Citations de Maram al-Masri (212)
Saint-Germain-des-Prés
[...]
Ne chausse pas tes pieds
pour descendre dans la rue
Chausse les pieds de tes rêves
eux seuls peuvent te faire marcher
danser
et même
voler.
Saint-Sulpice
[...]
Elle s'est bien maquillée
l'odeur de son parfum court devant elle
comme un petit chien blanc tenu en laisse
[...]
Elle a envie d'oublier les gifles de la vie
envie de sentir la liberté dans ses pieds
Se sentir désirée et désirante
Ne la traitez pas d'allumeuse.
Sur un mur du métro
le printemps a fleuri
Des arbres, des montagnes au soleil
dans un poème
Merci, poète
grâce à toi
mon ombre s'est sentie légère
comme une pluie heureuse
Sur le chemin
une femme danse
sous cette pluie.
- Ligne 7, Place d’Italie
La femme qui passe
à la recherche d'un siège vide
son chapeau troué est posé comme une couronne
sa jupe est mangée par le temps, les mites et la vieillesse
Elle passe, fière d'elle
tellement fière que personne n'ose se moquer
un trou dans sa jupe
laisse voir la peau froissée de sa fesse
mais elle avance
et les jambes allongées s'écartent sur son passage
Elle avance
comme si elle était Coco Chanel
ou la reine d'Angleterre
faisant spectacle
de sa pauvreté de retraitée.
— Ligne 8, Opéra
Une table et une chaise
près d'une vitre
un arbre
la pluie
le soleil
et le rêve
peut-être quelqu'un va passer
comme une idée soudaine
ou un papillon
tu relèves ta tête
pour la capturer
et puis tu la baisses
sûre qu'il n'y a rien dans l'air
sauf le murmure
de ceux qui sont partis.”
— Ligne 3, Père Lachaise
Les vêtements gris de chaque jour
ressemblent à des rêves sans couleurs
des histoires d'amour oubliées
et d'autres rêvées
des êtres absents
qui pourtant sont là
Dans le wagon
les corps se rapprochent
mais s'ignorent
Dans le wagon
nous voyageons côte à côte
mais pas ensemble
Dans l'amour
même séparés
les amants sont ensemble.
— Ligne 4, Odéon
Ils nous voient sans que nous les voyions
On les voit sans qu’ils nous voient
Quand je m’apprête à monter dans le wagon
un homme s’approche de moi
et me remet un papier
plié en forme d’avion
« Madame
Je vous ai suivie
Je vous regarde
J’ai changé de métro pour continuer à vous admirer
Vous avez éclairé ma journée. .. »
Voilà comment une femme
s’est emparée d’un avion
et a dérouté un homme…
— Ligne 4, Gare de l’Est
Elle porte ses blessures comme un sourire
qu’elle affiche en drapeau
Elle se fait toujours une raison
pour se réveiller le matin
être à l’écoute de son cœur
et du souffle du monde
« Laissez-lui la place !
Laissez la place
Il y a des blessures invisibles
sous le chemisier de soie… »
— Ligne 10, Maubert / Mutualité
Sur le grand panneau publicitaire
la photo d'un lit
et d'une chambre aménagée
par IKEA
Sous le panneau publicitaire
par terre
est couché
un SDF
— Ligne 11, République
La vie
la vie croyez-moi
ne surpasse pas le plaisir de fumer
a dit la belle actrice
en faisant un clin d’œil
Je vais acheter un dixième de loterie
et faire une dernière tentative
pour le bonheur
Dieu a créé la Terre en six jours
et j'ignore ce qu'il a fait
le septième
mais quand il a commencé à me créer
il a eu terriblement besoin
d'un homme comme toi
Pont-Neuf
je me vois gémissante sur un trottoir
je vois ma mère qui hurle
[…]
je vois Abraham, Moïse, Jésus, Mohamed
blessés, orphelins, cadavres
je vois Dieu
[…]
N’oublie pas la Syrie
n’oublie pas le Yémen
n’oublie pas
le monde
m’a dit la poésie.
Château d’Eau
L’eau des paroles
court dans la rue
L’eau du fleuve Congo
roule dans Paris
L’eau a un château
où les rois et les princesses
couverts de bagues et de chaînes dorées
marchent pieds
nus.
Corps de femme
Fragile avec lequel s’affrontent l’eau et le vent
Chaque soir,
Les oiseaux et les ours rêvent de mains caressantes,
Les chats s’étendent pour lécher leur fourrure
Sans se préoccuper des yeux que Dieu disperse au plafond et sur les murs,
Ni se préoccuper des bavardages,
Ni des juges, ni des prisons de l’amour,
Ni des mandibules des mites qui dévorent les vêtements du désir,
Se satisfaisant de leur être,
Dans la quiétude de leur corps,
Ils respirent avec jouissance le matin.
le serpent mourra
lorsque
il me mordra
en savourant
ma douleur
ta douleur
ne sera rien
de plus qu'une piqûre d'aiguille
quand je t'aurai tourné le dos
ma douleur sera
rouge
comme une cerise mûre
sur un carrelage
blanc
voici que j'ai mis mon manteau pour sortir:
un agneau
part pour l'hôtel du sacrifice
ma poitrine se gonfle
dans l'impatience du désir
miche de pain chaud
mordue
par les dents
de ton badinage
quand je t'ai croisé
j'ai perdu l'équilibre
mais
je ne suis pas tombée