Septembre 1967. Paulette van der Beck, directrice de l'École ménagère de Boersch, en Alsace, accueille ses nouvelles recrues : des jeunes filles qui vont apprendre les bonnes manières pour devenir les meilleures des épouses : discrètes, soumises, dévouées à la carrière et au confort de leur mari. Mais le vent de la contestation de Mai 68 va bientôt souffler dans les murs de la vénérable institution patriarcale
Comme Séraphine ou Violette, le nouveau film de Martin Provost est une affaire de femmes. Mais dans un registre plus léger, et plus enjoué : La Bonne Épouse est une comédie, un feel good movie plein de couleurs et de fantaisie où Juliette Binoche, Yolande Moreau et Noémie Lvosky semblent s'être beaucoup amusées à incarner respectivement une grande bourgeoise en voie d'émancipation, une prof de cuisine et une religieuse qui mène ses troupes à la baguette.
La Bonne Epouse, présenté en avant-premières lors du Festival cinéma Télérama 2020, du 15 au 21 janvier, sortira en salles le 11 mars.
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André Plomeur est né à Quimper, par un beau jour d'avril.Sa mère finissait de larder un rôti de boeuf quand elle se sentit embrochée comme un poulet prêt à cuire.La cliente qui attendait,la voyant étouffer, crut que c'etait le coeur qui lâchait.Mais non .Ça se passait plus bas. Lorsque les eaux se mirent à ruisseler sur la sciure ,on envoya chercher le futur papa aux abattoirs .Il fallait le prévenir dare-dare que l'enfant de l'amour arrivait.
La vie était un jeu que les enfants pratiquaient à merveille.
Son premier mot ne fut évidemment pas de ceux auxquels on s'attend d'habitude, ces chers "papa", "maman" lâchés comme la preuve absolue d'une prédisposition du coeur à nommer l'un et l'autre, pas du tout. Après les gargouillis et onomatopées d'usage, le jour où Fernande décida de sevrer à jamais son loupiot en sanglant fermement ses tétons, ce dernier lâcha ce seul mot, qui resta pour toujours gravé dans les annales :
- Bifteck !
Et dans son esprit si peu sophistiqué s'établit plus solidement cette pensée fixe et ferme: conduire ces enfants à bon port, ainsi trouver le sien.
Quand il se sentit plein de cette vision qui donnait tout son sens à son existence, André se coucha parmi ses petits, attirant à lui les sept corps endormis qui se refermèrent sur son corps comme les pétales d'une même fleur.
Il s'endormit vite, noyé par la tendresse.
L'Ankou,l'Ankou rôdait de l'autre côté de la coque.Il savait comment le passeur des âmes prépare toujours ses coups en vache.La mort n'abandonne pas si facilement un champ de bataille.
Elle leva son délicat visage vers le premier étage et André vit alors, dans jeux égarés, gorgés d’un trop-plein d’amour maternel, cette même douleur qu’il avait devinée chez les vaches à qui l’on vient de prendre un veau pour le mener à l’abattoir, et qui meuglent à la mort plusieurs semaines.
Il prit son courage à deux mains et regarda droit devant lui, vers l'ouest. Il crut apercevoir au loin son propre avenir. Et il pressa le pas, car il ne voulait rien perdre du jour qui allait naître.
Aux étoiles les plus proches, les plus fixes, ils attribuèrent leurs prénoms. A celles qui se trouvaient à l'arrière-plan, le nom des sept couleurs. Aux plus lointaines encore mais visibles à l'oeil nu, celui des sept notes de musique. Et enfin, comme la spirale ne cessait de se déployer et qu'ils aimaient passionnément leur père, les mots propres à nommer tous les morceaux du poulet, du mouton, du cochon et du boeuf.
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André Plomeur est né à Quimper, par un beau jour d’avril. Sa mère finissait de larder un rôti de bœuf quand elle se sentit embrochée comme un poulet prêt à cuir. La cliente qui attendait, la voyant étouffer, crut que c’était le cœur qui lâchait. Mais non. Ça se passait plus bas. Lorsque les eaux se mirent à ruisseler sur la sciure, on envoyer chercher le futur papa aux abattoirs. Il fallait le prévenir dare-dare que l’enfant de l’amour arrivait.
Élevé au lait entier, le jeune André évolua rapidement dans la tradition ancestrale en travaillant au magasin dès l’âge de cinq ans. A sept, il savait déjà tenir la caisse, à huit, égorger son premier mouton, à dix, vous désosser une épaule en deux temps trois mouvements et l’entrelarder sous votre nez, façon bouchère. Fallait voir comment il aimait la bidoche. Si les pianistes naissent tous avec un don, André semblait venu sur terre avec celui qui fait chanter le bifteck.
Toutes ses années scolaires, il les passa à la boucherie, l’enseigne arborant les lettres du nom familial peintes en rouge sang sur un fond rose fuchsia. Loïc, son père, Fernande, sa mère (descendante directe d’une lignée de charcutiers originaire de l’île de Molène, créateurs de la saucisse du même nom), décidèrent, à l’arrivée du rejeton, de ne rien changer aux principes d’une éducation transmise par les générations précédentes, qui avait déjà fait ses preuves. Loïc apprit donc lui-même au marmot l’art des voyelles et des consonnes. Chaque fois qu’il débitait les quartiers de bidoche au hachoir, il lui faisait répéter à voix haute les noms inscrits sur les panneaux cloués aux murs de la boucherie où les bœufs, les moutons, les cochons et les chevaux, soigneusement dessinés à la plume, apparaissaient découpés en morceaux. A comme abats, B comme bifteck, C comme côtelette, D comme dindon (chez Plomeur, on faisait aussi la volaille), E comme épaule, F comme filet mignon, G comme gigot, H comme hure, I comme indigestion…