Citations de Martine Delvaux (131)
Je t’aime et je vis avec toi, et ce qui m’importe le plus, c’est que tu existes. Que tu comprennes que tu en as le droit. Que tu saches, au plus profond de toi, que le monde est à toi. Qu’il doit être à toi comme il doit être aux autres. Que tu dois pouvoir y avancer librement. Ce qui veut dire y croire. Ce qui veut dire en faire partie, tout simplement, sans même penser que ça puisse ne pas être le cas.
Et en même temps, ça veut dire: être prête à exiger, insister, réclamer, t’indigner. Parce que malheureusement, encore maintenant, ça ne va pas toujours de soi.
En 1972, Berger (John Berger) en passait par un rapport à l'image pour nommer la différence sexuelle, proposant cette lecture féministe de notre société où les femmes, parce qu'elles sont toujours l'objet du regard des hommes, que c'est en quelque sorte leur fonction, la place qu'elles occupent principalement, en viennent à se dédoubler. Les femmes, selon Berger, seraient tellement vues que l'image finirait par vivre à leur place, de telle sorte qu'on ne saurait plus distinguer la femme de l'image. On pourrait même dire que parfois l'image occuperait si bien la place qui incombe à la femme que la femme réelle mourrait pour la lui céder, dès lors remplacée par l'image-artifice, l'image-vêtement, l'image-peau qui rend la chair obsolète.
(...)
Nelly Arcand demande si les femmes peuvent arriver à se libérer de l'image, et si elles le pouvaient, qu'est-ce qu'il resterait d'elles? Est-ce qu'il y aurait quelque chose sous l'image? Peut-on vivre en tant que femme hors image?
En tombant, les filles ne meurent pas : elles se mettent au monde.
Il s'agit d'un récit d'une histoire qui n'existe pas.
Entre nous, l'amitié n'a jamais été un pis-aller, une sorte d'amour confit. Nous n'avons pas plié nos sentiments en figures d'origami. Le temps n'a pas de nous des obsessionnels endurcis.
Au fond, nous nous sommes restés fidèles.
Parfois, quand la beauté frappe, je ne sais pas l’absorber. Elle est lourde, dense, elle prendre toute la place, et je comprends pourquoi les touristes placement un objectif entre le monde et le regard qu’ils posent sur lui. C’est un geste qui sert à se protéger. La beauté peut être insupportable, elle peut faire du monde un lieu impossible, car si on la perd après l’avoir trouvée, qu’est-ce qu’il nous reste?
Je voulais taper sur le clavier comme je t’avais embrassé, comme j’avais mordillé ton visage, parce que rien ne pouvait satisfaire l’envie que j’avais de toi, de faire l’amour avec toi, comme si ma vie en dépendait, m’abandonner à ton corps, me couler sous ta peau.
Il aurait fallu que je refuse de répondre, absolument. Il aurait fallu que moi aussi, comme lui, je laisse tomber mon regard à côté. Que je ne m'attarde pas à sa question. Que je ne la considère pas. Que je lui fasse à lui ce qu'on fait aux femmes depuis toujours : l'effacer, l'invisibiliser, pour qu'il ne compte pas.
P.10
Vouloir plaire aux hommes fait perdre beaucoup de choses.
4. « Ainsi, quand Nelly Arcan s'enlève la vie, est-ce qu'elle ne met pas à mort l'image ? On accuse souvent Nelly Arcan d'avoir tissé son propre linceul, de s'être fait prendre au piège de l'apparence (en acceptant de transformer son corps à coups de chirurgies et d'entrer dans l'arène du cirque médiatique) et d'y avoir laissé sa peau. On l'accuse, comme si les femmes avaient le choix de s'en sortir ou non, comme si elles pouvaient faire la grève de l'image. On l'accuse en faisant abstraction du commentaire implicite qui accompagnait son autoreprésentation, sa façon singulière de se mettre en scène en tant qu'image pour nous jeter à la figure ce qu'on fait des femmes socialement. En oubliant aussi la part qui lui revenait et son désir de jouer avec l'image (comme en témoignent les photographies dont elle a elle-même décidé et qu'elle a mises en scène).
Nelly Arcan demande si les femmes peuvent arriver à se libérer de l'image, et si elles le pouvaient, qu'est-ce qu'il resterait d'elles. Est-ce qu'il y aurait quelque chose sous l'image ? Peut-on vivre "en tant que femme" hors image ? » (pp. 168-169)
L'homme par défaut ne reconnaîtra pas, voire ne se rendra pas compte des avantages qui proviennent de son appartenance à la tribu parce que, suivant le projet capitaliste dans lequel il s'inscrit pleinement, il est d'abord et avant tout un individu. S'il a du succès, c'est grâce à son seul mérite. (...) Les identités et les communautés n'existent qu'au regard de l'homme par défaut, et en tant que sous-catégories, c'est-à-dire des ensembles d'individus moins importants. Les communautés sont les autres, alors que l'homme par défaut appartient à « la société ».
le questionnaire de la douleur a été créé en 1975 par Ronald Melzack et Warren Torgerson de l’Université McGill pour que les patient.es puisse partager l’intensité du mal ressenti, pour que les soignant.es puissent proposer des traitements adéquats, et même si on sait aujourd’hui que la douleur est impossible à quantifier, on fait toujours semblant que oui
Tu n’as pas lu mes livres. Tu n’as jamais été particulièrement intéressée par cette partie de ma vie. Tu m’as accordé cette liberté. Mais quand tu as lu les premières pages de ce qui allait devenir ce livre, les larmes ont coulé sur ton visage. Tu m’as dit : Personne n’a jamais écrit des choses comme ça sur moi.
Toi, tu n’as jamais été à moi. Je te porterai toute ma vie, du plus près au plus loin. Mais toi, tu n’as pas à me porter.
A la fin, je trouve cette phrase, celle qui attrape en quelques mots l’essence de ce que je voudrais te transmettre : Si je pense, peut-être que je résiste.
À quoi ressemblerait une ville non sexiste ? demandait Dolores Hayden. À des espaces communs et coopératifs (des immeubles d’habitation construits autour de cours intérieures, ou des quartiers où il est possible de faire du covoiturage), des rues et des parcs sécuritaires, c’est-à-dire accessibles et bien éclairés, des réseaux de transport collectif (métro, autobus, vélos) aux horaires agencés et adaptés aux vies des femmes, plus à même de se déplacer plusieurs fois par jour (elles sont encore souvent responsables des tâches domestiques, des soins à donner, en plus du travail salarié, et sont plus fréquemment pigistes que leurs pairs). À Vienne, en 1993, des urbanistes ont développé le projet Frauen-Werk-Stadt (Femmes-Travail-Ville), élaborant des immeubles à logements, où on trouvait aussi des garderies, des pharmacies, des cliniques médicales. La Ville de Vienne elle-même, prenant le relais, a élargi les trottoirs, éclairé les sentiers et les ruelles, redessiné les parcs afin qu’on puisse y circuler en sécurité.
D’où, par exemple, l’importance, comme le pointe Jackson Katz, de ne pas utiliser la voix passive qui efface la subjectivité de l’agresseur quand on parle de violence envers les femmes : ne pas dire que les femmes sont battues ; puisqu’elles sont battues par des hommes, dire que des hommes les battent. Ne pas dire que des femmes sont victimes d’agressions sexuelles ; dire que des hommes les ont agressées sexuellement. Et ainsi, faire porter aux hommes leur responsabilité.
Darryl n'est pas attendrissant, malgré ses larmes à la fin du film, quand il voit passer à la télévision un avis de recherche pour Thelma et Louise. C'est une brute, et son désarroi devant la cavale de Thelma a moins à voir avec sa peine de la perdre qu'avec la honte de ne pas avoir été capable de la contrôler.
Parce que je me suis trouvée dans une relation de merde pendant trop longtemps avec une vidange qui ne comprendra jamais tout le mal qu’il a fait.
T’as rien compris, t’as tout compris, il y a toujours du sexe qui te devance, même si toi tu ne connais rien. Ça t’arrache à l’enfance, te prive de ta légèreté corporelle et de ton insouciance, ça te vole une part de ta joie. On ne te laisse pas en paix.