Citations de Marc Desaubliaux (55)
Un grand éclat de rire me fit sursauter sur ma chaise. Imprévu, énorme. Je ne m'attendais pas à un tel déchaînement, moi à qui on avait tant vanté la retenue et la discrétion des Anglais.
A moi de revenir au quai du départ et à monter dans le train du bonheur et de la sérénité.
Plus le temps passe, plus je réalise combien je suis malheureux dans ma vie sentimentale. Son essence, sa source , me son t confisquées depuis si longtemps ! Cette souffrance de presque chaque instant, nourrie par de faux bonheurs, ne fait qu'augmenter ma détresse . La solitude pour seule compagne, la censure permanente de mes faits, gestes, pensées. Un bonheur bien pauvre. Je suis obligé de vivre dans une prison construite avec mes mains. Comment ne suis-je pas encore devenu fou ? J'ai peur de vieillir non pas à causez du ravage des années, mais parce que cela m'éloigne de mon enfance. Je repense souvent à cette phrase de Freud :"Etre un peu maître de soi".
"- Ne va pas t'éteindre dans un travail administratif sans intérêt. La création est la seule façon de survivre sur cette terre. Un tableau,un dessin pensent. Ne l'oublie jamais."
Marc Desaubliaux
Un homme sans volonté
sans m’en rendre compte j’étais devenu un homme mais dont la passerelle avec l’enfance avait été détruite d’un coup, ce qui ne me permettait pas, quand c’était trop dur, de repasser l’eau pour me réfugier un moment sur l’autre rive et récupérer.
bien plus tard, j’ai compris que je n’avais pas un caractère faible mais qu’on exigeait de moi que je me batte pour des choses qui ne m’intéressaient pas alors qu’il m’était interdit de faire le maximum pour ce qui m’aurait plu.
Refusant d’aller de l’avant, je me suis interdit de cicatriser mes blessures
" Tu as volé trop près du soleil et tu t'es brûlé ; c'est toi qui as fait de moi une créature de cendres ".
Leslie Hartley.
En art, la solitude ne vaut rien, même si au moment de créer on se retrouve seul devant son chevalet ou devant sa feuille de papier. On doit parler, échanger des expériences, avoir le courage de se confronter à l'avis des autres, même si certains peuvent sembler stupides.
J avais quinze ans. Madame Crown avait forcé la porte de mon enfance pour y pénétrer par effraction.
De conjuration, la réunion devenait mondaine. Car aucun doute ne traversait l’esprit de tous ces gens : on allait étouffer dans l’œuf le désordre qui montait et qui n’avait qu’un seul but : déstabiliser leur univers.
Dans le métro qui la ramène chez elle, Carole-Anne ne cessera pas de penser que tout n'est que duperie, tout le monde trompe tout le monde. Aucune sincérité. L'être humain atteint une complexité incroyable. Pas besoin des cours de psychologie pour le deviner. Chacun se cache, et d'abord à soi-même.
(p. 162)
Elle repose sa tête sur l'oreiller du lit et fixa son regard sur celui du garçon.
- Le problème avec toi, Louis, c’est que toi aussi tu fuis mais sans prendre la même direction que moi. On n'arrive jamais à savoir ce que tu penses.
- Mais non, ce n'est pas ça...
- Alors c'est quoi ?
- Je n'en sais rien. C'est pas facile de répondre, c'est tout. Moi j'arrive pas à comprendre si c'est blanc ou noir, l'un ou l'autre, l'un et l'autre, l'un contre l'autre. J'arrive pas. Je dois être con. J'aime bien ce qu'on fait tous les deux mais pourtant, après, j'éprouve de la honte !
- Trop facile. Ose dire ce que tu penses, bon Dieux !
- Mais le problème c'est que je ne pense pas.
Carole-Anne se leva pour prendre un autre paquet de cigarettes et revint s'allonger pour fumer.
- T'en veux une autre ?
- Merci. Je n'ai plus envie.
Le bruit du briquet. La flamme, la première fumée, l'odeur forte. Le souffle de l'expiration, le petit nuage montant.
- Finalement, t'es un trouillard. T'as peur d'aimer, t'as peur de tout !
"Ce qui arriva ensuite s'apparente à un vaste mélange de sentiments contradictoires.Une tempête où tout se défait, où les vents contraires me transportent parmi les tourbillons, les à-coups, les claquements. On y trouve tout de même des éclaircies, de la joie et du plaisir mais aussi de l'effroi et de la désolation. Comment aurais-je pu m'y retrouver dans tout ce bric-à-brac de sentiments confus, de ressentis sans la capacité de mettre un nom ou un autre dessus, de faire un inventaire et de ranger chaque chose à sa place."
Et chaque tour de roue du train, chaque centimètre de paysage mangé par la vitesse, chaque parcelle de terrain avalé me rapprochent de l aiguillage défectueux. J ai pris une mauvaise voie. A moi de revenir au quai du départ et à monter dans le train du bonheur et de la Sérénité.
Toute ma personne se bloquait, déchirée entre mon caractère doux et gentil, toujours prêt aux faiblesses pour faire plaisir et être aimé, et une autre force, nouvelle, qui refusait tout compromis.
Louis revint rue de Prony, bien décidé à épouser CarAnne. Une heure après, sa certitude avait pâli, en fin de journée sa détermination gisait sur le parquet, morte. Le doute reprenait le dessus, son compagnon de tous les instants. L'ennui en avait profité pour réoccuper le terrain perdu. Le garçon peignit sa rage sa tristesse, sa lassitude. Une partition de Verdi, déplaisante, soutint son inspiration. le soir, l'oeuvre terminée reçut des coups de couteau de cuisine. Voulut la jeter mais n'en fit rien car ses plaies béantes, ses grandes traînées de jets aux couleurs mélangées l'intéressèrent.
Quant à mes grands-parents, je ne comptais guère pour eux, un enfant qui vivait dans un autre monde que le leur, un ennuyeux à éviter tant qu'il n'atteindrait pas l'âge adulte.
Je vis apparaître la célèbre jelly en forme de pyramide, couleur bleue. Chimique, tremblotante comme un monstrueux mélange de crachat, d’œil crevé, de colle et de pommade contre les furoncles. Il allait me falloir avaler tout ça. Un peu de vin pour me donner du courage. En fait, je fus agréablement surpris par le goût qui tenait du bonbon un peu trop sucré.
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Dix ans avaient passé. Et peut-être pour la première fois, je compris que le temps pouvait être variable, les heures ressemblaient à des minutes, les secondes duraient des heures.