Citations de Maryse Wolinski (76)
Je pense à la jeune fille qui n’hésitait pas, en public, à s’asseoir sur mes genoux, à m’offrir ses lèvres pour des baisers à couper le souffle. Et elle me le coupait, le souffle, cette jeune fille rousse, avec son charme, son intelligence, ses désirs. Aujourd’hui, tu as toujours autant de charme, sinon plus, autant d’intelligence, sinon plus, mais tu n’as plus de désirs.
Combien d’épouses s’étaient vautrées, mélancoliques, sur la soie élimée et pâlie des canapés et des bergères de bois doré ? Combien s’étaient appuyées sur le secrétaire de palissandre ou sur l’écritoire aux pieds sculptés pour rédiger quelques mots à leurs amants ?
J’ai toujours méprisé ce genre d’arrogance désinvolte, cette suffisance insolente que certains hommes se croient obligés d’arborer dès qu’ils sont en présence d’une femme. Je décidai de ne plus lui prêter attention et détournai le regard vers la vitre.
L’alcool agissant sur lui comme un aphrodisiaque,il m’imposa ses assauts. Ses mains pétrissaient mes chairs, son sexe me violentait, ses baisers, son haleine… Cette nuit-là, ma répugnance fut encore plus radicale qu’à l’habitude. Mon corps était devenu aussi rétif que mon imagination. J’avais comme oublié tout ce que j’avais aimé auparavant : notre langage, nos codes, nos rituels, nos secrets. Ne restait que l’humiliation de l’amour extorqué sans désir et sans plaisir.
L’excitation qu’il tentait de faire sourdre, les gestes et les mots qui avivaient son désir n’avaient aucun effet sur moi. À bout de forces, il laissa jaillir son plaisir dans un gémissement. Une onde réflexe, faible et furtive, vibra entre mes jambes.
À dix-huit, seule, brisée et avec juste de quoi payer le voyage, je partais pour Casablanca où un médecin avortait « dans les meilleures conditions », moyennant une somme considérable empruntée à un ami qui, à mon retour, me proposa de ne pas le rembourser si j’acceptais de coucher avec lui… En fin de compte des étreintes sans flamme, sans plaisir et, pour l’époque, un chemin de croix peu original ! Le sexe avait fini par se confondre avec l’agression et la violence, la douleur et la culpabilité, mais surtout pas avec l’amour.
J’obtins des scoops, des interviews jusque-là impossibles, je montai des reportages difficiles. Finissant, malgré les obstacles dressés par mes adversaires devenus nombreux depuis mon mariage, à prendre du galon au journal. Que pouvais-je espérer de plus ? Désormais, j’avais tout, je pouvais tout !
J’observais le comportement des hommes à l’égard des filles qui se dirigeaient vers le bal, leurs gestes déplacés et leurs paroles grossières, prêts à tout pour grappiller du plaisir et de l’aventure. Le ressentiment montait en moi.
Après une enfance et une adolescence vécues dans les turbulences, Louis m’apparaissait comme une sorte de sauveur, de refuge. Il me sembla qu’il y avait dans notre rencontre quelque chose d’inéluctable.
À force d’être heureuse, j’ai longtemps oublié le sens du mot bonheur. Je n’y pensais même jamais. Les jours s’écoulaient dans une sérénité benoîte et je n’en avais pas conscience ou plutôt, cela m’apparaissait comme un état normal.
Creuser les bas-fonds de la mémoire provoque des douleurs intenses dans tout son corps. Elle en pleurerait si il lui restait quelques larmes. Mais elle n'est qu'une vieille femme hantée par une histoire dont elle n'est même plus capable de savoir comment elle l'a vécue. Le passé s'éloigne d'elle et le présent est un vain mot. (p. 200)
Le miroir ne reflète plus qu'une ombre indécise d'elle-même. Les contours de son visage se font de plus en plus imprécis. La vue s'évanouit avec la vie. Peut-être est-ce mieux ainsi. Ne pas savoir ce que l'âge a bouleversé, ignorer les sillons que l'existence trace sur la peau. Être à côté de soi. Seul le regard de Cécile la rappelle à sa condition de femme de quatre-vingt-dix ans. (p. 152)
Tant que sa mère vivra, son existence sera en désordre. Après, elle s'encombrera de son absence. (p. 87)
Il n'y avait rien à comprendre au sentiment d'amour. On en était affecté comme d'une grippe. Seulement, des traitements existaient pour guérir de la grippe, rien encore n'avait été inventé pour se délivrer de la maladie d'amour. (p. 43)
Elle voudrait être cette note qui vient d'éclater et fait tressaillir sa mère, bouleverse son visage, embrume son regard. Elle voudrait être le violon que sa mère tient sous le cou et qu'elle manie avec prudence, douceur, grâce, amour. Elle voudrait être la partition sur laquelle elle penche ses grands yeux aux reflets d'or. Elle voudrait être la musique qui emplit la vie de Marta, ou devenir sa confidente. Elle voudrait être Mozart pour que sa mère l'admire. (pp. 12-13)
Et de quoi souffre-t-on quand un homme vous préfère une autre femme... On souffre d'être devenu insuffisant. In-suf-fi-sant.
Françoise GIROUD
On a aussi peu de raisons d'aimer que de désaimer.
J'ai hâte de lire ta lettre ouverte. Je n'ai jamais cherché à te comprendre. D'ailleurs je ne comprends jamais rien...
Je t'embrasse amoureusement, la tendresse, c'est chiant.
Georges WOLINSKI
L e pire a de l’avenir, tel était le titre prémonitoire d’un livre de Georges.
La force de pouvoir rire des chose de la vie est la meilleure arme du couple.
Ces dernières années, les scènes de guerre, il y en a partout dans le monde, sur tous les continents. Les fanatiques sont à l'oeuvre. La télévision et certains journaux en font leur miel. (p.71)