Citations de Marceline Desbordes-Valmore (257)
qui me rendra ces jours où la vie a des ailes
et vole,vole ainsi que l'alouette aux cieux,
lorsque tant de clarté passe devant ses yeux,
qu'elle tombe éblouie au fond des fleurs,de celles
qui parfument son nid,son âme,son sommeil,
et lustrent son plumage ardé par le soleil...
"L'impossible"
Les séparés (N'écris pas...)
N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !
N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !
N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !
N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur.
N'écris pas !
Ne te détourne point s'il passe une hirondelle
Par le chemin,
Car je crois que c'est moi qui passerai, fidèle,
Toucher ta main.
Tu t'en vas, tout s'en va! Tout se met en voyage,
Lumière et fleurs,
Le bel été te suit, me laissant à l'orage,
Lourde de pleurs.
( " Poésies inédites")
Quand je me sens mourir du poids de ma pensée
Quand sur moi tout mon sort assemble sa rigueur,
D'un courage inutile affranchie et lassée,
Je me sauve avec toi dans le fond de mon coeur ! (...)
( " Mélanges et fragments")
Vers ton âme attirée
Par le plus doux transport,
Sur ta bouche adorée
Laisse-moi dire encor:
Comme je t'aime en mes beaux jours
Je veux t'aimer toujours.
( " Romances")
L'oreiller d'un enfant
Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc, et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !
Les séparés
N'écris pas .Je suis triste et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !
![](/couv/cvt_Poesies_437.jpg)
"L'orage de tes jours a passé sur ma vie ;
J'ai plié sous ton sort, j'ai pleuré de tes pleurs ;
Où ton âme a monté mon âme l'a suivie ;
Pour aider tes chagrins, j'en ai fais mes douleurs.
Mais, que peut l'amitié ? l'amour prend toute une âme !
Je n'ai rien obtenu ; rien changé ; rien guéri :
L'onde ne verdit plus ce qu'a séché la flamme,
Et le cœur poignardé reste froid et meurtri.
Moi, je ne suis pas morte : allons ! moi, j'aime encore ;
J'écarte devant toi les ombres du chemin :
Comme un pâle reflet descendu de l'aurore,
Moi, j'éclaire tes yeux ; moi, j'échauffe ta main.
Le malade assoupi ne sent pas de la brise
L'haleine ravivante étancher ses sueurs ;
Mais un songe a fléchi la fièvre qui le brise ;
Dors ! ma vie est le songe où Dieu met ses lueurs.
Comme un ange accablé qui n'étend plus ses ailes,
Enferme ses rayons dans sa blanche beauté,
Cache ton auréole aux vives étincelles :
Moi je suis l'humble lampe émue à ton côté.
(Dors !)
Je suis la prière qui passe
Sur la terre où rien n'est à moi ;
Je suis le ramier dans l'espace,
Amour, où je cherche après toi.
Effleurant la route féconde,
Glanant la vie à chaque lieu,
J'ai touché les deux flancs du monde,
Suspendue au souffle de Dieu.
Sous la lune étoilée...
Ah! la danse! la danse
Qui fait battre le coeur !
C'est la vie en cadence
Enlacée au bonheur !
Sous la lune étoilée
Quand brunissent les bois
Chaque fête étoilée
Jette lumière et voix.
JE NE SAIS PLUS, JE NE VEUX PLUS
Je ne sais plus d'où naissait ma colère ;
Il a parlé... ses torts sont disparus ;
Ses yeux priaient, sa bouche voulait plaire :
Où fuyais-tu, ma timide colère ?
Je ne sais plus.
Je ne veux plus regarder ce que j'aime ;
Dès qu'il sourit tous mes pleurs sont perdus ;
En vain, par force ou par douceur suprême,
L'amour et lui veulent encor que j'aime ;
Je ne veux plus.
Je ne sais plus le fuir en son absence,
Tous mes serments alors sont superflus.
Sans me trahir, j'ai bravé sa présence ;
Mais sans mourir supporter son absence,
Je ne sais plus !
"Vous aviez mon cœur,
Moi, j'avais le vôtre:
Un cœur pour un cœur :
Bonheur pour bonheur!
Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre;
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu!. "
1839 .
![Marceline Desbordes-Valmore](/users/avt_fd_15329.jpg)
L'ÉGLANTINE
Églantine ! Humble fleur, comme moi solitaire,
Ne crains pas que sur toi j'ose étendre ma main.
Sans en être arrachée orne un moment la terre,
Et comme un doux rayon console mon chemin.
Quand les tièdes zéphirs s'endorment sous l'ombrage,
Quand le jour fatigué ferme ses yeux brûlants,
Quand l'ombre se répand et brunit le feuillage,
Par ton souffle, vers toi, guide mes pas tremblants.
Mais ton front, humecté par le froid crépuscule,
Se penche tristement pour éviter ses pleurs ;
Tes parfums sont enclos dans leur blanche cellule,
Et le soir a changé ta forme et tes couleurs.
Rose, console-toi ! Le jour qui va paraître,
Rouvrira ton calice à ses feux ranimé ;
Ta mourante auréole, il la fera renaître,
Et ton front reprendra son éclat embaumé.
Fleur au monde étrangère, ainsi que toi, dans l'ombre
Je me cache et je cède à l'abandon du jour ;
Mais un rayon d'espoir enchante ma nuit sombre :
Il vient de l'autre rive...et j'attends son retour.
LE PORTRAIT
Riant portrait, tourment de mon désir,
Muet amour, si loin de ton modèle !
Ombre imparfaite du plaisir,
Tu seras pourtant plus fidèle.
De ta gaîté je me plains aujourd'hui ;
Mais si jamais il cesse de m'entendre,
À toi je me plaindrai de lui,
Et tu me paraîtras plus tendre.
Si tu n'as pas, pour aller à mon coeur,
Son oeil brûlant et son parler de flamme,
Par un accent doux et trompeur
Tu n'égareras pas mon âme.
Sans trouble, à toi je livre mon secret.
S'il était là, je fuirais vite, vite.
Je suis seule... ah ! Riant portrait,
Que n'es-tu celui que j'évite !
TU N'AURAS PAS SEMÉ...
Tu n'auras pas semé ta couronne étoilée
Sur le miroir tari du ruisseau de tes jours.
Toute pleine de jours, toi, tu t'en es allée
Et ton frais souvenir en scintille toujours.
NE FUIS PAS ENCORE
Tu crois, s’il fait sombre,
Qu’on ne te voit pas,
Non plus qu’une autre ombre,
Glissant sur tes pas :
Mais l’air est sonore,
Et ton pied bondit :...
Ne fuis pas encore ;
Je n’ai pas tout dit.
À qui ce gant rose
Qui n’est pas le mien ?
Quel parfum t’arrose,
Qui n’est plus le tien ?
Tu ris : mais prends garde,
Ta lèvre pâlit...
Moi je te regarde :
Je n’ai pas tout dit !
Sur ton cœur cachées
Des fleurs vont mourir ;
Les as-tu cherchées
Pour me les offrir ?
Vois ! la lune éclaire
L’enclos interdit...
Paix à ta colère !
Je n’ai pas tout dit !
Sous la noble allée
Qui s’ouvre pour toi,
La pauvre voilée,
Ingrat, c’était moi !
Sans cris, sans prière,
Sans voix qui maudit,
Je fuis la première.
Adieu ; j’ai tout dit !
![](/couv/cvt_Pauvres-fleurs_9415.jpg)
DORMEUSE
Si l’enfant sommeille,
Il verra l’abeille,
Quand elle aura fait son miel,
Danser entre terre et ciel.
Si l’enfant repose,
Un ange tout rose,
Que la nuit seule on peut voir,
Viendra lui dire : « Bonsoir. »
Si l’enfant est sage,
Sur son doux visage,
La vierge se penchera,
Et longtemps lui parlera.
Si mon enfant m’aime,
Dieu dira lui-même :
J’aime cet enfant qui dort ;
Qu’on lui porte un rêve d’or.
Fermez ses paupières,
Et sur ses prières,
De mes jardins pleins de fleur
Faites glisser les couleurs.
Ourlez-lui des langes,
Avec vos doigts d’anges,
Et laissez sur son chevet,
Pleuvoir votre blanc duvet.
Mettez-lui des ailes
Comme aux tourterelles,
Pour venir dans mon soleil,
Danser jusqu’à son réveil !
Qu’il fasse un voyage,
Aux bras d’un nuage,
Et laissez-le, s’il lui plaît,
Boire à mes ruisseaux de lait !
Donnez-lui la chambre
De perles et d’ambre,
Et qu’il partage en dormant,
Nos gâteaux de diamant !
Brodez-lui des voiles,
Avec mes étoiles,
Pour qu’il navigue en bateau,
Sur mon lac d’azur et d’eau !
Que la lune éclaire,
L’eau pour lui plus claire,
Et qu’il prenne au lac changeant,
Mes plus fins poissons d’argent !…
L'impossible
Qui me rendra ce jour où la vie a des ailes
Et vole, vole ainsi que l’alouette aux cieux,
Lorsque tant de clarté passe devant ses yeux,
Qu’elle tombe éblouie au fond des fleurs, de celles
Qui parfument son nid, son ame, son sommeil,
Et lustrent son plumage ardé par le soleil !
Ciel ! un de ces fils d’or pour ourdir ma journée,
Un débris de ce prisme aux brillantes couleurs !
Au fond de ces beaux jours et de ces belles fleurs,
Un rêve ! où je sois libre, enfant, à peine née,
Quand l’amour de ma mère était mon avenir,
Quand on ne mourait pas encor dans ma famille,
Quand tout vivait pour moi, vaine petite fille !
Quand vivre était le ciel, ou s’en ressouvenir,
Quand j’aimais sans savoir ce que j’aimais, quand l’ame
Me palpitait heureuse, et de quoi ? Je ne sais ;
Quand toute la nature était parfum et flamme,
Quand mes deux bras s’ouvraient devant ces jours… passés.
La Sincère
Veux-tu l’acheter ?
Mon cœur est à vendre.
Veux-tu l’acheter,
Sans nous disputer ?
Dieu l’a fait d’aimant ;
Tu le feras tendre ;
Dieu l’a fait d’aimant
Pour un seul amant !
Moi, j’en fais le prix ;
Veux-tu le connaître ?
Moi, j’en fais le prix ;
N’en sois pas surpris.
As-tu tout le tien ?
Donne ! et sois mon maître.
As-tu tout le tien,
Pour payer le mien ?
S’il n’est plus à toi,
Je n’ai qu’une envie ;
S’il n’est plus à toi,
Tout est dit pour moi.
Le mien glissera,
Fermé dans la vie ;
Le mien glissera,
Et Dieu seul l’aura !
Car, pour nos amours,
La vie est rapide ;
Car, pour nos amours,
Elle a peu de jours.
L’ame doit courir
Comme une eau limpide ;
L’ame doit courir,
Aimer ! et mourir.
Malheur à moi ! je ne sais plus lui plaire ;
Je ne suis plus le charme de ses yeux ;
Ma voix n’a plus l’accent qui vient des cieux,
Pour attendrir sa jalouse colère ;
Il ne vient plus, saisi d’un vague effroi,
Me demander des sermens ou des larmes :
Il veille en paix, il s’endort sans alarmes :
Malheur à moi !
(Malheur à moi)