Citations de Martine Delvaux (131)
Je ne sais pas si j'ai des leçons de féminisme à donner. Je ne sais pas si c'est ce que je fais quand je prends la parole en tant que féministe. Je ne sais pas non plus si toi, en vivant avec moi, c'est ce que tu prends de moi car une sorte d'osmose, un féminisme qui s'infiltre, absorbé de manière spontanée.
Je n'ai jamais pensé que j'avais le droit de dire aux mères comment élever leurs filles en tant que féministes. Qui peut se permettre d'affirmer une chose comme celle-là ? À partir de quelle position et de quels privilèges ? Qui suis-je, moi, pour oser faire ça ?
Mais ce que je peux faire, c'est parler de ma vie avec toi, de ce que ça m'a appris de vivre avec toi.
Cet amour-là.
On constate l’absence des femmes, on pense leur effacement ou leur domination leur humiliation, leur sacrifice… mais est-on capable de penser l’omniprésence masculine? […] Une non-mixité si vaste, si étendue, si généralisée, si ordinaire, en somme, qu’elle passe inaperçue (p. 12).
On se demande comment Thelma a pu être aveugle à son jeu, pourquoi Louise n'a pas insisté, comme si elle avait douté d'elle-même, ne sachant plus distinguer entre ses craintes et la réalité ? Pourquoi elle a suivi l'élan de son amie qui lui disait qu'elle s'en faisait pour rien, que ses années de serveuse l'avaient rendue blasée, plutôt que de décevoir Thelma en les forçant à partir ? Mais aussi : pourquoi interdire aux femmes de prendre des risques ? Pourquoi les exemples de femmes qui partent en voiture sont-ils nécessairement tragiques ? Et pourquoi Thelma et Louise devaient-elles s'attendre au pire ? Les hommes ont Jack Kerouac. Les femmes ont Thelma et Louise. Au lieu de l'exploration, la fuite. Au lieu de l'errance, la panique. Et au coeur de tout ça : un viol. La scène classique.
Les livres ne me font pas pleurer, mais les films oui, certains films et sans doute quelques livres aussi, tout compte fait. Est-ce que les mots sur la page ont le pouvoir de vraiment me soutirer des larmes, ou est-ce que quand je lis, si je ressens une tristesse, ça reste un chagrin sec qui ne coule pas sur ma peau ? Ce que je trouve, en lisant, c'est une émotion sans fond, une langueur qui est à la fois extrême jouissance et extrême douleur. Cette impression que laisse la beauté parce qu'on ne peut pas l'attraper. Elle disparaît au moment même où on pense la tenir entre ses doigts, et c'est justement cette évanescence qui la fait. Est beau ce qui nous échappe, et ma tristesse naît à cet endroit. Là où ce que j'aime est sur le point de disparaitre. Où sa disparition est indémaillable de mon amour. C'est la beauté du seuil, du pas de la porte, de ce qui avance sur un fil de fer, à flanc de falaise, au bord du gouffre.
Il nous importait plutôt de comprendre que là où il a assez d’espace pour ambiguïté, les malaises et les incitations au silence, il y en a forcément pour les remises en question
Le geste féministe quand une femme élève la voix pour dire non. Le geste féministe quand une femme choisit de lier sa propre voix à celles des autres femmes parce qu’elle sait que dans l’alliance réside l’espoir d’une résistance, d’un changement même
à cause de cette complexité, il faut accepter d’interroger la place de l’université dans le monde, son rapport au sexisme et à la culture du viol, et dès lors aussi la notion de consentement
Poser la chose sur la table et ne pas faire l’économie des réflexions éthiques et politiques qui s’imposeraient
La visée du dispositif romantique n’est-elle pas précisément d’occulter – de nier – la présence et le travail des rapports sociaux qui déterminent nos positions, qui nous identifient ?
Le pouvoir de ce professeur se trouve dans le miroir qu’il tourne vers l’étudiante qui ne sera jamais sa collègue, et qui ne l’aurait jamais vraiment été
C’est pourquoi j’hésite entre insister sur ce que chacune d’elles avait d’unique (et qui s’est perdu) et les situer dans cette série dont je soupçonne que plusieurs d’entre elles y auraient échappé si on leur avait donné la possibilité d’en mesurer l’ampleur
Il est facile, dans ce contexte où les étudiantes passent et où les professeurs restent, de répéter l’histoire comme si à chaque fois elle était neuve, sans conséquence
par quel mythe étaient animés mes professeurs, quel mythe travaille les Professeurs de ma cohorte, Hollywood, telle Echo inopinément jetée à leurs pieds ? Pygmalion donnant sa vie à sa Galatée ?
leur savoir est à peine mis en cause et presque accessoire, comme si une femme désirable ne pouvait être une femme savante, et vice-versa. Bien que savantes, leur savoir est rapidement mis de coté et la fiction fait d’elles plutôt des objets de désir, des objets à conquérir
Si vous êtes assez bonne pour écrire avec eux, vous êtes assez bonne pour qu’ils écrivent avec vous. Et s’ils ne savent pas écrire avec vous, venez écrire avec moi
le professeur donne l’impression de tirer l’étudiante vers le haut, le savoir et l’argent, alors que dans les faits, il la laisse là où elle est
Il nous faudra également repenser les fondements culturels d’une institution où l’élitisme n’est pas seulement économique et où l’accessibilité réelle va bien au-delà d’une question de frais de scolarité
J’étais coupable de réclamer l’égalité, d’exiger la justice. J’étais coupable de renvoyer, sans cesse, l’image-témoin de corps de femmes violés, battues, assassinées
Le boys club emprunte à la machine et à la discipline ; il est éléments de grammaire dans le langage des rapports de sexe
D’un coté, des filles en série invisibilisées par leur mise à mort ; de l’autre, des boys club formés par une majorité d’homme blancs en complet-cravate, invisibles dans leur exercice du pouvoir