
Regarde-moi. Assise sur une tombe à minuit en train de parler toute seule.
Comment en suis-je arrivée là ? Qui était mon père, maman ? Pourquoi tu ne me l’as jamais dit ? Allez, dis-le moi. Bon sang, tu ne comprends donc pas c’est vital pour une petite fille d’avoir un père ?
Nan adorait son papa. Elle était si fière de lui ! On allait à tous ses concerts. Parfois, il nous emmenait déjeuner. Il était beau et charmant, même quand il était blindé. Il prenait Nan par la taille et elle rayonnait comme un soleil. Et moi… rien.
Non, je ne pleure pas. Il ne me reste plus de larmes. Ma réserve de chagrin est épuisée. Tu es vraiment cruelle de ne m’avoir rien dit. Je me moque que ç’ait été un contrebandier, un concierge unijambiste ou un clochard. […]
Il n’y aura jamais aucun homme qui me prendra par la taille en disant « Voici ma fille ». Comment as-tu pu me laisser avec un vide si énorme dans ma vie? Bordel, c’est absolument insupportable ! Maman ouvre les yeux…
Mais elle ne rouvrirait jamais les yeux.
Véronique, Nan son amie d’enfance, sa maman et son papa inconnu. Peut-être la citation qui m'a le plus touché à ce jour. D'une force incroyable.
L'hélico ne se pointa qu'à onze heures passées. Le pilote était un albinos que je connaissais, mais pas moyen de me rappeler son nom. Comme il était muet, je n'eus pas besoin de lui parler.
Nous restâmes ensemble dans le corridor pendant qu’elle achevait de s’habiller.
Je regardai avec regret son indécente nudité disparaître sous un pull et une jupe.
C’était comme si on m’avait offert un somptueux cadeau de Noël et qu’on me le reprenait pour le remballer.
Et mon mignon serpent ? Que faisait-il ?
Lové entre mes jambes, la tête sur mon ventre, il me regardait amoureusement. Je lui chatouillai les yeux du bout des doigts, puis, le serrant par le cou, je le guidai en moi. Il me fouailla avec ardeur, frémissant, stimulant toutes mes terminaisons nerveuses.
Ma léthargie fondit, noyée dans le désir. Il sortit sa tête, me sourit, puis se faufila de nouveau en moi.
Je iodelai de plaisir.
Je baissai les yeux sur mes cuisses. Ca alors !
J'étais hermaphrodite ! J'avais une bite rayée qui gigotait dans tous les sens, comme une queue de tigre ! Hilarant ! Je l'empoignai et la pris dans ma bouche. Je la suçai avec avidité. Elle avait un goût d'écorce pourrie.
-Et vlan ! Je me suis retrouvée ronde comme une montgolfière. Sur le moment, j’ai cru que c’était une tumeur. Quand j’ai appris que ce n’était pas ça, j’ai été tellement soulagée que j’ai décidé de mettre bas le petit salopard.
-Diantre ! Où est-il maintenant ce paquet d’amour ?
-Aucune idée. Et, comme le disait Rhett Butler à Scarlett O’Hara : «Franchement, ma chère, je m’en tamponne le coquillard.»
La corne d’abondance de la jeunesse parait sans fond, jusqu’au jour où on s’aperçoit qu’elle est vide, que toutes les pommes d’or sont mangées et ses parfums évaporés.
Ma virginité, comme une comédie à succès, tenait l'affiche saison après saison.
Je ne comprendrais jamais pourquoi les nazis s’obnubilaient tellement avec les juifs.
Un cochon d'enculé était un cochon d'enculé, sans distinction de race ou de nationalité.[...]
Hitler et Himmler ne parvenaient pas à saisir cette réalité toute simple.
Je tendis l’oreille. Oui… quelqu’un marchait dans l’herbe haute, un peu en amont, juste derrière nous. […]
Je vis alors le sommet de sa tête émerger dans des hautes tiges :
Une tête ovale, noire te hirsute, grosse comme une coupole.
Un buffle ? Un onagre ? Un oryx ? Un gnou ? Un élan ?
Non… […]
C’était un gorille !
L’Europe qui n’existe plus, as-tu pensé. Ce n’est pas ici que cela se passe. L’Amérique latine était la seule réalité, quoi que puissent en dire El País, Boris Eltsine, la BBC, le Figaro littéraire, les petits neveux de Thatcher et Régis Debray… L’Amérique latine, le foyer, cette chose qui se bonifiait quand tout empirait. L’Europe était une gare de transit, un circuit touristique de visite de ruines, un wagon-musée rempli de momies romaines, avec des éditeurs allemands de manuels érotiques qui n’étaient pas eux-mêmes pratiquants, des fabriques italiennes d’ustensiles de cuisine design, des films français encore tournés en noir et blanc et des épiciers catalans vendant du vin et du saucisson avarié aux curieux.
["Retour". Paco Ignacio Taibo II]