Une fusillade dans une salle de classe. Des armes, du sang, des victimes. Et seulement une survivante: Maja.
Cette gosse de riches ne maîtrise plus son destin. Les médias s’emparent de l’affaire et la grande scène des tribunaux ouvre grandes ses portes…
Mais Maja est-elle réellement coupable de ce dont on l’accuse?
Posez-vous deux minutes et admettez objectivement, surtout avec l’avènement des réseaux dits « sociaux », combien le jugement et la condamnation sont prompts devant certains événements dramatiques. Planqué derrière l’écran protecteur, tout le monde « sait », tout le monde se permet un jugement enflammé à l’emporte pièce, chacun a la conviction profonde de détenir le St Graal de la Vérité. Sur les réseaux sociaux, tout est éphémère et les « Je suis machin chose » fleurissent tout aussi vite qu’ils se fanent. Mais quid des protagonistes, de ceux qui auront été cloués au pilori?
C’est ce que raconte en filigrane ce thriller judiciaire. D’un point de vue strictement juridique, ne cherchez pas, l’auteur est juriste et par conséquent le déroulement des événements est idéalement documenté. Entre décorum et prestation des avocats, c’est le métier d’avocat qui est finement analysé, la manière dont il choisit de traiter son dossier, de taire certaines choses et d’en mettre d’autres en lumière, d’instrumentaliser son client et son auditoire. Un avocat connaît les rouages de la Justice et son rôle est de les graisser à son avantage.
C’est terrible à dire quand la source d’un procès est un drame humain mais la cour de Justice est une scène de théâtre où tout est minutieusement orchestré, minuté et répété. Les avocats sont des comédiens qui ne connaissent le succès que par leur talent d’orateur. Il faut éblouir son auditoire, le convaincre, le captiver et l’amener à forger l’intime conviction en faveur de leur client.
Car ce n’est « que » ça: créer une intime conviction.
À partir d’un socle commun, des faits, des constatations et analyses scientifiques, nous voyons combien il est facile de présenter une version totalement opposée d’un même événement. Et si c’est un thriller judiciaire, il pousse à nous interroger sur notre manière d’appréhender notre quotidien, extraordinaire ou banal, à remettre en question, peut-être, la rapidité et le mécanisme de nos jugements sur des événements ou des personnes.
Avec Rien de plus grand, tout un chacun peut s’interroger mais l’auteur met aussi en exergue le rôle des médias qui façonnent à l’envi l’opinion publique. Intéressant de constater que les médias sont les marionnettistes de l’inconscient populaire, sans égard pour les victimes de drames ou leurs bourreaux…
Les victimes n’étant pas du même milieu social, l’auteur dresse également un portrait de la société suédoise dérangeant et Maja est le trait d’union entre les couverts en argent des quartiers huppés et les milieux modestes des émigrants. D’une génération blasée à ceux, résignés à se battre pour exister comme Samir, le mal-être est flagrant mais n’est pas l’apanage de la pauvreté. Sebastian est le parfait exemple que la richesse n’achète pas le bonheur, l’affection et la protection d’un père, ni même la stabilité psychologique…
Ce roman est donc riche et il est fascinant car nous ne savons pas, dès le départ, si Maja est coupable ou pas. Et au fil des pages, notre intime conviction est mise à mal selon la présentation par la défense ou l’accusation des éléments du procès et de leur interprétation. Elle est instable car Maja nous parle, mais ne fait rien pour se rendre sympathique.
Maja est la deuxième force de ce roman après le décor planté des coulisses judiciaires. Quand un accusé ne devient qu’un figurant quasi mutique sur la scène, l’auteur nous enferme dans la même cellule que Maja pour vivre son intimité humaine, ses pensées, ses réflexions et la vision de toutes ses pièces sociétales qui ont pris son destin en main: les médias, les témoins, les avocats, son entourage.
Maja ne semble pas très sympathique avec son insouciance de gamine nantie, ses soirées débridées, sa vie facile de luxe et de drogue, ses sarcasmes et ses amours contrariées. Elle trouve son procès « barbant », elle s’ennuie. Mais le lecteur va gratter le vernis pour appuyer là où ça fait mal.
Enfermée entre les quatre murs de sa cellule de prison, elle est surtout murée dans son silence et sa solitude, par mécanisme de défense face à tous les autres mais aussi pour mener à bien son propre procès intérieur où elle est actrice, témoin, avocate et juge. Elle remonte le fil du temps pour analyser ses choix, ses sentiments et ses erreurs. Elle est touchante, Maja, avec ses doutes et ses rages. Et qu’importe que la justice la reconnaît coupable ou pas, elle sait qu’elle a perdu son innocence bien avant la fusillade…
Je ne vous dirais pas si j’ai aimé Maja ou pas… Non, ce serait spoiler et influencer votre intime conviction!
Je ne peux décemment pas dire, comme il est inscrit sur la quatrième de couv’, que ce roman est « nerveux ». Le monde juridique est tout sauf nerveux. Mais je peux vous dire qu’une fois commencé, on ne peut lâcher le bouquin, car de certitudes, nous n’avons pas et que cela nous agace. L’être humain a besoin de rassurances pour se conforter dans sa normalité et Rien de plus grand bouscule, dérange ce petit confort. L’analyse psychologique travaillée et le portrait sociétal finement analysé vous emporteront très aisément jusqu’à la dernière page!
« Les juristes raisonnent, les écrivains imaginent. » (dixit l’auteur) et ce mélange des genres vous captivera jusqu’à la fin. Une question, votre Honneur, si je puis me permettre: votre intime conviction condamne, ou pas, Maja? Justice est-elle rendue?
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