Citations de Mary Costello (96)
Luke les observe longuement. Moins mélancoliques que les vaches de son enfance. Celles de l’ère moderne sans doute victimes des interférences des signaux satellite ou des antennes téléphoniques, ou encore des bips électroniques et des ondes spectrales qu’émettent les diodes luminescentes dans la salle de traite, tout ce tumulte qui pénètre leur conscience et les modifie, viciant leur nature et émoussant leurs sens. Pauvres brouteuses post-industrielles. Il s’abîme dans leur contemplation. Cette façon qu’elles ont de lever la queue pour uriner, déféquer et mâcher dans le même élan, et sans un battement de cils.
Un torchon est un nid à microbes, deux cent mille fois plus qu’un siège de toilettes, il a lu ça quelque part. C’est forcément faux, non ? Son regard est attiré par des taches de pourriture entre les carreaux, là où torchon et joint étaient en contact. Des microbes, des colonies de bactéries qui se divisent et se multiplient dans le noir, ici, sous son nez, depuis des années. Des générations entières. Dans chaque recoin, partout, ça grouille.
Mingo. Quel regret de ne pas avoir étudié le latin. De ne pas savoir conjuguer, reconnaître immédiatement la racine de tel ou tel mot. Il se plante devant le miroir.
Au milieu de l'hiver, j'apprenais enfin qu'il y avait en moi un été invincible.
Albert Camus
... elle bataillait contre le Paradis jusqu'à ce que le Paradis l'emporte et qu'elle quitte cette Terre.
Il y a, chez certains d'entre nous, une solitude fondamentale... elle est en vous.
[...] la lecture, semblable, même, à ce que l'on ressent lorsqu'on tombe amoureux, songeait-elle, brassant, pour ainsi dire, le genre d'émotions violentes et de sensations extrêmes qu'elle convoitait, l'innocence et la nostalgie qui la renvoyait, à ces états à peu près parfaits vécus enfant. Elle était d'avis désormais que pareille évocation, pareille expérience en rêve étaient suffisantes, voire, dans leur perfection, préférables aux médiocres espoirs enchâssés dans la réalité.
Elle avait cherché, systématiquement, une validation tacite à chacun de ses actes-comme privée de volonté propre, comme si un père ou une mère, ou Dieu en personne, était assis en permanence sur son épaule droite, exerçait l'ascendance sur ses pensées et ses décisions. Et lorsque la validation n'avait pas été obtenue, ou qu'elle allait lui être refusée, elle se réfugiait dans sa placide passivité.
Bien écrit, et bien traduit, ce court roman relate de manière linéaire, sans passion, l'existence de Tess, de son Irlande natale à New York.
Les jours passent et se ressemblent.
C’est facile de pardonner à une mère.
L’amour avait bien existé, elle avait perçu son pouls, sa vibration intime. Même si leurs corps, cette nuit-là, n’avaient donné aucune beauté à l’acte de chair en lui-même. Mais il y avait eu de l’amour, oui. Avec pour résultat un enfant, qui était venu au monde doté de toutes ses facultés.
L’adolescence venue, elle remarqua un déclin, une érosion de sa curiosité naturelle, un délitement de sa soif de connaissances. Il ne lisait plus pour le plaisir. Il passait ses soirées dans sa chambre, étendu sur le lit, à écouter de la musique, le regard fixé au plafond.
Je suis tombé amoureux des échecs quand j’étais gamin – amoureux des pièces de l’échiquier d’abord, le fou, le cavalier. Chaque partie est une odyssée.
J’ai toujours l’impression d’être un voyageur qui se rend quelque part, à une destination quelconque… je sens en moi un feu… les passants ne voient qu’un peu de fumée… je sais que je pourrais être un homme tout à fait différent… Il y a quelque chose en moi.
Des jours durant, elle n’ose pas regarder son père. Elle essaie de ne pas le croiser. Il a une façon de la fixer, avec méchanceté, comme s’il s’apprêtait à dire quelque chose de terrible et l’humilier. Il garde les yeux braqués sur elle tandis qu’elle s’affaire dans la cuisine. À chaque pas elle craint que le sol ne s’ouvre sous ses pieds et ne l’avale. Elle a du mal à respirer. Je n’ai pas de mère, pense-t-elle, je n’ai pas de père.