Marie-Monique Robin est journaliste et réalisatrice, lauréate du prix
Albert-Londres (1995), auteure notamment de "
La fabrique des pandémies. Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire" (La Découverte, 2021), également le titre d'un documentaire sorti après le confinement. Elle montre les liens entre maladies émergentes et équilibres écosystémiques.
Barbara Demeneix est biologiste et professeur au Museum national d'Histoire naturelle de Paris. Elle a publié "
Comment les énergies fossiles détruisent notre santé, le climat et la biodiversité" (
Odile Jacob, mai 2022).
Elles sont les invitées d'Olivia Gesbert.
#climat #environnement #écologie
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Septembre 1923, rue Schelling à Munich. Au fond d'une cour, un studio : " Photohaus Hoffmann ", dit l'enseigne. C'est là qu'a rendez-vous un certain Adolf Hitler qui préside un obscur "Parti national-socialiste des travailleurs ". En Allemagne, personne ne connaît son visage : il a demandé à son ami Heinrich Hoffmann de lui tirer le portrait. Les deux hommes se sont rencontrés en 1920 et partagent les mêmes convictions d'extrême droite. De cette première séance de pose sortira une photo largement diffusée après le putsch manqué de 1923. Le couple Hitler-Hoffmann est né, qui conduira à la création du mythe " Führer ". [...]
Mai 1945. Hoffmann est arrêté par les Alliés qui confisquent ses biens, dont ses 2,5 millions de photos. Incarcéré à Nuremberg, où se prépare le procès des criminels nazis, il est contraint de classer ses archives pour fournir des preuves à charge contre certaines personnalités. Lors du procès, le photographe est reconnu coupable dans la catégorie n°1, celle des principaux responsables nazis, au motif que ses " photos ont largement contribué à la prise de pouvoir de Hitler ".

A propos "des moissons du futur".
- Ce qui se passe est un énorme gâchis. Il faut rappeler que non seulement l'industrie agroalimentaire rend les gens malades, mais qu'en plus elle ne parvient pas à nourrir le monde : 1 milliard de personnes souffrent de la faim. L'argument qui dit que les pesticides constituent la seule solution à la famine est donc complètement faux. Il faut aller sur place pour voir ce qui se passe. La bonne nouvelle, c'est qu'avec l'agroécologie, il y a des solutions qui marchent.
- Et la mauvaise nouvelle?
- J'ai fait plusieurs fois le tour du monde mais je n'ai jamais ressenti un tel sentiment d'urgence que lors de ce voyage qui m'a mené du Mexique au Malawi, en passant par le Japon. Nos enfants vont vivre dans un chaos inouï : des millions de réfugiés, la fin du pétrole et du gaz... La nécessité d'agir est extrême, les solutions sont à notre portée, mais on continue à faire comme si de rien n'était. On a les moyens de s'en sortir, mais je suis en même temps très pessimiste parce que, pour la première fois, je me dis qu'il est peut-être déjà trop tard.
Propos recueillis par Kristel Le Pollotec.
Les épidémies de zoonoses et de maladies à transmission vectorielle sont liées aux pertes de biodiversité, mesurés par le nombre d’espèces sauvages menacées ou par la densité du couvert forestier. Donc, si on résume : plus de biodiversité signifie plus de pathogènes, mais moins de biodiversité signifie plus d’épidémie infectieuses.
On savait. Mais les politiques font la sourde oreille, en continuant de promouvoir une vision technicise et anthopocentrée de la santé, qui fait la part belle aux intérêts des multinationales pharmaceutiques et de l’agrobusiness, lesquelles partagent les mêmes actionnaires et fonds de pension, dont les dirigeants sont lobotomisés par la recherche de profit à cours terme. Ce grand aveuglement collectif est entretenu par la balkanisation des disciplines scientifiques et des instances ministérielles, qui fonctionnent en “silos“, sans aucune connexion entre elles.
J'ajouterai, en guise de conclusion, que pour nous aussi, les citoyens et citoyennes de la bonne vieille planète Terre, "l'affaire est sérieuse". Après avoir, pendant quatre ans, suivi à la trace la firme de Saint Louis, je me crois en mesure de pouvoir affirmer qu'on ne peut plus dire qu' "on ne savait pas" et qu'il serait irresponsable de laisser la nourriture des hommes tomber en de pareilles mains. Car s'il y a désormais une chose dont je suis sûre que je ne veux pas, pour moi et encore moins pour mes trois filles et mes (futurs) petits-enfants, c'est bien du monde de Monsanto...

La pratique instituée par Monsanto scelle une "double révolution" : "La première (...) c'est le fait d'avoir le droit de breveter des semences, ce qui était absolument interdit jusqu'à l'avènement de la biotechnologie ; la seconde, c'est l'extension des droits du fabricant conférés par les brevets. Je reprendrai pour cela l'image qu'aime employer Monsanto : il compare la semence transgénique à une voiture de location ; quand vous l'avez utilisée, vous la rendez à son propriétaire. En d'autres termes, la firme ne vend pas de semences, elle se contente de les louer, le temps d'une saison et elle reste propriétaire ad vitam aeternum de l'information génétique contenue dans la semence qui est dépourvue de son statut d'organisme vivant pour devenir un simple "produit" (commodity). Finalement les paysans sont devenus les exécutants de la propriété intellectuelle de Monsanto. Quand on sait que les semences constituent la base de la nourriture du monde, je pense qu'on a des raisons de s'inquiéter...
Monsanto savait que les PCB représentaient un risque grave pour la santé dès 1937. Mais la société a fait comme si de rien n’était, jusqu’à l’interdiction définitive des produits en 1977.

On fait grand cas de l’intelligence humaine tout en justifiant par des arguments spécieux notre « domination sur la nature », aussi illusoire qu’éphémère, et notre instrumentalisation massive des autres espèces vivantes.
L’économiste et environnementaliste chilien Max Neef affirme que le remarquable développement de l’intelligence humaine s’est accompagné de la faculté de s’aveugler volontairement devant la réalité. Une colonie de fourmis, une bande d’oiseaux migrateurs ou une meute de loups ne se comportent jamais de façon « stupide » et ne prennent pas de décision qui nuise de toute évidence à leur survie ou à celle de leur espèce. Max Neef en conclut de manière provocatrice que la « stupidité est le propre de l’homme ». Son intention n’est pas d’offenser les humains mais de les inciter à davantage de bon sens.
La cupidité, elle aussi, semble être le propre de l’homme, puisque les animaux ne gaspillent pas leur temps et leur énergie à accumuler plus de biens qu’ils n’en ont besoin pour leur survie, alors que l’accumulation du superflu est le nerf de la société de consommation.
(Extrait de la préface de Matthieu Ricard p6)
Il faut en finir avec cette idée que nous sommes au sommet de la hiérarchie du vivant : nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres. Malheureusement, les seuls à l’avoir compris sont les peuples indigènes, qui sont aussi menacés d’extinction, ce qui n’est pas de bon augure pour l’humanité…
Sabrina Krief.
En France, comme dans la plupart des pays industrialisés, il n’y a pas d’intérêt et donc pas d’argent pour que les laboratoires conduisent des études épidémiologiques ou des contre-expertisent scientifiques sur la toxicité des produits chimiques qui ont envahi notre quotidien.