Citations de Luigi Pirandello (288)
Tu apprendras à tes dépens que le long de ton chemin, tu rencontreras chaque jour des millions de masques et très peu de visages.
Si l'on pouvait prévoir tout le mal qui peut naître du bien que nous croyons faire !
La nature se sert comme outil de l'imagination humaine pour continuer, sur un plan plus élevé, son œuvre de création.
LE PÈRE : Nous avons tous en nous un monde de choses ; chacun d'entre nous un monde de choses qui lui est propre ! Et comment pouvons-nous nous comprendre, monsieur, si je donne aux mots que je prononce le sens et la valeur de ces choses telles qu'elles sont en moi ; alors que celui qui les écoute les prend inévitablement dans le sens et avec la valeur qu'ils ont pour lui, le sens et la valeur de ce monde qu'il a en lui ? On croit se comprendre ; on ne se comprend jamais !
Sans le vouloir, sans le savoir, dans le tumulte de leur âme surexcitée, chacun [des personnages] exprime comme siens la vivante passion et le tourment qui, pendant tant d'années, ont été les affres de mon esprit : le leurre de la compréhension réciproque irrémédiablement fondé sur la vide abstraction des mots ; la multiple personnalité de chacun selon toutes les possibilités d'être qu'il y a en chacun de nous.
Nous avons besoin de rendre toujours quelqu'un responsable de nos peines et de nos malheurs.
Si l'on pouvait prévoir tout le mal qui peut naître du bien que nous croyons faire!
« On croit se comprendre ; on ne se comprend jamais. »
"Maudit soit Copernic !"
- Voyez-vous ça... Mais que vient faire Copernic là-dedans ? s'écrie don Eligio, en se dressant le visage en feu sous son grand chapeau de paille.
- Il a sa responsabilité, don Eligio. C'est que, au temps où la Terre ne tournait pas...
- Saperlipopette, elle a toujours tourné !
- Ce n'est pas vrai ! L'homme l'ignorait, c'était donc comme si elle ne tournait pas. Au surplus, pour quantité de gens, aujourd'hui encore, elle ne tourne pas. L'autre jour, je l'ai dit à un de nos vieux paysans, et savez-vous ce qu'il m'a répondu ? Que c'était une bonne excuse pour les ivrognes.
Je pense que le quiproquo, c'est d'abord la vie même qui en est un, et le plus compliqué de tous.
LE PÈRE : Le drame pour moi est là tout entier, monsieur : dans cette conscience que j'ai que chacun de nous — voyez-vous — se croit " un seul ", alors que c'est faux : il est " cent ", monsieur, il est " mille ", selon toutes les possibilités d'être qui sont en nous : il est " un seul " avec celui-ci, " un seul " avec celui-là — et ces " un seul " différents au possible ! Et cela, en même temps, avec l'illusion d'être toujours " un seul pour tout le monde ", et toujours " cet un seul " que nous croyons être dans nos actes. C'est faux ! c'est faux ! Nous nous en apercevons bien, lorsque, dans l'un de nos actes, nous nous retrouvons soudain, par un hasard des plus malheureux, comme accrochés et suspendus : nous nous apercevons, veux-je dire, que nous ne sommes pas entiers dans cet acte, et que ce serait donc une atroce injustice que de nous juger d'après ce seul acte et de nous maintenir accrochés et suspendus au pilori pendant une existence entière, comme si celle-ci se résumait tout entière dans cet acte !
La solitude n'est jamais avec vous ; elle existe toujours sans vous et n'est possible qu'en présence d'un étranger. Peu importe le lieu ou la personne, pourvu qu'ils vous ignorent totalement, que vous les ignorez totalement, afin que votre volonté et vos sentiments demeurent en suspens, se dissolvent dans une incertitude anxieuse, et que, votre personnalité cessant de s'affirmer, vous perdiez la conscience de vous-même.
Il n'est de solitude véritable que dans un lieu animé d'une vie propre, où aucun chemin ne s'ouvre devant vous, où aucune voix ne résonne, et où, par conséquent, l'étranger, c'est vous.
Pour vous, que signifie être seul?
Demeurer en compagnie de vous-même, sans une présence étrangère?
Belle solitude, en vérité!...
LA BELLE-FILLE : Mais c'est la vérité !
LE DIRECTEUR : Je vous en prie, fichez-moi la paix avec votre vérité ! Ici, nous sommes au théâtre ! La vérité, oui, mais jusqu'à un certain point !
Oh, monsieur, vous savez bien que la vie est pleine d'innombrables absurdités qui poussent l'impudence jusqu'à n'avoir même pas besoin de paraître vraisemblables : parce qu'elles sont vraies.
LE PÈRE : Il se moque de moi, monsieur, à cause de cette phrase que j'ai trouvée pour m'excuser.
LE FILS : Les phrases !
LE PÈRE : Les phrases ! Oui, les phrases ! Comme si devant un fait inexplicable, devant un mal qui nous ronge, ce n'était pas un réconfort pour tout le monde que de tomber sur un mot qui ne veut rien dire mais où l'on trouve l'apaisement !
-Pourquoi me regardes-tu ainsi ?
Et personne ne songe que chacun de nous devrait toujours avoir ce regard, qu’emplit l’effroi de sa propre solitude sans issue.)
LE PÈRE : Eh oui ! Chacun d'entre nous, monsieur — extérieurement, devant les autres —, se drape dans sa dignité : mais, dès qu'il est seul avec lui-même, il sait bien tout ce qui, au-dedans de lui, se passe d'inavouable.
LE DIRECTEUR : Que voulez-vous que j'y fasse si de France il ne nous arrive plus une seule bonne pièce et si nous en sommes à monter des pièces de Pirandello — rudement calé celui qui y comprend quelque chose ! — et qui sont fabriquées tout exprès pour que ni les acteurs, ni les critiques, ni le public n'en soient jamais contents ?
- Rome aussi, morte? m'écriai-je consterné.
- Depuis bien longtemps, monsieur Meis! Et, croyez-moi, tout effort pour la faire revivre est vain. Enfermée dans le rêve de son passé grandiose, elle ne veut plus entendre parler de cette vie mesquine qui s'obstine à fourmiller autour d'elle. Quand une ville a eu une vie comme celle de Rome, avec des caractères si nets et si particuliers, elle ne peut devenir une ville moderne, c'est-à-dire une ville comme une autre. Rome gît là, avec son coeur brisé, sur les flancs du Capitole. [...]