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Critiques de Martin Amis (173)
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La zone d'intérêt

Je fréquente les romans de Martin Amis depuis - Money, Money - et - La flèche du temps - dans lequel étaient déjà évoqués le nazisme et les camps d'extermination.

- La zone d'intérêt - m'a été suggéré par un ami juif, journaliste, dévoreur de livres, dont la grand-mère a été déportée à Auschwitz et s'est retrouvée lors "d'une soupe" au camp, face à face avec Mengele.

En dépit de l'acuité littéraire de cet ami, de sa relation aux génocides nazis, il m'a fallu quelques années avant d'oser franchir le pas, anxieux que j'étais de tomber sur une "profanation" sous couvert de l'art supposé qu'auréolerait un livre sur la Shoah, qui est, comme il m'arrive souvent de le répéter, LE marqueur de l'histoire de Sapiens, et pas le détail qu'un certain néo-fasciste français a consenti à lui donner du bout de ses lèvres nazillonnes.

Qu'il soit dit d'entrée de jeu que qualifier le texte d'Amis de montypythonien et se limiter à ce seul aspect de son roman, équivaut à ne retenir d'un livre que la forme et passer complètement à côté du fond. C'est aimer ce même livre pour sa reliure ou l'inverse à cause de sa couverture. C'est enfin ignorer que l'apparence n'est rien, qu'elle est trompeuse si l'on renonce à chercher le coeur qui se cache derrière elle, ce coeur au fond duquel baigne la plaie emplie de sang.

L'histoire est chorale et donne successivement la parole à Thomsen, officier SS neveu de Martin Bormann, haut dignitaire nazi et conseiller d'Hitler, lequel Thomsen va tomber follement amoureux d'Hannah Doll, épouse du commandant du camp Paul Doll, surnommé par ses hommes " le vieux pochetron ", et à Szmul, un Sonderkommando ou Arbeitsjude (esclave juif, en général, forcé contre trois mois de survie de participer à la solution finale).

Cette histoire d'amour autour de laquelle évoluent de nombreux personnages va être la première écriture palimpseste de ce roman où la seconde écriture va être celle de l'horreur nazie et du plus grand crime de masse programmé dans l'histoire de l'homme.

Nous sommes à Auschwitz et Doll n'est autre que Rudolph Höss.

La force de l'oeuvre d'Amis est d'avoir su, par un tour de force d'écriture, nommer certains éléments du camp de la mort différemment.

Le Canada ( "Les Entrepôts du Kanada ou les Entrepôts du Canada ou simplement le Kanada ou le Canada sont des entrepôts localisés dans le camp de concentration d'Auschwitz, où toutes les possessions des nouveaux déportés, les Juifs en grande majorité, sont placées dès leur arrivée. L'appellation de Canada fait allusion au pays du même nom, avec toutes ses ressources. Dans le langage du camp, c'est l'endroit où l'on trouve tout.") par exemple est rebaptisé Kalifornia, sans que le lecteur puisse y voir autre chose que ce que c'était vraiment.

Sa force, c'est d'être parvenu à pousser plus loin la caricature, le grotesque, l'abject d'hommes et de femmes qui pourtant s'étaient employés à faire de leur vie ce qu'il y avait de plus caricatural, de plus grotesque et de plus abject.

Et ce faisant, le tour de force d'Amis, c'est de parvenir enfin à nous rendre l'horreur encore plus innommable, encore plus insupportable.

Un nazi à propos de ce qui est censé être ignoré de ce qui se passe dans les camps : " Des secrets ? Quels secrets ? Toute l'Allemagne se bouche les narines..."

À propos de l'odeur : "carton moisi et huile avariée qui nous rappelle que l'homme descend du poisson"...

Dans les camps, l'odeur est partout, tout le temps... la femme de Doll fume, c'est illégal pour les femmes, des Davidoff ;" ça masque l'odeur "...

La neige est teintée de brun...

Après la défaite, les survivants continuent et continueront, dit-elle, de porter l'odeur et de sentir cette odeur sur ceux qui de près ou de loin ont participé ou se sont tus.

Tout est abordé dans le bouquin d'Amis, depuis ce qui a précédé l'arrivée des nazis au pouvoir jusqu'à leur chute et les quelques années qui suivent celle-ci.

Lorsque j'utilise le qualificatif de palimpseste, c'est parce que en première écriture, on peut lire, Doll assistant à une représentation théâtrale avec sa femme :

" Après plusieurs cocktails au bar du théâtre, Hannah et moi rejoignîmes nos sièges au 1er rang. Les lumières faiblirent et le rideau monta en grinçant vers les cintres, révélant une laitière trapue qui se lamentait de son garde-manger vide. Les Bois chantent éternellement traitait d'une famille de fermiers pendant le rude hiver qui suivit le Diktat de Versailles... Hormis quoi, je ne vis presque rien des Bois chantent éternellement. Non que je me fusse assoupi - au contraire - Il arriva quelque chose de fort particulier. Je passai la totalité des 2 heures et demie à estimer ce qu'il faudrait (étant donné la hauteur de plafond prévue contre l'humidité ambiante ) pour gazer le public du théâtre, à me demander quels vêtements pourraient être récupérés et combien pourraient rapporter tous ces cheveux et ces dents en or..."

D'une efficacité glaçante !

En deuxième écriture, on peut lire :

"-Nous nous étonnons de la nature industrielle de la méthode, de sa modernité. Ce qui est compréhensible. C'est très frappant. Mais les chambres à gaz et les crématoires ne sont que des épiphénomènes. L'idée était d'accélérer le processus et de faire des économies, cela va de soi ; sans compter qu'on essayait ainsi d'épargner les nerfs des bourreaux. Les bourreaux... ces roseaux graciles. Mais les balles et les bûchers auraient fait l'affaire, en fin de compte. Ils avaient la volonté.

Il est bien connu que les Einsatzgruppen en ont déjà tué plus d'un million par balle. Ils y seraient arrivés... de cette façon. Des millions de femmes et d'enfants. Par balle. Ils en avaient la volonté.

-Que pensez-vous... de ce qui nous est arrivé ? de ce qui leur est arrivé ?

-Cela leur arrive encore maintenant. C'est un phénomène bizarre, inhabituel. Si je ne dis pas "surnaturel", c'est seulement parce que je ne crois pas au surnaturel. Mais ça donne l'impression d'être surnaturel. Leur volonté. D'où la tiennent-ils ? Leur agressivité est teintée de soufre. Un vrai souffle de feu de l'enfer. Ou peut-être cela a-t-il été au contraire très humain, purement et simplement humain...

Peut-être tout cela arrive-t-il quand on répète constamment que la cruauté est une vertu. Digne d'être récompensée comme tout autre vertu... par des privilèges et du pouvoir. Comment savoir. L'attrait de la mort... tous azimuts. Avortements et stérilisations forcés. Euthanasie... par dizaines de milliers. le goût de la mort est véritablement aztèque. Saturnien.

Oui, moderne, voire futuriste. Ça, mêlé à quelque chose d'incroyablement antédiluvien. Remontant à l'époque où nous étions tous des mandrills et des babouins."

Implacable réquisitoire.

Grâce à un lexique revisité en partie, à une langue dont la muzikalité donne le La à la brutalité, à l'horreur, au ridicule et au grotesque, Amis en fait prendre pour leur grade à ces êtres qui sont sortis de l'humanité, et fait monter d'un cran la répulsion extrême qu'ils nous inspirent.

La Shoah et ses victimes, contrairement à ma peur initiale, conservent tout le tragique de ce que fut leur impensable "destinée".

Pour conclure, je repense à cette phrase répétée de manière obsessionnelle par Doll-Höss :

"Il n'est pas vain de répéter que je suis un homme normal avec des sentiments normaux".

Et en écho les mots de Primo Levi :

"Aucun être humain normal ne pourrait jamais s'identifier à Hitler, Himmler, Goebbels, Eichmann et quantité d'autres."

Magnifique travail de documentation de Martin Amis, dont on peut prendre connaissance en postface.

Un grand bouquin au réalisme fou, à la vérité historique respectée... à ceci près :

" Comme je l'ai dit, au début, au professeur Evans, la seule liberté consciente que j'ai prise aves les faits attestés a été d'avancer de dix-sept mois la défection à l'URSS de Friedrich Paulus ( le commandant défait de Stalingrad ). Hormis quoi, je colle aux faits historiques, à "ce qui s'est fait", dans toute son horreur, sa désolation et son opacité sanguinaire." ( Martin Amis ).

Je remercie Alain Stern de m'avoir orienté sur la piste de ce livre, livre que je vous recommande.







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La zone d'intérêt

Quand Gallimard refuse la publication de la zone d'intérêt de son bad boy Martin Amis en prétextant un roman choquant et pas à la hauteur du sujet traité (l'Holocauste), große Schock et große Interrogazions se profilent dans le milieu littéraire. Mais le bon chevalier blanc, Calmann-Lévy, qui a flairé le buzz et le bon coup, s'empresse de consoler Amis et s'empare du bébé.

Cucul et naïve comme je suis, il n'en fallait alors pas plus pour attiser ma curiosité et me jeter sur ce livre polémique.

Allez, je vous épargne le suspens, mon verdict après lecture : encore une jolie tempête dans un verre d'eau. Ratage de Amis, point.



Avant tout, on plante le décor: retour donc en seconde Guerre mondiale dans un camp d'extermination double d'Auschwitz, avec trois personnages principaux et une cohorte sans fin de personnages secondaires, tertiaires et x-iaires.

Martin Amis choisit d'alterner les points de vue de ses trois protagonistes: un commandant de camp double de Rudolph Höss, un fonctionnaire allemand double de ces milliers d'officiers juste serviles et obéissants au petit taré moustachu et à ses sbires, et un détenu juif double de ces millions de malheureuses victimes de cette haine sans limite (Szmul pour être précis, et seul personnage qui mérite qu'on retienne son nom, humble hommage de ma part).

L'auteur nous présente la vie du camp dans une écriture cacophonique à la limite du supportable. Pour commencer, il nous noie en permanence sous du vocable allemand qu'on cherche à comprendre au début, puis qu'on zappe très vite, le sens important peu finalement puisqu'il s'agit davantage d'imprégner le lecteur de la deutsche rigueur que de lui faire réviser son lexique (Tiens, je serais curieuse de connaitre ce que donne la version allemande du bouquin du coup..). Ensuite, on passe régulièrement du coq-à-l'âne, et toute concentrée que j'étais pourtant, quantités de lignes me sont restées bien énigmatiques.

On est donc dans un inconfort de lecture permanent. Mais lorsqu'on choisit comme Martin Amis de traiter de l'Holocauste sous un angle satirique et provocateur, c'est fort regrettable: il serait plutôt souhaitable de ne pas perdre son lecteur sous peine de groß mécontentement, nicht? Toutefois, soyons juste, son humour grinçant pour ridiculiser l'idéologie nazie ne m'a pas incommodée pour autant connaissant la réputation sulfureuse de Amis qui n'en est pas à son coup d'essai.

Bon, finalement seuls les trop maigres chapitres consacrés à Szmul méritent un réel intérêt à mes yeux car sans ironie et emplis d'humanité dans ce ramassis de frivolités.



Malgré la postface dans laquelle l'auteur semble vouloir se justifier (on le ferait à moins) ou s'excuser (pourquoi pas, un moment de lucidité est toujours le bienvenu), je ne parviens toujours pas à élucider les intentions de Martin Amis sur ce choix thématique. Tout comme je ne comprends pas pourquoi ce roman est considéré comme chef-d'oeuvre outre-Manche, récompensé me semble-t-il qui plus est.



Pour moi donc: Gallimard 1 / Calmann-Lévy 0

Pfiou, ça fait du bien de jouer les arbitres, et ça console d'être cucul et naïve.
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La zone d'intérêt

Martin Amis a déjà écrit un roman sur la barbarie nazie avec La flèche du temps, l'histoire d'un médecin à Auschwitz, contée à rebours avec une virtuosité qui diluait la monstruosité de ses actes tout en les faisant apparaître, après réflexion, encore plus atroces. Un livre brillant qui est sans doute le meilleur de l'écrivain britannique. Avec La zone d'intérêt, Amis choisit une fois de plus d'évoquer l'horreur par un prisme original, a priori volontairement choquant et provocateur. Trois personnages : le commandant d'un camp (celui d'Auschwitz même si le nom n'est pas prononcé), un officier SS et un membre d'un Sonderkommando racontent leur quotidien chacun à tour de rôle. Hormis pour le témoignage du dernier, le ton est déroutant et le style de l'auteur accentue encore cette impression. Entre des considérations sur la toute puissance du Reich, la machinerie implacable de la solution finale et les ennuis de logistique pour répondre à la nécessité de rendement imposé par Berlin, on y retrouve une sorte de triangle amoureux autour de la femme du commandant. Choquant ? Oui et non. Paradoxalement, ce le serait si le livre était passionnant mais c'est loin d'être le cas. Répétitif, lourd de par son style, n'est-il finalement pas inutile ? Le mécanisme du camp de concentration, cette usine de mort, a déjà maintes et maintes fois décrit y compris à l'écran dans l'Amen de Costa-Gavras. Les Sonderkommandos ? D'une part, ils n'ont qu'une petite place dans le roman et, d'autre part, pour ceux qui ont vu en avant-première le film Le fils de Saul, souvent insoutenable, bien qu'il laisse l'abomination en lisière, la comparaison ne tient même pas. Bref, La zone d'intérêt est un drôle d'ouvrage qui peut perturber mais qui finit surtout par ennuyer.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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La zone d'intérêt

Funambule sur un fil arachnéen cherche angle d'attaque pour traiter l'un des plus grands crimes de l'humanité.

Funambule qui vient à la suite des Bienveillantes, de Jonathan Litell.

Que peut-on ajouter à ce chef d'oeuvre désespéré ?

Il me semble que Martin Amis a trouvé.

Là où Litell donnait à son personnage la substance tragique d'Oreste, une histoire et presque une âme - diabolique mais une âme, Amis réplique par la vacuité complète, l'inanité, le creux, le vide, le rien, le néant, le Nichts. Rien, il n'y a rien ni dans l'esprit ni dans le corps des personnages. Aucune substance. Ce sont des girouettes ballotées au gré du vent. Un vent qui vient du front de l'est, de Stalingrad, très exactement.

Ce texte n'est pas une farce. Golo Thomsen, SS convaincu et dénaturé, très impliqué dans l'extermination des Juifs, est plus ou moins planqué à Auschwitz pendant que ses camarades se battent en Russie. C'est le neveu de Martin Bohrman. Il se promène de ci de là, en tripotant les femmes du bocage silésien, les kapos, éventuellement les femmes d'officiers. Parfois, il donne un avis éclairé aux ingénieurs d'IG Farben, qui implantent une usine dans le camp, s'opposant à tout assouplissement du régime des prisonniers pour en faire de meilleurs esclaves. Car IG Farben, en bon gestionnaire de ses ressources humaines, souhaite que les esclaves ne meurent par comme des mouches. Ce n'est pas rentable. Kreativ Vernichtung. Anéantissement créateur de richesse. Mmmm IG Farben...

Golo tombe soudainement amoureux d'Hannah Boll, l'épouse aryennement parfaite de Paul Boll, commandant du camp d'extermination, double de Rudolf Hoss. Il se confie à son ami Boris, nazi fanatique, officier de la wehrmacht, puni quelques temps et mis au placard à la gestion du camp. Il n'espère qu'une chose, repartir au plus vite sur le front de l'est. Boris ressent une attirance contre nature pour Esther, une jeune prisonnière.Paul, Boris, Golo et quelques autres travaillent avec plus ou moins de satisfaction à l'extermination des Juifs. Hanna est gênée par l'odeur, mais bon, les Juifs, il faut bien s'en débarrasser...Et puis soudain, revirement de situation, voilà qu'Hanna et Golo ont des états d'âme...Et si ce n'était pas bien, pas normal, ce qui se passe là bas, dans les douches ? Dans les fours ? Pourquoi ce revirement ? Est-ce l'amouuuur? Qui donne une conscience ? Non, c'est Stalingrad, qui annonce que la guerre est perdue, que le reich est foutu, qu'il va falloir changer de refrain. Golo et Hanna s'y attellent, horribles pantins désarticulés mus par le vent qui tourne...

Voilà le coeur de l'histoire. Stalingrad, son message. Ce n'est pas dit clairement, il faut le lire entre les lignes. Aucun des personnages ne prend conscience de ce qui lui arrive, car aucun n'a de conscience.

Golo et Hanna sont des zéros, des nuls, dont l'"amour" est rendu abject.

Paul Boll demeure l'abruti fanatique qu'il est, irrécupérable.

Szmul, le Sonder ( Juifs réquisitionnés pour pousser les leurs dans les douches en leur mentant) finit par ...On ne peut pas juger un homme mis par immonde perversité dans cette situation.

Boris, boum.

Ce n'est pas une farce, tout est abject là dedans, tout est monstrueux. Les êtres sont vides. Que le vent tourne encore, et ils y retourneront, au camp d'extermination, faire leur petit boulot et leurs courses. C'est là la nouveauté, l'angle d'attaque et la zone d'intérêt. Pas d'esprit, ils sont différents du personnage de la mort est mon métier, ou des autres livres que j'ai lus sur le sujet. Juste vides. Pas de principe, pas de valeurs, pas de morale, pas de sentiments, pas d'idées, pas de vie intérieure. Des zombies. Mordseele. Ame meurtrière. Âme morte.
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La friction du temps

Ceci n'est pas un roman (il aurait un beau titre...) mais un recueil d'articles écrits entre 1994 et 2017.

Martin Amis, romancier anglais, est très éclectique dans ses thèmes, mais essentiellement tourné vers le Royaume Uni et les Etats Unis. Il passe de la mort de Lady di à la renaissance artistique de John Travolta avec Tarantino, du tennis à Trump, du portrait d'un de ses amis visiblement un animateur célèbre à des commentaires sur Ada de Nabokov...C'est la première limite du texte, du moins pour nous de culture française et francophone : nous ne savons pas toujours de quoi il parle. Visiblement, par exemple, son ami Christopher Hitchens est une institution en ...Angleterre ? Je ne sais pas trop. C'est une sorte de commentateur pour débats politiques musclés comme nous en avons aussi. Mais essayez d'intéresser une Américaine du Wyoming pendant dix pages à, je ne sais pas, "Christopher" Barbier, ce serait compliqué. Ca l'est aussi pour Martin.

Bon, à part ça, il y les sujets qui pourraient m'intéresser : les sujets littéraires, mais qui ne le font pas parce que, Martin et moi, nous n'avons pas les mêmes goûts : Saul Bellow euh...Sorry, jamais lu. Bon, alors Philipp Roth, quand même, Agathe...Euh, oui, La Tâche, Némésis, ouais, j'apprécie pas trop ce monsieur, je le trouve trop porté à réduire ses personnages féminins à un cul et des seins, sorry...Je suis dans le camp qui préfère Oates, dont tu ne parles jamais, Martin. Nabokov ? Bon, déjà mieux. Mais tu ne parles pas de Lolita, tu parles d'Ada et de sa correspondance avec Vera...Et de là à le considérer comme le génie du siècle, faut pas déconner, Martin. Don Delillo, Burgess, GJ Ballard (hein ? Quic'estcuilà ? ) ...Où sont les femmes, Martin...Ah, Jane Austen. Bon, joli article, mais pas révolutionnaire, sauf l'idée que Mansfield Park, la fin, c'est vraiment n'importe quoi, on est d'accord, là.

Je passe le foot, le tennis et le sport en général, qui me surgonflent.

Les articles politiques...

Qu'est-ce qui reste, alors, pour me plaire ? Bon, l'introduction sur la France, qui s'appelle Jean-Jacques, et sur laquelle il est toujours drôle de lire les réflexions perfides des Anglais. Les textes sur la maison de Windsor (mon côté Paris Match...), l'article sur Travolta, les chapitres intitulés "plus personnels", et le texte sur Austen.

Trois étoiles parce que c'est très très bien écrit, insolent et drôle, et que, pour ceux qui connaissent le sujet dont il traite, c'est tout à fait délicieux.

Je remercie Babelio et les éditions Calmann-Levy pour ce livre !
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La zone d'intérêt

C'est le premier livre que je lis qui se déroule durant une guerre et je crois que j'aurais du m'abstenir de lire celui-ci avec son côté très sarcastique et me diriger vers quelque chose d'autre.



Le côté Monty Python des officiers avec ce qu'ils font subir aux victimes est très déconcertant tout au long du roman et les nombreux mots d'allemands gênent la lecture (même sans comprendre l'allemand on arrive à suivre tout de même).



Je crois que ce livre a beaucoup bénéficier du refus de son éditeur à le publier.
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La zone d'intérêt

une histoire d'amour au milieu du charnier de la Shoa insoutenable.

le style limpide est d'autant plus inquiétant.

Malgré la qualité du texte, je n'ai pu le suivre tant il fait naître de souffrance.
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La Maison des Rencontres

Une terrible histoire d'amour de deux frères pour la même femme dans la Russie de Staline j'usquà celle de Poutine. Le livre débute d'ailleurs le jour de prise d'otage de l'école de Beslan. Le narrateur revient sur les terres de Sibérie ou il fut interné pendant dix années avec son frère Lev. Et leur amour commun pour la belle et indomptable Zoya. Il décide de conter leur histoire à sa fille.

Amis décrit l'horreur d'un régime concentrationnaire au sortir de la seconde guerre mondiale. Staline au pouvoir c'est tout un peuple qui se retrouve écrasé par une dictature, une vie de souffrances, de survie, de malheur.

Si l'on peine à rentrer dans le roman, (je me suis même demandé si j'allais poursuivre), Amis peu à peu impose son style sec, glacial nous émeut avec le fragile Lev alors que son frère est d'un cruel cynisme. Un hommage aux millions de russes victime de la folie d'un régime.

Amis mets de côté son côté sulfureux et provocant pour nous offrir un roman convaincant sur la tragédie du peuple russe.
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Expérience

Ce n'est pas la première fois que j'aborde un auteur par sa biographie ou autobiographie et ma foi, ça avait bien marché pour Carson McCullers, dont je me suis empressée de lire les romans par la suite.

Martin Amis est décédé l'année dernière, on en a entendu parler dans les médias, Paul Auster et Salman Rushdie, en tant qu'ami proche, lui avaient rendu hommage. Satiriste mordant, ironique, féroce, de quoi me donner envie de le découvrir alors quand la Masse critique a proposé son autobiographie, je me suis proposée...

C'était un risque: plus de 500 pages autobiographiques d'un auteur que je n'avais jamais lu, que je connaissais à peine de nom et à peine plus par réputation... disons que les 300 premières pages sont passées comme une lettre à la poste, et qu'après je me suis un peu lassée.

Un chapitre sur deux est dédié aux lettres qu'il envoyait, quand il était étudiant, à son père et sa belle-mère: des lettres de jeune homme un peu arrogant mais aussi un peu perdu demandant de l'argent, certes, mais aussi des conseils et une certaine reconnaissance de ces deux monstres: car son père, Kingsley Amis, était un écrivain reconnu - il a été annobli et est devenu Sir Amis - et sa belle-mère publiait elle aussi.

Les autres chapitres progressent lentement dans le temps mais de manière très digressive, et les différentes périodes de la vie de l'auteur se téléscopent de manière intéressante mais souvent un peu perturbante.

Les points majeurs de ce récit concerne la carrière de son père et sa vie personnelle, on sent de l'admiration pour ce père qui l'a peut-être un peu écrasé dans sa propre carrière. Il revient aussi souvent sur le meurtre de sa cousine, alors âgée d'une vingtaine d'années et victime d'un tueur en série retrouvé dans les années 90 seulement, soit vingt ans plus tard. Enfin, dernier point majeur: ses dents (si si). Une dentition en piètre état qui le font souffrir depuis sa plus tendre enfance- et quand on regarde ses photos, on ne peut s'empêcher de penser que derrière ces lèvres hermétiquement fermées l'une sur l'autre la douleur fait rage - et a fait les frais d'une polémique quand il a dépensé une fortune pour se faire refaire toute la dentition aux Etats-Unis (franchement je compatis et je le comprends, mais seuls ceux qui souffrent des dents peuvent vraiment comprendre!).

En soi, j'ai été intéressée par le cheminement de cette autobiographie, bien que ne pouvant absolument pas m'identifier à ce monde d'intellectuels anglais et américains se fréquentant de manière tout-à-fait naturelle. Je reprocherais à Amis d'avoir eu trop de foi en le lecteur - ou d'avoir été atteint de paresse à mi-chemin - lorsque les explications sur les personnes intervenant dans le récit se font plus rares...

Cette autobiographie est une réédition car elle a été publiée une première fois en 2000 et est ressortie l'année de sa mort. Elle m'a donné envie de tenter un de ses romans, même si je ne suis pas sûre d'adhérer.

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La zone d'intérêt

JoyeuxDrille écrit dans sa critique : « Un livre qui, d'évidence, ne plaira pas à tout le monde et en laissera d'autres perplexes. » J’appartiens à la catégorie des perplexes. La « zone d’intérêt » raconte la vie d'un camp de concentration, le Kat Zet 1, du triple point de vue narratif de Paul Doll, le commandant du camp, d'Angelus Thomsen, un officier nazi coureur de jupons et de Szmul, un sonderkommando affligé.

Paul Doll est le double fictif de Rudolf Höss, l’officier qui a commandé les camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. C’est un homme dépourvu de toute conscience et de toute empathie pour ses victimes. Ses deux principaux soucis sont d’améliorer l’efficacité des massacres et d’obtenir à nouveau les faveurs de son épouse Hannah. Martin Amis le dépeint en bouffon alcoolique désigné par ses collègues nazis sous le joli sobriquet de '’vieux pochetron’’. Quand Amis le fait parler, il place des « Ach », des « nicht » et utilise des mots allemands pour désigner l’anatomie féminine des femmes. Par ses tics de langage, le personnage m’a fait penser au Colonel Klink de la série « Papa Schultz »… La satire est si grossière que Martin Amis est à deux doigts de le représenter traversant le camp en tutu rose… Après une journée passée à la rampe à aopérer des sélections sur les convois, Doll rejoint sa femme et ses deux filles dans sa maison bourgeoise située à proximité du camp.

Angelus Thomsen est le neveu de Martin Bormann, un personnage historique, chancelier du Parti nazi et secrétaire de Hitler. Il doit son grade à son oncle mais semble peu concerné par l’idéologie nazie. Pour résumer son activité il déclare : « Je rute, je rute, je rute ». Il tombe éperdument amoureux d’Hannah Doll.

Le personnage de Szmul apporte une dimension tragique à l'œuvre. Il est responsable des Sonderkommandos, ces prisonniers qui ont participé au processus de la solution finale en aidant par exemple à la sélection ou en récupérant sur les victimes tout ce qui pouvait avoir une quelconque valeur. Il a vendu son âme pour survivre quelques jours, quelques semaines de plus. Szmul est la conscience du roman. Il voit l’horreur. Il sait.



La «zone d’intérêt» désigne la région d’Auschwitz. Cette formule utilisée par les nazis a une connotation économique . Le roman évoque en effet la construction au sein du complexe concentrationnaire de la Buna-Werke, une fabrique de caoutchouc financée par l’entreprise IG Farben. Martin Amis fait débattre les officiers SS et les ingénieurs de la firme : est-il nécessaire d’affamer et d’épuiser la main-d’œuvre fournie par les déportations ? Il interroge le rôle et la culpabilité de ces « perpétrateurs de bureau » et de ces « meurtriers bureaucrates ». La zone est délimitée par cette odeur pestilentielle de cadavres enterrés à la va vite avec laquelle il faut apprendre à vivre. Certains s’y habituent, c’est la « banalité du mal », d’autres non. Comment rester humain au milieu de l’horreur ? Comment vivre après avoir côtoyé le mal ? Comme le déclare Hannah à la fin du roman : « ce serait dégoûtant que quelque chose de bien sorte de cet endroit ». La culpabilité peut mener à la folie ; le roman peut se lire sous la lumière du Macbeth de Shakespeare, qui est cité en préambule.



Martin Amis se justifie dans sa postface. Il s’est longuement documenté. Et c’est vrai que la fiction colle aux faits historiques du camp d’Auschwitz. Traiter ces événements de manière décalée peut se révéler précieux pour apporter une nouvelle lecture de la Shoah. Après, nous sommes en droit de nous demander s’il était vraiment utile de faire d’ un dignitaire nazi un obsédé sexuel, de dépeindre le commandant d’un camp d’extermination en clown grotesque atteint de troubles psychiques, et de parsemer le récit de mauvaises blagues. Etait il nécessaire de donner tant de place au coup de foudre de Thomsen? Cette satire excessive plombe une oeuvre qui partait sur de bonnes problématiques et un traitement original.

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La Flèche du temps

Roman de Martin Amis.



Tod Friendly se réveille d'une douloureuse agonie. Et voilà que tout recule: sa vie, le temps, le monde. L'univers a enclenché la marche arrière. Tod rajeunit, retrouve l'usage et la maîtrise de son corps, il retourne sur les pas de sa jeunesse avec tous ses souvenirs de vieillesse. Mais étrangement, le personnage change. Le vieil homme débonnaire qui offrait des jouets aux enfants devient un homme avide de conquêtes féminines. Il devient surtout un homme aux multiples visages et multiples noms. Tod Friendly cache un secret et il en prend connaissance en même temps que le lecteur.



La narration prend aux tripes! Et ce n'est pas qu'une image... Le narrateur est une voix qui semble intérieure voire supérieure à Tod, tout en étant la sienne. Du "je" qu'utilise la voix narratrice, on passe au "nous" qui inclut le narrateur et Tod, et au "il" qui n'est que Tod. Pas de règle dans les changements. D'un paragraphe à l'autre, la voix se fait polyphonique ou désincarnée. La voix narratrice est Tod, mais le phénomène de distanciation est tel qu'on croit entendre la voix d'un frère siamois qui ne lâcherait pas Tod d'une semelle. "Parasite ou passager, je voyage avec lui." (p.96)



Le narrateur s'adresse au lecteur, il livre un témoignage crédule sur la marche du temps et la vie de Tod. Il est intimement lié à Tod, mais impossible d'en savoir davantage sur lui. Il est là, et il semble se demander, autant que nous, pourquoi et comment. Tod ignore son existence. "Nous sommes ensemble dans cette histoire, absolument, mais il est trop seul, ce n'est pas bien. Son isolement est total. Parce qu'il ne sait pas que je suis ici." (p. 26) "C'est sûrement le hasard qui m'a accroché comme ça à Tod mais il ne doit pas savoir que je suis ici. Et je me sens seul..." (p. 47)



La voix narratrice se fait juge, amie, philosophe, moralisatrice. Elle exprime tous les sentiments que Tod n'exprime pas. Tod agit: c'est un homme à femmes, un médecin, un aventurier. Tod est dans l'action mais les émotions et l'introspection sont l'oeuvre de la voix narratrice.



Tod Friendly est un homme au passé trouble qui se cache derrière des identités diverses: John Young, Hamilton de Souza ou Odilo Unverdorben, il est insaisissable. À mesure qu'on découvre son passé et sa jeunesse, il semble se redessiner. Ce que l'on a lu devient autre. Et Tod Friendly, dont le nom dispose si aisément à la sympathie devient peu à peu moins amène.



Le secret du personnage principal se dévoile par bribes. Tod, à mesure qu'il remonte vers sa jeunesse, est assailli de rêves troubles et horrifiques. On se doute qu'il y a de l'horreur et de l'innommable dans son passé, mais lui même ne le sait pas. "Il voyage vers son secret. [...] Ce sera mauvais. Ce sera mauvais et incompréhensible. Mais j'apprendrai une chose (et cette certitude me réconforte), je saurai à quel point son secret est mauvais. Je connaîtrai la nature de l'offense. Je sais déjà ceci. Je sais que c'est lié aux ordures et à la merde et que ça tombe à un mauvais moment." (p. 96) Ce secret, quel est-il? Je n'en dirai pas davantage ici, d'abord parce qu'un secret ne se révèle pas et surtout parce que j'en ai déjà trop dit...



"J'ai juste l'impression que le film est en train de passer à l'envers." (p. 18) Voilà à quoi ressemble la vie de Tod et la course du temps. Tod se réveille à l'hôpital, c'est-à-dire qu'il revient sur les pas de sa propre mort. Il ne semble pas exister d'évènement déclencheur. Le monde tourne ainsi, à l'envers. Mais pour avoir conscience de la marche arrière, il faut bien avoir conscience de la marche avant. Et voilà qui est si étrange et si réussi dans ce texte. Le narrateur raconte en toute innocence tous les processus d'une vie, mais à l'envers, et sans que ça le choque, ou si peu. Les rares prises de conscience dont il bénéficie sont des anomalies. "J'ai déjà remarqué bien sûr que la plupart des conversations seraient beaucoup plus compréhensibles qui on les repassait à l'envers." (p. 80) Dans le monde de Tod, une rencontre se termine avant de s'être produite, on passe aux toilettes avant d'avoir mangé, on roule en marche arrière, les bébés remontent dans le sein de leur mère et les conversations commencent par "au revoir". Le lecteur doit se livrer à une gymnastique particulière. Mais lire les dialogues tels qu'ils sont imprimés est surprenant: il ont un sens!



Alors, on pourrait croire que tout va mal. Mais si les bonnes choses vont à l'envers et s'annulent, les mauvaises font de même. Ainsi les blessures guérissent puisqu'elles n'ont pas lieu, les lettres brûlées surgissent du feu et les miroirs brisés reprennent leur place sur le mur. De même, l'horreur la plus terrible n'épouvante plus puisqu'elle n'a plus lieu et que tout concourt à l'annuler.



La flèche du temps est une notion liée à la thermodynamique. L'auteur joue avec les notions fondamentales de la physique en proposant un récit qui met en scène l'histoire et l'Histoire. C'est comme à l'école quand il fallait tracer une frise chronologique, mais dans l'autre sens. Ce qui compte, ce n'est pas plus le résultat, mais les causes. Au début du livre, Tod se plaît sous le gouvernement de Reagan. Puis il trouve sa place au sein des militants qui protestent contre la guerre du Viet-Nam. L'assassinat de JFK et les premiers pas sur la Lune sont des évènements majeurs, mais bien peu considérés par le narrateur qui constate plutôt que la sécurité obtenue par les surveillances ultra-développées des nouvelles technologies fait défaut. Avec lucidité, il déplore le recul du progrès et des avancées technologiques.



Ce livre se lit facilement et avec curiosité. L'histoire m'a rappelé celle de Benjamin Button, écrite par Francis Scott Fitzgerald (Oubliez le film, il est trop cul-cul!) Voilà un texte qui fait réfléchir sur la responsabilité humaine. L'Histoire relue à l'envers, annulée par les bons soins d'une horloge temporelle farfelue, devient moins laide. Les grandes horreurs de ce siècle tombent dans l'oubli d'une conscience qui ne les a jamais formées. Enfin, l'auteur décompose avec brio les petites habitudes de notre quotidien, et l'humour se fait féroce dans la description des scènes les plus intimes de la vie privée. Bref, un texte à lire absolument!


Lien : http://lililectrice.canalblo..
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Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre

Critique de Alexis Liebaert pour le Magazine Littéraire



Son père Kingsley Amis faisait partie des Angry Young Men, ces jeunes gens en colère qui, dans les années 1950, décidèrent de révolutionner la littérature anglaise. Martin Amis a su - à sa manière plutôt fracassante - reprendre le flambeau paternel. Volontiers qualifié outre-Manche de bad boy des lettres, il fait tout pour mériter son titre, s'attachant depuis plus de trente ans à dynamiter le prêt à penser contemporain. Et ce n'est pas son dernier roman, Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre, qui va contribuer à redorer son image. D'où cette situation paradoxale pour celui qui est sans conteste l'un des plus grands romanciers anglais actuels : pour les uns, rénovateur des lettres britanniques et, pour les autres - qui ne lisent pas -, un gibier de tabloïd que tout est bon pour traîner dans la boue. Même détestation du côté de la gentry, qui vomit celui qu'elle considère comme un provocateur, doublée de l'hostilité de ces bobos qu'il n'épargne guère dans ses récits.

Rien d'étonnant, dès lors, à ce que Martin Amis ait lucidement prédit que ce dernier opus serait reçu par ses compatriotes comme une final insult, une dernière insulte à l'Angleterre. Et de fait c'est probablement ce que l'on peut écrire de plus féroce sur la Grande-Bretagne d'aujourd'hui. Non que le pays décrit par le (plus si jeune) prodige soit en tous points réaliste. Un rien caricatural (encore que), peuplé de personnages improbables (encore que), il dessine à travers ses outrances un tableau malheureusement assez juste de nos sociétés.

Voici donc Lionel Asbo, de son vrai nom Lionel Pepperdine. Le gaillard, une brute au crâne rasé de 24 ans, délinquant multirécidiviste, a choisi de changer de patronyme pour adopter cet Asbo qui n'est autre que l'acronyme d'Anti-social behaviour order, ce qui se passe de commentaire. Ajoutons à ce sympathique portrait que Lionel est flanqué de deux pitbulls psychotiques qu'il abreuve de bière et de Tabasco. Et puis il y a son neveu, le jeune Desmond Pepperdine, tout son contraire. Fils de la soeur aînée de Lionel, il est « à moitié noir » et poursuit envers et contre tout ses études dans l'appartement partagé avec Asbo et ses molosses. Un gamin parfait, s'il n'était l'amant de sa grand-mère, la mère de Lionel, donc. Scandaleux, sans doute, mais précisons que ladite aïeule n'a que 39 ans, ayant enfanté la mère de Desmond à l'âge de 12 ans.

Mais Lionel Asbo ne serait peut-être pas Lionel Asbo s'il ne vivait pas à Diston. Ah ! Diston, une riante cité de la banlieue londonienne qui « sur une courbe planétaire de l'espérance de vie aurait figuré entre le Bénin et Djibouti (54 ans pour les hommes et 57 pour les femmes) et, sur une courbe planétaire des taux de fertilité, entre le Malawi et le Yémen (6 enfants par couple ou mère célibataire) ». Le décor planté et les personnages présentés, ne restait plus qu'à faire gagner à un Lionel une nouvelle fois derrière les barreaux quelque cent quarante millions de livres à la loterie. Grâce, bien entendu, à un billet volé à un vieux codétenu. La suite on l'imagine aisément. Le « voyou du Loto », comme l'appelle la presse, se comporte comme prévu, dépensant sans compter, buvant du Mumm dans des chopes à bière, achetant une maison au mauvais goût extravagant et roulant à tombeau ouvert dans son énorme 4 x 4 forcément noir... Il aura sa période « je travaille mon image », se « fiançant » avec une bimbo qui se voudrait la reine des poètes et n'est qu'un personnage de la téléréalité. Et, pendant ce temps, Desmond finit ses études, devient journaliste, se marie et a une petite fille. Tout cela en continuant de vivre faute de moyens dans l'appartement de Diston où Lionel a tenu à conserver sa chambre pleine des trophées de sa vie de délinquant. Le bonheur, s'il n'y avait cette épée de Damoclès : la réaction de Lionel s'il apprend un jour que son neveu a couché avec sa mère... Suspense garanti.

Avec Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre, Martin Amis retrouve la magie de ses premiers romans (London Fields...), cette capacité à se réinventer, à créer sa propre langue, cette maîtrise des dialogues accompagnée d'un rare talent pour la description. Féroce, mais tellement doué !

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Train de nuit

La fille du commissaire Tom, Jennifer, vient de mettre fin à ces jours. Cette jeune femme incarnait la réussite, études brillantes, éducation raffinée et un physique resplendissant. Dévasté, il demande à l'inspecteur Mike Hooligan de trouver les raisons de ce drame. Celle-ci (car Mike est une femme) va remuer ciel et terre pour atténuer l'horrible désarroi de ce père anéanti en qui elle a une dette. L'enfant terrible de la littérature anglaise, nous livre un roman puissant entre polar et histoire sordide, avec un malin plaisir à nous mettre dans la position de voyeur.

Un train de nuit qui nous emmène dans les méandres de l'intimité avec un talent certain.
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La veuve enceinte : Les dessous de l'histoire

Retour vers les années adolescentes en 70 aux heures de la révolution sexuelle, de ses excès pour une jeunesse anglaise dorée, en vacances dans un château en Italie. Un pavé époustouflant , trop dense en personnages, en dialogues branchés, souvent codés, en référence constante aux personnages romanesques de la littérature anglaise qui entraînent des discussions philosophiques, prétextes à des essais initiatiques et générateurs de déceptions sentimentales.

Le héros se remet mal de son été tourmenté par le désir et les fantasmes et en paiera les pots cassés comme presque tous les autres de cette génération qui a brûlé les étapes de l'amour.

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La Flèche du temps

Imaginez que vous regardez un film à l’envers. Tod Friendly est sur la table d’opération, les médecins s’affairent autour de lui. Soudain, toute la vie de Tod se déroule à l’envers sous les yeux du narrateur.. Il se couche le matin et se lève le soir, sort la nourriture de sa bouche, commence une relation amoureuse par une gifle…

Qui est vraiment ce narrateur extérieur ? Est-ce que c’est Tod Friendly que observe sa vie se dérouler ? Le narrateur utilise tour à tour, le ‘il’, le ‘nous’ et même le ‘je’. Et pourtant, il ne peut aucunement agir sur le déroulement des événements. En lisant, je n’ai pas remarqué à quels moments, il se sert plus de l’un ou de l’autre. Puis, quelques jours après ma lecture, je me suis demandé si c’était quand il se sentait plus proche de Tod. Une relecture s’impose.

Une autre question que m’a fait poser ce roman particulier : pourquoi Martin Amis choisit-il de raconter cette histoire à l’envers ? En dehors de l’originalité de cette narration, le point principal de l’histoire est quand même son rôle dans le camp d’Auschwitz. Et dans cette version-là, à ce moment-là, il est quelqu’un de louable car les morts, de ses mains, revivent.

Je ne suis pas sûre d’avoir les bonnes explications, de savoir quel message il a voulu faire passer mais ce roman m’a fortement intéressé et m’a fait poser des questions.

Certaines actions paraissent absurdes dans ce sens, d’autres autant de bon sens que dans la vie normale. Mais elles s’enchainent, les uns aux autres. Il faut essayer de se laisser porter par l’histoire, il se dégage un certain humour de cette routine… mais aussi une gymnastique mentale qui vaut le coup. J’avoue que j’ai mis un moment à voir les choses dans le bon sens !

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La veuve enceinte : Les dessous de l'histoire

Je suis difficilement parvenue au bout de ce livre, le premier de Martin Amis que je lisais. Le style est obscur, le rythme plus que lent, il ne s'y passe rien.

Les trois quarts du roman sont consacrés au récit des vacances d'été en Italie en 1970 d'un jeune anglais Keith et de sa petite amie Lily. Ils ont 20 ans, sont invités chez des amis dans un vieux château avec piscine privée et domestiques. Rien de bien stressant.

Les activités de Keith sont les suivantes : lire des romans anglais - ce qui donne lieu à quelques digressions sur la supposée vie sexuelle des personnages de Jane Austen -, lorgner les seins nus de Shéhérazade - leur hôtesse - au bord de la piscine, se laisser envoûter par le gros cul de Gloria, une autre invitée, et faire l'amour à sa petite amie, la nuit. D'autres personnages gravitent autour d'eux, un Italien, une Brésilienne et sa fille, un autre couple d'amis...Il y a aussi la sœur alcoolique et nymphomane, le frère aîné...

Le thème : la révolution sexuelle des années 70 et le traumatisme qu'elle semblerait avoir engendré chez les jeunes des classes sociales supérieures, particulièrement les mâles...

Le quart restant est consacré aux années, décennies suivantes, de tous ces personnages, tous aussi inconsistants. Ils se sont marié quitté, trompé, remarié, ont fait des enfants...Keith a surmonté ses problèmes d'impuissance et vit avec sa troisième épouse...

Tout cela m'est resté très lointain. L'essentiel m'a certainement échappé à cause du manque de clarté du texte. Très décevant.

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Train de nuit

Un troublant face à face entre une policière déjantée et le cadavre d'une jeune-fille à qui la vie a tout donné, et qui a choisi de se supprimer d'un colt 22 dans la bouche. Suicide inexplicable,sur lequel Mike,la policière au prénom masculin,est chargée d'enquêter,mais,avant tout, polar métaphysique, qui interroge chacun de nous sur les apparences trompeuses,le mystère des êtres qui nous sont les plus proches,la goutte d'eau qui peut faire déraper des années d'équilibre, et ce "Syndro-

me du Paradis",cette forme de maladie mentale qu'est la difficulté d'affronter et d'accepter le bonheur.
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Train de nuit

Un excellent Martin Amis qui commence comme un polar apparement simple à résoudre avec une question : la fille du commissaire qui a tout pour être heureuse s'est elle vraiment suicidée ou bien est ce un crime camouflé ?

L'enquêtrice, sorte de double inversée de la morte est chargée de donner ses conclusions au commissaire. On assiste alors à une réflexion approfondie sur le suicide, les raisons qui pousseraient quelqu'un de si bien équilibrée que la pauvre jeune femme à se donner la mort en donnant autant de fausses pistes.

Ce livre se révèle ainsi dévier de son but premier et atteint des profondeurs humaines qui montrent la complexité des motivations, les zones secrètes de chacun, la peur de vivre dans un univers inconnu, autant que chacun ici sur terre.

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La zone d'intérêt

Un remarquable roman sur la Shoah vue de l'intérieur, à la manière des Bienveillantes de Jonathan Littell mais aussi de la mort est mon métier de Robert Merle. La façon qu'a Martin Amis de nous faire comprendre que le nazisme est incompréhensible est magistral. Rarement un auteur a aussi bien su décrire l'indescriptible. Les personnages sont campés avec une grande maîtrise ; l'idée qu'a eue l'auteur de mêler des mots allemands aux passages dans lesquels le commandant du camp est le narrateur est très suggestive. Le style de l'auteur, tout à fait particulier en ce que, bien que racontant une histoire, il ne semble pas la raconter vraiment, une partie variable du sens échappant toujours au lecteur, est particulièrement bien adapté au sujet traité. Il est totalement incompréhensible que Gallimard ait refusé ce livre magistral et terrible.
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La zone d'intérêt



Eclair, tonnerre, averse, soleil, arc-en-ciel : la météorologie du coup de foudre. C'est ce qu'a ressenti Angelus Thomsen pour la belle Hannah : rien de très original; ce qu'il l'est davantage ce sont les personnes impliquées et l'endroit où survient ce coup de foudre.Angelus, officier SS de haut rang n'est rien moins que le neveu d'adoption de Martin Bormann, secrétaire d'Hitler; Hannah mère de jumelles blondinettes est quant à elle la femme de Paul Doll, également appelé le vieux pochtron, commandant de la Zone d'intérêt (une des expressions utilisées pour parler d'Auschwitz).

Nous sommes en 1942.

Le début du roman a tout du vaudeville : une femme, un mari, un amoureux, l'ami de celui-ci Boris., un prétexte pour un roman dont l'objectif est tout autre.

Comment parler de la Soah en se plaçant du côté des bourreaux, sans utiliser les mots et le style que d'autres avant vous ont utilisés? Comment ne pas tomber dans le voyeurisme macabre, voire gore?

Martin Amis a choisi la satire, la dérision, comme Edgar Hilsenrath dans "le barbier et le Nazi" entre autre. Pour moi son roman s'apparenterait plutôt au film de Chaplin "Le dictateur", mais là où Chaplin se moque des dirigeants, Amis, lui, jette son dévolu sur les exécutants. Ceux qui dans leur vie quotidienne et malgré tous leurs problèmes personnels ou "professionnels", n'avaient qu'une obsession : accomplir de leur mieux les directives venues d'en haut et la réalisation des objectifs. Celui de Paul Doll est d'exécuter un maximum de déportés, Celui d'Angelus est de faire tourner la machine de guerre , en les utilisant dans son usine de carbure ( Auschwitz est une zone d'interêt et doit être rentable à tout point de vue). Sans oublier Schmul, le sonderkommando le plus triste du monde qui espère en se faisant remarquer le moins possible, vivre suffisamment longtemps pour témoigner de ce qu'il a vu.

On s'épie, on se jauge, on se plaint des uns aux autres car si tous sont en apparence des nazis certifiés, tous n'ont pas le même vécu. Paul Doll passé de la gauche au nazisme, s'est donné beaucoup de mal pour en arriver là et remplit son rôle d'executeur avec une rigueur qui ne supporte aucune désorganisation, si minime soit-elle. Pour lui, Angelus, neveu de Borman, plutôt flegmatique est un pistonné dont il se méfie (à raison). Pour Angelus et Boris, Paul Doll n'est jamais que "leur petit Eichmann avec sa planchette et son sifflet".

Ces administrateurs zélés sont grotesques, et ceci ne fait que renforcer l'horreur d'une situation où le plus grand nombre dêtres humains va être exterminé pendant que cette petit poignée qui a leur vie entre les mains cherche à s'occuper entre 2 "arrivages". Car si on y tue en masse, il faut aussi tuer le temps.; On boit, on mange (beaucoup), on assiste à des concerts, à des pièces de théatre (dans lesquelles jouent des déportés) mais il faudrait quand même beaucoup d'aveuglement pour continuer à faire semblant de vivre "normalement", alors qu'à la neige qui tombe se mêlent les cendres des crématoires et que la population des alentours se plaint de l'odeur.

Ce roman n'occulte rien des atrocités qui se sont passées dans ce camp mais par la dérision il apporte un surcroît d'effet glaçant. Auschwitz n'est jamais nommé autrement que par la zone d'intérêt. Le nom d' Hitler n'est jamais prononcé mais il est omniprésent, car tous se réclament de lui dans l'exécution de leurs basses oeuvres.

En refermant ce livre je n'ai pas pu m'empêcher de penser à tous ces camps qui existent actuellement sur la planète. A tous ces endroits où au prétexte d'une quelconque idéologie certains s'autorisent à tuer et à torturer en fait pour leur simple plaisir. Il n'y règne peut être pas l'organisation nazie, mais le sentiment de toute puissance que donne la faculté d'ôter la vie est bien là.

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