-clérical.
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Ces Russes mourant pour la faucille et le marteau étaient bien des barbares dignes du seul knout. Nous avions adopté sans examen la thèse hitlérienne d'une ruée imminente, en juin, des hordes rouges sur l'Occident, heureusement déjouée par l'attaque de la Wehrmacht. Nous ne songions même pas à nous étonner qu'une vaste armée, même soviétique, prête pour l'invasion, eût subi dès les premiers jours, sous un choc en somme préventif,de si cuisants revers.
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Lucien Rebatet
On te vante le génie de Pouchkine et de Lermontov. Cependant tu ne peux les connaître que par de sèches et plates transpositions, mais que s’élève une chanson caucasienne, dix notes de Borodine ou de Stravinski, et te voilà communiant avec toutes les Russies.
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Lucien Rebatet
Les mots ne sont jamais aussi directs que la représentation plastique, ils ne sont jamais aussi impondérables que la musique. Le temps et l’espace leur font subir les plus graves altérations. Le Quattrocento italien est un des âges humains les plus saturés de poésie. Aussi fraîche et vivace qu’à son premier jour, elle enchante mille tableaux de Toscane et d’Ombrie, devant qui l’univers entier a défilé en pèlerinage. C’est la poésie d’Angelico, la poésie de Botticelli. Quant aux humanistes pétrarquisants, ceux qui faisaient profession de poésie à Florence, leurs noms subsistent tout au plus dans les fichiers de quelques vieux rats d’archives. De Titien et de l’Arétin, quel est celui que nous lisons et qui nous émerveille toujours ? Quels sont les poètes nationaux de la Flandre et de la Hollande, sinon Rubens, Rembrandt et Vermeer ? (Qui me citera, hors de Hollande, un vers d’un poète hollandais ?) N’importe qui sait que Watteau est le plus grand poète de notre XVIIIe siècle, les autres poètes étant Chardin, Fragonard, et même Boucher. Quel est le poète du paganisme nouveau que l’on puisse comparer à Renoir ?
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Lucien Rebatet
La création de L’Opéra d’Aran indique bien à quel niveau de décadence est tombée la vie musicale à Paris […]. Il y avait à peu près autant de chances d’intéresser des mélomanes à cette lignée bien proprette de ponts-neufs que des lecteurs d’Abellio, de Vialatte, de Céline à la production romanesque de la Bibliothèque rose […]. Il ne nous reste plus maintenant qu’à monter Le Crépuscule des dieux avec M. Aznavour en Siegfried et Mme Piaf en Brünnhilde.
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– S’esbigner, pendant que les camarades vont se faire tuer, c’est assez répugnant. Pourtant, ce serait la voie droite : continuer la lutte là où elle sera encore possible. Mais quelle lutte ? Dans quel but ? Pour condamner sans relâche cette guerre abjecte, alors que l’on n’a pas su l’éviter ? Une satisfaction morale, c’est tout. Au milieu du mépris universel : l’homme qui a fui le danger. Descendre dans la rue, insulter leurs drapeaux, leurs clairons ? Je ne suis pas assez brave. S’il fallait simplement être fusillé, je me collerais au mur, je leur dirais : « Allez-y. » Mais j’ai peur de cette foule que son poids rend certainement féroce, j’ai peur d’être écharpé, des coups de talons dans la figure, d’avoir les yeux crevés à coups de pointes d’ombrelles. Revolvériser Poincaré ou Viviani ? Il aurait fallu préparer ça de longue date, et ça ne servirait plus à rien maintenant. Guillaume et sa clique militaire me dégoûtent par-dessus tout. Accepter de se battre pour détruire ces bêtes féroces ? Mais c’est se battre aussi pour sauver le radicalisme français et les mercantis de Londres !
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Avec tout ce que Sandy m’a raconté sur Hegel et sur Bergson, j’aurais très bien pu passer le bachot de philo. Mais m’envoyer huit semaines de trigonométrie et de chimie organique, c’est trop, et je n’ai plus le temps. Je risquerais de claquer d’une symphonie rentrée !
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Les souvenirs des limonaires de manèges, des trombones des cours, des vieux orgues de Barbarie doux et poussifs, voilà comment ils auraient pu se décanter, se lier, ce qu’ils auraient fait vivre : la mélancolie et la verdeur citadines propres à tous les grands faubourgs du monde.
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Ils finissent par être injustes et maladroits avec Beethoven lui-même. À force de souligner chez lui toutes les symétries, ils nous rappellent qu’elles sont un peu soûlantes, et d’un procédé somme toute assez lourd. La sève de la Première Symphonie, toute cette puissance encore comprimée qui fait craquer la forme du XVIIIe siècle, cela leur échappe, « parce qu’il n’y a pas de particularités de construction à y signaler », parce qu’il est entendu que le vrai Beethoven ne commence qu’avec l’Héroïque. Ils n’ont pas l’air de soupçonner que le génie de Beethoven est dans tout ce qu’il a écrit, que ses sonates, où il était plus libre, sont toujours en avance sur les symphonies, d’une bien autre richesse harmonique et rythmique. Ils négligent presque la Septième parce qu’elle est d’une structure relativement simple. Ils font de la complexité en soi un critérium, ce qui conduit à placer Les Noces de Figaro tout au bas de l’échelle ! Je crois d’ailleurs que c’est leur avis. Ils tirent leurs gibus à Wagner, c’est la moindre des politesses, avec tout ce qu’ils lui empruntent dans leurs fabrications. Mais sur la révolution qu’a été le chromatisme de Tristan, ils sont plus que discrets. C’est qu’il faudrait reconnaître qu’on a pu tout de même écrire un chef-d’œuvre dont les assises tonales ont été plutôt chahutées !
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(Busnois XV°) Nous entrons avec lui dans la mythologie dont les musiciens s'occupaient peu jusque là, dans le pédantisme de l'Antiquité comme ce motet consacré aux théories musicales de Pythagore avec force citations de mots grecs.

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Il remplace le cantus firmus par un thème qu'il invente et donne a la basse - le contre-ténor - autant de libertés qu'au deux autres parties.
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Pas assez de spirituel, trop de temporal, et du temporel qui tourne parfois à la politicaille. Oh ! Il m'arrive devant certains cures de me sentir catholique éructant et rugissant, à la Léon Bloy.
(mIchel)
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Michel avait apporté pour cette nuit-là tout un chapelet de notes sur l'exercice de la grandeur dans la vie quotidienne [...] la lutte doit être continue. Même dans les accalmies, le guerrier ne doit jamais se relâcher. C'est un combat à mener heure par heure, où il n'est jamais de circonstances trop petites, trop mesquines, trop banales pour qu'on les néglige [...]
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Loi majeure de la tâche : la grandeur par les petits efforts.
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Michel montait la garde de son amour [...] il s'interrogeait : comment aimait-il Anne-Marie dans ce misérable matin ?
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