Lucy Vincent

... compte tenu de son fonctionnement et de son degré d'implication dans ce "Nous" qu'il construit au moyen d'innombrables échanges verbaux ne peut pas ressembler tout à fait à l'entente qui règne entre de très bons amis.

Si l'amour chez l'humain dépasse la fonction reproductive et les mécanismes sociosexuels d'attachement identifiés chez les animaux, les moyens de dépassement qui font de 'amour ce quelque chose de spécifiquement humain sont très probablement à chercher du côté des attributs de la parole.

... beaucoup d'histoire d'amour commencent directement en phase 2, particulièrement chez les personnes qui ne sont plus en âge de se reproduire et qui sont donc moins sensibles aux indices chimiques. L'art et la manière d'accommoder son cerveau à l'autre sont une discipline d'avenir !

Ces résultats qui montrent que la personnalité et l'humeur interviennent dans la programmation du "point de vue" d'un individu expliquent donc que le type de personnalité d'un individu le rende plus ou moins apte à réussir son histoire d'amour à long terme. Ce n'est pas une question de vertu, mais de surexpression de quelques canaux ioniques ou récepteurs aux neurotransmetteurs !

On a observé dans le cortex cingulaire que l'humeur facilite ou inhibe les messages et, donc, le niveau de contrôle exécutif que l'on exerce.

Le type de personnalité a une incidence sur 'activité de base du cerveau avant même que celui-ci ne s'applique  la moindre tâche intellectuelle.Les personnes extraverties ont ainsi des modes caractéristiques d'activité cérébrale au repos qui les différencient de personnes ayant obtenu des scores très bas aux mêmes test d'extraversion.

A partir de ces données, on conçoit que passer des heures à réfléchir à tous es aspects positifs de son partenaire puisse améliorer l'opinion qu'on a de lui. Cependant, pour obtenir ce changement de point de vue, on n'est pas toujours obligé de faire des efforts de concentration mentale : la personnalité et l'humeur aussi sont capables de modifier l'activité du cerveau.

La conception "modulaire" du cerveau semble impliquer qu'on puisse jouer sur la participation de chaque module dans le résultat final : il suffirait de trouver les clés d'entrée de chaque module pour reprogrammer le cerveau de mille façons.

... il paraît peu probable que la formation d'un couple résulte d'une série de prises de conscience volontaire, chez les deux partenaires, de l'utilité de l'autre dans sa vie. Il paraît plus vraisemblable que notre appréciation croissante du partenaire résulte d'une modification plus globale et inconsciente de notre façon de traiter les informations le concernant. Ouf, me direz-vous...

Donnant, donnantDans un couple qui marche, on constate les bénéfices induits par la présence de l'autre et ce sont ces bénéfices qui déterminent l'importance des défauts que l'on est prêt consciemment ou inconsciemment, à accepter. Si ses défauts n'ont pas, pour nous, la même importance chez notre partenaire que chez quelqu'un de moins intime, c'est parce que nous savons (nous avons une connaissance implicite) qu'ils s'accompagnent de certains avantages. C'est un marché, mais un marché dont le calcul se fait dans notre propre cerveau et qui tient compte de tous les éléments en présence - informations, idéaux, personnalité, histoire, humeur, etc.

... les satisfaction des époux dépend plus de ce que voit le cerveau que de ce que voient les yeux." Sous-entendu : le cerveau ne fait pas un simple travail d'enregistrement des données qu'il reçoit, mais les interprète comme un chef d'orchestre, "à sa façon".

... on constate de façon certaine que la perception des époux est réellement différente chaque fois de celle de l'ami !

Un autre type de travail montre effectivement que le sentiment d'amour ne dépend ni des efforts que ferait le partenaire pour se conformer à notre idée d'un(e) époux(se) modèle, ni de dons de communication exceptionnels qui seraient partagés des deux côtés. Pour comprendre les raisons de l'amour ou du désamour, il faut se tourner vers soi-même, car ces phénomènes dépendent en premier lieu de ce qui se passe dans notre propre tête.

On veut bien améliorer la qualité et la durée de l'amour par des moyens intellectuels, mais il y a des limites, et on tient à ce noyau intouchable et "mystérieux" qui oeuvre dans le sens d'une entente s'installant sans effort, comme si on était prédestiné l'un à l'autre. D'ailleurs, même dans la deuxième phase, les couples qui fonctionnent bien n'ont pas l'impression de devoir travailler à ce processus.

Cela paraît évident : quand on trouve que son partenaire est formidable, tous les détails de la vie quotidienne sont mis de côté, mais quand cette clé magique est absente, n'importe quelle broutille devient source d'agacement. Pendant la première phase, "l'amour des illusions", on ne s'en soucie pas, tout se fait automatiquement, mais, par la suite, la différenciation entre les couples qui durent et ceux qui ne durent pas va se jouer essentiellement sur l'installation, ou non, de cette appréciation réciproque.

L'ensemble [des nombreux changements sociétaux] implique que notre corps de chasseur-cueilleur doit fonctionner dans un milieu qui lui est étranger, comme un poisson qu'on aurait sorti de l'eau et mis à nager dans du Coca-Cola (ou pire...).

La neurobiologie joue toujours un rôle ans cette deuxième phase. Les caresses, les longues conversations, les baisers, les massages et l'acte d'amour stimulent la libération d'ocytocine qui est responsable du sentiment de bien-être que l'on ressent près de son partenaire. La physiologie du couple continue par conséquent d'être une physiologie particulière de fonctionnement à deux : elle définit un état qui distingue "un couple" de deux personnes vivant simplement ensemble.

... l'amour entre deux personnes bien assorties peut durer toute une vie, mais il y aura obligatoirement remise en question(s) entre la phase automatique qui ne nécessite aucun effort et la deuxième phase qui demande, elle, un regard averti et de nombreux  compromis pour être un succès.

L'amour programmé dure environ trois ans : un phénomène physique qui ne doit rien à la volonté ou aux qualités des partenaires, mais tout à la physico-chimie des hormones, de leurs récepteurs et du génome humain.

... on ne décide pas de changer de comportement quand on est amoureux, ni de mettre de côté ses ambitions personnelles ou d'ignorer tout ce qui ne nous plaît pas chez l'autre. Ces modifications de comportement et de jugement résultent de l'action des hormones et des neurotransmetteurs qui bousculent les circuits dans plusieurs zones du cerveau et permettent l'exécution de ce programme stratégique, inscrit dans nos gènes, que l'on nomme l"amour.