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Citations de Magyd Cherfi (165)


Magyd Cherfi
Et puis non, marre de jouer les pompiers, les sauveurs, les éducateurs, les moralistes, les redresseurs de rien d'ailleurs. Ici tout est lourd à gérer, ma rue pèse mille ans de bagarre de pauvres. Je me dis laissons ça aux potes, à Samir, aux militants qui me reprochent de vouloir fuir. Qu'ils y viennent, vivre au milieu des névroses, ici on les empile et moi-même je fourgue, je balance en packs de douze, c'est ma journée promo : qui qu'en veut du schizophrène, tiens j'ai de l'aliéné de saison, je te fais trois crises identitaires pour le prix d'une, tiens prends-moi dix échecs scolaires et je te rajoute une déprime importée Maghreb...
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De ma banlieue nord hachés menus par une société qui a rêvé d’un « vivre ensemble » sans en payer le prix. Je raconte une fêlure identitaire, un rendez vous manqué. C’était l’année 1981, la gauche arrivait au pouvoir la besace pleine de l’amour des hommes et les premiers Beurs accédaient au bac. Le bac, une anecdote pour les Blancs, un exploit pour l’indigène. Tout était réuni pour cette égalité des droits tant chérie.
La promesse d’une fraternité vraie semblait frémir.Pourtant la rencontre de la France et de sa banlieue n’a pas eu lieu, elle n’a toujours pas vu la lumière car l’exception française persiste, celle d’être français et de devoir le devenir…”
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Elle nous dirait plus tard, dans son lit d'hôpital, qu'ils s'étaient jetés sur elle pour la simple raison qu'elle lisait un livre. Père et frère d'une seule main l'avaient déchiquetée pour un bouquin. Ils l'avaient avertie maintes fois qu'ils ne voulaient plus la voir lire (...)
Elle s'était dit : "Je vais m'en passer" et se contentait de quelques heures en notre compagnie pour lire. Puis un jour de malheur je lui avais parlé d'un livre démoniaque de Zweig, -Vingt-quatre heures de la vie d'une femme-, qui raconte l'histoire d'une bourgeoise à qui rien ne manque et qui abandonne tout pour vivre l'amour qu'elle croit vrai et le temps de vingt-quatre heures, elle finit par tout perdre.
Mon récit l'avait envoûtée et elle n'avait pu résister davantage. Ensuite ils l'ont surprise l'objet entre les mains (...)
Après avoir raconté ça, elle a ri en disant : "Quand ils m'ont attrapée j'avais fini le livre alors je pouvais mourir."
J'ai maudit cette illusion de croire qu'un livre vous sauve, un livre quartier nord ça vous écourte le passage sur terre. (p. 46-47)
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Je me remémorais nos années d’ados qui nous avaient vus tous les deux privés de foot et de jeux avec les copains, interdits de bon temps et d’aventures de cape et d’épée, sauf que moi j’avais trouvé un véhicule qui m’emmenait beaucoup plus loin que le terrain de foot : l’écriture. Lui s’ennuyait et rongeait son frein avec des envies de vengeance quand je rêvais d’en découdre avec les mots. Des mots qu’il n’avait pas. Il n’avait que l’élasticité de son corps pour s’exprimer, un corps allumé par une âme rancunière. Méchante mixture.
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Je me suis cru tiraillé, schizophrène et bancal, je ne l'étais pas plus que d'autres, sauf qu'habité par deux histoires qui se faisaient la guerre, deux familles hostiles, deux langues irrémédiablement opposées, me suis plu à être la victime expiatoire
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Donc, je suis devenu sage comme une image
Je lisais Maupassant
Mes potes eux faisaient les poches aux passants

Ils étaient à la quête évidemment du flouze
Et m’avaient prénommé Tarlouze
Car c’est avec des poèmes que je remplissais mon caddie…
Ils m’ont gardé auprès d’eux ceci dit...
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Un jour, j'ai utilisé le mot "éventuellement" (premier adverbe prononcé dans la cité) à l'endroit d'un copain qui me proposait une place de remplaçant pour un tournoi de foot, un tournoi de sixte. Un sixième coéquipier faisait défaut.
- Alors tu viens?
- Heu... Éventuellement.
Et là...
- Oh le casse-coquilles, tu peux pas répondre normal!
- Ben quoi?
- Faut toujours que tu nous sortes tes mots de l'école, on s'en branle de l'école de tous tes morts, parle comme tout le monde! (P.30)
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Dieu, tu comprends pourquoi les pauvres n'aiment pas partager ? A force de ne rien avoir jamais, ils ne rêvent pas de posséder mais de tout posséder (...)
Un pauvre c'est coléreux, ça montre sa richesse pour être sûr de faire mal, il a besoin d'éteindre un incendie de deux siècles parfois. Au fait, mes aïeux ? Depuis combien de temps tirent-ils tous les diables par la queue ? Non, ne répondez pas sinon je vais frapper ma mère ! Pourquoi ? Mais pour m'avoir engendré, tout simplement ! (p. 81)
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— Il n’y a rien de plus stupide que de courir derrière une balle qu’il faut domestiquer avec ses pieds. Un ballon, ça ramène l’intelligence au plus bas du corps dans ce qu’il a de plus laid, les pieds. C’est avec sa tête qu’on devient un homme, on la remplit d’abord et la vie mon fils t’apparaîtra comme du miel. Mon fils, c’est pas bien de se servir de ses pieds.
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(...) moi ça m'avait réchauffé le coeur de voir Agnès, Hakima et Hélène rire sans retenue, ça nous rappelait tout l'intérêt de notre job d'animateurs de quartiers, ici les mômes étaient vifs et osaient l'improbable, on s'ennuyait jamais. Avec eux l'étonnement toujours pointait le bout de son nez, et ça nous cinglait l'âme. (p. 52)
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Malheur à nous, ce temps d’une mère débordante de salive et de lait avait bel et bien existé, un temps de voix suave qui jurait que nous lui étions plus chers que sa vie, plus tendres que l’aile d’un poulet, plus beaux qu’un tapis de La Mecque.
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"Maman, tu sentais le persil mélangé à de l'eau de Cologne pas chère. De l'eau de Cologne du Pas- de-la-Case. J'aime plus le Pas-de-la-Case et le persil...Merde ! Est ce que les Français sentent le persil? Non!
Maman, t'étais petite et ronde comme si tu venais d'un pays où les filles devaient pas plaire. Je me rappelle bien, tes copines portaient la même gabardine, les mêmes petits foulards bien serrés sous le menton, et toujours les chaussettes qui dépassaient des pompes.
On vous aurait brûlées toutes ! Sans parents, ils nous semblait que le monde aurait été qu'un pur délice, une cour de récré, et l'orphelinat sa salle de jeux.
Putain de bled! Y a t-il donc pas là-bas des blondes aux yeux bleus, des mères en tailleur court qui roulent pas les r ? Enfin ! Des femmes des vrais, qui font pas la cuisine, ni à l'huile d'olive ni à l'huile tout court. Des femmes jolies tout le temps, jamais fatiguées, souriantes et qui font pas d'enfants. Les homme...pareil : y en a t-il sans moustaches, sans gamelle à porter tous les matins du monde ? Y en a t-il sans pioches et sans truelles ?
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Il a acquiescé goulûment. Ensuite, on s'est payé ce luxe inexistant en banlieue: le silence. Nous étions seuls, face à face, sans nul besoin de ces paroles qui essaient de tromper le vide. (p. 64-65)
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Putains de Français, vous n'en avez pas assez des victoires dans tous les domaines ? La littérature, les arts c'est vous, les guerres c'est vous, la fille aînée de l'Église c'est vous, la Révolution c'est vous ! Ne restent que des imitateurs !
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De locutions en locutions, je devrais dire de mépris en méprise, j'ai encore moins joué au foot, je suis passé de milieu de terrain à latéral gauche, ou droit ( une humiliation pour tout enfant de quartier qui se respecte), puis finalement remplaçant et, déchéance suprême peleur d'oranges pendant la mi-temps.
P30
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Et j'ai pensé que je n'allais quand même pas me promener avec un stylo autour du cou et des feuilles en bandoulière vu que chaque bouche qui s'ouvre est ici un roman de Zola. (p. 96)
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C'est ainsi que la nuit je rêvais l'ouverture des livres, oui je m'amusais à ouvrir des livres assis sur un banc au beau milieu de la cité. Stupide à dire comme ça mais je rêvais que j'osais ouvrir un livre en public. (p. 25)

Mes copains bloquaient face à tout ce qui s'apparente à l'école, à l'apprentissage des phrases- à construire dans un sens ou dans un autre. (p. 27)
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Une jeune fille enquillée de lunettes larges et ovales
a ouvert le bal avec un extrait de Richard III.
D'une voix calme et profonde à la fois, elle a balancé des braises tout autour d'elle.
Elle vivait si bien son rôle qu'il nous semblait que des flammes sortaient de sa bouche, j'ai grande ouvert la mienne, étourdi.
p182
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J'ai entendu pour la première fois ma mère me dire en français :
Mon chéri (avec son r roulé) !
Je n'ai pas le souvenir d'autre chose que ces deux mots-là dits en français,
comme un pas dans ma direction contre mille des miens dans la sienne.
Ces deux mots racontaient l'effort de ma mère de n'être pas qu'algérienne,
ou que femme ou que mère,
mais d'être plus que ça, un mouvement.
p210
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J'ai maudit cette illusion de croire qu'un livre vous sauve, un livre quartier Nord ça vous écourte le passage sur terre.
p47
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